Cours : Droit général des sociétés : du projet de société jusqu à sa dissolution

Documents pareils
QUID DES ACTES CONCLUS PENDANT LA PERIODE DE FORMATION DE LA SOCIETE?

Algérie. Code des sociétés (livre 5 du code de commerce)

Responsabilité pénale de l association

Cour de cassation Chambre commerciale Cassation partielle 30 mars 2010 N

La mise en cause de la responsabilité des dirigeants : La faute de gestion

La prise illégale d intérêts

L INDIVISION. légal conventionnelle régime conventionnel

Responsabilité civile des administrateurs et des réviseurs d une société anonyme : questions choisies

b) Et. Domicilié, éventuellement représenté par., ci-après dénommé «le Courtier», de seconde part,

L INFORMATION DU CREANCIER MUNI DE SURETE... 2

Obs. : Automaticité de la pénalité de l article L C. ass. : la victime n a aucune demande à formuler

L'APPLICATION DANS LE TEMPS DES ASSURANCES DE RESPONSABILITE CIVILE

Code civil local art. 21 à 79

Référence. Référence Titre premier : Dispositions générales Titre II : De la société en nom collectif Titre III : De la société en commandite

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANçAIS

Renonciation réciproque à recours au bail et assurances

La fausse déclaration de risques en assurances

6.12. Intérêts entre un dirigeant d entreprise et sa société

COUR DE CASSATION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E. Audience publique du 16 janvier 2014 Cassation Mme FLISE, président. Arrêt n o 47 F-P+B

V I E L & C i e Société anonyme au capital de Siège social : 253 Boulevard Péreire Paris RCS Paris

La répartition du capital de Accor est détaillée dans la partie 6 de la présente note.

Chapitre 9 : La transformation de la SA

Implantation au Maroc

SOS OPPOSITION SUITE A FRAUDE A CARTE BANCAIRE

ASSURANCE : DÉFINITION***

Conditions Générales Location d équipements terminaux

CONVOCATIONS BOURSE DIRECT

SCOR SE STATUTS. Société Européenne au capital de ,53 euros Siège Statutaire : 5, Avenue Kléber Paris R.C.S.

Responsabilité civile et pénale des associations

LES SANCTIONS DU POUVOIR DANS LES SOCIETES. Rapport luxembourgeois. Alex ENGEL Avocat au Barreau de Luxembourg

La délégation de pouvoirs

La délégation de pouvoirs

Société Anonyme au capital de Euros Siège Social : 57 rue Saint-Cyr LYON R.C.S.Lyon

Décret - Loi- Nº 70/95 Sur les Sociétés Anonymes Offshore

REPUBL QUE FRANCA SE

LA RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS

TITRE V : ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIF

CONVOCATIONS WEBORAMA

B.O.I. N 71 DU 6 OCTOBRE 2011 [BOI 7I-1-11]

FICHE N 8 - LES ACTIONS EN RECOUVREMENT DES CHARGES DE COPROPRIETE

Mise en œuvre de la responsabilité du maire

Le sort fiscal d un contrat d assurance vie nanti : Quelques précisions

Avis n du 15 septembre 2011

EDITION MULTI MEDIA ELECTRONIQUES

Séance du 5 décembre 2014 : avis rendus par le comité de l abus de droit fiscal commentés par l'administration (CADF/AC n 10/2014).

STATUTS TITRE PREMIER CONSTITUTION ET OBJET DE LA SOCIÉTÉ

OPÉRATIONS INDIVIDUELLES POLICE D ABONNEMENT

Chapitre 2 L inexécution des contrats: la responsabilité contractuelle

Conditions générales d assurance pour les assurances de crédit de fabrication pour les crédits aux sous-traitants CGA FA-ST

inférieur par rapport aux créances de tous les autres créanciers et ne seront remboursés qu'après règlement de toutes les autres dettes en cours à ce

Etablissement et dépôt des comptes consolidés et du rapport de gestion consolidé

La clause pénale en droit tunisien 1

Responsabilité des dirigeants et de l'association

CONDITIONS GÉNÉRALES

La protection des associés en droit congolais et en droit OHADA

Il est fondé entre les adhérents aux présents statuts une association régie par la Loi 1901, ayant pour titre :...

STATUTS. Statuts de l'asit Association suisse d'inspection technique. I. Nom, but, siège et durée de l'association.

