A travers les légendes d Olympie¹ VII



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Transcription:

A travers les légendes d Olympie¹ VII par Cléanthis Paleologos Le Triaste, Léonidas de Rhodes Nombreux sont les athlètes de Rhodes, I île verte. dont les noms, grâce à la gloire olympique qui les entoure, sont parvenus jusqu à nous. Lutteurs et pugilistes merveilleux, pancratiastes, incomparables coureurs de dolichos, de diaule, de stade, accomplissaient des exploits qui, aujourd hui, nous paraissent surhumains. L histoire de Léonidas de Rhodes, «athlète-aux-pieds-ailés», abonde en hauts-faits que nous pourrions juger imaginaires si des écrivains inconnus nous les avaient rapportés. Mais il s agit d écrivains sérieux et de faits réels. Léonidas, au cours de quatre Jeux Olympiques successifs, réussit à remporter 3 difficiles épreuves de course le même jour: le stade, le diaule et la course armée. A étudier en détail le déroulement des épreuves olympiques dans I antiquité, cet exploit, évaiué avec nos mesures, et en fonction des possibilités humaines actuelles, nous semble incroyable. Nous allons suivre sur les pistes cet athlète qui participa pour la première fois aux 154es JO alors qu il n était qu un débutant sans expérience, en 164 avant J.-C. Les fêtes et les épreuves duraient cinq jours à Olympie. Le premier jour, dès le lever du soleil, une longue procession se dirigeait vers les lieux du sacrifice. En tête, la prêtresse de Déméter, sous son voile, puis les prêtres et tous ceux ¹ Voir Revue olympique depuis le No 64-65. qui étaient attachés aux temples et responsables des cérémonies. Suivaient les Hellanodices (ou juges organisateurs) en tunique blanche, les juges en courte robe rouge, les archontes d Elis, puis les athlètes et les maîtres du gymnase, tout nus, enfin les parents et la foule. Le premier sacrifice a lieu au tombeau de Pélops où, d après la légende, est enseveli le héros fondateur des Jeux. On égorge un bélier noir, on répand son sang sur le sol et on jette son foie dans le feu. Ensuite on célèbre solennellement le grand sacrifice dans le temple de Zeus, le rassembleur-de-nuages, qui repose sur son trône d or, de marbre et d ébène «I air bienveillant et majestueux à la fois», comme le décrit Pausanias. C est la ville d Elis qui offre ce sacrifice, le plus important par le nombre de bêtes égorgées et par sa pompe. Les organisateurs des Jeux célébraient des sacrifices sur les autels jumeaux situés en différents endroits de I Altis: Ces autels étaient consacrés à Zeus et Poséidon, Héra et Athéna, Hermès et Apollon, aux Grâces et à Dionysos, à Artémis et à I Alphée, à Kronos et Réa. Puis la foule se dispersait pour admirer les monuments, les temples, les statues d athlètes célèbres tandis que les représentants des villes et les concurrents aux Jeux sacrifiaient à leurs propres Dieux protecteurs et aux héros avant d aller couronner les statues de leurs compatriotes qui s étaient illustrés autrefois. Ils descendaient ensuite vers I hippodrome pour implorer la protection des nombreux dieux rassemblés là; les 135

