Raoul Graziotti. La pile de Volta. «La vérité sort plutôt de l'erreur que de la confusion des faits,» Francis Bacon. Introduction. Les prémisses.



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Transcription:

Raoul Graziotti. La pile de Volta «La vérité sort plutôt de l'erreur que de la confusion des faits,» Francis Bacon. Introduction. Volta (1745 1827) Des événements fortuits ont souvent influé sur l'acte de création d'une technique à un moment donné. La pile de Volta peut être prise comme exemple d'une chaîne opératoire aboutissant à une nouvelle technique de génération de l'électricité, à partir de théories erronées et d'une expérimentation judicieuse. Les philosophes du XVIIP siècle suivant le système de Descartes supposaient que tous les phénomènes du monde physique n'étaient que les manifestations d'une même cause. La plupart des physiciens de cette époque considérait l'électricité expérimentée uniquement à partir des charges fournies par des machines électrostatiques comme un jeu. Sauf de rares exceptions, ils remarquèrent surtout les effets des décharges de ces générateurs sur le corps humain geste technique qui traduit une culture scientifique bloquée. Pendant cent vingt ans de 1660 à 1780, ces «expérimentations» se succédèrent sans apporter de bouleversements. Il aura fallu une polémique passionnée entre «galvanistes» et «voltaïstes» qui dura dix ans, pour que des objets existant de tout temps des pièces de monnaie, de l'eau acidulée, et des morceaux d'étoffe soient utilisées dans un système : la «pile» et conduisent à la naissance d'une filière électrochimique de générateurs électriques. L'utilisation de cette source de courant continu basse tension va permettre aux expérimentateurs de trouver en trente ans les principales lois de l'électricité dont les applications conduiront à une nouvelle forme de civilisation. La «pile électrochimique» aurait-elle pu naître plus tôt? Nous allons essayer de répondre à cette question. Les prémisses. Galvani (1737 1798) Il y a deux mille cinq cents ans. Thaïes de Milet, astronome grec, remarque que certaines substances avaient une «âme», «parce qu'elles pouvaient attirer à elles des matières inanimées comme par une aspiration -18f-

Expériences faites par les médecins de l'association de Mayence. Expériences faites par les médecins de l'association de Mayence. Œrsted découvre la dérivation de l'aiguille aimantée par le courant électrique. Œrsted découvre la dérivation de l'aiguille aimantée par le courant électrique. La grande pile de l'ecole Polytechnique construite en 1813. La grande pile de l'ecole Polytechnique construite en 1813. Volta construit en décembre 1799 l'électro-moteur ou pile électrique. Volta construit en décembre 1799 l'électro-moteur ou pile électrique. 182

Expérience de Dufay Le docteur Ure galvanisant le corps de l'assassin Clydsdale. du souffle» il s'agissait de l'ambre (elektron) substance fossile qui, frottée, génère des forces électrostatiques et observe également qpe certaines pierres attiraient le fer et pouvaient lui communiquer la «vie» en lui transmettant cette propriété (forces magnétiques). Dix-sept siècles plus tard au moment de la construction de la cathédrale Saint-Marc à Venise et de la création de l'université de Paris les textes chinois font mention pour la première fois de l'aiguiller aimantée et de la déclinaison magnétique. En 1600, William Gilbert (1530-1613), physicien anglais, publie un traité sur le magnétisme De Magnete, premier ouvrage relatant les observations effectuées aussi bien sur le magnétisme terrestre que sur les propriétés des corps électrisables par frottement. Dans cet ouvrage historique, figure pour la première fois le terme «Electricité» (Vis Electra). Les cabinets de physique. Dès ce moment, les découvertes s'accélèrent et, en 1660, la première machine à produire un effet électrique est construite par Otto de Guericke à Magdebourg. (Photo 1). Cette machine est constituée par un globe de soufre monté sur un axe en bois. Les charges s'effectuaient par frottement manuel. Le soufre était connu dès l'antiquité, mais