ont appris à l Ecole de Guerre, est-ce qu il n aurait pas mieux valu, qu ils aient été laissés à l école civile du bon sens? Approbations.



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Transcription:

La Commune 1 Paris. Jeunes bourgeois, des gardes nationaux du poste de l Hôtel de Ville. Jeune bourgeois.- Peuple de Paris, vous demandez au peuple allemand, d unir ses forces aux vôtres, pour exiger de vos gouvernements qu ils fassent la paix.....voulezvous rester les miséreux et les obscurs que vous êtes?.... De Sedan, où il est, Napoléon le 3, sur les traces de Napoléon le 1, de sa puissante armée, va repousser d une poussée formidable le Prussien envahisseur hors de nos frontières, dans l élan conquérir toute l Europe. Ce que l Empereur conquiert, est-ce que le peuple ne le conquiert pas avec lui? Que voulez-vous être, un géant français magnifié par la guerre, ou un nain rapetissé par la paix? Que vaut-il mieux, être les premiers en Europe avec votre Empereur, ou dans vos quartiers être ce que vous êtes, les derniers des derniers? Valmy a été le prélude à la première invasion, que Sedan soit le prélude à la deuxième. (essayant de les entraîner à crier avec lui) Vive l Empereur. Paraît un vendeur de journaux. Un vendeur de journaux. (vendant le Cri du Peuple) L Empereur a capitulé. Sedan s est rendu. Demandez le Cri du Peuple. Un fonctionnaire colle une affiche. Tous s y réunissent. Un garde national.- (lisant l affiche) Assemblée Nationale. A la nation. L Empereur Napoléon III, après une bataille acharnée, a fait reddition à l ennemi de la place de Sedan, et s est constitué prisonnier. Le vendeur de journaux. L Empereur a capitulé, avec lui, le Ministre de la Guerre le général Leboeuf, 39 généraux, 100 000 soldats, 10 000 chevaux, 600 canons. Demandez le Cri du peuple. 1 garde national. 100 000, qui se rendent d un coup. Belle discipline. 2 garde national. 39 généraux. Qui se rendent en paquet. Belle stratégie. 3 garde national. Leboeuf aux belles cornes a tourné en tête de veau sauce vinaigrette. 1 garde national. (aux jeunes bourgeois) Ceux-là, qui rêvaient d en découdre avec le Prussien, sont les premiers à tomber en loques. Un Parisien.- (suivis par des gamins; frappant du tambour, chantant) V là le sire de Fisch-ton-camp Qui s en va-t-en guerre Deux temps, trois mouvements Sens devant derrière V là le sire de Fisch-ton-camp Qui s en va-t-en guerre Sortent les jeunes bourgeois.

Nouvelle affiche. Un garde national.- (la lisant) Assemblée nationale. A la nation. Sur proposition de Jules Favre, chef de l opposition, l Assemblée Nationale déchoit l Empereur Napoléon III de sa souveraineté. Le garde national. Et maintenant? A l Assemblée. Ils sortent, en courant. Palais Bourbon. L Assemblée, en tumulte. Les gardes nationaux, bousculant les zouaves, occupent les tribunes. Jules Favre monte à la tribune. Le Président frappe de son marteau. Le silence se fait. Jules Favre. L opposition, Messieurs les Députés, propose que la nation élise une Assemblée Constituante, qui statuera sur une nouvelle constitution française, qui décidera quel régime gouvernera la France désormais. Un garde national.- (fort) C est tout statué. La République. Les gardes nationaux.- (levant la main, comme s ils votaient) La République. Huées dans les rangs de l Assemblée. Jules Favre. Ce n est pas le ruisseau qui choisira le régime qui gouvernera la France, c est l Assemblée élue par la nation. Gardes, évacuez les tribunes. Les gardes évacuent les tribunes. Tumulte. Devant l Hôtel de Ville, groupes de gardes nationaux. Paraît un vendeur de journaux. Un vendeur de journaux. (vendant le Cri du Peuple) Metz s est rendu, Bazaine s est constitué prisonnier. Demandez le cri du Peuple. Devant l Hôtel de Ville, un colleur d affiches, colle une affiche. Un garde national. (lisant l affiche) (fort) Au peuple français. Le Gouvernement vient d apprendre la douloureuse nouvelle de la reddition de Metz. Le Maréchal Bazaine et son armée ont dû se rendre après d héroïques efforts. Pleine de reconnaissance pour les courageux soldats qui ont combattu pied à pied pour la Patrie, la Ville de Paris voudra être digne d eux. Le vendeur de journaux.- (fort) A Metz se sont rendus 3 maréchaux, 6 000 officiers, 180 000 soldats, 6 000 canons, 300 000 fusils, 3 millions d obus, 23 millions de cartouches. Un garde national. 3 maréchaux, 6000 officiers, 180 000 soldats. Mais qu est ce que c est que ces maréchaux qui s enferment dans des places? Ne savent-ils pas que ce qui fait fort le Prussien, ce sont ses canons? Ne cherchez plus. Coucou, c est nous. On est tous là, groupés. Vous pouvez faire sur nous des cartons. Prenez votre temps. Pointez, visez, tirez. Vous ne pouvez pas nous manquer Comme un bourgeois peureux, le maréchal se claquemure dans la place, verrouille les portes, guette tremblant derrière les volets fermés..ces militaires de carrière, ils ne savent pas que le fort du Français, c est le chassepot, qui tire plus vite que le fusil du Prussien? Que le terrain du fusil, c est le champ de bataille, le corps à corps? Si c est ce qu ils

ont appris à l Ecole de Guerre, est-ce qu il n aurait pas mieux valu, qu ils aient été laissés à l école civile du bon sens? Approbations. D autres affiches. Ouvriers et gardes nationaux vont d une affiche à l autre, l un ou l autre la lisant à voix haute. 1ère affiche. Verdun, Amiens ont capitulé. 2ème affiche. Rouen, Phalsbourg, Toul ont capitulé. 3ème affiche. Sur la Marne, nos troupes ont été contraintes de battre en retraite. 4éme affiche. L ennemi a force l armée de la Loire a été de se replier. 5éme affiche. Les Prussiens assiègent Strasbourg. (commentant) Comme les Prussiens aiment Strasbourg d un amour ravageur. Ils la canonnent jour et nuit. 8éme affiche. Les Prussiens occupent Strasbourg en ruines de ses maisons et de ses habitants. Le 1 garde national.- (levant le poing) Généraux bricoleurs. Désordre meurtrier. Pagaille criminelle. Le 2 garde national..... Officier de métier, c est devenu fonctionnaire. Logement de fonction, mess d officier, ordonnance pour cirer ses chaussures, c est assuré contre les accidents du travail, ça fait valoir ses droits à leur retraite...les officiers sont faits pour tuer et être tués, c est fini tout ça, c est fait pour faire tuer et faire être tués les civils. De la guerre, qui seul en réchappe? Le général. Où sont les Alexandre et les César, qui se battaient à la tête de leurs troupes. Et soudain, on entend les canons. Le garde national.- (montrant du doigt l Est de Paris) Les Prussiens. De l Est Parisien, arrivent des familles chargées de bagages. On entend les canons prussiens au loin. Le Comité Central de la Fédération de la Garde Nationale des 20 arrondissements de Paris se porte devant l Hôtel de Ville, gardé par les Chouans au Cœur Sacré de Jésus, et les Zouaves pontificaux. Ferré. Le Comité Central de la Fédération des Gardes Nationaux des 20 arrondissements de Paris demande à parler au général Trochu. Un officier se présente au balcon. Ferré. Le Comité Central demande au général Trochu ce qu il fait pour défendre Paris contre les Prussiens. L officier.- (montrant la troupe qui revient de la sortie) Le général Trochu a commandé une sortie vers Châtillon. Rentrent des soldats, épuisés, de Châtillon, portant des blessés, tirant des charrettes chargés de soldats morts. Un soldat.- (découragé à Ferré) On était en position de force, le capitaine a sonné la retraite. L officier. Le général Trochu fait savoir, au Comité Central de la Garde Nationale, que la campagne de Paris obéit à un plan d ensemble, que ce plan d ensemble relève du secret militaire. Un autre jour. On entend les canons prussiens au loin. Le Comité Central de la Fédération de la Garde Nationale des 20 arrondissements de Paris se porte devant

