Bureau Enquêtes-Accidents



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Transcription:

Bureau Enquêtes-Accidents RAPPORT relatif à l'accident survenu le 6 février 1998 au Lac du Bourget (73) à l'avion Gulfstream G III immatriculé VP-BLN VP-N980206 AVERTISSEMENT Ce rapport exprime les conclusions auxquelles est parvenu le BEA sur les circonstances et les causes de cet accident. Conformément à l'annexe 13 à la Convention relative à l'aviation civile internationale, à la Directive 94/56/CE et à la loi n 99-243 du 29 mars 1999, l'analyse de l'événement n'a pas été conduite de façon à établir des fautes ou à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives. Son seul objectif est de tirer de cet événement des enseignements susceptibles de prévenir de futurs accidents ou incidents. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. MINISTERE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT INSPECTION GENERALE DE L'AVIATION CIVILE ET DE LA METEOROLOGIE FRANCE

Evénement : Cause identifiée : collision avec la surface de l'eau. perte de références visuelles. Conséquences: Aéronef : un occupant blessé, aéronef détruit. avion Gulfstream G III, immatriculé VP-BLN. Date et heure : vendredi 6 février 1998 à 11 h 39 1. Exploitant : Lieu : Nature du vol : privé ; gestion technique assurée par Jet Aviation Business Jets AG, 8058 Zurich Airport, Suisse. Lac du Bourget (73), altitude 760 pieds. voyage. Personnes à bord : personnel navigant : 3 ; passagers : 2 Titres et expérience : - commandant de bord 60 ans, ATPL délivrée par la République Fédérale d'allemagne en 1984 et validée par les Bermudes en 1996, 9 173 heures de vol, dont 2 863 sur type ; - copilote 44 ans, CPL délivrée par la Suisse en 1988 et validée par les Bermudes en 1996, ATPL délivrée par la Suisse en 1997, 2 841 heures de vol, dont 415 sur type. Conditions météorologiques : - l'ensemble de l'europe est sous l'influence d'un vaste anticyclone ; - sur l'aérodrome de Chambéry, nuages bas et brouillard dominent toute la matinée et disparaissent assez rapidement entre 10 et 11 h ; - observation de 11 h : vent 180 / 2 kt, visibilité 2 500 m, ciel clair ; - observation de 12 h : vent calme, visibilité 4 000 m, ciel clair ; - position du soleil : azimut 3 E compté à partir du sud, hauteur 29 au-dessus de l'horizon. Circonstances A 11 h 20, l'appareil décolle de Genève (Suisse), à destination de Chambéry sous plan de vol IFR. A l'arrivée, le pilote intercepte le localizer pour un atterrissage en 1 Les heures figurant dans ce rapport sont exprimées en temps universel coordonné (UTC). Il convient d'y ajouter une heure pour obtenir l'heure en vigueur en France le jour de l'accident. VP-BLN - 6 février 1998 juillet 1999-2 -

