L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN SUISSE



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B u n d e s g e r i c h t T r i b u n a l f é d é r a l T r i b u n a l e f e d e r a l e T r i b u n a l f e d e r a l L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN SUISSE 1. GÉNÉRALITÉS 1.1 Compétences de la Confédération et des cantons En Suisse le droit civil et le droit pénal sont en principe de la compétence des autorités fédérales. Cela signifie qu'il appartient au Parlement fédéral, ainsi qu'aux autorités fédérales déléguées (tel le Conseil fédéral, les départements etc.), d'adopter les dispositions de caractère général et abstrait concernant, d'une part, les rapports juridiques des personnes entre elles (droit civil) et, d'autre part, les infractions passibles de sanctions pénales (droit pénal). La procédure civile et la procédure pénale, c'est-à-dire les dispositions qui règlent l'application du droit civil et du droit pénal dans les cas concrets, notamment dans le contexte d'un litige (droit civil) ou de la poursuite d'une infraction (droit pénal) sont en principe du ressort des cantons. Ce sont eux qui doivent organiser sur leur territoire les autorités chargées d'appliquer le droit civil et le droit pénal et qui doivent établir en principe les formes de procédure y relatives et leur déroulement. En droit public, c'est-à-dire pour ce qui est des rapports des personnes vis-à-vis des autorités chargées de fonctions d'intérêt public et des rapports de ces autorités entre elles, il y a des matières qui sont de la compétence des autorités fédérales (par ex. impôts fédéraux, communications, service civil et militaire, écoles polytechniques, etc.) et d'autres qui sont de la compétence des autorités cantonales (par exemple impôts cantonaux, enseignement primaire etc.). Dans beaucoup de matières ce sont les autorités cantonales qui sont chargées d'appliquer, tout au moins en première et souvent en deuxième instance, le droit public fédéral; dans d'autres domaines, celui-ci est appliqué d'emblée par des autorités fédérales.

1.2 Principes communs 1.2.1 Multiplicité du droit de procédure Puisque la Confédération se compose de 26 entités cantonales (cantons et demi-cantons) et qu'il existe en plus des procédures civiles, pénales et administratives fédérales, il faut, pour avoir un tableau de l'organisation et de la procédure judiciaires en Suisse, considérer pas moins de 27 systèmes différents pour ce qui est du droit civil et du droit pénal, davantage si on se réfère au droit public. De fait un exposé exhaustif est pratiquement impossible. On essaiera néanmoins de brosser un tableau approximatif des grandes lignes des procédures civiles et pénales et de droit public déterminantes en Suisse. 1.2.2 Tendance à l'unification La diversité des procédures cantonale et fédérale s'atténue cependant peu à peu et de plus en plus à la suite des: 1.2.2.1 Règles de procédure adoptées par le législateur fédéral Dans le cadre de ses dispositions de droit civil, pénal ou de droit public ayant pour but d'en assurer une application correcte; 1.2.2.2 Garanties minimales en matière de procédure des garanties minimales en matière de procédure déduites par le Tribunal fédéral de l'art. 4 de la Constitution fédérale (qui assure l'égalité devant la loi), ainsi que des garanties minimales fixées par la Convention européenne des droits de l'homme (et par d'autres conventions internationales). Ces principes et garanties valent pour toutes les procédures, même s'ils ne sont pas repris expressément (ce qui est cependant le cas normal) dans les dispositions de procédures cantonales ou fédérales. C'est ainsi que dans toute procédure il existe, en règle générale, le droit d'être entendu, avec comme corollaire le droit de consulter le dossier, de participer à l'administration des preuves, le droit de voir son cas jugé dans un délai raisonnable par une autorité indépendante et impartiale, le droit de faire réexaminer son cas par une autorité de recours, etc.; en outre, tout participant à une procédure doit agir en respectant le principe de la bonne foi, ce qui signifie que l'abus de droit ne peut pas profiter à celui qui le commet. Ces éléments communs deviennent de plus en plus nombreux 2/35

avec le développement accru des règles de base en matière de procédure, développement qui accompagne l'évolution de l'etat moderne et des organisations internationales. Ce processus dynamique s'inspire des principes de la justice et de l'équité tels qu'ils sont perçus de nos jours. C'est pourquoi il existe une nette tendance à harmoniser les dispositions de procédure, voire à les uniformiser ou à les unifier à plus ou moins long terme. 1.3 Structure des autorités judiciaires 1.3.1 Différences importantes C'est dans la structure des autorités judiciaires que les différences sont encore les plus grandes, aussi bien entre les cantons qu'entre les différents domaines de la procédure (civile, pénale, administrative, etc.). 1.3.2 Juge unique ou organe collégial Une autorité judiciaire peut être composée en Suisse par une seule personne (juge unique) ou par plusieurs personnes (organe collégial). Souvent le juge unique est compétent pour juger en première instance des affaires de moindre importance, tandis qu'un organe collégial juge en première instance des affaires plus importantes; c'est presque toujours un organe collégial qui fonctionne comme autorité de recours. 1.3.3 Formation juridique En Suisse les juges ne sont pas toujours des juristes, c'est-à-dire ils n'ont pas toujours fait des études universitaires de droit. Souvent les juges de paix ou les juges des tribunaux de première instance, autres que le président, ne sont pas juristes. Historiquement, notamment hors des villes, l'unique juriste d'un tribunal était le greffier. Aujourd'hui en première instance, dans un organe collégial, le président est presque toujours juriste et les autorités de recours sont de plus en plus composées de juristes. La participation des juristes augmente en tout cas à mesure qu'on monte dans la hiérarchie des tribunaux. La complexité actuelle du droit d'un côté, et l'accès élargi aux études universitaires de l'autre, ont accru et continuent d'accroître la présence des juristes au sein des organes de la justice. 3/35

