Le cours d'écriture critique et créative ne nous met pas d'à-corps. Les textes prennent les directions les plus inattendues, tout en s'appuyant sur des supports visuels, musicaux, textuels... Voici par exemple ce qui venait d'un exercice simultané de: - écoute: Saint-Saëns, Danse macabre - lecture: Baudelaire, Danse macabre - vision: des gravures médiévales sur le même thème. 1) Le vieil homme et la mort Julie R. (Histoire) Nuit sombre, lumières éteintes, tout doucement elle s'approche. Elle tourne la poignée et entre dans la chambre du vieux banquier. Elle entame sa danse macabre autour du lit en chêne. Soudain, les squellettes apparaissent et se mettent à danser. Ils tordent, se désarticulent, se contorsionnent et se déforment. Leurs os s'entrechoquent, leurs mâchoires claquent. Leurs mouvements semblent disgracieux, improbables. C'est le bal de la mort, des ténèbres. Les squelettes continuent leur fatale danse, alors qu'elle se rapproche peu à peu du lit. Ce soir, elle est venue le chercher. Le vieil homme pousse son dernier râle et elle l'emporte. Cette nuit encore, elle a frappé et dans une dernière pirouette, les squelettes terminent leur danse macabre.
Mais dans le cours suivant, nous avons approché un thème encore plus redoutable, où la critique et la créativité procèdent de pair vers le dépassement du langage de cliché: ce thème est l'amour. Nous l'avons fait sur la base de: - Dante, Enfer, Chant V, (et à travers la gravure du strasbourgeois Gustave Doré) où l'amour entre Paolo et Francesca nait de manière adultère à travers la lecture des romans d'aventure, en les portant à la mort perpétrée par la main de son mari; - Nelly Furtado, Promiscous girl, où les amants semblent parader des capacités érotiques qui ne seraient jamais mises en acte, se banalisant dans le langage de la boîte de nuit.
1) Dante et Barjavel Nelly G. (Histoire) Il y a deux ou trois mois, je devais prendre un train à Paris pour retourner dans ma contrée natale : l Alsace. Je venais de finir mon roman et partais en expédition dans le «Relay» du coin pour trouver de quoi me délecter en attendant mon train. Tiens, un livre de Réné Barjavel, La faim du tigre. Le texte de quatrième de couverture est assez énigmatique, on parle d un essai. Pourquoi pas, je l aime bien lui. Quelques pages englouties, plus tard j ai bien compris: il s agit en fait d un essai sur le sens de la vie, qu est-ce qu on vient faire là. Il aborde alors plusieurs thèmes intéressants comme la vie, l amour, la guerre, la religion. N empêche qu il a une manière de voir l Amour qui me fait un peu hérisser le poil. En résumé, ce sentiment transcendant et ambigu qui peut bousculer tous nos principes dans le bon comme dans le mauvais sens ne serait en fait qu une illusion, un faux-semblant inventé par l Homme pour masquer la cruelle fatalité du but (biologique) de tout être vivant ici bas : Nous vivons par le biais des cellules qui nous composent. Ces cellules portent et transmettent toujours le même message à la génération cellulaire suivante qui en fera de même : «Il faut que la vie continue!!» ainsi que toutes les règles fondamentales à la survie de l être vivant pour toute son existence. Mais pour que la vie continue et perdure, il faut la transmettre ; et c est l à qu intervient ce que nous appelons «amour» et «sentiment amoureux», Barjavel les appelle «reproduction» et «besoin biologique de transmettre la vie». Il semblerait juste que pendant son évolution, l Homme a tellement cherché à refouler ou à maîtriser son instinct animal que cet instinct de survie est devenu inconscient, mais il n en demeure pas moins absent pour autant. Au final, on ne choisit pas celui que l on veut dans sa vie, on répond juste positivement à cet instinct qui nous place devant un partenaire potentiel à la reproduction. N y a-t-il pas de quoi s arracher les cheveux? Comment peut-on réduire l Amour à cela? Et puis j ai réfléchi, j ai essayé de trouver des exemples concrets à cette vision. Dans la littérature par exemple et plus précisément quelques légendes mythiques avec les figures d Eros, de Cupidon, d Amour? Tous ces noms donnés à un seul et même bonhomme en culotte qui n a pour but que de nous crever le cœur pour nous rendre complètement fiévreux, brûlant d un amour imparable pour la personne qu IL aura choisit pour nous. Et le véritable amour dans l histoire? Ou même un autre exemple plus commun. Nous avons tous un ou une ami(e) qui nous a rabâché les oreilles pendant des heures interminables de cet amour qui l a frappé sans crier gare, un «coup de foudre». C est un fait, ça existe, c est beau et merveilleux tout plein. Mais ce coup de foudre nous laisse-t-il seulement le choix avant de frapper? Pourquoi y a-t-il des gens qui, un jour, croise un ou une inconnu(e) et se disent que c est la personne qu il leur faut? Désemparée, je me rends compte alors que tout n est que préméditation biologique derrière notre dos. Mais il n y a tout de même pas que des coups de foudre. Et le reste alors? Un exemple de fait divers qui a enflammé l art et la littérature : Paolo et Francesca. Sculpté par Rodin et sa Porte de l Enfer, dessiné par Gustave Doré, peint par Ingres et écrit par Dante dans son Enfer ; ce couple est tout l amour que l on peut espérer sauf celui qui est commandé uniquement par l autre blondinet en culotte ou par le message subliminal et inconscient de nos cellules. Un fait divers donc : Francesca épouse Gianciotto Malatesta dans la seconde moitié du XIIIe siècle à Rimini. Simple mariage arrangé visant une paix