plus de deux mille ans se sont écoulés entre les observations de Thaïes et la construction de cette machine élémentaire dont l'utilisation aboutira au premier ouvrage traitant de phénomènes électrostatiques. «Expérimenta Nova Magdeburgica.» Cinquante ans plus tard, Hawkesbee (1640-1713), physicien, remarquant la lueur créée par le frottement du mercure dans un tube manométrique (inventé quatre-vingts ans auparavant par Torricelli), construisit un globe de verre pouvant tourner autour d'un axe. Le vide étant fait dans le globe, un frottement manuel entraînait l'apparition d'une luminosité à l'intérieur de celui-ci. Pour la première fois, un phénomène lumineux électrique était créé artificiellement et étudié. Par ailleurs, Hawkesbee, remarquant la possibilité de tirer des étincelles de ce globe quand il était frotté, le perfectionne par adjonction de frotteurs en drap. Des expérimentateurs remplacèrent ce globe par un cylindre, puis par un disque de verrez Les travaux de Dufay (1698-1739) sur la propagation de l'électricité dans le corps humain, suscitèrent un grand intérêt, particulièrement chez les physiciens allemands. Ces machines se répandirent rapidement en Allemagne et se perfectionnèrent, en particulier par l'adjonction d'un frotteur en cuir (sauf en France, où l'abbé Nollet considérait que le frottement manuel était supérieur). Toutes ces modifications durant le XVIIP siècle aboutirent à l'une des plus grandes machines à plateau jamais construites, celle de Culthberton, commandée en 1784 par Van Marum. En voici les caractéristiques principales : Deux disques de verre distants de 19 cm et de 1,65 m de diamètre coulés par Saint-Gobain (pour un prix de 3000 livres) et frottés par quatre coussinets. Hauteur totale de la machine : 2,64 m. Longueur totale de la machine: 1,70m. Cette machine permettait d'obtenir des trains d'étincelles de 0,60 m de longueur. Deux mille ans se sont écoulés entre les observations de Thaïes et la première machine électrostatique à globe de soufre, et cent vingt ans, entre celle-ci et la machine de Van Marum, qui représente l'aboutissement d'un système technique qui, à l'époque, n'a pu aboutir à une expérimentation féconde^. Ce n'est qu'en 1930, que les machines électrostatiques à courroies seront utilisées. Pendant toute cette période, de multiples expériences ont été effectuées surtout par des curieux comme l'abbé Nollet qui écrivit un ouvrage en sept volumes sur ses observations et des médecins qui tantôt utilisaient les décharges électriques à des applications médicales ou des expérimentations. (Bichat en 1798 obtint l'autorisation de procéder à des expériences sur des cadavres de guillotinés qui lui étaient livrés peu après l'exécution.) 183-

Galvani, professeur à Bologne, découvre en 1780, l'irritabilité des muscles de la grenouille par l'élearicité. Davy décompose les alcalis par la pile voltaïque.

Ces machines électrostatiques fournissaient des décharges haute tension de courte durée. Le stockage de ces décharges par les bouteilles de Leyde inventées en 1745 ne pouvait conduire à une expérimentation suivie sur les phénomènes électriques, car le fil métallique très fin et bien isolé n'apparaît qu'en milieu du XIX^ siècle. La réversibilité de ces machines n'a pas été expérimentée, ce qui entraînera un retard considérable dans la notion de moteur électrique. Par contre, les décharges d'une machine électrostatique, initiant une contraction de muscle de grenouille, incita en 1780 un médecin italien Luigi Galvani à entreprendre à Bologne une série d'expériences, qui le conduisirent à élaborer une théorie «de l'électricité animale». Cette théorie n'étant pas du goût d'un physicien italien, Volta, celui-ci entreprit une série de manipulations qui l'amenèrent afin de vérifier sa théorie de «métaux excitateurs» à bâtir une «pile» de disques de zinc et d'argent alternés séparées par des morceaux de drap imbibés de vinaigre ou d'eau salée (en 1799). Pour la première fois un dispositif était capable de fournir un courant continu à basse tension pendant un temps voulu, sans faire appel