par l avocat des nouvelles technologies de l information et de la communication : évolutions déontologiques et difficultés pratiques



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L avocat et les nouvelles technologies de l information et de la communication : évolutions déontologiques et difficultés pratiques Jean-François HENROTTE 1, Francis TEHEUX 2 et Jean-Philippe BRUYERE 3 Introduction 1 1.1. Utilisation d internet par les avocats et déontologie Déontologie et internet : voilà deux mots qui, pour beaucoup, hurleraient d être appariés. Pour certains avocats passionnés du web, les nouvelles technologies de communication et d information ne sauraient s embarrasser de normes déontologiques, qui leur paraissent aussi inapplicables que désuètes. Pour les magister de la déontologie, la rapidité et même l instantanéité des communications, l absence de toute barrière, la difficulté évidente de contrôler les dérapages devraient inciter les autorités ordinales à établir des règles très strictes. Loin de ces deux positions extrêmes, l utilisation par les avocats des nouvelles technologies véhiculées par l internet peut être l objet d une déontologie raisonnable et pragmatique. Quelques applications pratiques tirées de la tradition de Liège (facile- ment transposables dans la plupart des barreaux) permettront de vérifier que l objectif est réaliste. Dans sa pratique quotidienne, l utilisation par l avocat des nouvelles technologies et sa confrontation même avec le droit qui la régit peut être source de difficultés pratiques. Nous essayerons d en cerner quelques-unes et parfois d ébaucher des solutions concrètes. 1.2. Utilisation de l internet par les avocats et initiatives des barreaux Depuis de nombreuses années, quelques cabinets d avocats utilisent les possibilités de l internet, tant dans leurs relations avec leurs clients qu avec leurs confrères ou leur huissier. Sous l impulsion du bâtonnier DELVAUX, le conseil de l Ordre du barreau de Liège a donné à la commission cyberavocat les moyens nécessaires pour créer un extranet automatiquement ouvert à l ensemble des avocats du barreau de Liège. 1. Avocat au barreau de Liège, jf.henrotte@barreaudeliege.be, http://www.henrotte.net. 2. Avocat, ancien membre du conseil de l Ordre des avocats du barreau de Liège, f.teheux@barreaudeliege.be, http://www.geradin-law.be. 3. Avocat, président de la commission cyberavocat, jp.bruyere@barreaudeliege.be, http://www.misson.be.

70 Outre l important volet relatif à la publication d informations, ce réseau privé se caractérise par la sécurité qu il veut donner aux courriers électroniques échangés entre les avocats. Cette sécurité, sera nécessairement étendue aux échanges entre avocats de différents barreaux 4, lorsque d autres barreaux francophones 5 auront adhéré à ce projet. L adjonction du système de courriel 6 à la partie plus conventionnelle de la publication d informations (et l hébergement de homepages standards ou spécifiques pour les avocats qui en font la demande) participait également à la volonté du bâtonnier de faire entrer l ensemble des avocats dans le monde des nouvelles technologies en passant outre les obstacles économiques ou cognitifs. En effet, «comme pour l argent, le problème est la répartition des moyens informatiques, l accès dans une relative égalité» 7. Des barreaux comme celui de Bruxelles français, de Neufchâteau ou de Nivelles ont limité leur extranet à la seule publication d informations en excluant la messagerie. L Ordre français du barreau de Bruxelles a toutefois développé un partenariat avec Belgacom e-trust sur la question de la signature électronique et les certificats y afférents. L Ordre des barreaux (OBFG) essaye, malgré certaines volontés autonomistes, de créer un extranet «faîtier» permettant un accès transparent entre ces différents projets. Un prestataire technique gérerait les conditions d accès des différents extranets de manière à ce qu une seule identification soit nécessaire pour naviguer d extranet en extranet. L OBFG sera aussi certainement amené à intervenir sur la question de la signature électronique et des certificats attestant, entre autres, la qualité d avocat du signataire. L OBFG devrait également publier dans son propre extranet des informations susceptibles d intéresser l ensemble de ses membres, tel l annuaire des remplacements, Les questions que 2 pose l internet en tant qu instrument de communication 2.1. La correspondance électronique a) Adaptation des textes existants : l exemple de la tradition du barreau de Liège La déontologie est «l ensemble des règles et devoirs régissant une profession, trace les lignes de conduite nécessaires à la défense des valeurs estimées essentielles. Elle guide le comportement de l avocat dans ses rapports avec le 4. C est déjà le cas avec les avocats des barreaux de Louvain, de Namur, de Verviers et de Marche. 5. Quatre barreaux, dont un barreau étranger, sont à ce jour en train de négocier leur adhésion avec l opérateur technique. 6. La Fédération du notariat belge a fait le même choix, l adresse e-mail standardisée et sécurisée «barreaudeliege.be» trouvant son pendant dans l adresse «notaire.be» (Y. TIMMERMANS, «Signature électronique et certification : le notariat et les nouvelles technologies», in Signature et électronique et certification, U.C.L., 25 septembre 2001, p. 10). 7. J. FIERENS, «Le cyberavocat», cette revue, 1999/2, p. 140.