plus nombreux sacrifices avaient lieu au tournant de I hippodrome où se produisaient de fréquents accidents. On y avait dressé I autel du Dieu Taraxippo qui exigeait d énormes animaux de boucherie pour accepter de s apaiser, de ne pas effrayer les chevaux quand ils abordaient le tournant dangereux; souvent, en effet, ils s accrochaient, s emmêlaient, tombaient les uns sur les autres. De loin, on aurait dit une véritable bataille à en juger par les hommes en train de courir, les chevaux déchiquetés, les cochers blessés. Ainsi, toute la matinée I Altis embaumait des fumées qui montaient vers le ciel et la foule, d autel en autel, admirait les offrandes, goûtait aux viandes grillées et exprimait ses souhaits. L après-midi, les athlètes en compagnie de leurs moniteurs et de toute leur famille, se présentaient devant I assemblée; face à la statue de Zeus et aux Hellanodices, ils juraient de combattre loyalement et de ne nuire à personne. Zeus brandissant la foudre avait quelque chose d effrayant et, comme si cette représentation terrible ne suffisait pas, on avait gravé sur le socle un distique menaçant à I encontre de ceux qui oseraient enfreindre la loi divine. On égorgeait un sanglier sur les entrailles duquel les combattants (ou leur père s il s agissait d éphèbes) prêtaient serment ainsi que les juges choisis pour vérifier I âge des enfants et séparer les poulains des étalons. L après-midi, on désignait un enfant dont le père et la mère étaient encore en vie, on lui remettait un petit couteau d or et on le conduisait près du temple de Zeus afin qu il coupât les branches de I olivier sauvage dont on ferait les couronnes des vainqueurs. Ainsi se terminait le premier jour, consacré à la célébration des cérémonies d ouverture. Le deuxième jour était réservé aux épreuves pour les enfants, le troisième à celles des hommes, le quatrième aux épreuves hippiques, aux courses de chars, au pentathlon, aux contours de trompettes et de hérauts, et le cin- quième avait lieu la distribution solennelle des prix par les Hellanodices, les sacrifices d actions de grâce, et dès midi, dans le village olympique, les derniers festins précédaient les adieux. Jusqu à I aube, la verte vallée résonnait de chants, de danses, et d hymnes de victoire. En joyeux cortèges, les athlètes parés de leurs couronnes agitaient des branches de thyrse tandis que les lyres et les flûtes, accompagnant les chansons à boire, déchiraient la nuit. Au jour dit, les épreuves commençaient donc dès le lever du soleil. Les courses qui précédaient la lutte, le pugilat et le pancrace débutaient par une épreuve de vitesse, le stade, disputé sur une longueur du stade. Le héros et demi-dieu Héraclès en avait établi la longueur en y portant six cents fois I empreinte de ses pieds, soit 192,70 mètres. Comme nous le savons, les juges officiels éléens surveillaient les athlètes durant leur mois d entraînement à Olympie. Ceci, nous le comprenons parfaitement, visait un but précis: savoir qui était prêt à affronter les compétitions, qui devait être choisi ou écarté dans chaque discipline. Ainsi les Eléens pouvaient-ils exclure les athlètes incapables de fournir d intéressantes performances, et par conséquent un spectacle excellent. Pour la course du stade, ils sélectionnaient seize athlètes et ceux-ci devaient courir les éliminatoires au tours desquelles ils s affrontaient quatre à quatre. II ne restait alors, dans la dernière épreuve, que des hommes susceptibles de remporter la victoire olympique. Le vainqueur du stade devenait I athlète le plus célèbre et dans toute la Grèce, les villes baptisaient I Olympiade suivante de son nom et marquaient ainsi les événements survenus durant ces quatre ans. Les vainqueurs de chaque série recevaient une palme, signe qu ils avaient été sélectionnés, et revenaient à la ligne de départ pour la dernière épreuve. Léonidas, vainaueur de sa série, remporta la victoire finale et fut couronné d olivier sauvage. II surclassait tous ses adversaires, sa supériorité était indé- 136

niable. La foule I acclama quand il regagna sa place. Après le stade avait lieu le diaule, course de demi-fond. Ce n était pas une épreuve de sélection. Dix athlètes prenaient place sur la ligne de départ qui se trouvait à I extrémité du stade. Au signal ils s élançaient, arrivaient au bout, viraient autour d une petite colonne et couraient de nouveau vers la ligne d où ils étaient partis. Le premier arrivé était déclaré vainqueur du diaule, les autres se retiraient tête basse, presque honteux et disparaissaient du stade où la foule n avait pas assez d yeux pour admirer le vainqueur, ni assez de mains pour I applaudir, pour le couvrir de fleurs, de branches de myrte et de laurier-rose au moment où il passait. Léonidas vint déposer la couronne de sa victoire entre les mains de ses parents puis alla se placer sur la ligne de départ où s étaient rassemblés les coureurs du diaule. Le juge passe devant eux, leur présente la coupe contenant les coquilles marquées du chiffre, les athlètes en prennent une, lèvent la main afin que I on puisse lire le nombre. Ensuite ce même juge place les coureurs sur la ligne de départ d après I indication donnée par les coquilles. II appelle le juge de départ, se retire en arrière de la ligne où se tiennent également les huissiers qui demeurent à ses côtés pendant toute la course. Le juge de départ passe, à présent, devant les coureurs. Ils sont quatorze, cette fois. II vérifie que chacun est à sa place, prêt à partir; il Iâche la corde et les coureurs s élancent en avant, en foulées légères. Léonidas se détache dès le début, arrive au bout du parcours, contourne la petite colonne à une allure diabolique et se précipite vers le but sans qu on puisse le retenir. Ses adversaires sont encore loin en arrière lorsque la voix du héraut retentit sur le stade: Léonidas de Rhodes remporte le diaule! Ses parents et ses amis accourent, I enlacent, I entraînent hors de la piste. II a accompli un exploit merveilleux. En quelques moments il a gagné deux couronnes olympiques. Heureuse Rhodes qui va I accueillir! Mais Léonidas ne s attarde pas à se réjouir avec ses compatriotes: il vise plus haut encore, il veut remporter une troisième victoire. II se rhabille et va se reposer à I ombre d un arbre, tout en regardant les épreuves. En ce moment, se dispute le dolichos, course de fond sur 24 tours du stade. Lorsqu on appelle les athlètes pour la dernière épreuve des Jeux, «le char embrasé d Apollon a commencé sa descente dans I immensité du ciel». C est la course armée. Parfois les athlètes courent en jambières, coiffés d un casque de bronze, le bouclier rond et la courte épée en mains. Aujourd hui, ils ont simplement passé le bouclier au bras gauche, le droit restant libre. Comme on I assure, cette épreuve a été placée exprès à la fin des Jeux en tant que discipline de combat et pour inciter tout le monde, athlètes et spectateurs, à y assister. «La suspension d armes va prendre fin, ainsi que I amitié. Si la sagesse et le courage sont I apanage des Dieux, la guerre compte aussi parmi leurs jeux. Maintenant que le «sang-non-corrompu» a été répandu sur leurs autels et que les athlètes ont accompli de nombreuses actions d éclat, efforcez-vous de regagner vos patries par les chemins les plus courts. Hâtez-vous de traverser les frontières dans les délais impartis par I armistice. La guerre, dévoreuse d hommes, reprendra...» Les athlètes s avancent, le bouclier passé au bras gauche; ils prennent leur coquille, se placent sur la ligne. Le juge de départ donne le signal tandis que la foule se tient attentive, immobile. Les coureurs doivent effectuer quatre tours dans cette course des hoplites. Ils s élancent mais, au début, leur allure est modérée, calculée. Chacun observe, de biais, ses adversaires. Personne en- 138