l Hôtel de Ville, gardé par les Chouans au Cœur Sacré de Jésus, et les Zouaves pontificaux. Ferré. (vivement) Le Comité Central de la Fédération des Gardes Nationaux des 20 arrondissements de Paris demande à parler au général Trochu. Un officier se présente au balcon. Ferré. Le Comité Central demande au général Trochu ce que cache cette inertie. Il ne cesse d ordonner contre les Prussiens de petites sorties. Pourquoi n ordonne-t-il pas une sortie en masse? L officier indique au loin des soldats. Rentrent des soldats, de la Malmaison, épuisés, portant des blessés, tirant des charrettes chargés de soldats morts. Un soldat. (à Ferré) Ils ont sonné la retraite. On gagnait. C est désespérant. L officier. Le général Trochu rappelle au Comité Central, que ce que la tactique perd en détail, la stratégie le gagne en gros, que la défense de Paris obéit à un plan d ensemble, qui relève du secret militaire. Ferré. Le député Jules Favre, chef de l opposition, a été aperçu se dirigeant vers les lignes prussiennes. L officier. Le député Jules Favre a dit que la France ne cèdera pas un pouce de son territoire, pas une pierre de ses forteresses, comme le général Trochu a dit que le gouverneur de Paris ne capitulera pas...le général Trochu informe le Comité Central qu il défèrera en conseil de guerre les citoyens qui incriminent les généraux d impéritie et de trahison. L officier se retire. Un Parisien.- (en même temps qu il tape sur un tambour, chantant) Savez-vous l plan de Trochu Plan plan Mon Dieu quel beau plan Grâce au plan de Trochu Rien n est fichu. Le Comité Central sort en tumulte. Hôtel de Ville. On entend les canons prussiens au loin. Trochu et les maires d arrondissement. Général Trochu.- (aux maires) Messieurs les Maires des arrondissements de Paris, je vous ai convoqués, parce qu en tant qu élus, c est à vous de raisonner la population. Toute l Allemagne assiège Paris : Royaume de Prusse, Confédération de l Allemagne du Nord, Royaume de Bavière, Grand Duché de bade, Royaume de Wurtemberg. 1 200 000 Allemands s opposent à 900 000 Français. Résister est une pure folie. La guerre est perdue. Il faut que la population se plmie à l idée. Ferré. La guerre, pour vous, est une affaire de balance? La partie qui a le plus de masse et de poids est celle qui vaincra l autre? Il ne vous viendrait pas à l esprit que la qualité pourrait vaincre la quantité? Qu un Français patriote pourrait vaincre 3 Prussiens pillards? Général Trochu. A quoi bon des massacres?l histoire est faire de défaites et de victoires successives. Réservons-nous pour la prochaine guerre ce sera notre guerre de revanche. Ferré. Ne comptez pas sur les maires de Paris, pour annoncer au peuple de Paris, que le Gouverneur de Paris parle de capituler. Général Trochu. Ne comptez pas sur moi non plus.....j en ai assez de donner au public des représentations militaires, afin d essayer de le raisonner. Je démissionne.

Un maire. Que disait le général Trochu? Que le gouverneur de Paris ne capitulera pas. Pour ne pas tenir parole que fait-il? Il démissionne. Il ne capitulera pas, parce qu il aura démissionné. Nos compliments pour sa conception de l honneur. Ferré et le Comite Central se retirent, parfaitement dégoûtés. Un Parisien.- Choir pour choir Il a chu Trochu Trochu a trop chu. Sur la Place de l Hôtel de Ville. Un autre Fédéré. (vers les lignes prussiennes) Prussiens, garçons d écurie, langue faite pour hurler aux chevaux et aux chiens, Tonitruant, vociférant, vous déchirez l air de vos vocables aux arêtes vives et coupantes. Je vous hais. Un troisième fédéré.- (Vers les lignes prussiennes)..de vos bas quartiers, tourbes, sables, marais de Prusse Orientale, vous descendez, en hordes, piller et casser les beaux quartiers de l Europe. Bandits. Un fonctionnaire paraît sur la terrasse, suspend un écriteau : Election de l Assemblée Nationale Constituante. Les bureaux électoraux sont ouverts. Les gardes nationaux forment la file devant le bureau électoral. 2 Croisset. Maison de Flaubert. Son gueuloir. Flaubert.- (agenouillé vers Paris, joignant les mains) S il vous plaît, Assemblée Nationale Constituante, donnez-nous un roi. Aux rois couronnés, sacrés, oints, le pays entier portait foi et hommage. Les rois se succédaient de père en fils, faisaient du pays une seule tête. Ces soleils éclairaient et chauffaient toute la nation jusqu à ses confins. Ces lustres étincelants du milieu de la salle, illuminaient le pays jusqu au moindre recoin. Que nous gouverne à nouveau cette noblesse, pour qui travailler était une déchéance. Pour ces princes, les artistes étaient des princes..... Sous une République, ne régne que l utilité vulgaire. Plus de nobles sujets, plus de sujets du tout. Martyrs d eux-mêmes, le supplice de l artiste est la page blanche. Dérision cruelle, il ne reste plus à l artiste qu à écrire sur son impuissance. Un roi, par pitié. Donnez-nous un roi. Assemblée Nationale. (On entend les canons prussiens au loin). Dans les tribunes du public, des gardes nationaux. A la tribune, le Président.

Le Président. J ai l honneur d ouvrir la 1ère session de l Assemblée Nationale Constituante. Entrent les députés, siéger à leur place. Le Président. 645 sièges ont été pourvus. Ont été élus : - 400 monarchistes (qui se lèvent, et puis s assiéent) - 30 bonapartistes (qui se lèvent et puis s assiéent - 200 républicains (qui se lèvent et puis s assiéent)- 15 divers droite (qui se lèvent et pui s assiéent). Après entente entre les partis, Adolphe Thiers est nommé chef de l exécutif. Adolphe Thiers monte à la tribune. Adolphe Thiers. Les 400 députés monarchistes majoritaires demandent à créer une commission, qui décidera qui de la famille royale des Bourbons, ou de la famille royale des D Orléans gouvernera le pays. Il est donné droit à leur demande. Des tribunes du public. 1 garde national. (fort) On a fait son sort à Louis XVI en 1793, on a fait son sort à Charles X en 1830, on a fait son sort à Louis-Philippe en 1848, et on a droit à une resucée de rois. 2 garde national.- Nous avons beau décapiter les cent têtes de l hydre despotique, elle ne finissent pas de repousser. 1 garde national. Ces petits Thiers et bourgeois consorts qui entrent sans un sou en politique, et en sortent millionnaires, adorent cacher leurs trafics et leurs turpitudes sous un manteau de sacre. Avoir un maître oint donne droit à ces domestiques de piller la vaisselle. Le Président.- (tapant frénétiquement du marteau) Si les tribunes ne cessent pas d intervenir, je les ferai évacuer manu militari. Les tribunes se taisent. Thiers redescend à son banc. Un huissier va auprès du Président, lui apporter une feuille. Le Président. Le Comité Central de la garde nationale de Paris demande à être reçu par l Assemblée. Qu il soit donné droit à leur demande. Entre le Comité Central. Le Président. L Assemblée vous écoute. Ferré. Le Comité Central vient d apprendre que la majorité monarchiste de l Assemblée a créé une commission, qui décidera qui de la famille de Bourbon ou de la famille de D Orléans gouvernera le pays. Le Président. C est exact. Ferré.- En réponse à cette quatrième restauration, le Comité Central décrète, qu il sera procédé à Paris à l élection d une Commune de Paris, qui instituera à Paris la République. Thiers monte à la tribune. Thiers.- Le chef du pouvoir exécutif informe le Comité National, que l Assemblée Nationale Constituante est seule habilitée à choisir le système politique qui gouvernera la France. Il déclare d ores et déjà que l élection d une Commune, qui établirait la République à Paris, est illégale. Il considèrera cette Commune Républicaine, si elle venait à être élue, comme rebelle. Ferré. Le Comité National prend acte de la réponse du Chef de l exécutif. Il se retire. Thiers. La séance est levée. Monsieur Favre, voulez-vous me rejoindre. Les députés sortent. Jules Favre rejoint Thiers.