politique entre Ravenne et la seigneurie de Rimini de l important Malatesta, comme tant d autres, on connaît. Francesca donnera une fille et un fils au seigneur difforme. Cependant, pour occuper sa belle femme, Gianciotto la confie à son frère Paolo. Ce dernier passera du temps avec elle notamment à la lecture de romans courtois. De fil en aiguille, une passion va naître pour se concrétiser par un premier baiser que le mari surprendra et tuera sur le chant. Voilà l exemple parfait! A en croire donc Barjavel il n y a «amour» que si la reproduction est possible. Devoir biologique auquel Francesca a répondu en donnant la vie. Pourquoi être tombée alors amoureuse de Paolo? Était-ce le «vrai» bon partenaire? Le système de programmation de nos cellules peut-il avoir des défaillances techniques? En tout cas le raisonnement de Barjavel en a, Dieu merci Leur amour est venu d un temps consacré à une même passion, un même intérêt, une même sensibilité qui a cimenté au fur et à mesure leur relation, installé une confiance. Peut-être que Paolo se devait de veiller sur la belle pour son frère mais qu au final il se devait de veiller sur elle pour son propre intérêt. Et peut-être que Francesca, reconnaissante, apprécia que quelqu un s intéresse à elle et prenne le temps pour elle. L amour est quelque chose de complexe et d indéfinissable, un temps bonheur, un autre malheur. Il peut, en fait, se décliner en autant de facettes qu il y a d être humain. La vision de Barjavel n est donc pas si erronée que je le pensais, après tout, nous restons des animaux dans des beaux vêtements, avec une belle démarche, l instinct reste là. Mais il ne fait pas tout non plus. Imaginez un couple s aimant plus que tout mais que la stérilité ou même l incompatibilité des gamètes les empêchent d avoir des enfants, de se reproduire arrêteront-ils de s aimer pour autant 2) Amour et générosité. Camille D. (Arts) Hypocrite est l homme qui dit qu aimer est un acte généreux. Aucun sentiment, au contraire, n est moins lié à la générosité pure que celui de l amour. Car on n aime jamais de façon complètement désintéressée. Qui ose prétendre aimer sans rien attendre en retour? On ne donne pas son amour comme on offre un objet, simplement pour rendre service ou pour faire plaisir. Aimer, c est attendre de l amour de celui qu on aime, c est vouloir être aimé au moins aussi fort. Car le but même de l amour est de le partager, d être heureux à deux plutôt que seul, de vivre à travers l autre son bonheur décuplé, de se servir de lui pour sa propre jouissance. Aimer, c est désirer dans tous les sens du terme, c est vouloir obtenir quelque chose du bonheur. En rendant l autre heureux on se satisfait soi-même car on partage tout. On est heureux de voir l autre heureux, on est heureux de se sentir utile, de se sentir aimé et donc valorisé, on est heureux du fait même de la relation qu on a.
On aime donc dans le but inavoué d avoir accès au bonheur indéfiniment, c est pour cela qu on veut que toute relation dure toujours, pour que ce bonheur que l on offre et que l on reçoit soit partagé à l infini. 3) Les jeux de l'amour Julien T. (Langues) L'amour est un jeu dans lequel avoir les bonnes cartes ne suffit pas, encore faut-il savoir quoi en faire. Le jeu est en général déclenché, par un appel, souvant fait par la femme. L'homme y répond en lui faisant la cour, en la draguant, dans un langage plus contemporain. C'est à ce moment que tout se joue, il s'agira de dire les bons mots, faire les bons gestes, adopter les bonnes attitudes pour gagner la partie. C'est comme un test réciproque entre les deux personnes, en cas de succès l'amour pourra alors se concrétiser. Mais est-ce le véritable amour? Si on considère que c'est un jeu, c'est que nous sommes des acteurs, que nous ne sommes pas nous mêmes, tout celà est donc factice. Mais si l'on y réfléchit bien, la vie en elle même n'est-elle pas un jeu? Quand nous sommes au travail, nous jouons le rôle de l'employé ou du patron, et en cours: du prof ou de l'élève, etc. La vie se résumerait donc en une succession de jeux, dont celui de l'amour.