CONVOCATIONS SOCIETE FRANCAISE DE CASINOS

CONVOCATIONS MAUNA KEA TECHNOLOGIES

RESPONSABILITE DES ASSOCIES DECIDANT UNE REVOCATION CONTRAIRE A L'INTERET SOCIAL ET DANS L INTENTION DE NUIRE AU GERANT REVOQUE

La Faculté de Droit Virtuelle est la plate-forme pédagogique de la Faculté de Droit de Lyon

copyright CNCC NI V. COLLECTION NOTES D INFORMATION

ISF-INVEST. - article 1 : Constitution et Dénomination. - article 2 : Objet. - article 3 : Siège social. - article 4 : Durée de l association

CONDITIONS PARTICULIERES NUMEROS SVA

STATUTS D'UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE. Nom de la Société AU CAPITAL DE DINARS

Responsabilité des dirigeants d entreprise en société

Les sociétés agricoles

Contrat de partenariat et domaine public

Avertissement : ceci est un corrigé indicatif qui n engage que son auteur

LE CREDIT-BAIL MOBILIER & IMMOBILIER. Traitements comptables des opérations dans le cadre du crédit-bail mobilier et immobilier. TABLE DES MATIERES

Droit Commercial. Notes personnelles. La Responsabilité. Responsabilité civile. La Responsabilité. Page : 1

STATUTS VERSION Elle est constituée en date du 29 septembre La liste des membres fondateurs est annexée aux présents statuts.

Responsabilités juridiques et sécurité dans les accueils collectifs de mineurs

La responsabilité civile et l'entreprise

LE DOCUMENT UNIQUE DE DELEGATION

2. Scission de l'action et du strip VVPR de la SA Ets Fr. Colruyt : 1 action existante donne droit à 5

RESPONSABILITES ET ASSURANCE DANS LE DOMAINE ASSOCIATIF

COGECO CÂBLE INC. RÉGIME D OPTIONS D ACHAT D ACTIONS. 17 juin 1993

Les modalités de la vente. La société civile immobilière SCI.

LA PROTECTION DU PATRIMOINE DU CHEF D ENTREPRISE. Les petits déjeuners de l entreprise

Les crédits à la consommation

Loi n Relative aux sociétés anonymes*

Délibération n du 27 septembre 2010

Fiche d information relative au fonctionnement des garanties «responsabilité civile» dans le temps

Les responsabilités des professionnels de santé

01_15. Directive sur la poursuite contre un mineur

PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR LE SÉNAT

ACTUALITES FISCALES. Loi de finances 2014 : les censures du Conseil Constitutionnel

CODE DES SOCIETES COMMERCIALES 1

Clause assurance des conventions de Maîtrise d œuvre > 15 M HT

La Responsabilité Civile et Pénale de l Administrateur dans la Moyenne Entreprise

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l arrêt suivant :

LOI N du 14 janvier (JO n 2966 du , p.3450) CHAPITRE PREMIER DE LA PREVENTION DES INFRACTIONS

Articles-CODE DES ASSURANCES

Mmes, MM les Directeurs du RSI Mmes, MM les agents comptables du RSI Mmes, MM les responsables des organismes conventionnés du RSI

CONTRAT OBSEQUES ET TUTELLE : UN ARRET* PRECISE LES MODALITES D APPLICATION

Services Investisseurs CIBC Convention de modification Fonds de revenu viager (Québec) Loi sur les régimes complémentaires de retraite du Québec

PLAN DE WARRANTS 2014 EMISSION ET CONDITIONS D EXERCICE

La responsabilité civile et pénale. Francis Meyer -Institut du travail Université R. Schuman

S T A T U T S. de la. Fédération Suisse des Centres Fitness et de Santé FSCF

Transcription:

Cas pratique Cours : Droit général des sociétés : du projet de société jusqu à sa dissolution Enoncé : Pascal est lié par des relations amicales très fortes avec deux autres femmes d affaires Lucie et Bénédicte. Il avait créé sa propre société il y a plus de dix huit mois. Il est l'un des fondateurs et en conséquence il a conclu divers contrats pour le compte de la société en formation, dont un contrat de matériels informatiques, une semaine avant la signature des statuts, d une valeur de 12000 et un autre contrat, au mois de septembre dernier, portant sur la fourniture de meubles de bureau, d une valeur de 9000. Aujourd'hui cette société n'est toujours pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés mais Pascal vient de recevoir des lettres recommandées lui demandant de régler immédiatement les engagements qui avaient été souscrits et qui ne sont pas encore honorés. Lucie, débutante dans les affaires, s'inquiète pour lui. Bénédicte a elle aussi un ami, Jean, qui a participé à la création de la société Wipode ayant pour unique objet social la vente sur internet d appareils-photos numériques toutes marques. Il ne détient dans la société, aujourd'hui très prospère, que 30% des parts sociales. Franck, gérant de la société, soucieux d augmenter le chiffre d affaires et les bénéfices nets, a passé, pour le compte de la société, de grosses commandes de meubles Hi Fi. Les rapports entre Jean et Franck deviennent de plus en plus tendus, à telle enseigne qu'il envisage de quitter la société. Bénédicte, au contraire, pense qu'il devrait être plus tenace et essayer de devenir à son tour le gérant. Jean confie à Bénédicte que Franck, complètement absorbé par les affaires florissantes de la société Wipode, a omis de payer les primes d assurance d un véhicule de livraison de la société et ce, malgré de multiples relances de la part de la compagnie d assurance. Il a même autorisé un salarié de la société d utiliser ce véhicule qui, lors d une livraison, a causé un accident de la circulation. Manifestement, Franck est un homme d affaires très ambitieux. La société anonyme LE CAVALIER dont il est le président-directeur général, ayant besoin de nouveaux fonds propres, a décidé de procéder à une augmentation de son capital. A cette fin, un accord d'investissement a été négocié avec la Banque TRANSCAPITAL, aux termes duquel cette banque s'engage à participer à l'augmentation du capital de la S.A. prévue dans un an en souscrivant 3000 actions nouvelles au prix de 100 chacune, Franck promettant, quant à lui, de racheter les actions détenues par la Banque TRANSCAPITAL dans le cas où cette dernière en ferait la demande dans trois ans entre le 1er et le 31 janvier, à un prix minimum égal à celui de leur souscription augmenté d un intérêt de 10 % par an. Question 1 : Dans quelles conditions, s effectue le passage d une société en formation vers une société créée de fait? Réponse 1 : Avant l'immatriculation d'une société, il peut être indispensable de passer certains actes dans l'intérêt de celle-ci. 1

Il résulte d'un arrêt de la Chambre commerciale du 23 juin 2004 (Biblio. : D. 8 juillet 2004, n 27, jp, p. 1976) que " l'existence d'une société créée de fait entre concubins exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société. Elle nécessite l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter". Ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres. Les juges du fond doivent établir l'existence d'un affectio societatis à partir d'éléments autres que ceux établissant "une mise en commun d'intérêts" ou de «biens inhérents à la vie maritale». (Biblio. : Guillaume Kessler : Société créée de fait : les leçons du droit comparé, D.06.01.2005, n 1, Chr. p. 86). Autre jurisprudence Une cour d'appel retient exactement qu'une société créée de fait n'est pas une personne morale et que, si ses membres ont agi en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres. De l'établissement par cette société de différentes pièces remises à une salariée, la cour d'appel conclut exactement que ses membres ont laissé prospérer l'apparence d'une société entre eux et décide à bon droit que le jugement rendu contre la société créée de fait peut être exécuté à leur encontre (cassation (2e civ.) 22 mai 2008, M. Lapierre et Mme Pariente c/ Mme E. Viale, Jean-François Barbièri, Revue des sociétés 2008 p. 630). Commentaire : Un certain délai s'écoule entre le moment où les associés conviennent de constituer la société et le moment où elle est immatriculée. Pendant cette période, la société est dite en formation. Cette société n'a pas la personnalité morale. Des actes peuvent être accomplis pour son compte et le législateur a déterminé les personnes responsables de ces actes dans les articles 1843 du C.civ. et L 210-6 du Code du commerce. Avant l'immatriculation d'une société, il peut être indispensable de passer certains actes dans l'intérêt de celle-ci : par exemple, conclusion d'un bail, signature d'une promesse d'achat, engagement à l'égard d'un organisme administratif ; dans notre cas d'espèce il s'agit d'achat de matériel informatique et de meubles de bureaux. Réponse 2 : Les actes accomplis pendant la période de formation peuvent engager la société avant son immatriculation. Réponse fausse Commentaire : Ces actes ne peuvent pas engager la société puisqu'elle n'existe pas encore. Le sort de ces actes est réglé par l'article L 210-6 aux termes duquel «les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société». Réponse 3 : Il est très important d'annexer aux statuts un état des actes accomplis au nom et pour le compte de la société en formation. 2