Assemblée Nationale. Le bureau de Thiers. Thiers et Jules Favre. Entrent Thiers et Jules Favre. Thiers... (à Favre) Favre, allez trouver Bismarck... Lorsque le père de famille est loin de sa famille, le fils effronté, fier de sa jeune force, frappe la table du poing, lève la main contre la mère impuissante. Il faut de toute urgence que le père rentre à la maison, pour que l ordre règne à nouveau dans la famille...demandez à Bismarck, qu il accepte de nous renvoyer nos soldats prisonniers, afin qu ils nous aident à rétablir l ordre. Troc pour troc, dites-lui qu en échange, nous signerons la paix, aux conditions qu il voudra. Pressez-vous. Si la Commune s avisait à engager les hostilités aujourd hui, nous serions perdus.. Partez sans perdre une minute. Favre et Thiers sortent. Place de l Hôtel de Ville. On entend les canons prussiens au loin. Une grande affiche : Election de la Commune de Paris. Sur la place, foule d homme et de femmes. Sous la surveillance du Comité Central, les employés finissent d établir les listes des élus des 20 arrondissements de Paris. Le 1 fédéré. (dans l attente) (à part) Thiers a transféré L Assemblée Nationale à Versailles. Sans gouvernants, qu est ce qu on va devenir? Le 2 fédéré. Qu est ce qui est le plus grave à manquer dans une pyramide? Le sommet ou la base? Le 1 fédéré.-la base, bien sûr. Le 2 fédéré. Qu est ce qui est le plus facile à faire, d un homme politique un couvreur, ou d un couvreur un homme politique? Un inspecteur primaire d un instituteur, ou un instituteur d un inspecteur primaire? Un inspecteur ne sait qu inspecter, un instituteur, en plus d inspecter, sait enseigner. Un homme politique n a que sa langue, le couvreur en plus de sa langue, sait couvrir les toits. (montrant l affiche) C est le couvreur, qui aujourd hui est élu. Paraît sur la terrasse, le Comité central. Son Président- (d une voix forte, à tous) Mes amis, la Commune est élue. Paraissent les élus de la Commune, avec à leur tête Ferré. Le Président du Comité central. (d une voix forte) Camarades, la tâche que s était fixée votre Comité Central, élire la Commune de Paris, est accomplie. L enfant est né viable. Nous n avons été qu un régent : tout le pouvoir est désormais à l enfant roi. Vive la Commune libre. La foule. (enthousiaste) Vive la Commune libre. Ferré. (à la foule) Paris m a honoré en m élisant membre de la Commune, la Commune m a honoré, en m élisant son Président. J essaierai d honorer Paris. Applaudissements. Un garde national apporte deux dépêches au Président de la Commune. Il ouvre la première, lit en silence, puis s adresse à la foule. Ferré. Citoyens, Adolphe Thiers, chef du pouvoir exécutif, a signé à Francfort le traité de paix entre la France et l Allemagne. La France abandonne l Alsace et la Lorraine, qui sont cédées à l Allemagne, à perpétuité en toute souveraineté et propriété, s engage à verser une indemnité de guerre de 5 milliards de francs, dont le versement conditionnera l évacuation des troupes d occupation. Les députés alsaciens et lorrains ont signé une protestation, ils ont démissionné. La canonnade prussienne s arrête de tonner. Une femme. Ils ont arrêté de canonner.

Un 1 ouvrier. (avec force) Paris avait tout accepté, le froid, la faim, sauf la capitulation. Ferré. (à la foule) La patrie, qu est ce que ces bourgeois en ont à faire? Les bourgeois ont coupé la France en parcelles, dont chacun se croit propriétaire : c est cette parcelle, qui est sa patrie : ils réduisent leur petite âme à leur petit bien. Ce qu ils ne savent pas, c est qu ils s illusionnent : en deux générations leurs soit disantes propriétés bourgeoises auront passé à d autres bourgeois. La France, les riches ne l ont qu en location, le peuple l a en propriété. La France n est une patrie que pour le peuple. Vive votre France. La foule. (enthousiaste) Vive notre France. Ferré.- (aux élus de la Commune) Au travail. Ils entrent dans l Hôtel de Ville. La foule très gaie, se disperse. 3 Hôtel de Ville. La Commune en séance. Le greffier lisant. Le greffier.- (lisant) La Commune procédant du peuple, voici les premières mesures qu au nom du peuple, les membres de la Commune entendent décréter : Article 1. La République est instituée à Paris. Les élus de la Commune se lèvent et observent une minute de silence. Article 2. La Commune n engagera pas contre Versailles les hostilités. Elle refuse de déclencher la guerre civile. Tolain. (se levant vivement, vibrant) Objection, permettez. Karl Marx et de Friedrich Engels, que je représente, trouvent votre naïveté criminelle. Versailles est désarmée : son armée régulière est prisonnière des Prussiens. Le moment est propice, pour faire au bénéfice du peuple, le coup d Etat, que Napoléon III avait fait à son bénéfice. Investissons Versailles. Destituons la bourgeoisie de son pouvoir, et instaurons une dictature du prolétariat, dont nous, hommes éclairés, serons les dictateurs. Soyons les accoucheurs de la nouvelle ère, celle des démocraties populaires. Ferré.- Dans votre dictature du prolétariat, Tolain, il y a dictature, et il y a prolétariat. Selon la Commune, le peuple n a pas besoin de chefs, le peuple est luimême son propre chef. La Commune n usera pas de procédés impérialistes, et ne déclenchera la guerre civile. (Il lève la main, une large majorité des membres de la Commune lève la main avec lui) La proposition de Tolain est rejetée. (Tolain fait un geste méprisant de la main) (Le Président fait signe au greffier de poursuivre) Le greffier.- (lisant) Article 3. Les fonds monétaires et les stocks d or de la Banque de France seront remis à Versailles, qui est l Etat. La Commune s engage à ne tirer des traites, à la Banque de France, que sur le compte créditeur de la Ville de Paris. Tolain. (vibrant) Objection. Objection. Le pouvoir est d abord le pouvoir financier. Profitons de ce que la Banque de France est dans vos murs. Saisir les fonds d Etat et les stocks d or, c est désarmer Versailles, et armer la Commune.