1.3.4 Fonction exercée à temps complet ou à titre accessoire Le juge n'exerce pas toujours cette profession à temps complet, loin de là. Notamment dans les instances inférieures, et surtout lorsqu'il ne s'agit pas de juristes, les juges exercent souvent leur fonction à titre accessoire. 1.3.5 Première instance et instance de recours Le président d'un tribunal de première instance qui, comme on l'a vu, est souvent un juriste, exerce en revanche cette activité à temps complet, étant donné qu'il est chargé de nombreuses tâches d'organisation et de préparation. De même, les membres des autorités de recours, ou tout au moins une partie d'entre eux, sont appelés en général à vouer tout leur temps à l'administration de la justice; ce n'est cependant pas toujours le cas: par exemple, les juges de la Cour de cassation pénale du canton de Zurich, c'est-à-dire de l'organe suprême de la justice pénale de ce canton, sont en général des professeurs d'université ou des avocats réputés. 1.3.6 Sexe des juges II va de soi que les membres des autorités judiciaires peuvent être indifféremment des femmes ou des hommes; la participation des femmes augmente considérablement, ce qui contribue à accroître la confiance dans la justice, car elles représentent environ la moitié de la population. Le droit fédéral prévoit que, lors des procédures pénales ouvertes à la suite de délits contre l'intégrité sexuelle, la victime peut exiger d'être interrogée pendant l'enquête par une personne du même sexe; dans ces mêmes procédures, lors du jugement, un au moins des juges devra appartenir au sexe de la victime. Cela favorise en pratique la participation de juges femmes dans des cas souvent délicats. 1.3.7 Election des juges L'élection des juges varie considérablement d'un canton à l'autre et suivant le degré de juridiction. Ainsi, les juges sont soit élus par le peuple ou par le parlement, soit par les tribunaux supérieurs ou par le gouvernement. Parfois, les juges de première instance sont élus par le peuple et les juges supérieurs par le parlement. II existe une tendance à confier de plus en plus l'élection des juges au parlement, auquel sont soumises des propositions émanant des partis politiques, du gouvernement ou du tribunal cantonal suprême. Cela est dû 4/35

au fait qu'il est devenu difficile pour le peuple d'apprécier avec une objectivité et une connaissance de cause suffisantes les capacités des candidats, compte tenu notamment de la complexité des tâches qui leur incombent. 1.3.8 Conditions et procédure d'élection II n'existe pas en Suisse d'école de la magistrature, ni de concours nationaux pour des postes de juge, tels qu'on les trouve dans certains pays beaucoup plus grands et centralisés, où des milliers de juges doivent être nommés et répartis sur le territoire national. II n'y a pas non plus, pour les mêmes raisons, de conseil national de la magistrature, compétent, entre autres, en matière disciplinaire, de promotions, de transferts. Du fait qu'ils sont élus par le peuple, directement ou par l'intermédiaire du parlement, les candidats à un poste de juge doivent être soutenus, voire proposés, par des partis politiques. II va de soi que cela ne doit avoir aucune influence sur l'impartialité du juge, qui n'est soumis qu'à la loi et qui se fait un point d'honneur de ne s'inspirer que de celle-ci avec conscience, indépendamment de ses convictions politiques personnelles et de l'appui obtenu de tel ou tel parti lors de son élection. 1.3.9 Election pour une période déterminée Contrairement à ce qui est le cas dans beaucoup de pays, les juges ne sont élus en Suisse que pour une période déterminée. La règle veut cependant que, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels, ils soient réélus, ce qui est possible jusqu'à la limite d'âge expressément prévue ou habituelle (elle varie entre 65 et 70 ans, la tendance la plus récente allant vers la limite inférieure). 1.3.10 Tendances actuelles D'une manière générale on assiste actuellement en Suisse, et notamment dans les petits cantons où les juristes sont peu nombreux, à un certain regroupement des autorités judiciaires. On diminue parfois drastiquement le nombre d'arrondissements, on concentre les tribunaux dans les villes les plus importantes, on favorise la professionnalisation des juges dans le sens qu'on donne de plus en plus la préférence à des juristes occupés à plein temps. Cela est dû aux tâches de plus en plus complexes qui exigent des connaissances spécifiques de plus en plus étendues. De plus, les principes développés récemment, la jurispru- 5/35