Commentaire : Les associés ont intérêt à annoncer aux tiers contractants qu'ils agissent au nom et pour le compte d'une société en formation. Parallèlement, au niveau de la société en formation, il est très important d'annexer aux statuts un état des actes accomplis au nom et pour le compte de la société en formation car ces statuts vont être signés par tous les associés et l'immatriculation de la société au RCS va emporter reprise rétroactive de tous ces engagements par la société qui viendra aux lieu et place des fondateurs qui avaient contractés. Il s'agit d'un procédé de reprise automatique qui concerne les actes passés avant la signature des statuts. Réponse 4 : Un mandat est nécessaire pour accomplir des actes après la signature des statuts et avant l immatriculation de la société. Réponse fausse Commentaire : Pour la période qui va s'écouler après la signature jusqu'à l'immatriculation au RCS, il est plus pertinent de donner un mandat à une personne nommément désignée (mandat spécial). Sous réserve que les actes ou engagements soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat, l'immatriculation de la société emportera reprise de ces actes ou engagements par la société (art D 26 alinéa 3 pour la SARL). Cependant, pareil mandat ne s impose si les associés fondateurs se font confiance mutuellement et sont disposés à reprendre après l immatriculation les actes accomplis par eux pour le compte de la société en formation. Il n en demeure pas moins qu un risque de non reprise ultérieure plane réellement sur eux ou sur certains d ntre eux. Prudence! En effet, Si les associés n'ont pas annexé les actes aux statuts ni donner un mandat spécial à l un d entre eux, ils peuvent encore décider cette reprise après immatriculation de la société (Cass. Com. 12/02/1974 : revue des sociétés 1974 page 493 note J Emard ; Cass. Com. 10/10/1984 : revue des sociétés 1985 page 821 note Burst). La décision doit être expresse et prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité des associés. Les faits de l'espèce démontrent que plusieurs contrats ont été passés et plusieurs créances sont demeurées impayées. Le créancier menace d'engager la responsabilité du ou des fondateurs. Selon l'article L 210-6 du Code de commerce, seules les personnes qui ont agi au nom de la société en formation, avant qu'elle ait acquis la personnalité morale, sont tenues des actes ainsi accomplis. Une décision récente de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (1er juillet 2008) semble consacrer la notion de mandat postérieur à l accomplissement d un acte accompli par un associé. Pour elle, l engagement pris par un associé pour le compte d une société à responsabilité limitée en formation peut être ratifié par un mandat donné par les associés avant l immatriculation de la société, laquelle emporte reprise de ces engagements par ladite société (Com. 1er juillet 2008, F-P+B, n 07-10.676 (Décision en ligne). Ainsi se trouve donc consacrée cette sorte de «mandat rétroactif», que l'on peut rattacher à la ratification envisagée par l'article 1998, alinéa 2, du code civil (V. obs. préc. Hallouin), et dont la survenance opèrera substitution de débiteur ab initio pour le cocontractant, qui n'aura plus pour répondre des dettes à son égard que la société (le plus souvent en cessation des paiements, c'est bien le problème), les associés ayant conclu l'acte se voyant, eux, libérés (Dalloz actualité 10 juillet 2008 ; A.Lienhard). Réponse 5 : La société en formation dont l activité dure depuis dix huit mois ne peut plus être qualifiée comme telle. C est une société créée de fait. Commentaire : La société créée de fait se rencontre lorsque des personnes qui, sans avoir passé un contrat de société, ont en fait adopté entre elles et à l égard des tiers, un véritable comportement d associés. 3