core ne se décide à accélérer le rythme ni à prendre la tête. Ils arrivent au bout, font demi-tour. Ils courent tous sur la même ligne en balançant le bras droit, le gauche passé dans la courroie du bouclier rond. Le spectacle est grandiose. II faut imaginer que les quatorze hommes avancent de front contre d invisibles ennemis. Les voilà qui virent pour la première fois à la ligne de départ: ils ont couvert la moitié du parcours imposé. Des cris montent de la foule, la rumeur s enfle, le stade s emplit de vacarme, on se croirait revenu à I instant où Zeus-porteur-de-foudre et Athéna-auflanc-d airain ont précipité les Titans dans le Tartare! Au milieu du troisième tour, un athlète au corps harmonieux bondit en avant, accélère au point que lorsque ses concurrents prennent le tournant il a déjà sur eux une bonne avance. La foule pousse des cris de joie. L athlète entame le dernier tour, force encore son allure et passe, comme un éclair, devant les spectateurs. Dans le stade, le public est impressionné. Quelle puissance! Où était-elle cachée, pendant tout ce temps? Comment le jeune homme a-t-il pu la maîtriser? On distingue à présent I heureux vainqueur qui touche au but après avoir laissé les autres coureurs en arrière. Léonidas! C est Léonidas de Rhodes! Dès son arrivée, la voix puissante du héraut se fait entendre: Léonidas de Rhodes remporte la course des hoplites. Un long moment le stade retentit de vivats, puis, peu à peu, le silence revient. La foule aperçoit le héraut, bras levés, sa longue barre brandie tandis qu il accomplit son office. Le silence est si profond que I on entend I annonce jusqu aux rives de I Alphée: Léonidas de Rhodes est proclamé triaste! C est là un fait exceptionnel: remporter trois épreuves le même jour à Olympie, cet homme est vraiment comblé! Comme le seront d ailleurs ses parents, sa famille entière et sa patrie... La gloire de Léonidas devait encore grandir et son nom devenir célèbre dans I histoire. Le jeune homme ne se reposa pas sur ses lauriers. II revint quatre ans plus tard aux 155es Jeux Olympiques et fut, de nouveau, proclamé vainqueur à la triple course. II renouvela son exploit aux 156es Jeux: Léonidas fut déclaré triaste pour la troisième fois et la foule le porta, véritablement, aux nues. Pendant douze ans il demeura I homme le plus rapide du monde alors connu. Mais la suite de son aventure semble incroyable et relève du fantastique. Aux 157es Jeux, douze ans après avoir gagné pour la première fois, Léonidas de Rhodes se rendit à Olympie et, pour la quatrième fois, battit ses adversaires aux mêmes épreuves, le même jour. Ce fut I apothéose, I histoire I adopta. Sa statue, sur I Altis, témoigne, à travers les siècles, de ses exploits inégalables. Les historiens le citent dans leurs écrits. Eusèbe Pamphile donne la liste de ses victoires dans «Images des Jeux Olympiques»; cette sobre nomenclature convient à ces exploits surhumains qui, au fil du temps, ont pris forme de Iégendes. Afin d aider le lecteur nous avons simplement ajouté, à cette liste, la date des Jeux: «154es Jeux Olympiques (164 avant J.-C.) Léonidas de Rhodes est proclamé triaste (stade, diaule et course des hoplites). 155es Jeux Olympiques (160 avant J.-C.) Léonidas est triaste pour la 2e fois. 156es Jeux Olympiques (156 avant J.-C.) Léonidas est triaste pour la 3e fois. 157es Jeux Olympiques (152 avant J.-C.) Léonidas est triaste pour la 4e fois. II fut le premier et le seul à remporter douze couronnes en quatre Jeux Olympiques.» C.P. (à suivre) (Traductrice: Catherine Lerouvre) 139