dence rigoureuse de la Cour européenne des droits de l'homme visant à empêcher qu'un justiciable soit jugé dans des phases différentes d'une même procédure par la même personne, ont eu pour conséquence une séparation plus nette des différentes fonctions, la création de nouveaux postes et une spécialisation accrue. 1.4 Assistance judiciaire 1.4.1 Objet et conditions L'égalité des personnes devant la loi exige que chacun doit avoir non seulement le droit, mais aussi la possibilité de défendre ses intérêts devant un tribunal, indépendamment de ses conditions financières, pour autant qu'il n'agisse pas de manière téméraire. C'est pourquoi dans toute la Suisse, même en l'absence d'une disposition expresse dans la loi de procédure applicable, chacun a le droit d'agir ou de se défendre en justice (aussi bien au civil, qu'au pénal ou devant les juridictions administratives), même s'il ne dispose pas de moyens pour payer les frais de justice ou d'avocat, à condition que ses conclusions ne paraissent pas d'emblée dépourvues de chances de succès. C'est à l'etat de dispenser des frais de justice l'intéressé remplissant ces deux conditions et de payer les honoraires d'un représentant (en général un avocat) si, en raison de la nature du litige, on ne peut pas raisonnablement prétendre qu'il agisse sans le concours d'un représentant. II appartient à l'intéressé de demander cette aide, en général au commencement de la procédure. 1.4.2 Compétence C'est en règle générale l'autorité devant laquelle la procédure sur le fond est ouverte qui décide; dans certains cantons, cette décision incombe à un organe spécial. 1.4.3 Pas d'obligation d'être représenté par un avocat II n'existe en Suisse aucun tribunal, si élevé soit-il, devant lequel une partie doit être en tout cas représentée par un avocat ("Anwaltszwang"), c'est-à-dire que chacun peut plaider personnellement sa cause. Néanmoins, si le juge constate qu'une partie n'est manifestement pas en mesure d'agir personnellement, il peut lui nommer d'office un avocat (aux frais de l'intéressé, s'il en a les moyens). 6/35

1.4.4 Monopole des avocats Au civil et au pénal la représentation professionnelle ne peut être en général exercée que par des avocats (dans plusieurs cantons est admise pour les litiges de peu d'importance la représentation par des agents d'affaires ou par d'autres personnes ayant une formation moins approfondie que celle d'un avocat). 2. PROCÉDURE CIVILE 2.1 For D'après l'art. 59 de la Constitution fédérale, celui qui entend agir à l'égard de quelqu'un pour une prétention personnelle doit le faire en principe auprès de l'autorité compétente, au domicile du défendeur. Ce principe souffre cependant de nombreuses exceptions, dont plusieurs ont été prévues il y a longtemps déjà par la législation fédérale, notamment en matière de divorce (for du demandeur), d'exécution forcée (for de la poursuite) etc. D'autres dérogations résultent de conventions internationales ratifiées par la Suisse (par exemple, for du lieu d'exécution du contrat, d'après la Convention de Lugano, etc.). Le défendeur peut en outre accepter avant un litige ou au cours de celui-ci un for proposé par le demandeur, notamment en matière d'obligations. 2.2 Déroulement de la procédure 2.2.1 Juge de paix Pour les affaires de peu d'importance et où la valeur litigieuse n'atteint pas une certaine limite (qui varie d'après les cantons, mais est actuellement de quelques milliers de francs), celui qui veut intenter un procès doit s'adresser au juge de paix. Celui-ci n'est parfois pas un juriste, mais c'est en général une personne d'expérience, de bon sens et appréciée par la population locale, qui, dans beaucoup de cantons l'élit directement. Dans chaque canton il y a plusieurs juges de paix, souvent répartis par cercles. Le juge de paix s'efforce de concilier les parties, qui, en règle générale, doivent comparaître personnellement (dans certains cantons il n'est pas admis qu'elles soient représentées par un avocat). La procédure est en principe orale. En cas de non-conciliation, le juge de paix, après avoir interrogé les parties et les éventuels témoins et apprécié les autres moyens de preuve proposés par les 7/35

parties, prononce son jugement, en règle générale, sous la forme écrite. Les possibilités de recours sont très restreintes, limitées au grief de vices très graves de procédure. Dans certains cantons il est obligatoire de passer par le juge de paix, même lorsqu'il s'agit de causes importantes et dont la valeur litigieuse dépasse celle de sa compétence juridictionnelle. Dans ces cas, le juge de paix se borne à tenter une conciliation et, en cas d'échec, le constate puis impartit au demandeur un délai pour qu'il s'adresse au juge civil compétent. 2.2.2 Tribunal de première instance 2.2.2.1 Généralités Le tribunal de première instance (qui, comme on l'a vu, peut, selon les cantons, être composé d'un organe collégial ou d'un juge unique) contrôle que la tentative de conciliation préalable a eu lieu là où elle est obligatoire, prend connaissance des allégations (écrites ou verbales, selon le type de procédure) des parties, entend les témoins éventuels et examine les autres moyens de preuve. En principe, chaque partie doit prouver les faits qu'elle allègue. Dans certaines procédures particulières, où l'intérêt public à ce que la vérité soit établie apparaît très important (par exemple en matière de droit de famille), le juge jouit d'une liberté accrue en matière d'appréciation des moyens de preuve. II peut même établir les faits d'office, par exemple dans les causes relatives à des baux à loyer, de locaux d'habitation ou commerciaux, ou à des rapports de travail lorsque la valeur litigieuse ne dépasse pas 20'000 fr.; cela est prévu par le droit fédéral (code civil, code des obligations, etc.). Après l'administration des preuves, les parties ont en général encore l'occasion d'exposer par écrit ou oralement leur point de vue et leurs conclusions. Après la clôture des débats, le tribunal délibère et prononce sa décision, séance tenante ou lors d'une autre séance ordonnée à cet effet, ou encore par communication écrite ultérieure (si les parties donnent leur accord). 2.2.2.2 Durée et types de procédure Le déroulement de cette procédure requiert en général plusieurs mois, de l'introduction de la demande jusqu'à la décision de première instance. C'est pourquoi des procédures accélérées ou même sommaires sont prévues pour certaines matières, où l'intérêt à une décision rapide l'emporte sur les exigences d'un procès d'après les règles classiques précitées. 8/35

