Eolien en mer. L'Ouest dans le vent (Le Télégramme) 25-01-2011 Aujourd'hui, à Saint-Nazaire, Nicolas Sarkozy annoncera le lancement d'un appel à projet pour cinq sites éoliens offshore. En Bretagne, Saint-Brieuc et Saint-Nazaire ont été retenus. L'information, confirmée hier par une source proche du gouvernement, a de quoi réjouir certains Bretons. Les deux sites retenus dans la région, prévus pour être opérationnels en 2015, devraient créer pas mal d'emplois, sachant qu'un générateur planté génère environ dix postes. Le projet national, qui s'étend de Dieppe à Saint-Nazaire, comprend 600 éoliennes offshore développant 3.000 mégawatts. Soit la puissance de deux réacteurs nucléaires EPR. Le budget prévisionnel global atteint les dix milliards d'euros. Saint-Brieuc : un sixième du programme national Une soixantaine d'entreprises seraient rattachées à Bretagne Pôle Naval qui va se voir confier la zone située au large des Côtes-d'Armor, sur le plateau du Grand Léjon. Cet ensemble éolien offshore de 100 machines fixées au sol, devrait développer 500 mégawatts, soit un sixième du plan national. Le manque d'autonomie énergétique de la Bretagne expliquant sûrement cette assez forte puissance. Il y a encore quelques mois on s'orientait vers deux zones : au large de Saint-Brieuc mais aussi de Saint-Malo. Cette option n'a pas été retenue par la région et la préfecture de région qui lui ont préféré une zone briochine élargie au nord. Au grand dam des pêcheurs costarmoricains (250 bateaux fréquentent la zone) qui craignaient de fortes nuisances et contraintes sur leurs zones historiques de pêche. Des compensations pour les pêcheurs A ce sujet, Nass&Wind,
entreprise lorientaise qui fait partie d'un des consortiums sur les rangs pour la construction et l'exploitation du site, a trouvé un terrain d'entente avec la profession, proposant notamment des mesures compensatoires. Comme un traitement contre la prolifération des crépidules dans la baie de Saint-Brieuc et un programme d'ensemencement de la coquille Saint-Jacques. Ce n'est pas tout, la taxe sur les générateurs devrait aussi rapporter aux professionnels 2,2 M par an pendant deux décennies. Le second pôle devrait être développé au large de la presqu'île guérandaise. Il comprendra 80 générateurs (400 Mégawatts) et sera géré par le consortium Néopolia, pôle industriel atlantique. Le centre névralgique à terre sera basé sur le port de Saint-Nazaire. Avec pour groupe leader le chantier STX qui aurait en charge la construction de navires de pose et de plateformes électriques. Ces derniers mois, les acteurs industriels et économiques ligériens ont mis les bouchées doubles pour mettre en place une filière spécifique. À noter également, une coopération scellée sur ce dossier par Saint-Nazaire et Le Havre, port engagé sur trois autres projets éoliens offshore à Courseulles-sur-Mer, Fécamp et Dieppe-Le Tréport. La Vendée écartée Passé la Loire, les Vendéens font grise mine. En novembre, Philippe de Villiers, qui tenait encore les rênes du Conseil général de Vendée, avait reçu une lettre signée Nicolas Sarkozy lui annonçant que le projet d'implanter 120 éoliennes entre Noirmoutier et l'île d'yeu n'était plus d'actualité. Le parcours du combattant Avant d'installer un parc éolien en mer, un grand nombre de signaux doivent être au vert. Il faut du vent, bien sûr, mais pas trop de profondeur. Sans compter les oiseaux, les bateaux... et convaincre que les mâts ne gâcheront pas la vue. «À 15 km, une éolienne de 150 m
