Impact toxicologique des migrants : valeurs d exposition, limites d exposition et évaluation du risque Les notions de danger et de risque Aujourd hui, on fait souvent la confusion entre danger et risque, alors que ces mots recouvrent des notions différentes. Un danger se caractérise uniquement par sa nature, être victime d un accident de la route, être atteint d un cancer du poumon sont des dangers. Mais on comprend sans mal que le nombre de kilomètres parcourus par an ou le nombre de cigares fumés par jour ne seront pas sans incidence dans l éventuelle manifestation de ces dangers pour un individu. Cette notion de danger, pondérée par la fréquence d exposition à ce même danger, correspond au risque. Il en découle une approche en deux étapes pour l évaluation du risque : - identifier le danger potentiel, - mesurer l exposition à ce danger. Dans le cas présent des emballages, le danger est celui lié à la substance migrant vers l aliment et l exposition à ce danger correspond à la quantité de cette substance ingérée par le consommateur par jour. Il apparait fortement improbable au vu des connaissances actuelles que les constituants d'un emballage puissent déclencher un effet de toxicité aigüe. Seuls sont à craindre, et donc à rechercher, des effets relatifs à une toxicité sub-aigüe ou chronique. Dans l'approche recommandée par les lignes directrices de l'union Européenne (qui ne sont pas une directive...), le rejet implicite de toute toxicité aigüe a été accepté. De ce fait, la nature même du danger se trouve liée à l exposition qui définira à la fois le danger et le risque. Il convient de remarquer que le plus souvent seules les molécules de départ ou «starting substances» font l objet d une évaluation du risque. De ce fait, l influence des procédés de fabrication de l emballage sur ces molécules, la nature de composés néo-formés lors de ces procédés n étaient que peu ou pas abordées. Accéder à ces paramètres d une part, aborder les notions d antagonisme ou de synergie d effets des multiples constituants de certains emballages d autre part, nécessite des outils analytiques ou biologiques que nous ne possédons pas encore totalement et dont par conséquent nous ne connaissons ni la fiabilité, ni les coûts de mise en œuvre. L exposition "Seule la dose fait le poison" disait Paracelse il y a plusieurs siècles. Aucune découverte scientifique récente n'apporte de modification fondamentale à cette notion pour la majorité des effets toxiques
recensés à ce jour, seul le phénomène de cancérogénèse échappe peut être à cette notion. Il devra par conséquent être intégré dans la démarche mais sur des bases scientifiques distinctes. Le niveau d'exposition d'un individu standard (en dehors des groupes à risques d'origine génétique ) à des molécules issues de l emballage ne peut aujourd'hui se définir que de trois manières distinctes : - une étude de migration spécifique entre emballage et simulants a été réalisée et permet de simuler une ingestion quotidienne moyenne et donc un niveau d'exposition, - à défaut des cas précédents, on peut considérer que l'intégralité de la molécule va migrer dans l'aliment et prendre cette valeur comme base du calcul d'exposition. - ou plus satisfaisant, une étude épidémiologique, satisfaisante sur le plan des cohortes étudiées et des méthodes statistiques utilisées existe, et donne une valeur numérique correcte. 1 - Migration et exposition Accepter une relation entre le risque, le niveau d'exposition et l'ampleur du dossier toxicologique, est un point important car il va conditionner les études toxicologiques requises pour l'emploi d'un matériau ou d'un constituant. A ce jour, en France) ou un facteur de consommation est admis (0.8 pour les aliments aqueux et 0.2 pour les aliments gras). Est admis aussi en France, que pour l'alimentation humaine, un kg d'aliment emballé dans un même matériau est un maximum pour la ration quotidienne d un individu dont le poids moyen est de 60 kg. Le niveau d'exposition est la valeur pivot pour déterminer les études requises. En France, il est calculé un niveau d'exposition théorique sur la base des études de migration et du facteur de consommation N.E.T (µg/jour) = 0.8 [(SMA + SMB + SMC) x 0.33] + 0.2 SMD SMA = Migration spécifique dans l'eau SMB = Migration spécifique dans le simulant acide SMC = Migration spécifique dans le simulant alcoolique SMD = Migration spécifique dans l'huile d'olive pouvant être transformé en N.E.T (µg/jour) = 0.8 [(SMB + SMC) x 0.5] + 0.2 SMD De ce fait, les différents types d aliments étant considérés, il ne sera pas obligatoire de restreindre l utilisation de cette molécule à un type d aliments.