2.2.2.3 Procédure accélérée et procédure sommaire Dans la procédure accélérée les délais sont plus courts, l'oralité peut prévaloir sur la forme écrite, etc. Dans la procédure sommaire cela est aussi le cas et, en outre, l'administration des preuves est très limitée. Le droit fédéral impose expressément aux cantons ces deux procédures dans de nombreuses affaires judiciaires s'inscrivant dans le cadre de la procédure de poursuite et faillite ou bien en matière de litiges concernant le contrat de bail à loyer de locaux d'habitation et commerciaux et le contrat de travail (pour ce dernier, lorsque la valeur litigieuse ne dépasse pas 20'000 fr.). Les cantons peuvent prévoir la procédure accélérée ou sommaire également pour d'autres matières. 2.2.2.4 Mesures provisionnelles ou d'urgence Avant ou pendant un procès, il peut s'avérer nécessaire que le juge décide immédiatement ou à très bref délai sur certains points, notamment lorsqu'il s'agit de maintenir ou de modifier un état de fait, faute de quoi une partie subirait un préjudice irréparable, c'est-à-dire qui continuerait à subsister même si elle gagnait le procès. Le juge est appelé dans de tels cas à ordonner des mesures provisionnelles ou d'urgence, qui ne préjugent pas l'issue du procès et qu'il peut éventuellement subordonner au dépôt d'une caution par la partie intéressée. Dans les organes collégiaux, c'est souvent le président qui est compétent à ordonner ces mesures. La procédure relative aux demandes de mesures provisionnelles ou d'urgence est particulièrement rapide, se fonde souvent sur la vraisemblance des déclarations de l'intéressé plutôt que sur des preuves présentées et appréciées selon les règles normales; le contradictoire, c'est-à-dire la possibilité pour la partie adverse de prouver le contraire, est limitée. 2.2.2.5 Mesures superprovisoires Lorsqu'il y a un péril immédiat en la demeure, le juge peut prendre des mesures superprovisoires, sur la simple base de la demande du requérant et de sa vraisemblance; il doit cependant prévoir dans sa décision une procédure d'urgence ultérieure assurant à la partie adverse la possibilité de s'opposer et de motiver son opposition. 2.2.2.6 Recours contre des mesures provisionnelles En raison de leur nature, les décisions concernant des mesures provisionnelles ou d'urgence ne sont sujettes à recours que d'une manière très restreinte. 9/35

2.2.3 Tribunaux spécialisés 2.2.3.1 Baux à loyer En vertu du droit fédéral, les cantons ont dû instituer des autorités de conciliation, régionales ou communales, en matière de baux à loyer de locaux d'habitations et commerciaux. Elles sont en général présidées par un juriste, juge professionnel, et les propriétaires d'immeubles et les locataires y sont représentés par un nombre égal de membres. Le droit fédéral prévoit que dans ce domaine la tentative de conciliation est toujours obligatoire. Si la conciliation échoue, l'autorité en question peut, à certaines conditions, décider comme un tribunal. 2.2.3.2 Droit du travail Dans un certain nombre de cantons on trouve également des tribunaux spécialisés en matière de litiges entre employeurs et travailleurs lorsque la valeur litigieuse ne dépasse pas un certain montant (actuellement, en général fr. 20'000.-). Ces tribunaux dérivent des commissions arbitrales prévues par les conventions collectives. Ces tribunaux (Gewerbegerichte, Conseils de prud'hommes), sont en général présidés par un juriste, juge professionnel siégeant avec des assesseurs représentant en nombre égal les employeurs et les travailleurs. 2.2.3.3 Tribunaux de commerce Dans quatre cantons alémaniques (Zurich, Berne, Argovie et St-Gall) on trouve un tribunal de commerce, compétent pour juger les litiges commerciaux entre personnes inscrites au registre du commerce, les litiges en matière de brevets et de marques, et (si les parties non inscrites au registre du commerce en conviennent), de tout autre litige de caractère commercial. Sauf lorsqu'il s'agit des causes en matière de brevets et de marques, le tribunal de commerce ne peut être saisi que si la valeur litigieuse atteint un certain montant, en général celui qui autorise le recours en réforme au Tribunal fédéral. Le tribunal de commerce est présidé par un juge supérieur professionnel qui a comme assesseurs des personnes expérimentées en matière commerciale, ce qui permet une procédure rapide, car le tribunal peut souvent se passer d'experts externes. 10/35