En effet, à l instar de toute autre communication privée, la confidentialité des messages électroniques est garantie par la loi. Sur le plan des principes, il est difficilement justifiable de fonder une négligence sur le seul fait d avoir eu recours à une technique de communication privée dont l interception est interdite et pénalement sanctionnée. La situation n est pas très différente de celle de l avocat qui recourt aux services d une société priclient, les cours et tribunaux, les autorités publiques, les confrères et les tiers» 8. A Liège, le recueil de la déontologie est la tradition du barreau de Liège. A lire celle-ci, et spécialement ses articles 95, 96, 97, 103, 4, et 114, la correspondance électronique n existe pas, puisque ces articles ne visent que la correspondance au sens traditionnel du terme, dans les relations entre confrères. Il ne semble d ailleurs pas que ces articles aient été adaptés pour viser l usage des télécopies. moyen par lequel l information couverte par ce secret professionnel peut être dévoilée à des tiers. En l absence de cryptographie des communications, le principe de précaution voudra que l avocat privilégie pour l e-mail un réseau sécurisé. Il en est ainsi de l extranet du barreau de Liège, qui est un réseau privé, auquel chaque avocat n accède que par un identifiant et un mot de passe secrets et protégés par des moyens techniques adéquats 9 et qui présente de surcroît la double caractéristique essentielle suivante : 71 Cette adaptation, en réalité de pure forme, devient évidemment urgente, puisque l on ne peut ignorer la réalité de la correspondance électronique, et d ailleurs sa promotion par l Ordre luimême. b) Secret professionnel et confidentialité des correspondances Le caractère absolu du secret professionnel et le maintien de la confidentialité des correspondances entre avocats sont-ils compatibles avec l utilisation du courrier électronique? Ces principes, qui ne peuvent souffrir d exceptions, peuvent-ils être garantis si l avocat confie des messages à un réseau ouvert comme l internet? N y a-t-il pas un risque que cette correspondance soit interceptée, détournée ou modifiée? En réalité, l internet ne change rien à la règle traditionnelle. Le principe du secret et de la confidentialité est évidemment applicable, quel que soit le offrir à l avocat utilisateur un accusé de réception fiable ; garantir, par la fonction du notaire ou bâtonnier virtuel, l intégrité du message et des fichiers attachés. Nous pensons, avec d autres auteurs, que «s il est certain que l avocat, comme tout autre professionnel, doit répondre de sa négligence, il nous paraît toutefois exagéré de poser en principe que sans le recours à des procédés cryptographiques, il serait responsable de la violation par un tiers du secret de sa correspondance électronique. 8. H. BARTHOLOMEEUSEN, «Barreau : une nouvelle déontologie sur Internet?», in Internet sous le regard du droit, Bruxelles, éd. Jeune barreau, 1997, p. 3. 9. Firewall, chiffrement SSL et propriétaire.

72 vée d acheminement de courriers. En pareille hypothèse, il ne viendrait à l esprit de personne de prétendre que l avocat serait responsable des indiscrétions des employés de ladite société à propos des courriers qui leur sont confiés» 10. c) La sécurité et la fiabilité du réseau utilisé Un réseau ouvert comme l internet présente des inconvénients sans solution à l heure actuelle, comme l impossibilité d obtenir un accusé de réception, ou trouvant difficilement une solution, comme le maintien de l intégrité et de la confidentialité du message. Un réseau fermé comme l extranet du Barreau de Liège est conçu pour remédier à ces inconvénients, tant pour ses membres que pour ceux des barreaux adhérant au projet. Ainsi, grâce à la fonction de l accusé de réception créé automatiquement par le serveur de messagerie, l utilisateur aura la certitude que son destinataire a bien reçu son message électronique et le fichier attaché. Car «la reconnaissance légale de la signature électronique ne sera pas de grande utilité si on n effectue pas en parallèle une consécration juridique du recommandé électronique ainsi qu une réflexion approfondie sur le problème de l archivage électronique, ou plus exactement de la validité dans le temps et de la lisibilité technique des documents signés digitalement» 11. A cet égard, on distinguera bien l accusé de livraison de l accusé de réception. Le fait qu un tiers garantisse la livraison nous semble insuffisant puisque le destinataire peut être de bonne foi et être simplement victime d un incident technique dans un réseau ouvert où le seul engagement technique est le best effort. On regrettera, à cet égard, la passivité actuelle de la Poste qui n apporte aucune réponse à cette question du recommandé électronique alors que le législateur lui a pourtant conféré un monopole lorsque l envoi du recommandé électronique a lieu «dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives» 12. L avocat sera donc bien avisé, lorsqu il adresse à un confrère «adhérant» un courrier officiel, d utiliser la double fonction d accusé de réception et de notaire virtuel. Il aura ainsi la preuve que son courrier a été adressé à son confrère à tel moment et la preuve de son contenu. L accusé de réception est automatique et ne dépend donc d aucune acceptation du destinataire. «Si l on exige que le destinataire fournisse un accusé de réception manuel, non automatisé, n est-ce pas abandonner l émetteur à l éventuelle mauvaise foi du destinataire qui, bien 10. Th. VERBIEST et E. WÉRY, Le droit de l internet et de la société de l information - Droits européen, belge et français, Bruxelles, Larcier, 2001, p. 199, n 372. 11. D. GOBERT, «La sécurisation des échanges par la reconnaissance de la signature électronique : conditions d existence des réseaux d avocats», in Multimédia : le cybernaute, Formation permanente CUP, vol. XXIX, Liège, éd. Formation permanente CUP, février 1999, p. 191 ; http://www.barreaudeliege.be/cup. 12. Art. 21, 2, de l A.R. du 9 juin 1999 transposant les obligations découlant de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l amélioration de la qualité du service, M.B., 18 août 1999, et l art. 239 de la loi du 12 août 2000 portant des dispositions sociales fiscales, et diverses, M.B., 31 août 2000, http://moniteur.be.