à une énergie mécanique. Nous allons voir maintenant les conditions qui préludèrent à la création de cette pile. Polémique entre Galvani et Volta, Depuis 1745, date à laquelle le physicien Dufay avait tiré une étincelle électrique du corps humain, à l'aide d'une machine à globe de verre, de nombreuses expériences de ce genre furent réalisées au titre delà curiosité, puis en applications médicales. En 1750, Caldoni (1725-1813) avait signalé l'action de l'étincelle électrique sur les muscles des grenouilles. En 1776, l'académie de Lyon avait fondé un prix qui fut attribué au travail de Thours : «De l'influence de l'électricité sur le corps humain». En 1783, Morat fait imprimer à Rouen un ouvrage : Mémoire sur Vélectricité médicale. En 1773, Galvani (1740-1798), professeur d'anatomie à l'université de Bologne, commence une expérimentation relative à l'irritabilité des muscles de grenouille. Un soir de l'année 1780, dans le laboratoire de Galvani, un aide qui disséquait des pattes de grenouille, vit celle-ci se contracter quand le scalpel toucha le nerf crural. Lucia Galvani la femme du professeur constata que cette contraction avait lieu seulement quand on tirait une étincelle d'une machine électrique voisine^ (Les pattes de grenouille constituant un électroscope très sensible.) Galvani, qui possédait de solides connaissances en électricité statique, voulut élaborer une théorie de r«électricité animale» et pendant six ans, il entreprit des recherches sur l'influence exercée par l'électricité des machines sur les contractions musculaires. Le 20 septembre 1786, ayant suspendu une patte de grenouille par un crochet de cuivre à une balustrade en fer, les contractions se produisirent. Ce phénomène pouvait donc être obtenu simplement par un arc bimétallique en contact à une de ses extrémités avec les nerfs de la grenouille et par l'autre extrémité avec son système musculaire. Galvani mettra en évidence que seuls les matériaux conducteurs de l'électricité pouvaient produire ce phénomène et en entourant les nerfs lombaires de la grenouille d'une feuille d'étain et les muscles de la jambe d'une feuille d'argent, il réalisa un électroscope d'une très grande sensibilité. De ces expériences, Galvani tire les conclusions suivantes : - le muscle est une bouteille de Leyde organique, - le nerf joue le rôle d'un conducteur, - l'électricité positive circule de l'intérieur du muscle au nerf et du nerf au muscle à travers l'excitateur métallique. L'ensemble de ses travaux fut l'objet d'une publication dans les Mémoires de l'académie de Bologne en 1791 : Viribus electricitatis in motri musculari Commentarius. Pour la première fois, la notion d'électricité dynamique était évoquée. De même qu'en 1747, les travaux de Duray relatifs à l'action de décharges électrostatiques sur le corps humain, suscitèrent de nombreuses expériences, la publication de Galvani fit sensation et très rapidement il se forma deux clans. Dans le clan des opposants, un physicien italien, Alessandro Volta (1745-1821), déjà connu par la découverte de l'électrophore (1775), de l'eudiomètre (1778) et du condensateur (1783) se fit le fougueux partisan de la deuxième hypothèse (abandonnée par Galvani). Cette hypothèse attribuait au métal la propriété de générer l'électricité"^. Selon Volta, l'électricité agissant sur le muscle, pouvait provenir : - soit du contact (sec) de deux métaux différents, - soit du contact (humide) d'un seul métal avec les différentes humeurs du nerf et du* muscle. De part et d'autre les expériences se multiplièrent, Galvani faisant apparaître les contractions de la patte de grenouille, en repliant le nerf crural directement sur le muscle de la cuisse, ce qui le confirma dans la validité de sa théorie. En 1792, Fabroni (1752-1822), chimiste florentin, exposa sa théorie dans une dissertation adressée à l'académie de Florence (dissertation reprise dans le Journal de Physique, brumaire an VIII), sur l'action chimique des différents métaux entre eux à la température commune de l'atmosphère et sur l'explication de quelques phénomènes galvaniques. Un peu avant Fabroni, Laplace et Lavoisier avaient pu charger un condensateur à partir de l'électricité créée par un mélange de limaille de fer et d'acide sulfurique. La pile de Volta. Enfin, en 1799, Volta réalise un dispositif constitué par empilement de disques de zinc et de disques d'argent alternés, chaque couple étant séparé par un feutre imbibé d'eau, et qu'il désigne sous le nom d'électromoteur. Cette «pile» permet d'obtenir un courant électrique continu. L'importance de cette invention échappa à son 185-