piste 18. A 11 h 31, il est autorisé à descendre à 6 500 pieds et est transféré à Chambéry APP. Une minute plus tard, cette station lui confirme le contact radar, lui demande de réaliser une approche ILS 18, et lui donne les éléments météorologiques 2 : "wind calm, visi 2 500 m, mist, sky clear, T +2, Td -2, QNH 1024, QFE 996". A 11 h 37, le pilote s'annonce à 4 NM DME 3. Le contrôleur l'autorise pour l'atterrissage en lui indiquant un vent calme. L'avion prend alors une vitesse verticale plus importante et passe au-dessous du plan normal d'approche. Il heurte violemment la surface de l'eau à environ 0,6 NM du début de piste. Secours Grâce à un téléphone portable, un pêcheur, qui se situait dans la zone de l'amerrissage, a donné l'alerte. Les occupants ont évacué rapidement l'appareil qui prenait l'eau. Ils n'ont pas eu le temps de se munir de gilets de sauvetage et ont utilisé des coussins comme flotteurs. Un autre pêcheur, qui se trouvait non loin de là, les a récupérés dans son embarcation pour les conduire dans un port situé à proximité. En état d'hypothermie, ils ont reçu des premiers soins avant d'être conduits dans un hôpital pour des examens médicaux. L'hôtesse souffrait, en outre, d'une fracture du bras gauche. Témoignages Le pêcheur qui a donné l'alerte a indiqué qu'il avait vu l'avion suivre une trajectoire rectiligne, descendant régulièrement comme s'il voulait se poser sur le lac. Il a précisé que l'eau du lac ne présentait aucune ride à ce moment-là. Selon d'autres personnes, qui se trouvaient à bord d'embarcations ou près du rivage, de la brume flottait au dessus du lac au moment de l'accident. L'équipage n'a fait état d'aucun problème mécanique, instrumental ou de contrôle. Il a indiqué qu'il pilotait cet appareil depuis plusieurs années. Le commandant de bord avait déjà utilisé les installations de Chambéry la semaine précédente, par bonnes conditions météorologiques. Le jour de l'accident, il était pilote en fonction. A quelques milles marins du seuil, alors qu'il avait la piste en vue, il avait décidé de descendre sous le glide dans le but de réaliser une approche plus "plate", de passer le seuil vers 125 kt et d'éviter un freinage important sur la piste. Pendant sa descente sous le plan normal d'approche, il a été ébloui par le soleil et a perdu la piste de vue. Il a essayé de 2 "vent calme, visibilité 2 500 m, brume, ciel clair, température +2 C, point de rosée -2 C, QNH 1024, QFE 996". 3 Les références horaires et les informations de position s'appuyent sur les enregistrements de radiocommunications et sur les trajectoires radar. VP-BLN - 6 février 1998-3 -

retrouver des références visuelles extérieures mais il ne distinguait plus la surface de l'eau. Il ne portait pas de lunettes de soleil mais seulement des verres correcteurs de vue. A aucun moment, il n'a envisagé une procédure d'approche interrompue. Le copilote a confirmé cette relation des faits. Pendant la descente sous le glide, il effectuait les vérifications avant atterrissage. Ensuite, il a essayé, lui aussi, de retrouver des références visuelles extérieures. Examen du site et de l'épave Le seuil de piste 18 de l'aérodrome de Chambéry se trouve au sud du lac du Bourget, à 600 m du rivage, à une altitude de 769 pieds. Au QFU 178, l'approche se fait au dessus de l'eau. L'approche de précision est réalisée à l'aide d'un ILS complet sur une pente de descente de 4,7, soit 8%. La distance utilisable à l'atterrissage est de 1 750 m. Sous l'effet du choc avec la surface de l'eau, l'empennage s'est séparé du reste de l'aéronef selon une ligne de rupture passant au niveau du compartiment "enregistreurs". L'ensemble s'est immobilisé sur un fond en pente douce recouvert de vase. Le support du CVR 4, sans son enregistreur, fut retrouvé le jour même de l'accident. Ce support ne portait pas de trace d'arrachement des fixations de son équipement. L'absence de marqueur acoustique sous-marin (dispositif de repérage à déclenchement automatique sous l'eau) attaché à l'enregistreur ne permettait pas de le repérer à l'aide d'un détecteur électronique. Cependant cette absence n'étant pas encore établie dans les jours qui ont suivi l'accident, une campagne de recherche a été entreprise, bien entendu en vain. Les recherches menées par des équipes de plongeurs sont aussi restées sans résultat. La majeure partie de l'épave fut récupérée entre le 19 et le 21 février 1998, l'empennage le 5 juin 1998. L'examen de ces pièces n'a apporté aucun élément utile à la détermination des causes de l'accident. Renseignements complémentaires 1. Réduction de la visibilité par la brume La brume est une suspension dans l'atmosphère de microscopiques gouttelettes d'eau ou de particules hygroscopiques humides, réduisant la visibilité. Chacune de ces gouttelettes diffuse la lumière qu'elle reçoit, provoquant ainsi une luminosité ambiante, ou brillance de l'atmosphère. En se superposant à la brillance des repères et à celle de l'environnement, ce phénomène altère leur contraste. Lorsque le contraste est inférieur à un certain seuil, le repère devient 4 CVR : Cokpit Voice Recorder. En application des règles d'exploitation de cet aéronef en vigueur dans son Etat d'immatriculation, l'emport d'un Flight Data Recorder n'était pas obligatoire. VP-BLN - 6 février 1998-4 -