qu ayant reçu le message, s abstiendrait d envoyer l accusé de réception, obligeant ainsi l auteur à réitérer l envoi via une lettre recommandée» 13. Sans un tel accusé de réception, le courriel ne nous semble pas pouvoir être réellement utilisé de façon professionnelle. On notera à cet égard qu un tel accusé de réception est exigé par le nouvel alinéa 3 de l article 32 du Code judiciaire qui dispose qu «une communication, une notification ou un dépôt qui doivent avoir lieu par lettre recommandée à la poste, peuvent également avoir lieu valablement par télécopie ou par courrier électronique, pour autant que le destinataire fournisse un accusé de réception». Il faudrait bien sûr que le greffe ait un accès à l extranet. La fonctionnalité du bâtonnier ou notaire virtuel dans un extranet garantira l intégrité et la confidentialité du contenu du message et du fichier attaché puisqu une copie de l e-mail est automatiquement archivée auprès du bâtonnier virtuel sans que cette copie ne sorte de l extranet. Il s agit d une solution simple et gratuite, mais qui peut également être assurée par le chiffrement des messages si le destinataire dispose lui-aussi d une clé publique de chiffrement (voy. infra). Faire partie d un réseau fermé et donc sécurisé ne suffit toutefois pas puisqu il faut encore s y maintenir. Ainsi, l avocat internaute évitera de détourner les messages reçus sur sa boîte à lettre dans l extranet du barreau de Liège vers une boîte à lettre ouverte auprès d un autre prestataire de service sur l internet de manière à être certain que le courrier est resté dans l espace sécurisé. Le principe de précaution impose donc à l avocat qui ne pourrait ou ne voudrait bénéficier de cet extranet de choisir une messagerie professionnelle plutôt que gratuite, de manière à pouvoir poser des exigences en termes de sécurité auprès de son fournisseur de services sur l internet. Il essayera également de trouver des fonctionnalités se rapprochant de l accusé de réception automatique et utilisera une signature électronique avancée basée sur un certificat qualifié délivré par un prestataire de service de certification conforme à l annexe 2 de la loi et créé par un dispositif sécurisé de création de signature, plus simplement appelée par certains auteurs signature électronique «parfaite» 14 (voy. infra). d) La lisibilité des documents joints à un courriel Même si, grâce à l accusé de réception, vous avez la certitude que votre destinataire a bien reçu votre message électronique et le fichier attaché, vous n avez pas l assurance qu il a pu le lire. En effet, le destinataire peut n être équipé que d un logiciel de traitement de texte incapable de lire le format sous lequel vous avez écrit votre fichier ou un problème technique peut être survenu lors de la transmission. Deux recommandations techniques s imposent : 13. L. GUINOTTE et D. MOUGENOT, «La loi du 20 octobre 2000 introduisant l utilisation de moyens de télécommunication dans la procédure judiciaire et extrajudiciaire», Droit & nouvelles technologies, 19 janvier 2001, p. 14, htpp://www.droit-technologie.org. 14. P. LECOQ et B. VANBRABANT, «La preuve du contrat conclu par voie électronique», in Le commerce électronique : un nouveau mode de contracter?, Liège, éd. Jeune barreau, 2001, p. 104, n 80. 73

74 la première est celle d utiliser les traitements de texte les plus vendus sur le marché et également dans leur version la plus récente ou, peutêtre mieux, un logiciel du type d «Acrobat» qui a comme caractéristique de créer des documents qui resteront dans leur mise en page originelle, ne sont pas éditables (en tout cas pas facilement), peuvent être signés électroniquement et qui peuvent être lus par la majorité des gens puisqu'un logiciel de lecture est, par ailleurs, partout diffusé gratuitement ; ainsi, on aura un maximum de chance de pouvoir lire les fichiers que l on reçoit par courriel et d être lu ; la deuxième est celle d utiliser également un programme appelé convertisseur ou traducteur, qui permet d ouvrir plusieurs dizaines de traitements de texte dans le format de votre propre traitement de texte. Il est également recommandé, sur le plan déontologique, dès lors que le destinataire ne peut lire le document qui lui a été adressé (et alors même que l avocat qui l envoie dispose d un accusé de réception), de faire une application analogique de l article 2281 nouveau du Code civil 15. Dans l impossibilité où il est de lire le fichier électronique, le destinataire demandera donc à l expéditeur, sans retard injustifié, un exemplaire écrit du document illisible électroniquement. Dès lors que l exemplaire écrit lui est communiqué sans retard injustifié, le destinataire considérera avoir reçu le document à la date de la première réception. e) Le devoir général de confraternité Comme pour tout autre mode technique de transmission, l usage du courrier électronique implique pour l avocat le respect du devoir général de confraternité. Il ne peut donc en user pour surprendre ou tromper son confrère. Ainsi, par exemple, commettrait une faute déontologique l avocat qui, la veille de l audience, et en dehors des heures normales de bureau, adresserait un courriel à son adversaire pour le prévenir qu il demandera la remise de la cause, sans s assurer de vive voix que son adversaire a bien lu son message. En réalité, il n y a là aucune différence par rapport aux règles applicables en cas d usage abusif de la télécopie. f) La confirmation par voie traditionnelle Il est d usage dans certains barreaux comme au barreau de Liège de confirmer une télécopie par l envoi d une copie par voie postale. On pour- 15. Lequel dispose : «Lorsqu une notification doit avoir lieu par écrit pour pouvoir être invoquée par celui qui l a faite, une notification faite par télégramme, par télex, par télécopie, par courrier électronique ou par tout autre moyen de communication, qui se matérialise par un document écrit chez le destinataire, est également considérée comme une notification écrite.» La notification est également considérée comme écrite si elle ne se matérialise pas par un document écrit chez le destinataire pour la seule raison que celui-ci utilise un autre mode de réception.» La notification est accomplie dès sa réception dans les formes énumérées à l alinéa 1 er. A défaut de signature au sens de l article 1322, le destinataire peut, sans retard injustifié, demander au notifiant de lui fournir un exemplaire original signé. S il ne le demande pas sans retard injustifié ou, si, sans retard injustifié, le notifiant fait droit à cette demande, le destinataire ne peut invoquer l absence de signature».

