Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Chabin, Laurent, 1957- Série grise 2 e éd. (Collection Atout ; 40. Policier) Éd. originale : c2000 Pour les jeunes de 12 ans et plus. ISBN 978-2-89647-049-5 I. Titre. II. Collection : Atout ; 40. III. Collection : Atout. Policier. PS8555.H17S48 2007 jc843.54 C2007-941534-2 PS9555.H17S48 2007 Les Éditions Hurtubise HMH bénéficient du soutien financier des institutions suivantes pour leurs activités d édition : Conseil des Arts du Canada ; Gouvernement du Canada par l entremise du Programme d aide au développement de l industrie de l édition (PADIÉ); Société de développement des entreprises culturelles au Québec (SODEC); Gouvernement du Québec par l entremise du programme de crédit d impôt pour l édition de livres. Conception graphique : fig. communication graphique Illustration de la couverture : Alain Reno Copyright 2000, 2007 Éditions Hurtubise HMH ltée Téléphone : (514) 523-1523 Télécopieur : (514) 523-9969 www.hurtubisehmh.com Distribution en France Librairie du Québec/DNM www.librairieduquebec.fr Dépôt légal/3 e trimestre 2007 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives du Canada La Loi sur le droit d'auteur interdit la reproduction des œuvres sans autorisation des titulaires de droits. Or, la photocopie non autorisée le «photocopillage» s est généralisée, provoquant une baisse des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer par des professionnels est menacée. Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, par quelque procédé que ce soit, du présent ouvrage est interdite sans l autorisation écrite de l Éditeur. Imprimé au Canada
LAURENT CHABIN SÉRIE GRISE
Laurent Chabin a choisi de s installer en Alberta au pied des montagnes Rocheuses. C est là qu il s est mis à écrire de façon professionnelle en commençant par des contes de fées! «Je n avais jamais pensé à écrire des romans policiers», dit-il, «jusqu à ce que les éditions Hurtubise HMH m en demandent un! Maintenant, je suis mordu, je ne peux plus m arrêter! Quand un ou plusieurs personnages m intéressent, j aime les reprendre dans un autre livre, même s il ne s agit pas vraiment d une suite.» C est ce que Laurent a fait dans Vengeances, où l on retrouve Louis Ferdine, en compagnie de nouveaux personnages. Maintenant il vit au Québec. Auteur prolifique, Laurent a déjà écrit une soixantaine de romans pour les jeunes et les adultes.
«Me cherchiez-vous, Madame?» Racine
1 QUE LA FÊTE COMMENCE! Soirée Meurtre et mystère. Quelle plaie! Et chez des vieilles dames, en plus! Comment est-ce que j ai pu me laisser embarquer dans une galère pareille, à mon âge? C est si gentil à vous d accepter, monsieur Ferdine, elle a roucoulé, madame Hermine. Vous êtes vraiment trop charmant. Et vos romans, ils sont tellement mêêêrveilleux! J en ai encore la chair de poule... Mêêêrveilleux, mes romans! Eh bien, elle n est pas difficile, madame Hermine! C est peut-être à cause de son nom, Hermine. Franchement, comment peuton s appeler comme ça à l aube du vingt et unième siècle? La première fois qu elle m a téléphoné, j ai cru que c était une blague! 7
Voyez-vous, monsieur Ferdine, nous sommes une association de gens de... d un certain âge, voyez-vous, mais nous adorons vos romans. Notre président, monsieur Racine, m a chargée de vous demander... enfin, si vous nous faisiez l honneur de présider notre prochaine soirée Meurtre et mystère, voyez-vous... Non, je n ai rien vu. Je ne vois jamais rien. Mais j ai dit oui. Bêtement! Je ne sais pas dire non. Et puis, il est difficile de résister aux femmes. Surtout quand elles ont les cheveux blancs... Enfin, blancs, je suppose, parce que je ne l ai jamais vue, cette madame Hermine. Quelques jours plus tard, je recevais mon carton d invitation. Elle n y allait pas de main morte, l Hermine! Mon nom en gros, comme si j avais été un champion de hockey : Ne manquez pas notre souper Meurtre et mystère avec l exceptionnelle participation du célèbre auteur de romans policiers Louis Ferdine! Des romans policiers? Oh non, plus maintenant. Mais je n ai pas osé lui dire. 8
Depuis l affaire de Sang d encre*, je n en ai plus écrit un seul. J ai trop peur. J ai changé de registre. Maintenant, je me spécialise dans le conte de fées et la romance. C est moins dangereux... Mais enfin, écrire en français à Calgary, c est rare. Je suis donc l auteur maison, toujours disponible. Tout le monde en profite et moi, bonne pâte, je me laisse faire. Résultat, ce soir, je m en vais présider un souper-spectacle devant des viei... Oh pardon, des aînés. Je vois déjà les coups d œil émoustillés que vont me jeter les mamies en se prenant pour Agatha Christie, et les regards en biais des grands-pères, toujours plus méfiants. Et les questions, donc! Toujours les mêmes! Monsieur Ferdine, où trouvez-vous vos idées? Monsieur Ferdine, quel est votre message? Monsieur Ferdine, comment écriton un bon livre? Est-ce que je le sais, moi, comment on écrit un bon livre! Ça ne m est jamais * Voir Sang d encre, collection Atout policier n 24. 9
