Mariage et filiation en Belgique



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Transcription:

Mariage et filiation en Belgique de 1800 à 2050 Compte-rendu de la 17 ème Journée Arc-en-Ciel Didier Pire, maître de conférences à l'université de Liège David Paternotte, chargé de recherche FNRS à l'université Libre de Bruxelles Gilles Genicot, membre du Comité consultatif de Bioéthique

Cette 17 e Journée arc-en-ciel s est inscrite dans le contexte du dixième anniversaire de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. Nous avons saisi l occasion pour retracer les actions militantes et politiques qui ont présidé à cette évolution. Mais cette petite histoire s incrit dans une bien plus grande. Depuis le 19 e siècle, la marche vers l égalité en droit de la famille a été constante, d abord en rétablissant peu à peu le droit des femmes au sein du couple, ensuite, comme une suite logique, en faveur des couples de même sexe. Enfin, une réflexion plus théorique a permis de situer d autres avancées en vue dans le champ de l éthique, notamment en matière de gestation pour autrui. Didier Pire Les lois révolutionnaires, l'introduction du code civil, les réformes du divorce Didier Pire, avocat au barreau de Liège, maître de conférences à l'université de Liège et membre du Conseil Supérieur de la Justice, a brossé un tableau des évolutions du contrat de mariage, de ses obligations et de ses conditions. L'exposé montre, avec force références historiques et statistiques, à quel point l'institution s'est transformée, notamment sous l'impulsion des mouvements féministes. Quelques chiffres : Mariages Divorces Cohabitations légales 1830 26.000 4 1870 37.000 <100 1920 106.000 2.200 1945 83.000 3.100 1970 73.000 6.400 2000 45.000 27.000 2.500 2010 42.000 29.000 36.000 1792 : le divorce proposé dans les lois révolutionnaires est très libéral. 1804, introduction du code civil Avec l'introduction du code civil, le mariage installe l'homme en monarque absolu de la cellule familiale, c'est ce qu'on appelle la puissance maritale. L'aliénation de la femme à son mari est totale. La puissance maritale établit l'autorité absolue de l'homme sur sa femme et ses enfants. Une femme mariée est assimilée à un mineur, elle devient incapable juridiquement. La femme passe de la tutelle de ses parents à la tutelle de son mari. Le patrimoine familial appartient à l'homme et lui seul peut engager des dépenses. La famille est considérée comme la première cellule de l'état. Les travaux préparatoires au code civil assimilent la famille à une monarchie dont l'homme est le souverain, sans lequel ce serait l'anarchie. L'homme choisit où le couple va habiter et il peut contrôler la correspondance de la femme. La femme bénéficie d'un mandat domestique pour les achats du ménage. - 2 -

Les conditions d'accès au mariage deviennent également plus contraignantes : Il faut obtenir le consentement des pères et mères pour contracter mariage jusqu'à 25 ans pour un homme, 21 ans pour la femme. Au-delà de cette majorité matrimoniale, les époux doivent notifier leur intention de se marier par un acte notarial (actes respectueux) ; Il est interdit de se remarier avec la même personne ; Il est interdit de se marier avec la personne avec laquelle on a été pris en flagrant délit d'adultère ; La différence de sexe n'est pas inscrite dans le code civil, mais elle semble aller de soi ; L'avis du conseil d'état de 2001 sur le projet d'ouverture du mariage aux couples de même sexe fera référence aux travaux préparatoires du code civil, invoquant les mêmes arguments essentialistes : Selon la doctrine, il s'agit d'une évidence: il va de soi que le mariage ne peut être que l'union d'un homme et d'une femme. Ainsi, le Traité élémentaire de droit civil belge d'henri De Page, réécrit par Jean-Pol Masson, s'exprime comme suit: " [la différence des sexes] s'impose d'elle-même. Aussi la loi n'en parle-t-elle pas. Il faut évidemment suppléer à ce silence, et décider qu'un mariage conclu entre personnes du même sexe est radicalement nul. " Cette évidence tient du fait qu'il y a un lien étroit de causalité entre l'institution du mariage, avec ses caractéristiques essentielles, et la nécessité d'assurer la stabilité de l'union entre un homme et une femme afin de permettre l'éducation des enfants qui peuvent en résulter. L'adultère apparait dans le code civil de 1804 et dans le code pénal de 1810. Là aussi, des différences de traitement sont instituées entre l'homme et la femme. L'adultère de la femme peut être constaté partout (art.229 du code civil) et elle encourt de 3 mois à deux ans d'enfermement (art.337 du code pénal), celui de l'homme, uniquement au domicile conjugal (art.230 du code civil), et il encourt une simple amende (art.339 du code pénal). La vision très bourgeoise et patriarcale voulait qu'un enfant adultérin conçu en dehors du foyer, ce n'était pas trop grave. Par contre, que celui-ci fut éduqué au sein même de la cellule familiale et puisse hériter du patrimoine était considéré comme abominable. Le divorce, quant à lui, devient pratiquement beaucoup plus difficile à obtenir (82 articles définissent les conditions et les conséquences du divorce dans le code civil de 1804). XXème, le siècle des réformes En un peu plus de 200 ans, les réformes vont modifier peu à peu les conditions et effets du mariage et du divorce. C'est particulièrement vrai à partir du début du XXème siècle où le nombre de réformes va se multiplier, notamment sous la pression des mouvements féministes. 1946 : On refuse encore l'accès à la profession de magistrat aux femmes ; 1948 : Les femmes accèdent au droit de vote ; - 3 -