auteur, obnubilé par l'éclatante vérification de sa théorie. Pour Volta, la «pile» n'était qu'un dispositif propre à exciter des commotions chez l'animal, et non un objet de recherche et de développement en soi. Il repousse toute idée d'action chimique en niant un effet éventuel de la couche liquide interposée entre les métaux. A son avis, seul le contact de deux métaux différents crée l'effet électrique. Volta commit une erreur théorique il repoussa toute intervention et l'action chimique du liquide sur les métaux mais ne commit pas de confusion expérimentale. Par contre, ce qui est étonnant, il n'a fait état de la baisse d'énergie de la pile après utilisation intense qu'en l'attribuant à une dessication des rondelles de drap mouillé. Il n'accorde pas d'importance aux efflorescences salines qui se forment autour des disques de zinc (sulfate de zinc) et le dégagement de gaz sur les électrodes qu'il a dû remarquer. En fait, ces phénomènes lui paraissaient probablement secondaires. Les inventions. La facilité de construction de la pile de Volta, conduisit des expérimentateurs de génie à une série de découvertes primordiales. 2 mai 1800 : Electrolyse de Veau par Nicholson et Carliste. 1801 : Identification de l'électricité produite par une pile de 60 couples superposés et par la machine électrique de Van Marum. 1801 : Construction de la pile horizontale par Cruishank. 1806: Mémoire sur le mode d'action chimique de l'électricité par Davy. 1807 : Electrolyse des alcalis par Davy. 1812 : Construction de la pile sèche par Zamboni. 1813: Construction de la grande pile de l'ecole polytechnique (600 couples de cuivre et de zinc) surface: 54 m2. 1813: Arc lumineux entre deux électrodes de charbon par Davy. 1815 : Fusion de fils métalliques par Children. 1820: Découverte de Vélectro^magnétisme par Œrsted. 1821 : Découverte de l'effet thermo-électrique par Seebeck. 1817: Mort de Volta. 1828: Principe du moteur électrique fondé sur l'induction par Faraday. 1836: Première pile à courant constant par Daniell. 1866 : Pile Leclanché. Actuellement, piles à action différée. Oxyde d'argent-zinc «Type Volta». Conclusion. En 1746, un physicien anglais, Watson, écrivait : «Si on me demande quelle peut être l'utilité des effets électriques, je ne puis répondre autre chose, sinon que jusqu'à présent nous ne sommes pas encore avancés dans nos découvertes au point de les rendre utiles au genre humain.» Quatre ans plus tard, Caldoni, médecin anatomiste italien, signale les faits qui seront découverts en 1780 par Galvavi. Les travaux de Caldoni ne sont pas remarqués, et il faudra attendre 1791 pour que la polémique entre Galvani et Volta sur r«électricité animale» et r«électricité métallique» débouche sur la fameuse pile. Constatant l'action d'un arc bimétallique, Galvani obnubilé par la vérification de sa théorie, a utilisé la grenouille comme électroscope confondant de ce fait l'effet et la cause et non l'électrophore de Volta, inventé en 1775. Celui-ci, au contraire, entreprend une expérimentation plus rationnelle. Il établit une liste des métaux telle que chaque métal situé au-dessus d'un autre devait créer une charge positive par rapport à ce dernier qui alors avait une charge négative. Afin d'améliorer les contacts, il accouple les métaux avec des disques de drap humides, et se référant probablement au système des bouteilles de Leyde mises en série, il empile ces couples les uns au-dessus des autres, en «pile». Dans cette invention, le hasard a eu une grande part : les observations de Galvani sur l'action de l'étincelle électrique, puis l'action d'un couple métallique; mais l'expérimentation systématique, appuyée sur un instrument de mesure, l'électrophore, enfin une motivation très affirmée, ont permis l'émergence de la pile de Volta. CHRONOLOGIE 600 av. J.