rait être tenté de penser qu il y aurait lieu d en faire de même avec le courriel. Force est cependant de constater qu il ne s agit pas d une obligation déontologique. Le papier thermique (devenant peu à peu illisible) des origines du télécopieur ayant très largement cédé le pas à la classique feuille de papier A4 et le courriel étant naturellement imprimé sur ces mêmes feuilles, l usage n a plus guère de sens aujourd hui. l obligation de demander à son confrère, sans retard injustifié, un exemplaire papier du document illisible électroniquement. Dès lors que, sans retard injustifié, l exemplaire papier lui aura été communiqué, le document sera réputé avoir été reçu à la date du premier envoi.» L avocat qui n utilise plus une adresse électronique est tenu d en aviser les confrères avec lesquels il a correspondu ou de veiller à la notification automatique de ce fait à chaque envoi à cette adresse». 75 Un tel usage grève très fortement le bénéfice économique et la facilité de telles technologies. Pire, il peut donner le sentiment à certains que le courriel n aurait aucune valeur et que seul le papier en aurait, ce qui est contraire à la directive sur la signature électronique et aux modifications récentes du Code civil. L usage nous semble donc devoir être abandonné. g) Le projet de recommandation déontologique La commission cyberavocat a proposé la recommandation déontologique suivante au conseil de l Ordre des avocats du barreau de Liège : «L avocat est autorisé à communiquer par la voie de la correspondance électronique y compris pour les courriers officiels au sens de l article 96 de la tradition. Ce type de courrier doit être traité avec le même soin et la même diligence qu un courrier postal ou adressé par télécopieur.» Dans l hypothèse où, pour des raisons d incompatibilité de traitements de texte, un avocat ne pourrait lire le fichier attaché à un courriel, il aura 2.2. La sécurité et la signature électronique a) Le fondement : la cryptographie La cryptographie, encore appelée le chiffrement, consiste, grâce à une formule mathématique, à transformer un message lisible en une forme illisible pour l utilisateur qui ne possède pas la clé de décryptage. On distingue la cryptographie symétrique et la cryptographie asymétrique. La cryptographie symétrique suppose l utilisation d une clé identique utilisée par l expéditeur et par le destinataire. Ceux-ci partagent donc le même secret. L inconvénient, outre ce partage d un secret, est que le destinataire doit avoir autant de clés que d interlocuteurs. Ce système est donc trop lourd pour être vraiment appliqué. L usage de la cryptographie asymétrique suppose l utilisation de deux clés : une publique et une secrète. Selon que l expéditeur du message le chiffre avec sa clé secrète ou la clé publique de son destinataire, la crypto-

76 graphie assure une fonction de signature ou une fonction de confidentialité. Il va de soi que ces deux fonctions peuvent être cumulées en un même message. b) La certification Dès lors que la signature électronique sera assurée par le déchiffrement au moyen d une clé publique, il faudra s assurer que cette clé publique appartient bien à la personne qui s en prétend titulaire. Ce contrôle devra être assuré par un prestataire de service de certification qui attestera cette concordance dans un certificat consultable par tout un chacun. mandé, dans les relations avec les greffes, et notamment en ce qui concerne le dépôt de requêtes ou de conclusions. Cette législation a été complétée, d une part, par une disposition assimilant la signature électronique «parfaite» 18 à la signature manuscrite et, d autre part, la réglementation des prestataires de service de certification et la définition de la signature électronique avancée 19. Au jour où ces lignes sont tracées, les arrêtés d exécution doivent encore être publiés. d) Le rôle du barreau c) Les lois nouvelles Le Code civil et le Code judiciaire ont été modifiés par la loi du 20 octobre 2000 16, introduisant l utilisation de moyens de télécommunication et la signature électronique dans la procédure judiciaire et extrajudiciaire. Il sera par exemple possible de notifier un acte de procédure par e-mail, pour autant que celui-ci soit signé au sens de l article 1322 nouveau du Code civil ou, si ce n est pas le cas, à la condition qu un original signé manuscritement soit remis à la demande du destinataire et pour autant que cette demande ne soit pas dilatoire 17. Ces dispositions nouvelles permettront également l usage de la télécopie ou du courrier électronique, au même titre que le pli postal ou le pli recom- La fonction d enregistrement peut être distinguée de la fonction de certification. «L enregistrement préalable à la certification consiste à collecter de manière fiable et sécurisée les informations destinées à figurer sur le certificat (élément d identification, fonctions, ). Cette fonction d enregistrement peut être réalisée par l autorité de certification. Elle peut également être confiée à une autorité d enregistrement distincte (commune, ordre professionnel, chambre de commerce, )» 20 estiment certains. Il n apparaît pas à la commission cyberavocat que ce soit à l Ordre des avocats d exercer le rôle, même délégué, d autorité d enregistrement comme souhaite le faire le V.B et l Ordre français de Bruxelles pour ses 16. M.B., 22 décembre 2000, p. 42.698 ; http://www.cass.be/loi/loi.htm. 17. C. civ., art. 2281, cité en note 15. 18. Sur cette notion, voy. supra, 2.1., c), et note 14. 19. Loi du 9 juillet 2001 fixant certaines règles relatives au cadre juridique pour les signatures électroniques et les services de certification, M.B., 29 septembre 2001, p. 33.070 ; http://www.cass.be/loi/loi.htm. 20. Y. TIMMERMANS, op. cit., p. 7 ; M. ANTOINE et D. GOBERT, «Pistes de réflexion pour une législation relative à la signature digitale et au régime des autorités de certification», R.G.D.C., 1998, p. 300.