1958 : La puissance maritale est abolie ; 1976 : Réforme des régimes matrimoniaux. Les époux sont égaux dans la gestion du patrimoine et l'exercice d'une profession. Une femme mariée peut ouvrir un compte bancaire sans avoir besoin de l'approbation de son mari ; 1987 : La puissance paternelle est abolie. L'adultère sort du code pénal ; 1989 : le viol entre époux est condamnable pénalement ; 2007 : avant les réformes successives du divorce (il y en a eu près de 25 depuis la seconde guerre mondiale), cinq comparutions étaient nécessaires avant le prononcé et la moitié du patrimoine des époux revenait aux enfants. Depuis la réforme de 2007, deux (voire une seule) comparutions sont nécessaires. La nouvelle procédure, dite de désunion irrémédiable, confine la recherche d'une preuve d'adultère au champ de l'octroi de la pension alimentaire. Aujourd'hui, dans les obligations relatives au contrat de mariage, les devoirs de cohabitation, de fidélité et de secours sont toujours inscrits dans le code civil, mais dans la pratique, c'est surtout le devoir de secours qui peut être actionné par l'un des époux. Début du XXème siècle, un enfant sur cent nait hors mariage. Aujourd'hui, c'est près d'un enfant sur deux qui nait hors mariage. ANNEXE À L'EXPOSÉ DE DIDIER PIRE Quelques extraits du Recueil complet des travaux préparatoires au code civil, Tome IX, le mariage. Sur la tutelle de la femme, Napoléon Bonaparte, Premier Consul : Est-ce que vous ne ferez pas promettre obéissance par la femme? Il faudrait une formule pour l'officier d'état civil, et qu'elle contînt la promesse d'obéissance et de fidélité par la femme. Il faut qu'elle sache qu'en sortant de la tutelle de sa famille, elle passe sous celle de son mari. (p.34 note de bas de page) Sur le consentement des parents, Portalis, Conseiller d'etat : Nous avons prévu le cas où le père et la mère, dans leur délibération, auraient des avis différents. Nous avons compris que, dans une société de deux, toute délibération, tout résultat deviendrait impossible, si l'on n'accordait la prépondérance au suffrage de l'un des associés. La prééminence du sexe a partout garanti cet avantage au père. (p. 145) Sur la différence de majorité entre les filles et les mâles, Portalis, Conseiller d'etat : La nature se développe plus rapidement dans un sexe que dans l'autre. Une fille qui languirait péniblement dans une trop longue attente, perdrait une partie des attraits qui peuvent favoriser son établissement, et souvent même elle se trouverait exposée à des dangers qui pourraient compromettre sa vertu. [..] On ne peut avoir les mêmes craintes pour notre sexe, qui - 4 -