2.2.4 Procédure réglée par la loi fédérale sur la poursuite et la faillite 2.2.4.1 Procédure particulière à la Suisse La Suisse se distingue de la plupart des pays en matière de procédure civile par le fait qu'elle permet à quiconque estime avoir à l'égard d'un tiers une créance en argent (ou un droit d'obtenir de celui-ci des sûretés), de lui faire notifier un commandement de payer; si le débiteur ne fait pas opposition, le commandement de payer devient un titre exécutoire donnant au créancier le droit de demander la saisie ou la commination de faillite. Si le débiteur fait opposition au commandement de payer, le créancier peut obtenir du juge la mainlevée définitive s'il prouve que sa créance est fondée sur un jugement exécutoire, et la mainlevée provisoire s'il se fonde sur une reconnaissance de dette du débiteur. En cas de mainlevée provisoire, le débiteur peut contester la dette auprès du juge du for de la poursuite dans le délai de 20 jours; s'il n'agit pas de la sorte ou s'il est débouté, la saisie ou la commination de faillite devient définitive. Le débiteur peut néanmoins en tout temps demander au juge de la poursuite de constater que la dette n'existe pas ou qu'il l'a payée. 2.2.4.2 Droit fédéral et droit cantonal Le droit fédéral prévoit expressément à quel stade de l'exécution forcée (qui se conclut par la réalisation des biens saisis ou la clôture de la procédure de faillite) il y a lieu de saisir le juge et indique souvent quelle procédure - ordinaire, accélérée ou sommaire - doit être suivie. Les cantons ont tous adopté des lois d'application qui désignent les autorités judiciaires compétentes et la procédure à suivre. 2.3 Recours 2.3.1 Au niveau cantonal La partie qui estime que la décision prononcée à son égard n'est pas correcte peut recourir à une autorité supérieure. Parmi les différentes possibilités de recours existant au niveau cantonal, on peut distinguer deux grandes catégories portant souvent des dénominations différentes selon les cantons: 11/35

2.3.1.1 L'appel ou recours en réforme En vertu de ce recours la cause est revue dans une mesure assez étendue par un tribunal supérieur, qui réexamine (parfois avec quelques limitations) les constatations des faits et l'application du droit. Au niveau des cantons, l'appel n'est en général prévu que d'une manière restreinte, car pour les cas de peu d'importance il ne se justifie pas et, pour les cas importants, c'est souvent un tribunal très qualifié (tribunal supérieur, tribunal de commerce) qui tranche directement en première instance. Si le recours en appel est admis, c'est en général le tribunal supérieur qui statue directement sur le fond, c'est-à-dire qui tranche toutes les questions litigieuses. 2.3.1.2 Recours en nullité Par ce recours on ne peut faire valoir que des erreurs dans l'application du droit. Les faits ne peuvent être corrigés que si leur constatation est manifestement arbitraire. Contre les décisions qui ne peuvent faire l'objet d'un appel, le recours en nullité - beaucoup plus restreint - est toujours possible. C'est souvent une chambre du tribunal cantonal de dernière instance spécialement chargée de ces cas (c'est-à-dire du même tribunal qui juge les appels) qui est compétente. Dans certains cantons, il existe une cour de cassation séparée, qui statue sur les recours en nullité formés contre des décisions du tribunal supérieur. Si le recours en nullité est admis, l'organe de cassation ne statue en principe pas sur le fond étant donné qu'il ne peut juger que sur des questions de droit ou d'arbitraire. Cependant, dans plusieurs cantons le tribunal supérieur a la possibilité, pour des raisons d'économie de procédure, de juger directement sur le fond, au lieu de renvoyer la cause au tribunal inférieur, lorsque le dossier contient déjà tous les éléments nécessaires. 2.3.1.3 Prorogation II convient de relever que, dans la plupart des cantons, les procès où la valeur litigieuse est très élevée doivent être portés directement devant le tribunal normalement compétent pour statuer sur les recours en appel; cela est aussi possible, sous réserve d'une certaine valeur litigieuse minimum, si les parties conviennent de saisir directement le tribunal d'appel. Cette 12/35