Il résulte d'un arrêt de la Chambre commerciale du 23 juin 2004 (Biblio. : D. 8 juillet 2004, n 27, jp, p. 1976) que " l'existence d'une société créée de fait entre concubins exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société. Elle nécessite l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter". Ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres. Les juges du fond doivent établir l'existence d'un affectio societatis à partir d'éléments autres que ceux établissant "une mise en commun d'intérêts" ou de «biens inhérents à la vie maritale». Elle est soumise aux dispositions relatives à la société en participation. Cependant, une société en formation peut dégénérer en société créée de fait. Il ressort de l'arrêt Cass. com., 26 mai 2009 déféré que la SNC en cours de formation, représentée par son gérant a contracté, le 1er octobre 1992, auprès de la banque un emprunt de 200 000 francs destiné à financer l'acquisition de 200 parts de la société Croisière des alizés ; les deux associés fondateurs de la SNC se sont portés cautions de celle-ci à hauteur de 200 000 francs chacun ; le prêt a été débloqué le 30 décembre 1993 par virement direct sur un compte bancaire ouvert au nom de la société Croisière des alizés ; les formalités d'immatriculation de la SNC n'ont pas été effectuées ; la banque a assigné l'un des fondateurs en remboursement du prêt. C'est en vain que ce dernier fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la banque une certaine somme. En effet, l'arrêt retient que la société, en cours de formation, avait pour objet social l'acquisition des parts de la société Croisière des alizés et que l'emprunt contracté par le gérant, au nom de la société, a servi à cette acquisition ; il retient encore que la personne actionnée en paiement s'était présenté comme l'un des associés de la société dans un courrier adressé à un tiers et avait participé à l'acte de prêt en s'engageant en qualité de caution avec le gérant envers la banque. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire qu'en l'absence d'immatriculation au registre du commerce une société créée de fait s'était substituée à la société en formation et que l'activité développée par les associés avait dépassé l'accomplissement des simples actes nécessaires à sa constitution (Cass. com., 26 mai 2009, n 08-13.891, F D, L. c/ Caisse régionale de crédit maritime mutuel du Morbihan et de Loire Atlantique : JurisData n 2009-048376 ; JCP-E-n 9, 4 Mars 2010, 1235, Dégénérescence d'une société en formation en société créée de fait, Raphaëlle Besnard Goudet). La société créée de fait n'est pas définie par les textes. Quant à son régime juridique il est celui de la société en participation, le législateur ayant procédé par renvoi (art 1873 C.civ.). Pour connaître l'étendue de la responsabilité des associés d'une société créée de fait vis-à-vis des tiers, il convient d'examiner quelle est cette responsabilité dans la société en participation. L'article 1872-1 C.civ. qui traite de cette question distingue deux hypothèses : Par principe, dans la société en participation «chaque associé contracte en son nom et est seul engagé à l'égard des tiers». Dans cette hypothèse, la doctrine évoque une société en participation occulte dans la mesure où les associés, à l'exception de celui qui agit, ne sont pas connus des tiers. La situation est radicalement différente dans les sociétés en participation ostensibles. En effet, dans ces dernières, les créanciers pourront agir contre l'ensemble des associés. Reçoivent cette qualification, les sociétés en participation dans lesquelles, soit «les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers», soit lorsque l'associé a laissé croire au contractant par son immixtion, qu'il entendait s'engager à son égard. Selon la jurisprudence, les participants ne peuvent être considérés comme ayant agi au vu et au su des tiers comme des associés que s'ils ont accompli des actes personnels vis-à-vis du créancier ou s'ils se sont immiscé dans l'accord passé avec ce dernier (Cass. Com. 15/07/1987 publiée revue des sociétés 1988 page 70, note du professeur Didier ; Cass. Com. 26/11/1996 publiée Bull Joly 1997 page 149 note du professeur Serlooten). Ainsi, la qualification de société en participation ostensible dépend intégralement de l'attitude des participants autre que celui qui a passé l'acte litigieux. Dans notre cas d'espèce, nous n'avons pas d'indication sur ce point mais il n'est plus question de parler d'une société en formation puisque celle-ci a une activité qui dure depuis dix huit mois alors que la société n'est plus en formation. Manifestement, il y a lieu de requalifier la société en formation, en société créée de fait. Par conséquent, Lucie devra savoir: que Pascal devra payer ces sommes s'il est le seul à avoir été en contact avec les tiers contractants 4