n'est que trop disposé au célibat, et à qui l'on peut malheureusement adresser le reproche de fuir le mariage comme on fuit la servitude et al gène. (p.145) Sur les droits et devoirs respectifs des époux, Portalis, Conseiller d'etat : Ils se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance. Le mari doit protection à sa femme et la femme obéissance à son mari. On a longtemps disputé sur la préférence ou l'égalité des deux sexes. Rien de plus vain que ces disputes. On a très bien observé que l'homme et la femme ont partout des rapports et partout des différences. Ce qu'ils ont de commun est de l'espèce; ce qu'ils ont de différent est le sexe. Ils seraient moins disposés à se rapprocher s'ils étaient semblables. La nature ne les a faits si différents que pour les unir. Cette différence qui existe dans leur être en suppose dans leurs droits et dans leurs devoirs respectifs. Sans doute, dans le mariage, deux époux concourent à un objet commun ; mais ils ne sauraient y concourir de la même manière. [ ] La force et l'audace sont du côté de l'homme, la timidité et la pudeur du côté de la femme. L'homme et la femme ne peuvent partager les mêmes travaux, supporter les mêmes fatigues, ni se livrer aux mêmes occupations. Ce ne sont point des lois, c'est la nature même qui a fait le lot de chacun des deux sexes. La femme a besoin de protection, parce qu'elle est plus faible ; l'homme est plus libre parce qu'il est plus fort. La prééminence de l'homme est indiquée par la constitution même de son être, qui ne l'assujettit pas à autant de besoins, et qui lui garantit plus d'indépendance pour l'usage de son temps et pour l'exercice de ses facultés. Cette prééminence est la source du pouvoir de protection que le projet de loi reconnaît dans le mari. L'obéissance de la femme est un hommage rendu au pouvoir qui la protège ; et elle est une suite nécessaire de la société conjugale, qui ne saurait subsister si l'un des époux n'était subordonné à l'autre. Le mari et la femme doivent incontestablement être fidèles à la foi promise ; mais l'infidélité de la femme suppose plus de corruption, et a des effets plus dangereux que l'infidélité du mari : aussi l'homme a toujours été jugé moins sévèrement que la femme. [ ] Les femmes connaîtraient peu leur véritable intérêt, si elles pouvaient ne voir dans la sévérité apparente dont on use à leur égard, qu'une rigueur tyrannique plutôt qu'une distinction honorable et utile. Destinées par la nature aux plaisirs d'un seul et à l'agrément de tous, elles ont reçu du ciel cette sensibilité douce qui anime la beauté, et qui est sitôt émoussée par les plus légers égarements du cœur ; ce tact fin et délicat qui remplit chez elle l'office d'un sixième sens, et qui ne se conserve ou ne se perfectionne que par l'exercice de toutes les vertus. [ ] Ce n'est donc point dans notre injustice, mais dans leur vocation naturelle, que les femmes doivent chercher le principe des devoirs austères qui leur sont imposés pour leur plus grand avantage et au profit de la société. (p.178 et 179) - 5 -

David Paternotte La revendication du mariage, les transformations du mouvement LGBT, David Paternotte, chargé de recherches FNRS à l'ulb, a expliqué comment les associations LGBT et les partis politiques se sont emparés (ou non) de la revendication de l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Le chercheur est également revenu sur les transformations des discours autour de l'homosexualité ces dernières années en Belgique. Deux étonnements sur les militants LGBT de Belgique : des Belges vont soutenir les Français lors des manifestations pour le mariage pour tous ; le Premier Ministre à la tribune de l'onu parle des droits des LGBT dans le monde ; L'ouverture du mariage et les droits des LGBT sont devenus une source de fierté nationale. On est très loin des discours anti-mariage des années '70-'80. L'histoire (et sa réinterprétation a posteriori) de la revendication de l'ouverture du mariage aux couples de même sexe diffère entre francophones et flamands et entre hommes et femmes. Début des années '80, rares étaient les voix qui demandaient l'ouverture du mariage. Le mariage était perçu comme une institution bourgeoise et patriarcale qui devait être supprimée. "La revendication du mariage doit être abandonnée, c'est l'égalité qui doit être visée" (Bob Carlier, un des précurseurs des études gaies et lesbiennes en Flandre). C'est à la fin des années '80 que, pour la première fois, l'ouverture du mariage est présentée comme une revendication envisageable, par Alain Bossuyt (Tels Quels), sous pseudonyme : "On pourrait demander le mariage". 1989 : introduction du partenariat civil au Danemark (réservé aux couples de même sexe). L'épidémie du sida décime la population gaie. La maladie tue et tue rapidement. Une réponse urgente s'impose, non seulement en termes de lutte contre l'épidémie, mais également sur les aspects patrimoniaux des nombreuses victimes. Début des années '90, Michel Pasteel et Jacques Hamaide (Tels Quels) rédigent un premier texte sur la cohabitation légale à la Belge. Côté flamand, c'est plus compliqué. Le mouvement LGBT au nord du pays se concentre avant tout sur les lois anti-discrimination et est inquiété par la montée du Vlaams Blok. En 1996, Anke Hintjens rejoint la cellule politique de la Holebi Federatie (ancêtre de çavaria, la fédération flamande des associations LGBT). Un référendum est organisé au sein de la fédération flamande et c'est finalement la demande de l'ouverture du mariage qui sera votée. Le mariage n'est plus perçu comme un moyen d'oppression mais comme un outil de protection juridique. Le mariage est désormais un privilège que ne peuvent se réserver les hétérosexuels. Le VLD sera le premier groupe politique à déposer une proposition de loi. - 6 -