solution a l'avantage de décharger les juges de première instance "normalement compétents" d'affaires complexes qui fréquemment seraient portées de toute manière, par voie de recours, devant le tribunal d'appel, et qui peuvent de toute façon être jugées en dernière instance par le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme. 2.3.1.4 Domaine de révision La demande de révision doit être fondée sur des faits nouveaux et importants qui n'étaient pas connus au moment du jugement et constitue une voie de droit particulière. Elle doit être présentée, selon les cantons, au tribunal qui a jugé sans tenir compte de ces faits, ou bien à un tribunal supérieur, en général celui qui statue sur les recours en nullité. Si la demande est admise, il appartient au tribunal qui avait jugé, le cas échéant dans une autre composition, voire même un autre tribunal désigné par l'autorité de révision, de prononcer une nouvelle décision sur le fond. 2.3.1.5 Demande d'interprétation Si une décision est peu claire, le tribunal qui l'a prise peut être saisi d'une demande d'interprétation. 2.3.2 Au niveau fédéral 2.3.2.1 Recours en réforme au Tribunal fédéral Le recours en réforme au Tribunal fédéral est ouvert pour les litiges de caractère pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint devant la dernière instance cantonale au moins fr. 8'000.-, pour les litiges de caractère pécuniaire en matière de propriété intellectuelle et industrielle et en matière de titres, ainsi que pour une série de litiges énumérés dans la loi et n'ayant pas de caractère pécuniaire. Par ce recours on peut faire valoir que l'autorité cantonale a violé le droit fédéral, n'a pas appliqué le droit étranger lorsque le droit suisse l'exigeait ou a constaté à tort que le droit étranger applicable ne pouvait pas être établi; dans les litiges de caractère non pécuniaire, on peut en outre faire valoir que le droit étranger applicable n'a pas été appliqué correctement. 13/35

2.3.2.2 Recours de droit public Le grief de la violation des droits constitutionnels des citoyens doit en revanche être soulevé dans un recours de droit public. Les griefs les plus fréquents d'un tel recours en matière civile sont la constatation des faits et l'appréciation arbitraire des preuves (c'est-à-dire non seulement erronées, mais clairement insoutenables), ainsi que l'inconstitutionnalité du droit cantonal applicable ou l'application arbitraire du droit cantonal. 2.3.2.3 Recours en nullité au Tribunal fédéral Contre des décisions ne pouvant pas être attaquées par la voie du recours en réforme, il existe en outre un recours en nullité au Tribunal fédéral par lequel on ne peut faire valoir qu'un nombre restreint de griefs portant sur l'application du droit cantonal au lieu du droit fédéral ou du droit étranger au lieu du droit fédéral et vice versa ou l'établissement inexact du droit étranger ou la violation des dispositions sur la compétence locale ou matérielle des autorités. 2.3.2.4 Tribunal fédéral comme instance unique Le Tribunal fédéral connaît en instance unique des contestations de droit civil entre la Confédération et un canton ou entre cantons. Les "procès directs" devant le Tribunal fédéral se justifient notamment dans les cas où la position d'un tribunal cantonal serait délicate parce que le canton est partie au litige. 2.4 Exécution des décisions judiciaires 2.4.1 Décisions concernant prestations en argent et décisions relatives à d'autres prestations On a vu que pour les prestations en argent (ainsi que pour les sûretés) il existe une procédure spéciale réglée par la loi fédérale sur la poursuite pour dette et la faillite et que, sur la base de cette loi, le créancier qui se fonde sur une décision judiciaire exécutoire peut obtenir du juge du for de la poursuite la mainlevée définitive de l'opposition. Pour l'exécution de jugements portant sur d'autres prestations, la partie intéressée peut obtenir du juge un ordre d'exécution ou bien se prévaloir, directement auprès des autorités concernées, de la décision judiciaire exécutoire. 14/35

2.4.2 Reconnaissance et exécution de jugements d'un autre canton et de jugements étrangers Un concordat intercantonal conclu en 1977 facilite l'exécution d'un jugement civil d'un canton sur le territoire d'un autre. Au niveau international, des conventions multilatérales ou bilatérales facilitent à leur tour la reconnaissance et l'exécution des jugements d'un Etat sur le territoire d'un autre. 2.4.3 Entraide Au niveau intercantonal, un concordat de 1975 facilite l'entraide en matière de procédure civile; il indique quelles sont les autorités judiciaires compétentes. L'entraide internationale est réglée par les conventions multilatérales et bilatérales auxquelles la Suisse est partie. Elles prévoient, selon les cas et les pays concernés, soit des relations entre autorités judiciaires (souvent. entre tribunaux supérieurs), soit des relations passant par un ou plusieurs organes centraux ou régionaux des pays intéressés (Ambassade, Ministère de la justice, etc.). Avec les pays voisins, la Suisse entretient en général dans ce domaine des relations directes entre autorités judiciaires. 2.5 Droit international privé La Suisse étant une plaque tournante pour beaucoup d'affaires internationales, les litiges sont fréquents entre une partie domiciliée en Suisse et d'autres domiciliées à l'étranger, parfois dans des pays différents. De même, la présence en Suisse d'une proportion relativement élevée d'étrangers et la présence à l'étranger de nombreux Suisses donne lieu à des différends en matière de droit de famille, de successions, etc. qui doivent être examinés par des tribunaux suisses ou étrangers. Tandis qu'auparavant, il appartenait surtout à la jurisprudence du Tribunal fédéral d'établir le for compétent et le droit applicable, c'est maintenant une loi fédérale sur le droit international privé qui codifie d'une manière assez exhaustive les règles, souvent fort compliquées en la matière; cela vaut aussi bien pour les litiges que pour les décisions devant éclaircir une situation juridique peu claire, en dehors de tout différend. 15/35