Ferré.- La Commune n usera pas des procédés bourgeois, et ne fera pas basse sur les fonds publics. (Il lève la main, une large majorité lève la main) La proposition de Tolain est rejetée. Tolain. Marx a raison quand il dit, que les Révolutionnaires français sont chauvins. Depuis 89, ils croient que la Révolution n est que française. Mais chaque fois que les révolutionnaires français ont conduit une révolution, qu ils ont libéré leur peuple, leur peuple, perdu, égaré, affolé par la liberté, s est jeté dans les bras du 1er sabreur venu. Les révolutionnaires français sont les spécialistes de la révolution, oui, mais de la révolution manquée. (Il fait un geste méprisant vers le Président) Un membre de la Commune. (avec force, à Tolain) De quoi se mêle ce professeur allemand? Il est ouvrier? Il travaille de ses mains? Ce philosophe allemand fait la révolution en chambre, à Londres. Qu il laisse chaque nation faire sa révolution comme elle l entend. Que cet Allemand conduise donc la révolution allemande, si du moins l obéissante Allemagne est capable de se révolter. Un silence. Le Président fait signe au greffier de poursuivre. Le greffier.- (poursuivant) Article 4. Les traitements de fonctionnaires sont abaissés au niveau des traitements d ouvriers. Article 5. La Commune décrète la séparation de l Eglise et de l Etat. Fin est mise à la mainmise de l Etat sur les âmes par le goupillon. Article 6. L église Ste Geneviève est excommuniée de la riche et puissante Eglise Catholique, et consacrée en Panthéon des Saints et des Martyrs laïcs de la République. Soudain, entre une mère de famille, enceinte, en tablier de ménage, ses cinq enfants courant partout dans la salle, poursuivis par des gardes nationaux. Toute la Commune est perturbée, les élus se lèvent à demi, jettent des regards de tous côtés. La femme.- (aux gardes) Je vous préviens, si l un d eux attrape un de mes enfants, je le lui donnerai à garder jusqu au soir.....(se montrant) Pardonnez ma tenue. Nourriture, linge, ménage, soin des enfants, le jour ; la nuit, queue pour le lait à deux heures du matin, queue au boucher, queue au boulanger, j ai tellement à m occuper, que je n ai jamais le temps de m habiller. Un membre de la Commune.- (se levant, lui montrant sa tenue) Marie-France. La femme. (présentant) Mon mari. Qu il est propre et beau. Il a tout le temps, lui, de se raser, de se peigner, de brosser ses vêtements, de cirer ses bottes... (soudain, gênée, à Ferré)... Cette assemblée de messieurs m impressionne trop. Je m étais crue, je me renie. Je m aperçois que je suis déplacée. (battant le rappel de ses enfants) Les enfants. Elle va vers la porte. Ferré.- Madame. Madame. (Il lui fait signe de la main de rester) Vous nous avez pris à notre propre piège. Nous vous écouterons, pour une seule bonne raison, c est, que vous êtes seule, et femme, et nous, en nombre, et hommes. Parlez, je vous prie. La femme revient. La femme. Mon mari se dit démocrate. Qu est ce que c est qu un démocrate? N estce pas celui qui d abord est démocrate chez lui? Etonnez-vous que les femmes soient royalistes. Chez elles, règne un roi en maître absolu : leur mari......je voudrais que vous preniez conscience de ceci cuisinière, lingère, nourrice, femme de chambre, femme de courses, à nous seules, nous sommes toute la domesticité de la maison, mais à faire tout cela, qui est essentiel, nous ne laissons aucune trace dans l histoire, quand (montrant son mari) notre maître et seigneur, rien qu à parler et voter seulement, laissera dans l histoire une trace ineffaçable. Je ne suis pas exigeante, je vous demande de nous ouvrir, à nous, femmes, des clubs de femmes, où nous

irions le soir faire un peu nos jeunes femmes comme le jour, nos maris font les jeunes hommes. Nous aimerions tellement, hors biologie, déposer un peu nos rôles de femelle et de reproductrice, et être un peu des êtres humains. Ferré.- (levant la main) Que la Commune décrète d abord, que les hommes, prendront le relais de leur femme dans la garde des enfants, le soir à partir de huit heures, (tous les élus lèvent la main). Qu il soit donc décrété par voie de conséquence que soient créés des clubs de femmes et d hommes : à cet effet, nous réquisitionnons Un membre de la Commune. Les églises Tous rient et applaudissent. Ferré.- Qu il soit décidé que les églises restent vouées au culte de 5 heures du matin à 8 heures du soir, et deviennent des clubs de femmes et d hommes à partir de 8 heures du soir......aux voix. Majorité de voix. Ferré.- Le décret est voté. Greffier, prenez note : ce sera le contenu de l article 7. (aux gardes nationaux et à leur officier) Veuillez le notifier à MM. Les Curés de églises de Paris....(à la femme) La Commune vous remercie pour votre intervention. La femme, joyeuse, les enfants, sort dans le chahut et les rires. Le Président. (au greffier) Poursuivez. Le greffier.- (lisant) Article 8. Les denrées et le charbon sont réquisitionnés. Il est établi pour tous un rationnement proportionnel, ainsi qu un service d assistance aux plus démunis. Article 9. Les trois derniers mois de loyer sont remis. Article 10. La prostitution et l ivrognerie sur la voie publique sont interdites, et seront sanctionnées par la loi. Que la Commune veuille confirmer leurs décrets par un vote. (tous lèvent la main) Le Président. La séance est levée. Tous sortent. Assemblée de Versailles. Thiers à la tribune, le visage tourné vers Paris. Thiers. En réponse, aux décrets illégaux de la Commune, le décret de la Commune concernant le moratoire des loyers est abrogé : les loyers sont exigibles avec les intérêts de retard. Les journaux et les clubs sont interdits. La solde de 1,50 F des gardes nationaux est supprimé. Enfin, pour parachever notre œuvre, que le blocus est décrété. (Il lève la main) (Les députés lèvent la main) Le Président. Les décrets du chef de l exécutif sont approuvés par l Assemblée. Thiers.- Le général Clément Thomas est nommé commandant de la Garde Nationale. Obéissant aux conditions du traité de paix, je lui donne ordre d enlever à la Garde Nationale de Paris ses canons de Montmartre, et de les remettre à l ennemi. (aux députés, levant la main) Veuillez commander au général Clément Thomas, d exécuter cet ordre sur le champ. (les députés lèvent la main) Thiers.- (au général Clément Thomas) Général Thomas, à la tête des bataillons de la Garde nationale qui nous sont fidèles, veuillez procéder à l enlèvement des canons de Montmartre, au besoin par la force. Général Thomas. A vos ordres. Il sort. Montmartre. Les canons de la Garde Nationale. Devant les canons, femmes se tenant par les coudes, font des chaînes. Les gardes nationaux, suivis du général Thomas à cheval, arrivent au bout de la rue. Sur geste

du général, les gardes vont aux femmes, essaient de rompre leur chaîne, n y arrivent pas. Le Général, à ses gardes : En formation. Les gardes reviennent sur leurs rangs. Général Thomas.- Par ordre du chef de l exécutif, et en vertu du règlement des conventions d armistice je procède à la saisie des canons de la Garde Nationale...... 1ère ligne en position du tireur à genoux. 2ème ligne en position du tireur debout. 3ème ligne prête à relayer la 2ème ligne. Gardes, armez vos fusils. En joue, doigt sur la détente, prêts à tirer. J ordonne aux rebelles qui font obstacle à l application de la loi de se disperser. 1ère sommation. 2ème sommation. 3ème sommation. Soldats en joue, prêts à tirer. A mon commandement. Adjudant Vardaguerre.- (s avançant et faisant face aux soldats, vibrant) Mais c est qu il ordonnerait vraiment de faire feu. Soldats, à mon commandement : crosse en l air. Les soldats obéissent. Général Thomas. (froid) Adjudant, je vous accuse d insoumission. L insoumission, en temps de guerre, est assimilé à la désertion. Vous êtes passible du conseil de guerre, et de l exécution capitale. Gardes, saisissez le traître. L adjudant. (vibrant) Général, je vous accuse de double haute trahison envrs le Prussien, envers les Parisiens. Vous êtes coupable supérieurement, en officier supérieur. Vous êtes passible du jugement du peuple, et de l exécution capitale. Gardes, saisissez le traître. Les gardes font descendre le général de cheval sans ménagement, lui ôtent ses armes, lui ligotent ses mains. Arrivent des gardes nationaux, tenant solidement en mains un civil. Un garde national.- (agitant un carnet ouvert) Voyez un peu qui j amène-là. Ce civillà prenait note dans ce carnet des barricades, de leur hauteur, de leur largeur, du canon qui l armait, de la garde nationale qui la défendait..... Apparemment, il n avait pas pensé à une chose, c est que les gens connus sont reconnus par des inconnus.. Il y a 22 ans, alors que le peuple manifestait pour chasser le roi bourgeois, cet olibrius, costumé en général, ses soldats en avant, lui à cheval à l arrière, avait fait sabrer le peuple sans pitié : le général Lecomte Les généraux, quand ils ont fait leur coup, s arrangent toujours pour mettre entre eux et le peuple des soldats. Jamais on ne les voit se promener en ville, ils savent trop bien pourquoi. Celui-là s est risqué : c était imprudent. Tous deux sont placés devant un mur. Un officier de la garde nationale place un peloton. Le général Lecomte est ferme. Général Lecomte. (fier, méprisant) Avant, le rat vieille moustache, n osait pas risquer sa tête par un soupirail. Maintenant par les bouches d égouts, par bandes, noirs, museau pointu, oreilles sans poils, longue queue écaillée, ils envahissent les rues. Vivement que l armée dératise Paris. L officier. Feu à volonté. Le général Thomas, fuyant, supplie Général Thomas. J ai 5 enfants, pour mes enfants, ayez pitié.. Pour mes enfants, ayez pitié. J ai 5 enfants... J ai 5 enfants. Pour mes enfants, ayez pitié. Le général Lecomte est abattu. Le général Thomas, fuyant, est atteint et abattu. Paris. Devant un atelier de confection, les 8O ouvrières. Sophie Doctrinal sort de l atelier.. Sophie. Le patron nous a lâchées. Il est parti à Versailles. La 1ère ouvrière. Avec la caisse?