en revanche, si ces co-contractants sont intervenus de manière ostensible, au vu et au su des tiers, ils seront tous responsables solidairement à l'égard des tiers créanciers. Question 2 : Quelle est l étendue des pouvoirs dont pourrait être investi un gérant de SARL? Réponse 1 : Les pouvoirs du gérant sont limités par l objet social. Commentaire : Aux termes de l'article L 223-18 du Code de commerce : le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. La société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait ignorer compte tenu des circonstances. Les pouvoirs du gérant sont donc limités par les pouvoirs des associés (limites statutaires), par les lois et règlements (limites légales). Ici, le gérant Franck n'a pas respecté l'objet social puisqu'il a passé commande de meubles HIFI qui ne rentrent pas dans le cadre de l'objet social. Il y a donc dépassement de l objet social. La société devra payer cette facture car l'énoncé du sujet ne nous permet pas de dire que le tiers créancier savait ou ne pouvait ignorer ce dépassement ; il n est pas coupable d'une complicité de fraude avec le gérant. Réponse 2 : Le dépassement de l objet social par le gérant constitue un juste motif de révocation ne donnant pas lieu à l octroi de dommages et intérêts. Commentaire : L'article L 223-25 du Code de commerce confère aux associés représentant plus de la moitié des parts sociales le pouvoir de révoquer le gérant. De surcroît, le texte de l'article L 223-25 ne précise pas que le gérant associé soit exclu du vote. Il en résulte donc que celui-ci peut participer au vote du projet de résolution de sa propre révocation. La décision de révocation relevant d'une décision collective prise en assemblée générale, il conviendra, au préalable, de convoquer la réunion de celle-ci afin qu'elle délibère sur cet ordre du jour à moins qu'une assemblée soit déjà convoquée pour une date déterminée auquel cas la révocation pourra intervenir au titre des incidents de séance. S'il convient de provoquer la réunion d'une assemblée, il y a peu de chance que Franck, en qualité de gérant, procède à la convocation de celle-ci. Il faudra donc que Jean saisisse le président du tribunal de commerce statuant en référé afin de désigner un mandataire spécialement chargé de convoquer cette assemblée. Le respect de l'ensemble des règles liées à la convocation et à la tenue des assemblées est impératif car il a déjà été jugé que la révocation d'un gérant par une assemblée tenue irrégulièrement, est elle-même irrégulière. Enfin, reste la question de l'indemnisation du gérant à la suite de sa révocation. Celle-ci n'est due, aux termes de l'article L 223-25, que si elle est décidée sans juste motif. A ce titre, sont considérés comme de justes motifs de révocation, tant le non respect d'une clause statutaire limitant ses pouvoirs (tribunal de commerce de Toulouse 13/11/1940 JCP 1941 1ère partie, 1591 note Aulagnou) que le dépassement par le gérant de ses pouvoirs légaux (Cour d'appel de Dijoin, décision 02/11/1955 Gp 1956, 1ère partie JP page 42). En l'espèce, les faits reprochés à Franck sont constitutifs d'une violation des statuts et du dépassement de ses pouvoirs légaux. En conséquence, sa révocation, si elle intervenait serait considérée comme justement motivée et n'ouvrirait droit, à son bénéfice, à l'allocation d'aucun dommage et intérêt, sous réserve toutefois que celle-ci ne soit pas entourée de circonstances vexatoires. 5

Certes, Jean ne représente que 30% des parts sociales et devra convaincre les autres associés pour voter dans le même sens que lui et il n'est donc pas garanti que l'assemblée générale ordinaire des associés votera la résolution relative à la révocation du gérant. Toutefois il existe en outre la possibilité de saisir la justice pour obtenir la révocation judiciaire du gérant en place qui a manifestement violé les dispositions statutaires et légales. En outre, l'article L 223-25 du Code de commerce, prévoit que le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé. En conséquence, Jean pourra saisir le tribunal. Si la révocation intervient sur décision du tribunal, ce dernier devra vérifier que la révocation a eu lieu pour une «cause légitime». celle-ci revêt la même signification que le juste motif. Franck va être révoqué et en vertu de l'article L 223-22 du code de commerce, sa responsabilité civile vis-à-vis de la société pourra être engagée puisqu'il a violé une clause statutaire et outrepassé ses pouvoirs. La loi autorise les associés à agir en vertu de l'action sociale «ut singuli». Relevons que l'action en responsabilité civile prévue par l'article L 223-22 du Code de commerce se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou de sa révélation s'il a été dissimulé. Selon toute vraisemblance, Franck va non seulement être révoqué, mais devra réparer les préjudices sociaux éventuels si cette commande de meubles HIFI se révèle préjudiciable pour la société. Si, sur les conseils de Bénédicte, Jean persiste à vouloir rester associé puis devenir gérant de la société, il devra provoquer une réunion de l'assemblée générale ordinaire des associés pour que celleci le désigne en qualité de nouveau gérant. Sur ce point, nous ne pouvons pas lui garantir qu'il obtiendra gain de cause car pour être désigné comme nouveau gérant il lui faudra obtenir un vote à la majorité des parts sociales conformément aux articles L 223-18 & L 223-19 du Code de commerce. N.B. La chambre commerciale de la Cour de cassation avait, dans un arrêt du 6 mai 2008, estimé que le cessionnaire indirect, dirigeant de la SARL objet de la cession, avait manqué à l'obligation de loyauté à laquelle il était, en cette qualité, tenu à l'égard des associés cédants en s'abstenant d'attirer leur attention sur l'existence, dans le patrimoine de cette société, de bénéfices distribuables d'un montant supérieur à celui du prix stipulé (JCP-E-n 25, 18 Juin 2009, 1631 : De la réticence dolosive du dirigeant en matière de cessions de droits sociaux. - Quand déloyauté rime avec sévérité...etude rédigée par Myriam Roussille). Question 3 : Dans quelles conditions la responsabilité des gérants peut être engagée à l égard des tiers? Réponse 1 : Ne peut être qualifiée de faute séparable des fonctions que si cette faute est imputable personnellement au gérant. Commentaire : Les gérants sont responsables individuellement ou solidairement, selon les cas, envers la société ou envers les tiers (article L 223-22 alinéa 1er) : des infractions aux dispositions législatives ou règlementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, des violations des statuts, des fautes commises dans leur gestion, A l'égard des tiers la responsabilité des gérants ne peut être engagée que s'ils ont commis une faute séparable de leur fonction et qui leur soit imputable personnellement (Cass. com. 27/01/1998 n 313 : RJDA 5-98 n 610; Cass. com. n 91, 12/01/1999 RJDA 3/99 n 301 ; Cass. com. 20/05/2003 n 85 : RJDA 8/9/2003 n 842, conclusions VERICELLE page 717) Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales. (Cass. com. 20/05/2003 n 851). 6