indiscernable. Il est alors situé au-delà de la distance limite appelée visibilité (cf. Craig F. Bohren, Revue de la Société Météorologique de France, mars 1998). La visibilité est d'autant plus réduite que : - la brume est dense, - l'éclairement est important. De plus, la visibilité est d'autant plus faible que la direction du repère visé est voisine de la direction d'où provient l'éclairement. 2. Performances Selon les indications fournies par l'exploitant, la masse prévue à l'atterrissage était de 21 740 kg. Avec les volets à 20 et le train sorti, la vitesse retenue en approche était de 160 kt. En courte finale, les volets devaient être braqués vers la position "plein sortis", et la vitesse, de 140 kt, devait diminuer vers la vitesse de référence 123 kt. Alors, la distance d'atterrissage était de 1 440 m. Compte tenu des règles d'exploitation, et dans les conditions d'une approche de précision, la pente en approche interrompue supérieure à 8 % autorisait la prise en compte d'une altitude de décision de 1 078 pieds (soit 318 pieds au-dessus de l eau). 3. Procédures La documentation fournie aux équipages (Aircraft Operations Manual G III) définit le partage des tâches entre pilote en fonction, qui assure spécialement le pilotage de l'avion, et pilote non en fonction, auquel incombent notamment les vérifications et les annonces d'altitudes. Il est indiqué que, au cours de l'approche de précision, même si le pilote en fonction (PF) a la piste en vue avant d'atteindre l'altitude de décision, le pilote non en fonction doit en annoncer le passage. Le pilote en fonction répond alors par "Land" ou "Go around" 5 selon son jugement. De plus, dans un encadré figure la mention: "If visual contact is lost beyond minimum, a go-around is announced by the PF and executed." 6 NB : dans les manuels d utilisation, un encadré correspond à une action qui doit pourvoir être exécutée sans que l équipage ait à la lire. 5 "atterrissage" ou "approche interrompue". 6 "Si le contact visuel est perdu après le passage de l'altitude de décision, une approche interrompue est annoncée par le pilote en fonction et effectuée." VP-BLN - 6 février 1998-5 -

Analyse 1. Evolution des conditions météorologiques à Chambéry Pendant toute la nuit et jusqu'au milieu de la matinée du 6 février, la vallée dans laquelle se trouve le lac du Bourget et l'aérodrome de Chambéry est affectée par des stratus bas et un vent calme. Le réchauffement diurne est plus efficace sur la terre que sur l'eau. Aussi, sur la terre, l'air se réchauffe assez rapidement, les nuages se dissipent (ciel clair) et la visibilité s'améliore de 2 500 m à 11 h, vers 4 000 m une heure plus tard, alors que sur l'eau l'air des basses couches se réchauffe plus lentement et reste fortement chargé d'humidité. Les nuages se dissipent, mais la brume, sur une épaisseur de quelques centaines de pieds, reste dense. La visibilité verticale est bonne, mais les visibilités horizontales et obliques sont faibles, notamment vers le sud en direction du soleil. En raison du vent calme, aucune ride ne perturbe la surface de l'eau du lac qui présente un aspect uniforme. A droite et à gauche de l'appareil, les berges sont éloignées. Devant l'avion, le rivage reste invisible en raison de la brume et de la luminosité qui réduit les contrastes. Ainsi, aucun repère extérieur ne permet à l'équipage d'estimer visuellement sa hauteur. 2. Scénario de l'accident En provenance de Genève, l'avion se présente pour une approche de précision en piste 18. En finale, voyant la piste, le commandant de bord poursuit son approche par repérage visuel au sol. A environ 4 NM du seuil, et à une hauteur de l'ordre de 2 000 pieds, il décide d'augmenter le taux de descente, amenant son appareil audessous du plan de descente de l'ils. Ainsi, la pente de la trajectoire augmente momentanément, mais la traînée liée à la configuration atterrissage évite un accroissement notable de la vitesse. L'intention du commandant de bord est de rejoindre ensuite le seuil de piste sur une trajectoire de pente beaucoup plus faible, sur laquelle l'avion doit ralentir notablement, pour passer le seuil de piste avec une vitesse relativement faible et immobiliser l'avion grâce à un freinage modéré. Pendant que le copilote effectue les vérifications avant atterrissage, l'avion passe sous le plan normal d'approche. Le commandant de bord perd alors de vue la piste. Néanmoins, il continue sa descente en espérant apercevoir des repères visuels à la surface. Il entre dans les basses couches de l'atmosphère, où la brume est plus dense et la visibilité oblique est très faible. Le soleil de face l'éblouit et compromet sa perception de repères déjà peu évidents, comme analysé ci-avant. Le commandant de bord réduit alors le taux de descente de son appareil qui se trouve alors à une hauteur relativement faible avec une vitesse horizontale encore élevée. Il ne discerne toujours pas de repère visuel extérieur. Le copilote, qui a terminé ses vérifications, recherche également des références extérieures, en vain. L'avion heurte la surface de l'eau sans que l'équipage ne l'ait aperçue. VP-BLN - 6 février 1998-6 -