2 - Migration, seuils d exposition et dossier toxicologique Migration mg/kg aliment NET Exposition µg/kg pc/jour Données toxicologiques requises Jusqu à 0.05 Jusqu à 0.83 >0.05 à 5 >0.83 à 83 Génotoxicité Genotoxicité + étude 90-j + information sur la lipophilicité (évent. étude ADME) >5 >83 Genotoxicité + étude 90-j + étude ADME+ étude sur reproduction & développement + étude de toxicité chronique Seuils toxicologiques Par ailleurs, la multiplicité de substances à évaluer et la réponse à l interrogation sur les molécules néo-formées incitent à réfléchir sur la notion de seuil toxicologique qui seul permettra au vu des moyens financiers et humains disponibles de répondre de manière plus large aux problèmes de sécurité alimentaire que posent les emballages destinés au contact alimentaire. Le concept de ce seuil a été développé par la FDA afin de répondre à la notion de l exigence minimale (de minimis requirement) pouvant permettre d établir des priorités quant à des interrogations majeures tout en ne négligeant pas des questions plus triviales dans le domaine de la sécurité alimentaire. A l évidence, ce concept est à la frontière de l évaluation du risque et de la gestion du risque. Il appartient donc d en apporter les bases scientifiques afin que le choix quant à son utilisation puisse être fait par les organismes réglementaires, et conduire ensuite à une nouvelle approche dans l évaluation du risque. Ce concept utilisé par la FDA depuis 1995 dans le domaine des matériaux au contact des aliments (considérés comme indirect additives) se réfère à un seuil en-dessous duquel le risque prévisible est considéré comme acceptable et ne nécessite donc pas d études toxicologiques particulières. Le «treshold of toxicological concern» (TTC) reprend cette notion de seuil mais en la basant sur la détermination d un risque acceptable déterminé à partir de données existantes et non plus sur la base de données propres à la molécule considérée. Cette approche a reçu le nom de méthode probabiliste dans la mesure où elle fait appel à une fréquence de risque acceptée avec une probabilité déterminée à partir le plus souvent d une représentation log-normale de la répartition des doses conduisant à un
effet identifié. Une partie importante de la réflexion consiste à passer d un effet identifié à la somme des effets toxiques connus à ce jour, et donc de passer d un seuil pour un seul effet à un seuil de référence toxicologique (toxicological concern). Un large effort a été mis en œuvre pour répondre à cette interrogation tout en sachant que la notion même de TTC ne pouvait être éludée sur le plan de la gestion du risque pour les 3000 substances utilisées dans les emballages et le nombre similaire de molécules aromatiques utilisées dans notre alimentation. Ces commentaires indiquent la pression actuelle sur les aspects de sécurité alimentaire et la nécessité encore plus forte aujourd hui de devoir gérer tous les risques et par conséquent d établir des priorités dans le temps quand cela est possible et surtout de disposer d un système d évaluation toxicologique permettant de hiérarchiser les demandes d études scientifiques en fonction de l exposition prévisible. Une nouvelle approche de l exposition (EFSA, 2012)
Conséquences des modifications du modèle pour des consommations de 20 g/kg pc (scénario 3) Migration Exposition Guidelines Guidelines maximale µg/kg pc par actuelles proposées µg/kg alim. jour Jusqu à 50 1.0 Génotox Génotox de 50 à 75 de 1.0 à 1.5 Génotox + 90-d Génotox de 75 à 4500 de 1.5 à 90 Génotox + 90-d Génotox + 90-d + ADME de 90 à 100 Génotox + 90-d Dossier complet > 5000 > 100 Dossier complet Dossier complet Conclusion Le risque lié à l emballage alimentaire est reconnu au travers d une double approche analytique et toxicologique. Il ne sera donc jamais totalement maîtrisé dans la mesure où la toxicologie ne sera jamais une science exacte. De façon similaire, on ne maîtrise pas les migrations spécifiques réelles qui se produisent pour un couple aliment-emballage parfaitement défini. Enfin, nous sommes et serons incapables de donner les niveaux d exposition réels pour les différents types de consommateur que nous sommes. Quitte à froisser quelques susceptibilités, il sera incontournable un jour de choisir entre une sécurité alimentaire optimale en fonction des moyens à disposition et une sécurité alimentaire maximale ne tenant compte que des pressions du moment. Ce choix devra ensuite faire l'objet d'une communication clairement explicative auprès des consommateurs lors des «accidents» qui seront immédiatement fortement médiatisés. Dans ce contexte, les procédures actuelles, qui visent à une sécurité alimentaire qualifiée précédemment d'optimale, ne doivent pas être considérées par l industrie comme un exercice de style exigé par les experts qu ils soient analystes ou toxicologues, mais comme le moyen d apporter à tous ceux qui sont concernés par l emballage une réponse la plus objective possible et sans contrainte inutile dans le domaine de la sécurité alimentaire.