Sophie. Tu aurais imaginé sans? Silence. La 2ème ouvrière.- (montrant l atelier) On a les commandes, on a les étoffes, on a la passementerie, on a les machines, on a les ouvrières. Il y a de quoi fulminer. Silence. La 2ème ouvrière.- (y pensant tout à coup) Sophie. Tu étais le bras droit du patron. La 1ère ouvrière. Tu étais tellement son bras droit, qu il n était plus que gauche de l autre. La 2ème ouvrière. Si tu prenais l atelier en charge? Fournisseurs, matériaux, machines, clients, comptabilité, il n y a rien que tu ignores. Toutes.-- Mais oui. C est vrai. Sophie. Sophie.- Ce n est pas légal. La 2ème ouvrière. Faisons le légal. Allons voir la Commune. Toutes. Allons voir la Commune. Telles qu elles sont, elles se mettent marche vers la Commune. Hôtel de Ville. Les ouvrières attendent. Sort Sophie Doctrinal, radieuse, deux feuilles en mains, qu elle lit aux ouvrières. Sophie.- (lisant) La Commune décrète que la gestion des fabriques abandonnées par les patrons sera confiée aux ouvriers, en association coopérative. Pertes et bénéfices seront partagés entre les ouvriers. (montrant la 2ème feuille) Le règlement des associations coopératives. Toutes. Hourrah. La 1ère ouvrière. A l atelier. Elles sortent, joyeuses. Paris. Une mansarde, avec une vieille cheminée, et une glace en trumeau, qui ne réfléchit qu en partie, le tain, derrière,noirci, s étant piqué et effrité. Julien est en train de laver son linge dans un baquet. On frappe, Oui? Entre Marie-Paule. Julien.- (surpris, joyeux) Maman. Marie-Paule.- (l embrassant) Mon Julien. Ils s embrassent longuement. Julien. Qu est-ce que tu fais à Paris? Marie-Paule.- (encore effrayée).. J ai marché le plus vite que j ai pu, tellement j avais peur. Tu aurais dû voir leurs figures d assassin. De quels yeux menaçants, ils me pointaient. Julien. (tranquillement) Ils étaient ébahis de voir une bourgeoise chez eux, Maman. Marie-Paule.- Et comme ils riaient. Leurs rires éclatants m écorchaient les oreilles. Julien. (tranquillement) Ils venaient de se raconter une bonne blague, Maman. Marie-Paule.- Un a mis la main à sa poche, comme pour sortir un couteau. Julien. (tranquillement) Il a mis la main dans leur poche pour sortir son mouchoir, Maman. Marie-Paule.- Un tapait du poing avec force dans la main, comme sur mon visage. Julien. (tranquillement) Ils tapait du poing dans sa main, comme on se gratte le nez, Maman. Un silence. Julien. (entourant sa mère de ses bras, et la conduisant vers la porte) Ce n est pas un lieu pour toi, Maman. S ile te plaît, retourne à Versailles. Un silence.

Julien. Tu es trop fragile, trop délicate, tu es trop habituée aux belles manières. Dans l entourage de ton mari de ministre, tu es trop rompue aux politesses délicates, aux beaux compliments, aux charmants mensonges. On cultive, là-bas, trop l art de parler, sans le poids des actes. Ici, ils sont rudes, carrés, muets, eux, au contraire, ne parlent que par actes. Tu ne t y feras pas. Un silence. Marie-Paule.-....Ton père m a dit que c était par haine de lui, que tu avais été, pendant tes études, un tel cancre. Julien. Il n a rien compris. J ai été un cancre par haine des études. On pioche, on bûche, on force sa mémoire à emmagasiner des bibliothèques entières, pour rien, dans le seul but de s assurer la meilleure place et le meilleur salaire possibles. C est une idée que je n ai jamais supportée. Un silence. Marie-Paule.- Je m étais fait les trompettes de sa gloire. J ai accompagné ton père dans son office, comme co-officiant de sa messe. Longtemps des taies avaient occulté ma vue. Puis tu es parti, et les taies, brusquement, sont tombées C est toi qui as raison. Toute sa vie, ton père a déployé son intelligence, qui est exceptionnelle, non pour faire quelque chose de bien ou d utile, mais sous le couvert du bien et de l utile, mais pour conquérir des places. A chaque échelon, je l ai vu flatter ses supérieurs d une double honteuse façon, en les élevant, eux, plus haut qu ils n étaient, - alors qu il en disait pis que pendre -, et en s humiliant, lui, plus bas qu il n était, - alors qu il avait de lui-même, la plus haute idée..... La presse a découvert ses malversations. Pour couronner le tout, elle a découvert ses dévergondages. Je me suis demandé à la fin ce que je faisais encore avec lui. Julien. Retourne à Versailles, Maman. La vie sera trop dure pour toi ici. Marie-Paule. Trop tard. Mon choix est fait. Un silence. Julien.- (embarrassé) J ai quelqu un. Marie-Paule.- Je ne t importunerai pas. Autorise-moi à te rendre visite de temps à autre. Julien. Je te le demande... Où tu vas aller? Marie-Paule. C est moi l enfant, ou toi? Ils s embrassent. Marie-Paule sort. Par la fenêtre, Julien fait un signe à sa mère. Eglise Ste Eustache. Il est 8 heures du soir. Fin du service religieux. Des femmes entrent, en nombre, restent au fond de l église, et attendent. Le curé, les voyant, monte en chaire. Le curé.- (faisant un signe de croix ; les rares fidèles, et les femmes du fond de l église font le signe de croix avec lui) Au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit. Épître de Paul à Timothée. (Les fidèles rient sous cape, il lit) Chers frères et sœurs, le corps n est pas fait pour la fornication : il est pour le Seigneur. Celui qui fornique pèche contre son propre corps. Cependant, à cause des débauches, que chaque homme ait sa femme, et chaque femme son mari. Ceux qui se marient connaissent la tribulation de la chair, et moi je voudrais vous l épargner..... Que ceux donc qui ont une femme vivent comme s ils n en avaient pas. Celui qui se marie ne fait pas mal, mais celui qui ne se marie pas fait mieux. Je voudrais vous voir exempt de troubles. La chair produit impureté, fornication, débauche, et je vous préviens, ceux qui commettent ces fautes n hériteront pas du Royaume des Cieux.. N oubliez pas, mes sœurs, que ce n est pas l homme qui a été créé de la femme, mais la femme qui a été