2.6 Arbitrage 2.6.1 Admissibilité Au lieu de recourir aux tribunaux de l'etat, les parties peuvent convenir - d'une manière anticipée par l'insertion d'une clause compromissoire dans leurs contrats ou par un accord spécial lorsque le litige se profile - de confier le règlement d'un différend à des particuliers (arbitrage). Cette possibilité n'est offerte que lorsque les parties peuvent disposer de leurs droits (ce qui est le cas surtout en matière d'obligations), c'est-à-dire d'engagements de nature essentiellement économique. En matière de droit de famille (par exemple divorce, filiation, etc.) une décision arbitrale est en principe exclue. 2.6.2 Procédure La procédure arbitrale est réglée dans ses grandes lignes par le droit cantonal; la plupart des cantons sont membres du Concordat sur l'arbitrage, qui unifie les principes de cette procédure et prévoit notamment la manière dont doit être composé le tribunal arbitral, les devoirs des arbitres, les recours contre leurs décisions, etc. Dans ces limites, les parties ont la possibilité d'établir elles-mêmes, préalablement, les détails de la procédure. L'avantage de la procédure arbitrale peut consister dans une plus grande célérité, dans le choix d'arbitres particulièrement qualifiés dans la matière litigieuse et dans la possibilité d'établir de cas en cas des règles abrégeant la durée de la procédure. Celle-ci est par contre en général sensiblement plus onéreuse du point de vue pécuniaire. 3. PROCÉDURE PÉNALE 3.1 Introduction En matière de procédure, c'est la procédure pénale qui, malgré des différences encore nombreuses entre les cantons, présente davantage de principes communs. Cela, on l'a vu, est surtout dû à la jurisprudence du Tribunal fédéral (relative aux droits découlant directement de l'art. 4 de la Constitution fédérale et au droit constitutionnel à la liberté personnelle) ainsi qu'à celle de la Cour européenne des droits de l'homme, à Strasbourg. 16/35

3.2 Au niveau cantonal 3.2.1 Déroulement de la procédure en première instance Une procédure pénale se déroule généralement en première instance en plusieurs phases: 3.2.1.1 Enquête de la police (interrogatoire des personnes impliquées, investigations préliminaires, etc.); 3.2.1.2 Instruction judiciaire (interrogatoire par un magistrat des personnes impliquées, expertises, autres mesures d'instruction); 3.2.1.3 Décision de non-lieu ou de renvoi devant le tribunal 3.2.1.4 Décision du tribunal le plus souvent après des débats. 3.2.1.5 Importance des phases préparatoires de la procédure de première instance L'importance et la durée des deux premières phases varient beaucoup selon le système adopté par les cantons. Là où l'enquête de police joue un rôle important du point de vue de sa durée et de son étendue, on accorde souvent assez tôt au prévenu le droit de s'assurer la présence d'un défenseur au cours des interrogatoires conduits par la police; celle-ci est également tenue de demander au juge compétent un ordre d'arrestation ou de maintien en détention et les ordres de perquisition qu'elle estime nécessaires. Lorsque l'enquête de police n'est que sommaire et que le cas passe rapidement en main d'un magistrat (juge d'instruction ou procureur), ces garanties ont une importance moindre. Le problème de base, sous l'angle de l'économie de la procédure, est d'éviter dans la mesure du possible que des autorités différentes (police d'une part, juge d'instruction ou procureur de l'autre) accomplissent deux fois le même travail. 17/35

3.2.1.6 Instruction judiciaire en particulier L'instruction judiciaire commence lorsque le dossier passe définitivement de la police au juge d'instruction ou au procureur. Plusieurs cantons connaissent comme organes de l'instruction judiciaire le procureur et le juge d'instruction; ce dernier est souvent appelé à présenter son rapport au procureur pour qu'il décide s'il y a lieu de rédiger un acte d'accusation ou de prononcer un non-lieu. 3.2.1.7 Juge compétent en matière d'arrestation D'autres cantons (par exemple le Tessin) ont renoncé au juge d'instruction comme tel et ont institué des juges spéciaux compétents en matière d'arrestation; tout en ne procédant pas à des actes d'instruction - qui sont de la compétence du procureur -, ils assument, pour ce qui est de la privation provisoire de la liberté personnelle, les fonctions confiées auparavant au juge d'instruction et exercent d'autres fonctions de contrôle. Actuellement il existe dans tous les cantons un juge chargé de contrôler la légitimité de l'arrestation (lorsqu'elle est ordonnée par le procureur ou par une autre autorité) ou de décerner directement un mandat d'arrêt. Dans certains cantons il existe même un double degré de juridiction en cette matière, en ce sens que l'intéressé peut recourir à l'autorité supérieure (qui est souvent un organe collégial); c'est souvent cette autorité supérieure qui doit ordonner ou ratifier le maintien en détention au-delà d'un certain délai. 3.2.1.8 Non-lieu et ordonnances pénales L'instruction terminée, le procureur décide s'il faut établir un acte d'accusation, c'est-à-dire l'acte sur la base duquel l'accusé est renvoyé devant le tribunal, ou prononcer une décision de non-lieu. Dans les cas où une plainte ou une dénonciation apparaissent d'emblée clairement dénuées de tout bien-fondé, le procureur ou le juge d'instruction peuvent prononcer une simple décision de refus de suivre. Dans plusieurs cantons le procureur ou le juge d'instruction peuvent rendre, dans des cas de peu de gravité, des ordonnances pénales qui deviennent définitives si l'intéressé ne présente pas d'opposition; en cas d'opposition, l'ordonnance pénale du procureur tient lieu d'acte d'accusation. 3.2.1.9 Procédure devant le Tribunal de première instance en particulier Par l'acte d'accusation (qui dans certaines procédures cantonales peut être attaqué devant 18/35