Côté francophone, le communautarisme de Tels Quels empêche le débat d'avancer en faveur de l'ouverture du mariage. 1996 : création de la Fédération des associations gaies et lesbiennes (FAGL) qui, emmenée par François Sant'Angello, jouera le rôle de courroie de transmission entre flamands et francophones sur la question du mariage. 1999 : les démocrates chrétiens sont boutés hors du pouvoir. Une majorité arc-en-ciel se met en place. De nombreux dossiers à caractère éthique vont être mis sur la table : euthanasie, dépénalisation partielle (et manquée) de la consommation de drogues douces, loi antidiscrimination. Le mariage homo sera également à l'agenda de cette nouvelle majorité. C'est Magda Alvoet qui va prendre la main sur ce dossier (pourtant en charge de la Santé, de l'environnement et de la Consommation). Très vite, il apparaitra que la solution la plus simple pour lever les discriminations entre couples homos et hétéros sera l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Et les différents partis de se positionner : CD&V : en faveur du texte (discours sur la durabilité des couples) ; cdh : contre le texte ; SP.a, PS, ECOLO, Groen et OPEN VLD : en faveur du texte MR : pas de consigne de vote, majorité contre ; En Belgique, très peu d'opposants feront entendre leur voix. L'Eglise de Belgique sera relativement discrète sur la question, le professeur Jean-Louis Renchon se positionnera contre l'ouverture du mariage (et de l'adoption) de même que quelques bourgmestres, dont André Antoine. Trois transformations du mouvement LGBT : l'égalité de traitement est le cœur des discours à l'heure actuelle ; l'égalité s'est quelque peu réduite au droit de pouvoir se marier ou non ; l'amour s'est également invité au cœur des débats ; - 7 -

Gilles Genicot Tests ADN, procréation médicalement assistée, gestation pour autrui, Gilles Genicot, avocat au barreau de Liège, maître de conférences à l'université de Liège et membre du Comité consultatif de bioéthique, est revenu sur l'articulation entre droit, progrès scientifique et famille. L'exposé revient également sur les questions d'éthique et de morale sous jacentes. La question de la fonction du droit dans la structuration de la famille est posée. L'interruption volontaire de grossesse, la procréation médicalement assistée, les tests ADN sont autant de nouvelles technologies qui viennent reposer la question de l'articulation entre droit, progrès scientifique et famille. Et une question centrale se pose en matière d'éthique : le droit doit-il encadrer des pratiques existantes ou imposer? Les règles juridiques, morales et éthiques régulent nos sociétés. Une tension existe entre le droit écrit et le droit vécu. La notion d'ordre public est de plus en plus fuyante. Il faut redéfinir sa place dans la question du droit et notamment du droit des personnes. Un exemple très actuel est celui de la gestation pour autrui. Deux tendances de fond se dégagent ces dernières années : l'évolution de la cellule de base de la société de la famille vers l'individu et la prééminence des liens affectifs sur la vérité des liens biologiques. C'est dans ce sens que le législateur belge a voté la loi de 2007 qui encadre la procréation médicalement assistée : aucune discrimination ne peut être pratiquée dans l'accès à la PMA (femme en couple avec un homme, femme seule, femme en couple avec une femme). Le droit belge ne parle pas de la GPA. La pratique de la GPA est laissée à l'appréciation des équipes médicales des centres de fertilité et leur réalité juridique à celle des juges. En France, trois principes (juridiques) sont évoqués par le Comité consultatif national d'éthique contre la gestation pour autrui : l'indisponibilité du corps humain, indisponibilité de l'état des personnes ainsi que celui de l'asservissement de la mère porteuse. En Belgique, le conseil d'état et le comité consultatif de bioéthique (CCB) se sont prononcés en faveur d'un encadrement légal de la gestation pour autrui. Les arguments avancés par le CCB sont plus pragmatiques qu'en France : sécurité juridique, interdiction de la commercialisation, prévenir les abus, consentement des parties (notre corps ne peut être gouverné par d'autres règles que celles qu'on s'impose). Pour ce qui est de l'indisponibilité de l'état des personnes, la loi sur la transsexualité a déjà modifié la donne. L'état civil des personnes est disponible puisqu'il est possible de changer le sexe/genre sur sa carte d'identité. Pour ce qui est de la filiation, le droit familial n'est plus structurant mais est là pour accompagner et protéger les nouveaux modèles (familles recomposées, parent social, homoparentalité). On est en rupture avec le droit qui veut défendre les valeurs traditionnelles. On ancre les droits fondamentaux dans les valeurs juridiques. Les principes d'égalité et de non-discrimination sont au cœur de ce changement. - 8 -