membres et même, dans le second cas, pour les clients de ses membres 21. La justification de ce second choix semble être «le désenclavement du barreau du judiciaire» (c est-à-dire essayer d agrandir le champ de compétence de l avocat, en ne le cantonnant pas au monopole de la plaidoirie). L avocat qui assisterait son client dans l émission de la signature pourrait ainsi l éclairer sur la portée, les conséquences juridiques de ce nouveau et complexe moyen technique. Pour la commission cyberavocat, ce rôle doit être exercé par les prestataires de service de certification lorsque le système légal sera effectivement entré en vigueur. Ce n est pas le métier des avocats. Autre chose serait bien sûr que les ordres locaux, ou mieux l autorité ordinale fédérale négocie un accord financier et l établissement de procédures, en ce compris la transmission d informations relatives à ses membres, avec de tels organismes. 77 Cette justification nous semble insuffisante. On s interroge tout d abord sur la question de savoir pourquoi le barreau n assisterait alors pas ses clients lorsqu ils téléchargent des fichiers MP3, ce produit ayant un niveau de technicité comparable à la signature et pouvant avoir les conséquences juridiques que l on connaît. L avocat non certificateur est bien sûr à même d éclairer son client lors d une consultation que celuici aurait sollicité, sur ce sujet comme sur tant d autres. Ensuite, le barreau devrait nécessairement, en raison de la complexité de la tâche, utiliser les services d un opérateur technique (même s il semblerait qu il prenne aussi une part dans la tâche technique), ce qui lui ferait endosser une part de la responsabilité de la certification alors qu il est très dépendant du prestataire de service. Enfin, la question du retrait d un certificat à un client ne manquera pas de poser des questions déontologiques et même de poser la question du secret professionnel, outre le caractère délicat du retrait à celui qui reste, par ailleurs, un client «traditionnel». Lorsque les arrêtés d exécution auront été publiés, un tel accord pourra être pris avec un prestataire de service de certification. L usage d une signature électronique avancée permettra alors de correspondre avec des tiers en confiance même si ce procédé technique n apporte aucune réponse à la délicate question de l accusé de réception. Il peut, actuellement, être fait l économie d une telle signature entre avocats en raison de l existence de la messagerie de l extranet puisque ses membres sont nécessairement clairement identifiés. Le réseau fermé est d ailleurs explicitement exclu du champ d application de la nouvelle réglementation. e) Les difficultés pratiques liées à l usage de la signature électronique L assimilation juridique de la signature électronique «parfaite» à la signature manuscrite ne résout toutefois pas toutes les questions pratiques. On relèvera par exemple la quasiimpossibilité d installer, en tout cas «en ligne», les technologies à fin de signature électronique sur un ordinateur Macintosh. 21. De même, «la Chambre nationale des notaires et/ou les compagnies provinciales ont vocation à devenir l autorité d enregistrement pour les signatures des notaires» (Y. TIMMERMANS, op. cit., p. 8).

78 Les signatures électroniques reposent sur un standard technique appelé S/MIME (Secure / Multipurpose Internet Mail Extensions) développé par RSA. Quid si le serveur de courriel du destinataire ne supporte pas ce standard? On notera également que la loi exige que la signature électronique avancée soit «créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif» 22. Ceci implique que l on ne peut probablement pas laisser la gestion de sa signature et de ses clés à un serveur, ce qui supposera donc que l on ne pourra signer que sur un seul ordinateur dédié. En résulterat-il que l on sera obligé, pour des raisons pratiques évidentes, d acheter un ordinateur portable et surtout l emporter partout? Par ailleurs, on peut se poser la question de savoir comment les magistrats pourront reconnaître qu un document est signé grâce à une signature électronique «parfaite». On peut en effet douter que les magistrats se contentent d une impression du document, de sa signature et du certificat. Des faux sont beaucoup trop faciles à réaliser et en sus, il s agit de la négation de la sécurité obtenue 22. Art. 2, al. 2, 2, c), de la loi du 9 juillet 2001. par la signature avancée. S achemine-t-on alors vers une expertise quasi systématique en cas de contestation? Ne s agirait-il pas d un nouveau moyen dilatoire et à terme la condamnation d un instrument que l on a voulu privilégier? Verra-t-on les avocats sortir leur portable, connecté au net grâce à leur GSM de troisième génération, aux audiences? Au contraire, va-t-on voir naître un nouveau métier qui consistera à archiver les documents signés et à les rendre accessibles directement aux magistrats sous leur forme électronique? Qui supportera le coût de ce service? Sur la question plus large de la cryptographie, on observera que la confidentialité des documents ne peut être garantie techniquement par le chiffrement asymétrique que si le destinataire dispose lui aussi des deux clés. A défaut, rien n est résolu. Sera-t-il possible de faire admettre au client qu en sus des frais de constitution et de gestion de dossier, il devra également supporter la redevance annuelle auprès du prestataire de service de certification? Comment contraindre un confrère ou un tiers qui se prévalent d une adresse e-mail à se doter d une clé cryptographique? Les questions que 3 pose l internet, en tant qu instrument de promotion de l avocat 3.1. Le site web a) Son contenu Pourquoi un avocat ferait-il parrainer son site internet alors qu il ne le fait ni sur sa plaquette, ni sur son papier à en-tête? Ce n est pas parce que l internet en tant que nouveau média est synonyme de modernité qu il devrait permettre un relâchement de règles essentielles. En France, le règlement intérieur harmonisé indique en son article 10.11 que les mentions autorisées sur un site