3. Actions de l'équipage L'exécution des procédures définies dans la documentation fournie aux équipages consistait notamment, pour le copilote, en l'annonce du passage de l'altitude de décision. Cette annonce appelait une réponse du commandant de bord "Land" ou "Go around". S'il avait alors déjà perdu la piste de vue, la réponse appropriée "Go around" devait conduire à l'interruption de l'approche. L'application de l'encadré "If visual contact is lost beyond minimum, a go around is announced by the PF and executed" devait amener l'équipage à interrompre son approche, même après le passage de l'altitude de décision, au moment de la perte des références visuelles. Enfin, en l'absence de références visuelles suffisantes, une surveillance de la hauteur de l'aéronef par la lecture des indications du radioaltimètre devait également provoquer l'interruption de l'approche lorsque la hauteur de l'avion audessus de la surface de l'eau s est progressivement rapprochée de zéro. Conclusion La collision avec la surface de l'eau résulte d'une part de la perte de références visuelles pendant une approche finale au cours de laquelle l'équipage a ramené volontairement son avion sous le plan de descente de l'ils, dans un secteur affecté par une couche de brume, et d'autre part de l'absence de décision d'interruption de l'approche. Recommandation La conduite du vol en approche et la succession des faits à l'origine de l'accident ont été principalement déterminées par les témoignages de l'équipage, mis en corrélation avec les autres informations disponibles. Des renseignements plus précis auraient pu être obtenus par l'exploitation du CVR qui équipait l'avion. Or, cet enregistreur n'a pas pu être retrouvé. Un détecteur acoustique l'aurait localisé si son boîtier avait été muni d'un dispositif de repérage à déclenchement automatique sous l'eau, conformément aux dispositions de l'annexe 6 à la Convention relative à l'aviation civile internationale (OACI, Chicago, 1944). VP-BLN - 6 février 1998-7 -

Les Bermudes constituent un Overseas Territory membre du Commonwealth. A ce titre-là, la réglementation applicable à ses aéronefs reprend celle en vigueur dans le Royaume-Uni, lui-même Etat contractant de l OACI. En conséquence, le BEA recommande : - que les autorités de l'aviation civile des Etats contractants et des pays qui leur sont associés, vérifient que leurs réglementation et procédures internes assurent la conformité des enregistreurs de vol avec les dispositions de l'annexe 6. VP-BLN - 6 février 1998-8 -

Annexes ANNEXE 1 Carte d'approche aux instruments à Chambéry ANNEXE 2 Trajectoire radar ANNEXE 3 Trajectoire dans le plan vertical ANNEXE 4 Photographies VP-BLN - 6 février 1998-9 -

VP-BLN - 6 février 1998 annexe 1-10 -

VP-BLN - 6 février 1998 annexe 2-11 -

VP-BLN - 6 février 1998 annexe 3-12 -

Vue d'un biréacteur en approche pour la piste 18 à Chambéry Vue du Lac du Bourget depuis l'extrémité nord de la piste de Chambéry VP-BLN - 6 février 1998 annexe 4-13 -