tirée de la côte de l homme. Ce n est pas non plus Adam, qui se laissa séduire, mais Eve, qui, séduite, a séduit Adam. C est enfin la femme qui pèche et fait pécher. La femme est douze fois impure, dit ele livre. C est pourquoi, dit l apôtre, j interdis aux femmes de prendre la parole dans les assemblées. Au nom du Père, du Fils, du Saint- Esprit. Silence religieux. Le curé s apprête à descendre de la chair. Dans le silence religieux, soudain, du fond de l église Une femme. Je suppose, Monsieur le Curé, que c est pour nous que vous dites ça. Le curé.- (ébahi, portant sa main à la bouche, pour lui dire de faire silence) Madame. La femme. Vous parlez bien, vous. (Le curé descend de trois degrés l escalier de la chaire) L habitude de MM les Curés, en chaire, c est de faire, en procurateurs, le procès des femmes. En tant qu accusée, je demande droit de réponse Votre Paul me reste en travers de la gorge, M. le Curé. Il dit que la femme est un être douze fois impur. C est vrai, nous avons chaque mois nos règles. Le curé. (avec un haut le cœur) Madame. Une fidèle.- (se levant, à la femme) Madame, vous devriez avoir honte. La femme. (à la fidèle) D être une femme? (au curé) Vous oubliez que c est grâce à ce mécanisme que vous avez été un jour, conçu. La fidèle. (véhémente) M. le curé, n acceptez pas qu on vous insulte. Le curé. (aux fidèles) Mesdames, rentrez chez vous, je vous en supplie. C est moi que cette dame interpelle. Les fidèles, dans un grand bruit de chaises, se lèvent et sortent de l église, en foudroyant du regard les femmes du fond de l église. Les femmes du fond de l église, viennent s asseoir dans la nef. La femme. (se plaçant devant une chaise, mais restant debout) Direz-vous que vous êtes né tout fait à 20 ans? Direz-vous que vous n avez pas bavé quand vous avez fait vos dents, que vous n avez pas fait dans vos culottes, que vous n avez pas volé dans le porte-monnaie de votre maman, qu à la puberté vous ne vous êtes pas touché? Sourires dans l assistance. Le curé. Madame. (il veut descendre de chaire) La femme. Rien que dix minutes, Monsieur le Curé, on vous a écouté pendant deux siècles Vous dites que la femme est née de la côte de l homme. Permettez, je ne vois pas très bien comment ça a pu se faire. Selon moi, ce sont des contes de bonshommes. Par contre, il y a une chose que je réalise très bien, c est comment l homme naît de la femme.. Vous dites : que ceux qui ont une femme vivent comme s ils n en avaient pas. Direz-vous que la chasteté est bonne? Non, parce que le monde finirait : plus de prêtres, vous vous rendez compte? Paul interdit à la femme de prendre la parole dans les assemblées, on le comprend, elle n arrêterait pas de parler tellement elle a des choses à dire. (elle s assied) Une autre femme.- (se levant) Vous dénigrez les femmes, il y en a pourtant une, que vous portez au pinacle : votre (insistant) Moman. Vous adorez les Mères, (levant l index) Vierges. La Vierge Mère, là haut, dans sa niche, en robe bleu pastel jusqu aux pieds, les mains jointes, les yeux au ciel, vous adorez. Mais la femme, mère d enfants, enceinte, ménagère, fatiguée, négligée à force de travaux, vous l avez en exécration. (elle s assied) Silence. Certaines femmes pleurent. Une autre femme. (se levant) L Eglise? Paraît-il, est chrétienne? A l église, j entends des chants, des glorias, des te deum, des psaumes, je vois des candélabres, des cierges, des chasubles brodées au fil d or, des calices, des ciboires d or, je vois des femmes en belle toilette s agenouiller, communier, fermer les yeux, se signer, courber

la tête, je sens de l encens....mais je croyais que la spécialité du christianisme, c était Dieu fait homme? Le Dieu, on l entend, on le voit, on le sent, mais où est l homme? L église devait être la maison du pauvre. De pauvres, on n en voit plus, qu à la porte de l église. La 1 femme. (à la femme) Nous lui faisons souffrir le martyre à ce pauvre homme. Laissons-le aller, il ne fait que suivre les directives de ses supérieurs.. La 3 femme. Il n y est pour rien. Laissons-le aller. Approbation générale. Le curé descend de la chaire et sort de l église. Une femme monte en chaire, d un pas vigoureux. La femme. (en montant) Moi je vous ferai un sermon à ma manière. Savez-vous quel est notre mal à nous, les femelles? Le mâle De la carrure, du muscle, du poil, on se dit quand on fait la connaissance d un, on va pouvoir s appuyer dessus. Malheur. La première fois qu on s appuie dessus, ça vacille, comme de branlantes rambardes d escalier, vite on retire la main, pour ne pas se retrouver dans la cage d escalier 5 étages plus bas.. Où sont les Amazones au sein coupé? Pour se perpétuer, elles s unissaient à de jeunes étrangers, faisaient avec eux leur affaire, et les chassaient à coup de cravache. Si elles avaient des filles, elles les gardaient, des garçons, elles les jetaient dans les décharges publiques..... Hors la reproduction, je vous demande, un homme à quoi ça peut servir?.... Heureuses abeilles, une fois le vol nuptial achevé, elles refusent aux faux-bourdons l entrée de la ruche, et les laissent mourir, dehors, de faim et de froid, dehors. Si vous m écoutez, vous ferez à l avenir comme elles. J ai dit. Elle descend, des femmes rient, d autres applaudissent. Une virago, un fouet autour du cou, monte en chaire. La virago. Moi, je m adresse à ces femmes que je vois, aux lèvres scellées, qui baissent la tête. Osons parler de ces maris, qui boivent un coup de trop, et dont, de ce coup en trop, ils cognent leur femme. Ils titubent, ne savent plus où mettre leurs pieds, mais leurs poings, ils savent où les poser. Je donne avis à ces femmes : si vos maris sont avec vous trop bavards des pieds et des poings, nous sommes une petite équipe, qui nous chargeons de leur clouer le bec.... Une bonne petite grippe, et ces montagnes de viande, ces massifs de muscles sont au lit, suants, tremblants, sans forces... Que ces femmes ne craignent pas que leur homme, après, se venge, nous assurons le suivi. S ils continuent d afficher une trop belle santé, nous revenons leur donner un coup de chaud et froid, et les voilà de nouveau au lit, grelottants.....chacune de nous n est qu un fil, que chacune de ces brutes romprait comme un rien, mais, assemblés, tordus, tressés, tous nos fils font une belle corde bien solide. (elle fait claquer son fouet) Donc, ne craignez pas. Faites appel à nous. Nous tenons une permanence, tous les soirs, dans le premier confessionnal de gauche. Rires, et applaudissements. Un homme, avec un brassard noir au bras, se lève d une chaise, lève timidement la main. Le veuf. Bien, que je ne sois qu un homme, me permettrez vous de dire un mot? Tous les hommes ne sont pas comme dites qu ils sont. Sans vanité aucune, ma femme m adorait. Une femme. On vous écoute. Le veuf. Entendez-moi. Je suis veuf. Rires. Le veuf. Et veuf heureux. Je suis heureux que ma femme ait décédé avant moi.

