7 thématiques scientifiques en lien avec la société



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7 thématiques scientifiques en lien avec la société Les échanges entre les membres institutionnels, académiques et industriels du Comité Stratégique et ceux du Comité Scientifique ont permis de faire émerger 7 grands axes pour la conférence qui sont, par nature, transdisciplinaires. Les deux comités ont relevé l importance de certaines thématiques transdisciplinaires dans les défis énergétiques à venir : les nanosciences, la simulation/modélisation multi-échelle, l analyse et le génie des procédés. Il a été choisi de les intégrer dans les thèmes en rapport avec des filières énergétiques existantes ou en devenir. 1. Conversion et stockage de l énergie Electrochimie, nouveaux matériaux, technologie de l hydrogène, batteries, super-condensateurs, piles à combustible, systèmes couplés, 2. Chimie bio-inspirée pour l énergie Photosynthèse artificielle, micro-algues, bio-catalyse, bio-piles, matériaux hybrides, 3. De la lumière à l énergie Photochimie, photovoltaïque, photo-électrochimie, photo-catalyse, photothermique, thermochimie, matériaux, 4. Matériaux : quels défis pour les énergies renouvelables? Systèmes couplés, métaux stratégiques, cycle de vie des matériaux, matériaux composites, impact environnemental, thermoélectricité, matériaux de stockage, fluides caloporteurs, supraconductivité, 5. Efficacité énergétique Matériaux d isolation, inertie thermique, catalyse, recyclage, intensification des procédés, intégration énergétique,fluides caloporteurs, 6. L énergie nucléaire aujourd hui et demain : chimie, matériaux et systèmes Filières, matériaux, fluides caloporteurs, compatibilité chimique, chimie du cycle du combustible, stockage des déchets, 7. Biomasse & fossile : quel avenir pour les chimies du carbone? Biocarburants, hydrocarbures non conventionnels, bioraffinerie, thermochimie, procédés, récupération assistée, filière CO 2, 1

Thème 1 : Conversion et stockage de l énergie L un des plus grands défis technologiques du 21 ème siècle est de diminuer progressivement et durablement notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles afin, entre autres, de limiter nos émissions de CO 2. Réussir cette transition énergétique à l échelle planétaire nécessite 1) de maîtriser la collecte à grande échelle des énergies propres et renouvelables le plus souvent intermittentes, 2) de disposer d un réseau adaptatif (smart/micro/macro «energygrids») intégrant la collecte, la distribution et le stockage de ces énergies, et donc 3) d avoir accès à des systèmes de stockage de l énergie variés et multi-échelles. Du fait de l ambition de cette transition énergétique et des bouleversements dans nos mix énergétiques qu elle implique, toutes les options sont dignes d intérêt; mais cette transition ne pourra aboutir sans un bilan énergétique complet (Energie, Puissance, Empreinte Carbone ) associant et comparant les besoins, les différents modes de production et les différentes options de stockage. En outre le succès de cette transition énergétique repose sur une coordination étroite entre les avancées de la recherche amont et de la R&D technologique et le retour d expérience des premiers démonstrateurs. 2 Pour répondre à ce défi, nous disposons de technologies de stockage/conversion multiples et variées (chimiques ou non) qui se différencient par de nombreux paramètres. Alors que certains de ces critères de comparaison/compromis sont couramment quantifiés (coût initial, énergie/puissance, durée de vie, rendement de conversion, autodécharge...), d autres le sont plus difficilement (coût amorti, sécurité, impacts environnemental et sociétal dont l ACV-Recyclage ). Il est par exemple délicat de mesurer le risque inhérent aux dispositifs complets tels que les piles à combustible et les batteries, induit par la concentration/confinement de l énergie ou des réactifs. L acceptation et la nature du risque peuvent en outre varier fortement en fonction du domaine d application visé. Le design/packaging de ces systèmes, leur gestion (ex : BMS Battery Monitoring System) et leur résistance (feu, chocs ) sont aussi en constante évolution. De nombreuses technologies électrochimiques de conversion/stockage de l énergie (piles à combustible, super-condensateurs, redox-flow, accumulateurs fermés) ont démontré leur efficacité, mais l introduction progressive des énergies renouvelables décentralisées et l électrification croissante des transports requièrent d améliorer considérablement ces technologies et la gestion de notre réseau énergétique. Cela implique 1) le développement de systèmes stationnaires capables de stocker de grandes quantités d énergie sur des plages de temps très variables, 2) l amélioration des systèmes embarqués/nomades et 3) l exploration de nouveaux vecteurs énergétiques. Pour répondre à ces enjeux, plusieurs directions de recherche sont explorées telles que l amélioration des systèmes existants, leur couplage, leur hybridation ou l intégration de toutes nouvelles ruptures technologiques. Selon l utilisation visée, le critère prépondérant pourra être justifié par la performance, le coût, la compacité, l impact environnemental ou le niveau de sécurité du système. Les solutions retenues devront apporter de nombreuses innovations technologiques et ne pourront voir le jour que grâce à une forte coordination (ex : RS2E ou GDR HySPAC) des différents acteurs du domaine, académiques, industriels et pouvoirs publics, pour que soit pris en compte l ensemble des contraintes (techniques, économiques, environnementales et sociétales ) dès les premières étapes des projets.