une autorité supérieure - la Chambre d'accusation -, ou doit être approuvé par celle-ci, comme c'est le cas dans les procédures pénales devant la Cour pénale fédérale), l'accusé est renvoyé devant le tribunal; le président du tribunal convoque à une audience l'accusé, le procureur, les parties civiles, les témoins etc. Au cours d'une ou plusieurs audiences (en règle générale publiques, sauf si des raisons de sécurité ou de protection de la personnalité, notamment de la victime de délits contre l'intégrité personnelle, exigent les huis clos), le tribunal interroge l'accusé, entend les témoins, les experts et procède à l'administration d'autres moyens de preuve (par exemple inspections locales); la parole est ensuite donnée au procureur, aux parties civiles (c'est-à-dire aux lésés qui ont déclaré préalablement vouloir participer à la procédure pénale) et à la défense. Le cas échéant des répliques et dupliques peuvent être admises. L'accusé a la parole en dernier. Après quoi le tribunal délibère (en général à huis clos) et communique en séance publique son jugement. 3.2.1.10 Procédure par contumace La procédure à l'égard d'accusés absents varie selon les cantons. Pour qu'on puisse prononcer un jugement à l'égard d'un absent, il est nécessaire qu'il ait préalablement eu l'occasion de prendre connaissance des faits dont il est accusé. Les Directives de 1995 du Comité des Ministres de l'union européenne ont recommandé de limiter le plus possible les cas de procédures contumaciales et de les assortir de garanties procédurales suffisantes. En Suisse, le canton d'argovie a renoncé à la procédure contumaciale; d'autres cantons la limitent à des cas de peu de gravité. Certains cantons admettent que celui qui a été jugé en son absence peut demander le relief, c'est-à-dire peut exiger un nouveau procès, indépendamment des raisons de son absence. D'autres prévoient expressément qu'un nouveau procès peut être demandé seulement si l'absence est due à des motifs importants (par exemple, maladie, accident etc.); en pareil cas, la demande de l'intéressé est en fait une demande de restitution du délai manqué pour des raisons qui ne lui sont pas imputables. Une telle possibilité existe dans toutes les procédures. Dans le canton de Zurich, la disposition réglant la procédure contumaciale ayant été supprimée purement et simplement, un nouveau procès doit avoir lieu si l'absence est due à des raisons dont l'intéressé n'est pas responsable, et cela sur la base d'un principe général fondé sur le droit d'être entendu. Quelques cantons prévoyaient des limitations de la défense par un avocat lors d'un procès 19/35

contumacial; la plupart de ces limitations, contraires au droit d'être entendu, ont été supprimées. 3.2.2 Les différents types d'autorités de jugement 3.2.2.1 Autorités administratives Dans les cas de peu de gravité, punissables d'une amende ou des arrêts, une décision pénale peut parfois être prononcée, par une autorité administrative, telle que le préfet etc. L'intéressé a toujours le droit de faire opposition et d'obtenir ainsi d'être jugé par un tribunal. 3.2.2.2 Tribunaux de district Les cas de gravité moyenne sont souvent jugés par des tribunaux de district, présidés par un juge professionnel juriste, assisté par des juges laïcs (c'est-à-dire non juristes) exerçant souvent leur fonction à titre accessoire. Dans certains cantons, le juge professionnel juriste siège avec des assesseurs-jurés, c'est-à-dire des laïcs choisis pour une session ou de cas en cas, mais l'accusé peut renoncer à leur participation, ce qui est régulièrement le cas (par exemple au Tessin). 3.2.2.3 Cours d'assises avec jury Pour les délits les plus graves, quelques cantons disposent encore d'un tribunal formé par un ou plusieurs juges juristes professionnels (membres du tribunal cantonal supérieur) et par un certain nombre d'assesseurs-jurés. On tend actuellement à remplacer ces cours (qui ont une tradition historique) par des tribunaux sans jury; en effet, la procédure avec jurés est longue, compliquée et coûteuse et ceux-ci ont moins d'expérience que des jurés laïcs exerçant leur fonction régulièrement. Dans la plupart des cantons, ces cours ont été remplacées soit par les tribunaux de districts, soit par un tribunal supérieur formé de juges permanents. Dans le canton de Zurich, où la compétence du "Geschworenengericht" (assises) a été réduite récemment, les cas qui demeurent dans sa compétence sont jugés par I"'Obergericht" (tribunal supérieur) lorsque l'accusé ne conteste pas les faits. 20/35