arrivé. C est comme les idées! Je n en ai pas, d idées, pas plus que de message. L ennui, c est que je ne peux pas l avouer, ça ne ferait pas très professionnel. Alors, chaque fois, je dois inventer. Parce qu en plus, je n ai pas de mémoire et je ne peux même pas répéter les mêmes mensonges! Tout en conduisant, je me demande ce que je vais pouvoir leur raconter, ce soir. Mon inspiration? Eh bien, je suis à sa recherche, justement. Elle et moi, nous n habitons pas ensemble. Et ces braves gens, bien sûr, vont se faire un plaisir de m en donner, des idées. Des scénarios à la pelle, que je vais m empresser d oublier aussitôt rentré à la maison. Dire que je suis devenu écrivain pour pouvoir être seul! Quand j arrive à destination, je ne sais toujours pas ce que je vais dire dans mon discours. Tant pis, j improviserai. Les bâtiments de la Cité francophone sont tout neufs. La Société des aînés francophones de Calgary y loue un espace et y organise ses bingos, ses goûters et ses soupers à diverses occasions. L expression de la francophonie, 10
ici comme ailleurs, passe essentiellement par l estomac... La nuit est déjà tombée, mais je gare ma voiture sans problème, bien que le chinook ait transformé le stationnement en patinoire. Il est bien agréable, ce petit vent chaud qui déneige Calgary à deux ou trois reprises au cours de l hiver, mais quand ça gèle par-dessus, il vaudrait mieux circuler en patins qu en voiture! Heureusement, il n y a pas beaucoup de concurrence, quatre ou cinq voitures au plus. Quel succès! Je ne sais pas quelle est l intrigue prévue au menu, mais je sens que le coupable aura du mal à se cacher dans la foule! Dans le hall désert, personne pour m accueillir. Je ne suis pas un Prix Nobel, d accord, mais tout de même! Madame Hermine aurait pu faire un effort. L atmosphère est vraiment lugubre. Évidemment, pour une soirée Meurtre et mystère, c est tout à fait indiqué... Comme d habitude, bien entendu, je me perds. Je me retrouve d abord dans la salle de théâtre, dont je ne sors que pour me perdre dans les cuisines de la cafétéria. Où est-ce qu ils se cachent, 11
les amateurs de mystère? Ils le font exprès? Finalement, après avoir erré dans divers couloirs déserts, j aperçois un rai de lumière au fond d un couloir. Enfin! Je presse le pas. D ailleurs j ai faim, j espère qu il y aura des petits gâteaux. Encore quelques pas et j y suis. Je pousse la porte. Misère! Quelle ambiance là-dedans! La salle est assez vaste pour contenir un camp de vacances, éclairée comme en plein jour. Mais, dans cet immense espace illuminé par les néons blafards, parmi les tables recouvertes de nappes blanches et de petits gâteaux, je ne vois évoluer, tristes comme des fantômes égarés, que cinq personnes. Est-ce que je suis arrivé en avance? Quoi qu il en soit, sidéré, je reste immobile sur le seuil. Dans le genre funèbre, c est réussi! On se croirait à une veillée mortuaire! On dirait que le crime a déjà eu lieu, que le public est parti, qu il ne reste plus que le cadavre! Enfin on m aperçoit. Une dame à cheveux blancs, encore vive malgré son âge, s avance vers moi. Gestes de 12
tragédie, soupirs, masque douloureux. Son visage blême exprime l affliction la plus vive. Vraiment, on peut dire qu elle a le sens du théâtre! Monsieur Ferdine, je suppose? ditelle en arrivant sur moi. Malgré les trémolos et la solennité du ton, je reconnais la voix de madame Hermine. J affiche un sourire grand format. Lui-même, déclamé-je avec une demi-révérence, essayant d être aussi théâtral qu elle. J espère que je ne suis pas en retard. Non, non, fait-elle, toujours soupirant. En fait... eh bien, voyez-vous, nous avons essayé de vous joindre depuis plus d une heure, mais... Effectivement, je suis sorti assez tôt. Je devais faire une recherche à la bibliothèque, et je suis venu ici sans repasser chez moi. Qu avait-elle donc à me dire de si important? Voyez-vous, reprend madame Hermine, la soirée est en quelque sorte... annulée. C est terrible. Monsieur Racine... Oh je vois, il a eu un empêchement... 13
Oui, c est ça... Un empêchement majeur... Sa maladie... Eh bien, dis-je en affectant toujours cet air jovial qui plaît tant aux personnes âgées lorsqu elles parlent de leur santé, espérons que ça ne sera pas trop grave. Il sera sans doute vite rétabli. Je ne pense pas, laisse tomber madame Hermine à voix basse. Non, je ne pense pas. Voyez-vous, monsieur Racine vient de mourir... 14