La femme. (riant) C est net, carré. Il est franc. Rires. Le veuf. Entendez-moi : je suis heureux pour elle, pas pour moi...... Si j avais décédé avant elle, elle aurait été totalement démunie. Elle n aurait pas su comment vivre. Elle m était attachée, comme un fruit à l arbre. Sans moi, elle aurait La femme. (riant) Chu. Rires. Le veuf. Entendez-moi : j étais sa vie. J étais la fenêtre, par laquelle elle connaissait le monde. Sans moi, elle n aurait pas su comment vivre. La femme. Avec vous, apparemment, non plus. Rires. Le veuf. Entendez-moi : j étais sa vie. Si je n avais plus vécu, elle ne m aurait guère survécu.. Si j avais décédé avant elle, elle aurait vécu pâlotement quelque temps des souvenirs de moi : lorsqu ils auraient pâli et se seraient évanouis, elle aurait, comment dire, décédé d inanition. La femme. Peut-être, justement, elle en avait peut-être soupé? Rires. Le veuf. (descendant de la chaire) Savez-vous que vous me froissez? La femme. La femme est morte, le veuf est froissé. Rires. Le veuf se rasseoit. Dans la nef, une femme lève la main. La femme. (se levant) S il vous plaît, revenons sur terre, parlons nourriture? (approbation) On parle de tous côtés de pigeon, de chat, de rat : ça doit être un produit de luxe, parce que je n en ai jamais vu la queue d un seul..nous avons droit à 120 g de viande pour 3 jours, elle va être réduite à 100. Le pain n est plus du pain, on y trouve de la paille hachée et de l écorce de châtaigne. La confiture est sans fruits, le beurre est sans lait, le pâté est sans viande. Nous sommes plusieurs à offrir des solutions au problème de la pénurie : il y a certains aliments auxquels on ne pense pas, les pâquerettes, les orties.. Une autre femme. Nous aussi, nous avons des idées. La femme. (à l autre) On se réunit autour de l autel du chapelle de la Vierge? Avec des bruits de chaises, des femmes se lèvent et se dirigent vers la chapelle. Une vieille femme. (chantant) Depuis que je mange du chien J suis vorace J ai d l audace. Rires. Eglise Saint Séverin. Club des hommes. Les hommes parlent véhémentement entre eux. Pierre d Angle monte en chaire. Pierre d Angle. Permettez. Permettez. Un simple citoyen. Un simple citoyen. Deux mots.(le silence a de la difficulté à se faire) (parlant fort) Vouloir être célèbre? Vouloir se faire un nom? (le silence se fait) S attacher le boulet de la célébrité au pied? Etre sans cesse épié, guetté? Me livrer moi-même à un public que je méprise, pour qu il m aime et m embrasse, ou m insulte m injurie, selon?...ou vouloir rester inconnu? Vouloir aimer qui j aime? Haïr qui je hais? Aller vers qui me plait. Tourner le dos à qui me déplaît? Pouvoir dire à haute voix ce que je pense? Me taire si je veux? Tourner ma veste si le besoin s en fait sentir? Un silence.

Pierre d Angle.... Quel est celui qui refuse de partir d un principe de vaine gloire? Quel est le faiseur de sa propre opinion? Se moque de l opinion des autres? Quel est celui qui n accepte pas que quelqu un pense à sa place? Quel est celui qui ne veut qu une chose, qu on le laisse faire à son idée, ne s honore que d une chose, de bien faire ce qu il fait? Quel est celui qui veut être aimé de ceux qu il aime : sa femme, ses enfants, ses amis, son travail, qui ignore ceux qu il ne connaît pas?.....(un silence) Qu est ce qu un homme obscur? Un homme qui agit et pense, en toute liberté : puisqu il est inconnu, qui prêterait attention à ce qu il dit? En bas, dit-on, il y a, paraît-il, les humbles : qui ne sait que c est la classe fière entre toutes Pourquoi s humilierait-elle, puisqu elle n attend la faveur de personne?.. On appelle le peuple la racaille, comment peut-il être la racaille? La misère lui ligote les mains, il est honnête par force. Quand on n a que trois sous, on ne peut que voler trois sous. Pour être malhonnête, il faut être riche. La richesse fait la rapacité : elle a tout à gagner. La pauvreté fait la générosité : elle n a rien à perdre. L obscurité et la modestie ont toujours affaire avec l admiration et l amour, la célébrité et l arrogance ont toujours affaire avec la jalousie et haine. C est en fait, la classe des riches qui est la racaille..... Mes maîtres, célébrons les inconnus : ce sont les seuls, qui méritent la célébrité... Quel est celui qui occupe le plus la pensée? Celui dont on parle le moins. Celui qui est toujours dans l esprit, n est jamais sur les lèvres. Qu est ce qui est à découvrir? Le nouveau. Quel est le nouveau? L inconnu. C est ce qui est inconnu qui a de la saveur, c est vers l inconnu que tout le monde accourt. Vrais chefs d œuvre sont inconnus, vrai auteur est inconnu. C est à Paris que la Province monte, pour se faire un nom. Le peuple, de même, veut dans sa Commune, se faire un nom. Gloire dans cette Commune, donc, à cet illustre inconnu. Honneur à ces obscurs qui s illustrent en tant qu obscurs, et honneur, de même, par eux, aux obscurs de toute la terre. Vive le peuple, mes maîtres. Vive vous. Silence religieux. Certains ouvriers pleurent. D autres émus, tournent ou cachent leur visage. Chez les Bocquin. Le mari prend sa valise de carton, y met du linge. Lucie, debout à côté de la porte, donnant la main à son garçon, le regarde faire Son mari. Je fais ce que je t ai dit que je ferai. Sans doute ne m as-tu pas cru. Croismoi. Lucie le regarde. Son mari. e t imagine pas que tes yeux pourront me retenir. Il sort. Lucie le suit, à une dizaine de mètres derrière lui, donnant la main à son garçon.. Son mari.- (se retournant) Tu as beau lancer sur moi le harpon de tes yeux, je ne me laisserai pas accrocher. Il se dirige vers les fortifications, les escalade. Elle le regarde d en bas. Son mari.- (se retournant une dernière fois) Tu veux te faire le reproche vivant. (riant, levant les mains) Constate que je ne me sens coupable en rien. Ils disparaît. Elle escalade les fortifications, et voit son mari se diriger vers les lignes versaillaises, agiter vers les soldats versaillais un mouchoir blanc. Elle le suit des yeux, elle se dresse, jusqu à ce qu elle le voit disparaître. Puis attend un peu, pour être sûre tout à fait qu il ne réapparaîtra pas. Lucie revient sur ses pas, vers chez elle. Au passage, s arrêtant à une maison, son garçon à la main, elle monte au 4ème étage, frappe, se retire sur le palier, loin devant la porte.

Marcellin. (ému)vous. Lucie.- Mon mari vient de me quitter pour Versailles. Il m a démariée..autant que mes yeux ont pu le déduire des vôtres, Monsieur Marcellin, je ne vous déplaisais pas. Marcellin. (gêné) Je n avais pas remarqué que vous l aviez remarqué. Lucie.- Peut-être êtes-vous fait comme bien des hommes. Vous jetez sur toutes les femmes les mêmes regards de convoitise, qu elles soient de leur goût ou pas. Marcellin. (gêné) Non, non. Lucie. Je vous le reproche d autant moins, qu à la dérobée, bien que je sois femme, je vous jetais le même regard. Silence. Marcellin. Que ne vous trahissiez-vous un peu. Vous m auriez donné espérance. Lucie. Mariée, j étais fidèle par devoir, par fierté... Croyez-vous que vous pourriez aimer un peu une femme qui a déjà servi? Marcellin. Croyez-vous que vous pourriez aimer un peu un homme qui s est usé à des bêtises? Lucie. De vos restes, j accepterais ce que vous voudrez bien me donner. Un silence. Marcellin. J ai pour vous une telle inclination, que si vous voulez bien m aimer, j accepterais qu entre nous il ne se passe rien. Lucie. J ai pour vous une telle inclination, que si vous voulez bien m aimer, j accepterais qu il se passe, à l aventure, quelque chose. Tous deux reculent d un pas. Marcellin. (les yeux ardents) Que je me réjouirai de penser à vous. Lucie. (les yeux baissés) Que je me réjouirai de penser que vous pensez à moi. Elle descend à reculons, son garçon à la main. Marcellin la suit du regard. Place Vendôme. La colonne, debout, sciée, une corde attachée à son haut, prête à être abattue. Courbet. Tant que Bonaparte a été porté par le peuple de la Révolution, il a été au plus haut. Du jour, où se croyant, il s est couronné lui-même Empereur, s est fait appeler Napoléon Premier, que le peuple s étant ôté de dessous lui, il a essayé de se maintenir dans les hauteurs par sa seule police, ç a été la chute... Cette colonne Vendôme, qu il s est érigé à sa gloire, où, au sommet, il s est statufié en un César grand comme trois Bonapartes, est lourde et bête, vaniteuse et vulgaire. Elle dépare la place, comme une affreuse faute de goût. A bas la colonne. Des gardes nationaux tirent la corde, La colonne s abat en tronçons sur la paille. Assemblée Nationale. Thiers à la tribune, tourné vers Paris. Thiers. Les Vandales ont démoli la colonne Vendôme. Paris la belle ville, aux beaux monuments, est aux mains des barbares. Paris est au pillage, la France court au tombeau. De sur un tronçon de la colonne Vendôme, à terre, Ferré répond à Thiers, tourné vers Versailles. Ferré. Paris ville-musée. Paris, ville morte. Capitale de marbres, que la bourgeoisie réquisitionne pour y loger ses trafics et ses turpitudes. Paris, ville de pierres, d où le peuple, qui l a construite, est banni. Paris, cimetière de cénotaphes.