internet sont celles retenues dans les plaquettes. Ainsi, pourquoi, alors qu il ne le fait ni sur sa plaquette, ni sur son papier à en-tête, un avocat ferait-il «sponsoriser» son site internet? Pourquoi ferait-il contre rétribution figurer des encarts publicitaires pour des sociétés commerciales? La tradition précisant de manière limitative les mentions pouvant figurer dans la plaquette, la publicité pour des tiers est dès lors implicitement interdite. S agissant des sites web, peut-être conviendrait-il de l interdire explicitement. L argument de la contrepartie à l hébergement «gratuit» d un site web ne tient en tout cas pas au barreau de Liège. Un espace disque est, en effet, accordé gracieusement sur le serveur de l Ordre pour chacun des confrères qui en fait la demande. En sus, ces publicités sont rarement neutres. Elles s accompagnent souvent de l usage de techniques de cybermarketing telles que le «cookie», le profit du bavardage des navigateurs,. De plus en plus d auteurs 23 estiment que de telles pratiques sont interdites par la loi sur la protection de la vie privée. L avocat hébergé pourrait donc être considéré, si pas comme coauteur, à tout le moins comme complice d infractions à cette loi. En application des règles déontologiques traditionnelles, l avocat ne sera dès lors pas autorisé non plus à citer sur son site les noms de ses clients (le règlement intérieur harmonisé français autorise quant à lui l édition de pla- quettes reprenant les noms de clients ayant donné leur accord mais uniquement pour être diffusées à l étranger dans les pays dans lesquels une telle diffusion est autorisée). Pourquoi l avocat susciterait-il des appréciations élogieuses (ou non) de la part de clients ou de tiers en faisant figurer sur son site une rubrique «Livre d or»? Pour le surplus, le contenu d un site doit-il faire l objet d une déclaration préalable? En matière de publicité, qu elle s opère par le biais d une plaquette ou d un site internet, l Ordre des barreaux a prévu un régime libéral n imposant aucun contrôle, autorisation ou déclaration préalables. Ce point est laissé à l appréciation des ordres locaux. Le régime est différent en France puisque l avocat qui se propose d ouvrir un site internet doit en informer l Ordre et lui communiquer les références du centre d hébergement ainsi que les modalités d accès au site. Au vu de la multiplication des sites d avocats, une telle règle semble difficilement praticable, surtout si l on va jusqu à imposer une autorisation préalable pour les nouvelles rubriques 24. Au demeurant, on peut raisonnablement faire confiance aux internautes et croire qu ils nivelleront rapidement les sites en rejetant ceux qui sont trop outranciers pour l image qu ils se font encore des avocats. Il demeure qu il existe des particularités de l internet qui appellent des solutions spécifiques. 23. Tel J.-M. DINANT, «Le visiteur visité. Quand les éditeurs de logiciel Internet passent subrepticement à travers les mailles du filet juridique», http://www.lex-electronica.org/articles/v6-2/dinant.htm#5 ; «Vie privée, cybermarketing et cryptographie», cette revue, 2000, n 2, pp. 117 et s. ; contra : Th. VERBIEST et E. WÉRY, op. cit., p. 423, n 823. 24. C est pourtant en ce sens que semble aller le projet de recommandation de l Ordre français du barreau de Bruxelles. 79

80 Cela tient souvent au souhait légitime de l avocat que son site soit connu, c est-à-dire visité par le plus grand nombre de clients potentiels. Pour ce faire, l avocat va vouloir drainer un trafic important vers son site. b) Les hyperliens L on sait que l une des particularités essentielles de l internet est, grâce au langage informatique HTLM (Hyper Text Média Language) utilisé pour la création des sites, de permettre des liaisons vers d autres sites. En sens inverse, que faut-il penser des liens que tels clients feraient figurer vers le site de leur avocat? Personnellement, cela nous dérange. Cela ne nous semble pas simplement assimilable au procédé, qui existe évidemment, consistant pour une banque ou une compagnie d assurances à diriger ses propres clients ou contacts vers leur avocat habituel. Si nous sommes favorables à la publicité individuelle telle qu autorisée actuellement, il nous paraît qu il faut, pour des raisons d égalité entre confrères, que l avocat se trouve à l origine de celle-ci et non des tiers. L internaute étant avant tout à la recherche d informations, le site de l avocat pourra être le point de départ d une recherche. La multiplication des liens peut, dès lors, être recommandée même si nous apporterons certaines réserves. Il nous paraît, tout d abord, que ces liens doivent être en rapport avec la profession et ne pas concerner des sites de nature commerciale. Ensuite, des liens vers les meilleurs restaurants de la ville ou des sites d humour (cela se voit) sont contre-indiqués dans la mesure où ils peuvent nuire à l image du cabinet d avocats et par ricochet à celle de la profession tout entière. Quelles règles convient-il d adopter à l égard de sites de professions juridiques ou de professions avec lesquelles les avocats sont amenés à collaborer (experts-comptables, réviseurs, )? Y aurait-il une perte d indépendance pour l avocat ou un manque de dignité à renvoyer vers le site de son notaire «favori»? Cela pourrait constituer les prémices d activités multidisciplinaires. La question est posée. c) Les intermédiaires Cette question des liens hypertextes nous conduit à évoquer la problématique des intermédiaires. Des sociétés commerciales s occupent, parfois contre rétribution, de renvoyer des internautes à la recherche d un avocat vers le site de tel ou tel (www.perso.wanadoo.fr, où l on peut trouver la rubrique «Nos avocats référencés pour telle région», ou le site www.lawyers.com). Cette pratique ne nous paraît pas critiquable. Les annuaires internationaux pratiquent de la sorte depuis longtemps. Ce qui, par contre, paraîtrait déontologiquement répréhensible serait de rétribuer l intermédiaire non pas pour le fait d apparaître dans une rubrique mais pour les affaires apportées. Se pose également à cet égard la question de la participation de confrères à des market places ou à la conclusion d accord avec des agents intelligents. Ces deux nouveaux types de services visent à mettre en contact des pro-