est perçue comme une allumette d'un centimètre placée à un mètre de l'œil», indique Paul Néau, spécialiste d'études d'impact des éoliennes sur l'environnement. Photo EPA En lançant aujourd'hui un appel d'offres pour installer ses premières éoliennes en mer, la France devient le dixième pays européen à investir dans cette énergie. Si ces mâts peuvent produire jusqu'à 50% d'énergie en plus que les turbines sur terre, l'installation s'avère largement plus contraignante. Preuve de la complexité de l'équation: une étude d'impact d'un projet d'éoliennes en mer coûte un à deux millions d'euros. Soit jusqu'à dix fois plus cher que pour une ferme à terre. Vent et profondeur Premières contraintes: le vent et la profondeur. Sur la façade ouest de la France, ça ne souffle pas assez de la Vendée jusqu'à l'espagne et en Méditerranée, le dénivelé est abrupt. «En face de Nice, on passe la barre des 1.000 m de profondeur à cinq kilomètres des côtes. C'est énorme!», souligne Jean-Mathieu Kolb, directeur adjoint du projet des Deux Côtes, à la Compagnie du Vent, filiale de GDF-Suez. Au final, l'idéal est une profondeur entre 25 et 30 mètres. Mais le problème n'est pas pour autant réglé. Les pâles doivent être suffisamment éloignées pour gêner le moins possible la vue. «A 15 km, une éolienne de 150 m est perçue comme une allumette d'un centimètre placée à un mètre de l'œil», indique Paul Néau, spécialiste d'études d'impact des éoliennes sur l'environnement. Sans oublier la présence sur le rivage d'un raccordement électrique d'envergure. La faune et la flore Il faut également lever les yeux. «Il y a de la migration sur tous les littoraux», explique l'ornithologue Sylvain Albouy. Si l'écrasante majorité des oiseaux contournent les pales, une succession de parcs éoliens pourrait les amener à effectuer un slalom fatigant. Sous l'eau en revanche, si la vie peut être perturbée par les travaux, une riche biodiversité tend à se créer autour des «récifs artificiels» que sont les mâts.
Enfin sur terre, il faut composer avec les pêcheurs, souvent vent debout à l'idée de voir leur zone d'activité amputée. Les coûts deux fois plus élevés Une fois toutes ces conditions remplies, installer un parc en mer coûte cher. Selon l'agence Internationale de l'énergie, les investissements ainsi que les coûts de fonctionnement et de maintenance peuvent être près de deux fois plus élevés que pour le terrestre. Mais par rapport à l'éolien terrestre, «on peut aller du simple au double en terme de productivité» et «être deux fois moins cher en terme du KW parce qu'on produit plus», assure-t-il. Le jeu en vaut la chandelle, selon lui. Néopolia : «Beaucoup d'inconnues» Contacté hier, Yves Becquet, délégué général de Néopolia ne voulait pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Toutefois, il admettait que les échos qu'il avait eus étaient favorables au projet ligurien. «Il reste beaucoup d'inconnues. Demain (aujourd'hui), par exemple, nous devrions être fixés sur la puissance retenue et le nombre de machines. Après on se focalisera sur ce que l'on sait faire.» Reste qu'il faudra d'abord porter sur ses fonts baptismaux la filière énergie marine qui ne sera officialisée que le 14 avril prochain. Le temps presse. Car la concurrence internationale a déjà une belle longueur d'avance. Nass&Wind sur les deux projets Nass & Wind, bureau d'études lorientais spécialisé dans l'énergie éolienne, est présent sur les deux projets bretons. «Les brumes se dissipent enfin sur ces deux zones expliquait, hier, Xavier Ferrey, chargé de communication de l'entreprise bretonne. Pour notre part, nous sommes prêts depuis longtemps. Nos partenaires financiers sont fiables. Nous sommes impatients. Il n'y a pas de raison d'attendre davantage.» Parallèlement, Nass & Wind va poursuivre son programme WinFlow d'éoliennes flottantes pouvant être installées par grandes profondeurs. Les prototypes devraient commencer à tourner en 2016-2017.
Le solaire préféré à l'éolien 97% des Français sont favorables aux énergies renouvelables et 53% d'entre eux prônent pour le développement de l'éolien contre 61% pour le solaire, selon le baromètre 2010 de l'agence de l'environnement (Ademe). À la question «Seriez-vous prêts à payer plus cher pour bénéficier d'une électricité d'origine renouvelable?», 66% ont répondu non. L'année précédente, ils étaient 47% à répondre négativement à cette question. Didier Déniel Le Télégramme - France - 25 janvier 2011