4 Versailles. Le bureau de Thiers. Son chef de cabinet entre et annonce : le général Galliffet. Thiers se lève, va à la porte accueillir le général. Thiers. Général Galliffet. Les Prussiens vous ont libéré. Général Galliffet. Avec 170 000 de l armée régulière. Thiers le serre dans ses bras. Thiers.- Quelle fierté de vous avoir....vous êtes l honneur de notre armée défaite. Vous seul, vous avez chargé les Prussiens jusqu à ce que votre sabre vous soit arraché des mains. Au milieu de toute la boue militaire, vous êtes la paillette d or, le doigt la saisit en tremblant, désireux de ne pas la laisser échapper... Comment reprocher, cependant, Général, à l Empereur de s être rendu? Général Galliffet. (approuvant) Un pays déchiré fait une armée déchirée. Thiers. Depuis cette malheureuse révolution de 89, le pays est maladif, égrotant, valétudinaire. L occasion s offre enfin, pour lui faire subir un traitement de cheval, et le remettre enfin sur pied.....il s est formé à Paris un abcès de fixation révolutionnaire : j ai l intention de l ouvrir largement, de le curer à fond. Le pot au feu bout, de l écumoire, je veux écumer cette sale écume et de la jeter........ J ai deux craintes, la première, c est que nos 170 000 prisonniers libérés, déprimés par la défaite, fraternisent avec les Communards. Général Galliffet.- (riant) Là, je vous tranquillise tout de suite. Vos 170 000 prisonniers ont réintégré leur caserne, ils sont aux mains des officiers.... Caserne c est cloître. Comme un Père Abbé dans son monastère, l officier est seul maître après Dieu. Pas même après Dieu, avant. Pas même avant, il est (insistant) Dieu Pour le soldat, il est la Cause la première, le Grand Etre, l Instance Suprême. Il est Dieu, sacré nom de Dieu. Ce Dieu ne doit pas même croire en Dieu, parce que cela le ferait croire en quelqu un d autre qu en lui, et cela affaiblirait son pouvoir. Apprenez ce que vous savez, qu une méchante brute de chef est plus respectée et aimée, qu un chef humain, qui est parfaitement méprisé. Thiers. (riant, lui serrant les mains) Vous me tranquillisez.... Mon 2ème sujet de crainte, c est que la rébellion du peuple parisien trouve un écho dans le peuple du pays. Le problème du politique est de faire, pour le salut du pays, du peuple de la Commune un peuple dans lequel le peuple français aura de la honte à se reconnaître. Nous avons déjà amplement propagé par le pays, les cambriolages, les dégradations de monuments, les immondices dans les rues, l ivrognerie, l impudicité, la dilapidation des fonds publics, dont s est rendue coupable la Commune. Nous avons maintenant l assassinat des généraux Lecomte et Thomas. Je n attends plus qu une chose, que la Commune déclenche contre nous les hostilités. Déclencher la guerre civile, c est une chose que lea pays ne lui pardonnera pas.. Un peu de patience, général, cela ne saurait tarder. Vous pourrez donner bientôt votre pleine mesure. Ils sortent tous les deux.

Porte de Neuilly. Les fédérés. Des lignes versaillaises, une voix se fait entendre. La voix. (appelant) Les Fédérés, un officier versaillais vous parle. Les piquants d une coque de châtaigne blessent quand on les prend à pleine main, mais si de deux doigts délicats on l ouvre, on accède aux brillantes châtaignes farineuses. Sous nos redoutables uniformes de zouaves, battent des cœurs fraternels. L officier fédéré monte sur la barricade : une ligne de zouaves, la main droite devant le fusil, la main gauche levant la main en signe de fraternité. L officier fédéré fait signe aux fédérés du fort, ils le redescendent, ouvrent les bras et avancent vers les Versaillais. L officier versaillais. (ouvrant les bras) A la vie. (aux zouaves, sauvagement) A la mort. (aux Versaillais) Feu. Les zouaves font feu, abattent les Fédérés, et montent sur le fort. L Assemblée de Versailles. A la tribune, Thiers, avec à côté de lui le général Galliffet. Thiers. A la hâte. J apprends à l instant qu un bataillon de rebelles de la Commune a attaqué nos postes. La Commune a déclenchéla guerre civile. La guerre est déclarée entre la France légale et les hors-la-loi de Paris. Général Galliffet, à l assaut. L Assemblée.- (se levant) A l assaut. Le général Galliffet sort. On entend des trompettes guerrières. Fort de Neuilly. Le général Galliffet, à la tête de ses cuirassiers et un bataillon d infanterie. Galliffet.- L épine insupportable de la défaite dans mon pied me fait souffrir à hurler. Je veux que ces hors-la-loi souffrent avec moi. Cuirassiers. (Il lève son sabre, les cuirassiers font comme lui) A l assaut. Le Général Galliffet et ses cuirassiers se lancent à l assaut. Les fantassins suivent en courant. Fusillade de part et d autre. Les Versaillais investissent le fort. Le Général Galliffet et ses cuirassiers cernent les fédérés. Général Galliffet. On soulève la pierre. Horreur, dessous, serrés les uns contre les autres, toute une colonie de cloportes gris... Les fédérés lèvent les mains. Général Galliffet. Je m appelle Galliffet. Apprenez que devant des barbarismes comme vous, dans le beau texte de Paris, je n ai qu un réflexe, les barrer d un trait rouge... Sur une ligne. Le peloton se place. Les fantassins piquant les prisonniers les forcent à se mettre en ligne. Le général Galliffet les passe en revue. Général Galliffet. Peloton d exécution. (Il montre le mur, le peloton se place) (à la file) Les cheveux gris et les cheveux blancs, incurables quarante-huitards,. En 48 déjà infectés, ce sont eux qui ont contaminé 70. Au mur. (les fantassins arrachent les casquettes, de la baïonnette poussent les hommes à cheveux gris et cheveux blancs vers le mur) (au peloton) Peloton, en joue. Feu. Le peloton tire, les fédérés s abattent. Le peloton réarme les fusils. Général Galliffet. Les blessés, vous avez dû blesser les nôtres. Qu ils n imaginent pas que nous allons les remettre sur pied. Au mur (les blessés, graves comme bénins sont poussés au mur) (au peloton) Peloton, en joue. Feu. Le peloton tire, les fédérés s abattent. Le peloton réarme les fusils.