-C. Thaïes de Milet : Nature de l'attraction de l'ambre et de l'oxyde de fer. 1100 Première mention de l'aiguille aimantée d'un ouvrage chinois. 1269 P. de Maricourt : Lettre sur la pierre «d'aimant». 1600 Premier traité sur l'électricité par W. Gilbert (Angleterre). 1657 Création de l'académie del Cimento (Florence). 1660 Création de la Royal Society (Londres). 1660 Création de la première machine électrostatique par Otto de Guericke (Magdebourg). 1666 Création de l'académie des Sciences (Paris), du journal des Sciences et des «Philosophical Transactions». 1700 Journal de Trévaux (France). 1707 F. Hawkesbee : Machine électrostatique à globe de verre. 1729 S. Gray : Découverte de la transmission de l'électricité. 1730 Vogue des cabinets de physique. 1733 Du Fay et abbé Nollet : Découverte de l'électricité vitreuse (+) résineuse ( ). 1737 Création à Gôttingen d'une université d'enseignement et de Recherche. 1739 Du Fay : étincelles à partir du corps humain. 1740 Premier tome des «Acta litteraria et Scientiaruns Succia» (Académie suédoise fondée en 1710). 1745 B. Franklin : Théorie du fluide unique. Découverte de l'électricité. 1746 Musschenbroek : Bouteille de Leyde. Premier appareil de stockage. 1747 W. Watson : Transmission de l'électricité dans un câble de 3 km. 1747 Du Fay : Action des décharges électriques dans le corps humain. 1750 Caldoni : Action d'une décharge électrique sur les muscles de grenouille. 186

La salle des Dix mille éléments à la direction générale des télégraphes 1751 Premier tome de l'enq^clopédie de Diderot et création de Journal de Physique. 1753 Daumas et Franklin : Etude de l'électricité atmosphérique. 1760 Sultzer : Constatation de l'action physiologique provenant de deux disques métalliques en contact. 1772 Galvani : Action des corps chimiques sur le nerf crural de grenouille (théorie de l'influx nerveux). 1774 Lavoisier : «Opuscules chimiques et physiques». 1775 Volta : invention de l'électrophore. 1780 Galvani : Action d'une décharge électrique sur le nerf crural de grenouille. 1783 Volta : invention du condensateur et des batteries de condensateurs (en série, en parallèle). 1784 Coulomb : balance de torsion. Loi de l'inverse des carrés pour des charges et des pôles magnétiques. 1786 Galvani : Action d'une boucle bi-métallique sur le nerf crural et le muscle de la grenouille. 1786 Galvani : Evoque puis abandonne l'hypothèse d'une «l'électricité des métaux». 1786 Galvani veut justifier l'hypothèse de «l'électricité animale». 1791 Galvani : Publication de De viribus electricitatis in motu muscularis Commentarius. 1792 Fabroni: «Théorie» chimique de l'action des «métaux excitateurs». 1791-1797 Polémique Volta-Galvani. 1797 1798 1799 Ouvrages consultés. Galvani : contraction du muscle par le nerf crural sans boule métallique. «Triomphe» des galvanistes. Mort de Galvani. Volta : Invention de la «pile électro-chimique». Triomphe des voltaïstes. Histoire de la Science: Maurice Dumas. Collection La Pléiade, 1957. Histoire des Techniques : Bertrand Gille. Collection La Pléiade, 1978. Histoire de l'electricité : E.T. Canby, Editions Rencontre, 1963. Merveilles de la Science: Tome I, Louis Figuier. Album de la Science: Jouvet Editeur, 1896. Marat : Docteur Cabannes. La Vie Electrique: Tome X 1.9.1983 n 35. Larousse du XIX^ siècle. Notes 1. Il est intéressant de noter que la machine d'otto de Guericke comportait une sphère de soufre obtenue par fusion dans une fiole de verre qui servait de moule et ensuite était brisée. 2. Il existait à l'institut polytechnique de Londres une machine électrostatique munie d'un plateau de 2,45 m de diamètre. La rotation du plateau étant assurée par une machine à vapeur. 3. Première observation de la détection de l'énergie électro-magnétique artificielle. 4. Cette hypothèse avait été formulée par Galvani dans son cahier de laboratoire du 20 octobre 1786. 187