La mise au point de matériaux d électrodes et d électrolytes performants passera par le développement de techniques de synthèse et de procédés de mise en forme peu coûteux et peu polluants. L addition de catalyseurs (à faible teneur voire sans métaux nobles) dans certaines technologies de stockage pourra être explorée afin d étudier la pertinence de cette approche déjà engagée pour les systèmes ouverts (Li-O2, piles à combustible). L agencement des différents éléments pour la conception des systèmes devra être réfléchi dès les premières étapes des projets afin de permettre une intégration optimale. Enfin, la compréhension des mécanismes (électro)chimiques mis en jeu dans les matériaux mais aussi aux interfaces s avère indispensable pour concevoir des systèmes performants et durables. Développement de techniques de caractérisation couplées. Pour cela, les efforts doivent aussi porter sur le développement de techniques de caractérisation couplées (techniques électrochimiques / Raman / Mössbauer / RPE / RMN / DRX ). Par ailleurs, la maîtrise des techniques de caractérisation «in situ et operando», en apportant un éclairage différent sur les processus mis en jeu au cours du fonctionnement, et en permettant de mieux comprendre la nature des facteurs limitants, doit permettre une compréhension plus fine des phénomènes de transport, de transfert et de vieillissement. Dans tous les cas, ces travaux doivent être accompagnés par le développement de techniques de modélisation variées (multiéchelles, multi-physique) afin d analyser les résultats de caractérisation avancée, d identifier les mécanismes de dégradation du système au cours du temps et d orienter le choix des matériaux. Durée de vie, coût et recyclage. Enfin, les développements de ces technologies sont conditionnés par les coûts de fabrication des dispositifs, leur sécurité et la possibilité de les recycler. Le coût peut ainsi être fortement modulé par la durée de vie, la valeur ajoutée du recyclage, ou la politique de seconde vie du système. Il convient donc de positionner tout système vis-à-vis de ces aspects. 3