Tel est le cas du dirigeant qui : a volontairement trompé un fournisseur sur la solvabilité de la société (Cass. com. 20/05/2003) ; s'est approprié le fonds de commerce d'une compagnie pétrolière en exploitant pour son compte une station service donnée à la société en location-gérance (Cass. com. 08/02/2005 n 187 : RJDa 5/05 n 175) ; a obtenu pour un client de la société une autorisation administrative en corrompant un fonctionnaire, la société n'ayant pu exécuter qu'artificiellement et frauduleusement ses obligations contractuelles (Cass. civ. 1ère chambre 06/10/1998 n 1463 : RJDA 12/1998 n 1362) ; a refusé obstinément et sans justification de verser à la SACEM les droits d'auteur dus par la société exploitante d'une discothèque (Cass. civ. 1ère chambre 16/11/2004 n 1653 RJDA 03/2005 n 277) ; a blessé lors d'une altercation un participant à un bal alors que sa société était chargée d'assurer le service d'ordre (Cour d'appel de Nancy 24/06/2004 : RJDA 02/2006 n 155) En l espèce, Franck s'est comporté de façon très négligente puisqu'il a omis de payer les primes d'assurance causant un préjudice à la compagnie d assurance. Sa responsabilité envers celle-ci est délictuelle dans la mesure où le contrat lie la compagnie d assurance à la société non au gérant personnellement. Le fait de ne pas payer les primes d assurance est considéré par la jurisprudence comme une faute détachable de ses fonctions de gérant (Cass.com. 4/07/ 2006, D.2006, p. 1958, obs. Lienhard). L'énoncé du sujet parle de multiples relances mais ne précise pas à compter de quelle date la compagnie d'assurance cessait de garantir le véhicule. Nous allons donc considérer que la compagnie d'assurance a dédommagé la victime en application de la loi de 1985 et du contrat qui la lie à la société Wipode, puisqu'elle a dû être appelée en garantie de la personne morale. En effet, la personne morale, propriétaire du véhicule, est responsable à l'égard du tiers des dommages provoqués par le véhicule puisqu'elle en est la gardienne mais aussi le commettant du préposé ayant causé l accident. Manifestement si la personne morale a été condamnée à payer un préjudice quelconque, elle peut, dans l ordre interne, se retourner contre son gérant qui a commis une faute très grave de gestion. Elle peut le poursuivre in solidum avec l employé. En effet, Franck était au courant des relances de l'assurance et malgré cela il a permis à un salarié d'utiliser ce véhicule qui a provoqué un préjudice. Un récent arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, en date du 10 février 2010 (Arrêt Pierre Cardin, Dalloz actualité 20 février 2009) indique que la faute détachable peut parfaitement être le fait de dirigeants «même agissant dans les limites de leurs attributions». La faute détachable peut donc parfaitement être commise dans l exercice des fonctions sociales. Dès lors, comme en l espèce, le dirigeant qui ne passe pas des provisions pour les redevances de trois contrats de licence abusivement résiliés puis pour le montant des condamnations prononcées à l encontre de la société commet une faute détachable dont il est responsable à titre personnel (Dalloz actualité 20 février 2009 ; A. Lienhard). Cela confirme une tendance jurisprudentielle déjà observée, selon laquelle, en présence de fautes d une particulière gravité, la chambre commerciale admet la responsabilité alors même que le dirigeant a agi dans le cadre de ses fonctions de gestion (V. Com. 6 nov. 2007 : JCP E 2007. 2520; Com. 7 mars 2006, Bull. civ. IV, n 61 ; D. 2006. AJ. 857, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2006. 644, note J.-F. Barbièri ; Com. 6 déc. 2005, Bull. civ. IV, n 245 ; D. 2006. AJ. 67, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2006. 141, obs. Le Cannu ; Rev. sociétés 2006. 570, note A. Cerati-Gauthier), donnant ainsi toute sa portée à la fameuse définition posée en 2003, qualifiant de fautes séparables «celles que le dirigeant commet intentionnellement et qui s avèrent d une particulière gravité incompatible avec l exercice normal des fonctions sociales (Com. 20 mai 2003, Bull. civ. IV, n 84 ; D. 2003, AJ. 1502, obs. A. Lienhard, Jur. 2623, note Dondero, et 2004. Somm. 266, obs. Hallouin; Rev. sociétés 2003. 479, note J.-F. Barbièri)».; Revue des sociétés, page 230, Hervé Le Nabasque, Note sous Cour de cassation (com.) 9 mars 2010, Sté EPF Partners c/ Abela (Arrêt Gaudriot) 7