fessionnels entre eux ou à mettre ceuxci en contact avec les consommateurs. En sus, un des grands avantages de tels systèmes est la comparaison des offres. La rémunération des prestataires se fait souvent en fonction des affaires apportées. Bien sûr, on pourrait se réjouir pour le consommateur de ce nouvel outil visant au développement d une saine concurrence entre prestataires de services mais ne doit-on pas aussi craindre le bradage d honoraires avec ses conséquences néfastes pour le client? d) Les métatags Un moyen de faire connaître son site est de le faire référencer par les moteurs de recherche (celui du barreau de Liège est ainsi répertorié dans une centaine de moteurs). des mentions qui ne pourraient figurer «en clair» dans son site ou sur sa plaquette 25. e) Les noms de domaines Toujours dans l optique de drainer des connexions, certains pourraient également être tentés de se faire attribuer un nom de domaine ne reprenant pas leur nom ou celui de leur association, mais un terme générique tel que «avocat» ou «lawyer». Sans entrer dans le détail de la problématique des conflits de noms de domaine, il faut en effet savoir que les deux règles essentielles en la matière sont, d une part, le fait qu une adresse ne peut être attribuée qu une seule fois et, d autre part, l adoption tant en Belgique qu aux États-Unis de la règle «premier arrivé, premier servi». 81 Plusieurs techniques d indexation sont utilisées par ces moteurs de recherche dont la méthode des balises «métatags», qui consiste à insérer dans le code source HTML du document, des mots clés (métatags) dont se servent les moteurs de recherche pour répertorier et classer le site dans telle ou telle catégorie. Il pourrait être tentant d introduire des termes sans aucun rapport avec son type d activité, ni même avec sa profession, et ce pour drainer des connexions. C est pourquoi la commission cyberavocat recommande l adoption d un règlement prévoyant que l avocat ne peut faire figurer dans ses métatags ou dans les formulaires d enregistrement des moteurs de recherche Il n est pas admissible que cela conduise à des situations de «position dominante» de certains sites. En France, où les Ordres ne semblent pas s être intéressés assez rapidement à la question, l on trouve en tête des listes des moteurs de recherche des sites de confrères tels que www.cyberavocat.com (en page d accueil, nous apprenons ainsi que ce confrère est «avocat dans le cyber-espace mais aussi dans la réalité» sic), www.avocatonline.net, www.franceavocat.com, voire www.droit.com, lesquels doivent drainer de nombreuses connexions 26. Dans cette mesure, plusieurs barreaux, tels que ceux de Bruxelles ou Luxembourg, ont déjà réagi en interdisant l usage de termes génériques pour 25. Il est amusant de relever l existence de litiges récents en matière de métatags résultant de ce qu un site d une entreprise avait incorporé dans sa page web des métatags reprenant la marque de son concurrent afin d attirer les clients potentiels de ce dernier. Cela a récemment été considéré comme un détournement de clientèle par une juridiction américaine (voy. : http://www.vcilp.org/fedct/circuit/9th/opinions/9856918.htm). 26. L Ordre du barreau de Toulouse vient toutefois de réagir récemment en interdisant à un de ses membres l usage d un nom de domaine générique. Son injonction a été à confirmée par la cour d appel de Toulouse dans son arrêt du 15 février 2001 (http://www.droit-technologie.org).

