Groupe Eyrolles 2011, ISBN : 978-2-212-67337-1
46 Photo culinaire Jeu sur le flou de profondeur de champ. La profondeur de champ est ici réduite à son minimum. L intérêt réside dans la mise en évidence des détails qui, à eux seuls, permettent de tout comprendre. Ces minitoasts de foie gras aux myrtilles sont ici parfaitement compréhensibles : la zone la plus nette montre les fruits, la goutte de vinaigre balsamique, quelques cristaux de fleur de sel. On voit suffisamment le pain et le foie gras, et la succession de petites assiettes permet d imaginer qu il s agit d un instant de convivialité, peut-être un apéritif dans une garden-party (Client : Éditions Presse Citron pour le magazine Comtois en cuisine) (Nikon D3, f/4 à 1/1 600 s, 200 ISO, 85 mm.)
Rappels techniques 47 L impact de la couleur La couleur joue comme un élément fort dans l accroche d une photo. En effet, l approche «primaire», qui se caractérise par le jeu des contrastes appuyés et des couleurs complémentaires, possède un fort pouvoir séducteur. C est un très bon moyen pour capter instantanément l attention et pour faire passer un message «flash». On l utilisera de préférence dans l imagerie publicitaire où tout doit être fait pour monopoliser le spectateur. On pourrait presque l appeler «couleur rapide» car, en contrepartie d être percutante pour le regard et l imaginaire du public, elle possède un pouvoir lassant et nous paraîtra vieillotte aussi rapidement qu elle nous aura séduit. Le contraste fatigue Image riche en couleurs pour s accommoder au monde de l enfance. Ici, la base de couleur est le blanc de façon à alléger l image au maximum tout en donnant un impact fort aux taches colorées constituées par les caissettes. (Client : Mathon) (Nikon D3, f/4 à 1/160 s, 200 ISO, 85 mm.) J oppose cette approche à une autre, basée sur la monochromie ou la bichromie, et destinée à connaître une durée de vie beaucoup plus longue. Cette recherche consiste en un échelonnement de la gamme de teintes, un peu comme une gamme de gris. C est ici le règne de la subtilité et des complémentarités discrètes Prenons l exemple du noir et blanc. À de rares exceptions près, si l on ne prend pas la peine de s y arrêter et de l examiner en profondeur, l image noir et blanc ne va pas s imposer au regard. C est le temps, celui de l observation et de l analyse, qui va en révéler tout le sens et le contenu, et c est dans le temps qu elle continuera d exister. C est l obligation pour le regard d aller plus au fond des choses, la «débanalisation» du visuel par la force de l interprétation des tonalités colorées en gammes de gris. Le secret de l impact des images d Henri Cartier-Bresson, de Willy Ronis ou de Sebastião Salgado, et bien d autres, est, au-delà de leur composition exemplaire et de la profondeur de leurs sujets, en grande partie contenu dans l intemporalité du monochrome. Si l on sort de l exemple particulier du noir et blanc, qui n est que très rarement utilisé en imagerie culinaire, je remplacerai «monochromie» par «couleur
48 Photo culinaire dominante», cette dernière étant schématiquement celle dont on va se souvenir lorsque l on n aura plus l image sous les yeux. Cette couleur dominante permettra de caractériser un lieu, un moment particulier, une saison ou un sentiment. Elle utilisera les codes installés (bleu pour le froid, rouge pour le chaud, vert pour le naturel, etc.) pour véhiculer les émotions à transmettre à l observateur. Dès lors que les images sont destinées à un usage commercial, le choix des teintes à utiliser doit en outre répondre à un strict cahier des charges élaboré sur la base d études de tendances propres à une époque. Cet effet de mode est en perpétuel mouvement ; les tendances se succèdent et se contredisent, rendent désuet ce qui était avant-gardiste. C est le domaine de la photo de consommation, destinée aux produits de consommation. Ambiance brune très automnale pour ces verrines de tiramisu aux marrons. (Client : Sabaton) (Mamiya 645AFD II avec dos numérique Phase One P21, f/10 à 1/100 s, 100 ISO, 120 mm.)
Camaïeux. Deux bons exemples de monochromie ou, plus précisément, de «couleurs dominantes». Ces images fonctionnent de la même manière que le noir et blanc. Elles vivent par un contraste de lumières et de matières, mais les gammes de couleurs sont extrêmement réduites. Au profit d un grand nombre de nuances, elles se cantonnent à une multiplicité de tons orange et jaunes pour l une, et verts pour l autre. On pourrait les qualifier d images «orange» ou «vertes». La recherche de cette harmonie de couleurs est en correspondance directe avec l harmonie des saveurs de ces macarons (orange et carpe fumée pour le premier, absinthe pour le second). (Client : Éditions Presse Citron pour le magazine Comtois en cuisine (Nikon D3, f/11 à 1/60 s, 200 ISO, 80 mm.) Rappels techniques 49