Commet une faute intentionnelle d une particulière gravité le gérant de SARL qui accepte que la société exécute des travaux n entrant pas dans l objet social et qui n a pas souscrit l assurance obligatoire adéquate (Cass. com., 18 mai 2010, C. c/ Mme V. ; JCP-E- n 37, 16 Septembre 2010, 1793, Myriam Roussille). Tout est donc affaire de casuistique mais on comprend bien l esprit de l arrêt : le dirigeant a droit à l erreur mais persévérer dans l erreur engage sa responsabilité. On en revient donc au critère antérieurement retenu par certains arrêts de la faute d une particulière gravité qui pourrait se rencontrer dans de nombreuses circonstances. - Voir également : Revue des sociétés, page 230, Hervé Le Nabasque, Note sous Cour de cassation (com.) 9 mars 2010, Sté EPF Partners c/ Abela (Arrêt Gaudriot) : Les dirigeants engagent leur responsabilité envers les associés même pour des fautes qui ne sont pas détachables de leurs fonctions de dirigeants. Le préjudice des associés est personnel et distinct du préjudice subi par la personne morale - donc réparable - lorsqu'il consiste, au vu des informations trompeuses ou mensongères qui avaient été diffusées, dans la perte de la chance d'investir leurs capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé. La mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l'égard des actionnaires agissant en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales. Pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, elle peut être fondée sur le droit commun même si la société a fait l'objet d'une procédure collective. Le préjudice de l'actionnaire est évalué sur le fondement de la perte d'une chance (Cass. com., 9 mars 2010, Partners c/ A. : JCP-E-n 20, 20 Mai 2010, 1483. Nature des fautes susceptibles d'engager la responsabilité des dirigeants à l'égard des actionnaires et méthode d'évaluation du préjudice subi, Sophie Schiller. La mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l'égard des actionnaires agissant en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales (Marie-Laure COQUELET : La recevabilité de l'action en responsabilité de l'associé contre le dirigeant social n'est pas subordonnée à la preuve d'une faute détachable des fonctions, Cass. com., 9 mars 2010, n 08-21.547 et n 08-21-793, FS-P +B, SA EDF Partners c/ Abela:, Droit des sociétés n 6, Juin 2010, comm. 109) Réponse 2 : La réalisation d'une infraction pénale constitue en soi une faute séparable des fonctions, imputable au gérant. Commentaire : La jurisprudence a évolué sur ce point. Dans un premier temps, la réalisation d'une infraction pénale ne constitue une faute séparable que si le dirigeant s'est impliqué personnellement. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que des actes de contrefaçon de marque commis par un dirigeant constituait des fautes séparables dès lors qu'il avait agi de façon active et personnelle (Cass. com. 07/07/2004 n 1158 : RJDA 11/2004 n 1223) ou de manière délibérée et persistante (Cass. com. 25/01/2005 n 138 : RJDA 05/05 n 576). En revanche, elle a considéré que, même constitutif d'un délit, le défaut de souscription des assurances obligatoires de dommages et de responsabilités par le dirigeant d'une société de construction immobilière n'était pas séparable de ses fonctions (Cass. 3ème civ. 04/01/2006 n 1 RJDA 8/9/2006 n 916). En effet, si en matière pénale il n'y a point de délit sans intention de le commettre (Code pénal, article 121-3 alinéa 1er), cela ne signifie pas pour autant que la réalisation d'un tel délit constitue systématiquement une faute intentionnelle en matière civile. 8