82 les noms de domaine de leurs avocats. L OBFG prépare un règlement similaire. La commission cyberavocat du barreau de Liège préconise quant à elle l adoption de la disposition (voy. ci-après) qui consiste, somme toute, en la transposition de la règle que nous connaissons déjà pour les appellations de sociétés d avocats (art. 117 de la tradition). f) Projet de recommandations déontologiques La commission cyberavocat a proposé la recommandation suivante : recherches, des mentions qui ne pourraient figurer en clair dans son site ou sur sa plaquette ou qui sont sans rapport avec l exercice de la profession.»l avocat peut délivrer des consultations en ligne contre une rétribution dont le montant a été préalablement convenu avec le client pour autant, d une part qu il s agisse de consultations simples ne nécessitant pas un entretien avec le client et, d autre part, qu il ait veillé à l authentification du client afin d éviter un conflit d intérêts et de veiller au strict respect du secret professionnel. «Dans le respect des règlements de déontologie dont celui sur la publicité, lequel rappelle que l avocat doit en toutes circonstances faire preuve de dignité et de discrétion, l avocat peut ouvrir au public un site web.» L avocat qui n utiliserait pas le nom de domaine reprenant son nom et la mention barreaudeliege.be ne peut utiliser que celui correspondant à son nom ou à celui de l association dont il fait partie.» L enregistrement d un nom de domaine qui serait lui-même ou par combinaison avec d autres mots, la reproduction d un terme générique évocateur de la profession d avocat est interdit sauf si l avocat y associe son nom ou celui de d association dont il fait partie.» Toute autre dénomination doit faire l objet d un accord préalable du conseil de l Ordre.»L avocat ne peut faire figurer sur son site des bandeaux ou logos publicitaires.»l avocat ne peut faire figurer dans ses métatags ou dans les formulaires d enregistrement des moteurs de» Il est interdit à l avocat de rétrocéder une partie de ses honoraires; seule une participation dans les frais de gestion d une société qui interviendrait comme intermédiaire étant autorisée et ce, pour autant qu elle ne soit liée aucunement à la nature de l intervention de l avocat. La participation à des market places ou la négociation d accord avec un agent intelligent sont également interdites.» Les liens hypertextes que l avocat fait figurer sur son site doivent être en rapport avec la profession. Il n est pas autorisé que des sites de clients renvoient vers le site de leur avocat. Au besoin, l avocat qui prend connaissance de tels liens vers son site a l obligation d en solliciter la suppression». 3.2. La consultation en ligne a) La tradition du barreau de Liège La règle déontologique écrite actuelle est claire : il est interdit, sous quelques réserves, à l avocat, de donner des consultations hors du cabinet (art. 126 de la tradition). Cette règle, telle qu elle est actuellement libellée, vole en éclat, dès lors que l internet permet et permettra de

plus en plus la fourniture électronique d informations, d avis et de conseils juridiques, directement en ligne, à des clients ou à des tiers. b) Les nouvelles questions posées par ce type de consultation 27 Relevons, à titre d exemple, les questions répertoriées par J.-P. BUYLE 27 : L avocat, qui donne une consultation en ligne, doit-il s assurer, et comment, de l identité de la personne à qui cette consultation est donnée? Les assurances professionnelles couvrent-elles les avocats dans le cadre d activités par l internet? Dans l affirmative, comment identifier l auteur de la faute reprochée, lorsque la consultation a été donnée par une association d avocats, sans indiquer le nom d un avocat déterminé? Faut-il réglementer l usage des liens hypertexte? Faut-il limitativement autoriser les types de conseils et de services qui peuvent être fournis en ligne? Des informations, avis et conseils entièrement automatisés (contrats types, calculs de préavis ou de pensions alimentaires sur la base de grilles ), sans intervention de l avocat, peuvent-ils être donnés au client, à titre onéreux? Des distributeurs automatiques de services juridiques contre paiement sont-ils autorisés? c) Projet de recommandation déontologique La commission cyberavocat a proposé la recommandation suivante : «L avocat peut délivrer des consultations en ligne contre une rétribution dont le montant a été préalablement convenu avec le client pour autant, d une part, qu il s agisse de consultations simples ne nécessitant pas un entretien avec le client et, d autre part, qu il ait veillé à l authentification du client afin d éviter un conflit d intérêts et de veiller au strict respect du secret professionnel.» Il est interdit à l avocat de rétrocéder une partie de ses honoraires; seule une participation dans les frais de gestion d une société qui interviendrait comme intermédiaire étant autorisée et ce, pour autant qu elle ne soit liée aucunement à la nature de l intervention de l avocat. La participation à des market places ou la négociation d accord avec un agent intelligent est également interdit». La question de la participation aux market places reste toutefois encore discutée au sein de l OBFG. 3.3. Les forums de discussion et les chatrooms a) Les dangers de la participation, à titre professionnel, à des forums «Les news groups ou forums de discussion sont des lieux de discussion et d échange d informations thématiques fonctionnant en différé et matérialisés par des messages recopiés à travers le réseau sur tous les sites accueillant ce groupe de discussion» 29. Les chatrooms sont quant à eux des forums de discussion en temps réel. 27. Nous n aborderons pas dans le cadre de cette contribution la question des obligations légales telles que celles définies dans la directive sur le commerce électronique. 28. J.-P. BUYLE, «Le point de vue du Barreau» in Multimédia : le cybernaute, Formation permanente CUP, vol. XXIX, Liège, éd. Formation permanente CUP, février 1999, p. 342 ; http://www.barreaudeliege.be/cup. 29. La Charte de l Internet 4 mars 1997, citée par N. VARILLE, «Publicité et Internet», Computer & Telecoms Law Review, 1998/1, p. 31. 83

84 La commission cyberavocat du barreau de Liège est réticente à permettre la participation de l avocat, à titre professionnel, à un forum public de discussion ou aux chatrooms en considération de deux éléments. Tout d abord, il est impossible de vérifier l identité des participants à ce type de forum ; ensuite, particulièrement pour le chat, l écriture dans l instant et l envoi immédiat sont peu propices à la réflexion approfondie alors que tous les participants peuvent garder une trace écrite de la «conversation». Certains se sont en outre posé la question de savoir si l avocat qui participe à un forum de discussion ne ferait pas de la sollicitation ou du démarcha- ge. Le mémorandum des barreaux français opère quant à lui une distinction entre la participation à un forum ou à un chat. Il estime que si l avocat répond dans le cadre d un forum de discussion, cela signifie qu une question préalable a été posée et que l on n est pas en présence d une sollicitation. La participation à un chat pose davantage de problèmes car l on ne sait plus qui est à l origine de la discussion. b) Projet de recommandation déontologique La commission cyberavocat a proposé la recommandation suivante : «La participation à titre professionnel à un forum public de discussion est interdite».