Thème 2 : Chimie bio-inspirée pour l énergie L énergie est essentielle! C est particulièrement vrai pour les organismes vivants qui, dès leur origine, ont dû trouver le moyen de convertir les diverses formes d énergies présentes dans leur environnement. Le processus le plus important en termes de conversion énergétique est probablement celui de la photosynthèse, permettant aux plantes, algues ou bactéries photosynthétiques de convertir l énergie lumineuse en énergie chimique. A l inverse, certaines bactéries fonctionnent comme de petites piles à combustible, couplant respiration et métabolisme de l hydrogène. Exploiter le vivant pour développer de nouvelles énergies à la fois décarbonées et durables est donc une stratégie prometteuse et riche de possibilités autour de laquelle la chimie jouera un rôle central. Exploiter le vivant Dans ce but, des organismes vivants peuvent être utilisés dans leur intégralité en exploitant, voire en optimisant, la grande sophistication de leur métabolisme, hautement régulé, et leur capacité de réparation et d adaptation. Par exemple, des piles microbiennes transforment l énergie chimique de déchets organiques en énergie électrique tout en dépolluant. La production de molécules à haute valeur ajoutée, de biocarburants, de méthane ou d hydrogène peut être réalisée, soit par valorisation de la biomasse soit via un processus photosynthétique intégrant les potentialités des micro-algues ou cyanobactéries. 4 Biocatalyse et biopiles Plutôt que d exploiter le potentiel des enzymes dans leur contexte naturel, la cellule, elles peuvent aussi être produites à partir de micro-organismes, purifiées et utilisées dans des processus biotechnologiques intégrant en cascade plusieurs étapes hautement chimio-, régio- et énantio-sélectives pour la production d un biocarburant, d un synthon chimique ou de biomolécules d intérêts pour l industrie. La catalyse enzymatique présente cependant des limites : gamme restreinte de substrats, conditions réactionnelles spécifiques, stabilité limitée... Les enjeux actuels de la biocatalyse concernent donc l adaptation et la modification des enzymes pour les rendre plus stables ou plus performantes. Les biopiles constituent un autre champ d application des réactions enzymatiques, où la spécificité des enzymes pour leurs substrats autorise une simplification des procédés (pas de membrane séparatrice par exemple). Biodégradables et miniaturisables grâce aux techniques de microfabrication associées à la microfluidique, elles peuvent permettre l alimentation électrique de dispositifs médicaux implantés tirant leur énergie des fluides physiologiques, glucose et oxygène en particulier. Cette approche est également pertinente pour l élaboration de biopiles à hydrogène évitant le recours aux métaux nobles comme le platine, et autorisant l utilisation d hydrogène non purifié. Chimie bio-inspirée et photosynthèse artificielle Enfin, le fonctionnement des enzymes est une source d inspiration pour élaborer des catalyseurs, dits bio-inspirés, reproduisant l activité du site actif de l enzyme mais en réduisant à la fois la complexité et la sensibilité aux conditions réactionnelles. C est probablement dans le domaine de la photosynthèse artificielle que cette approche

bio-inspirée pour l énergie prend toute son ampleur. Cette technologie, encore en devenir, vise à la production par voie solaire d énergie sous forme liquide ou gazeuse, permettant le stockage à large échelle de l énergie solaire, renouvelable mais intermittente, diffuse et inégalement répartie sur la planète. L appareil photosynthétique est l exemple type d un système intégré au sein duquel interviennent différentes fonctions telle que la capture de la lumière, sa transformation en potentiel électrochimique via la génération d un état de séparation de charge de longue durée de vie, processus clé permettant l activation de l eau ou du CO 2 par des biocatalyseurs performants. En combinant photo-sensibilisateurs et catalyseurs bio-inspirés, la photosynthèse artificielle vise essentiellement à la production d hydrogène à partir d eau ou la réduction du dioxyde de carbone en carburant avec des rendements au moins égaux à 10% tout en n utilisant que des éléments abondants de la croute terrestre. Outre la découverte de nouveaux matériaux, ce domaine nécessitera de développer une meilleure compréhension des processus fondamentaux tels que la catalyse multi-électronique, le transfert d électrons couplé au transfert de protons et les mécanismes de transfert d énergie ou d électrons photo-induits. Matériaux hybrides et procédés Qu il s agisse de cellules entières, d enzymes ou de composés bio-inspirés, leur intégration dans des dispositifs technologiques implique souvent de mieux contrôler leur interaction avec un support ou une électrode afin de les stabiliser et d améliorer le rendement énergétique du procédé. Le développement récent des nanosciences, couplé à l électrochimie, ouvre des perspectives attrayantes pour le développement de biopiles, de photobiopiles ou de photo-électrocatalyseurs. La conception et la synthèse de nouveaux matériaux nano-structurés (nanocarbone, oxydes métalliques ) modifiés sera sans nul doute un passage incontournable pour le développement de dispositifs industriellement viables. Dans ce contexte, la chimie intégrative permet une conception rationnelle de matériaux avancés, complexes et si besoin à architectures hiérarchisées possédant des structures et des fonctionnalités multi-échelle en surface ou en volume. 5 Catalyse, conversion de l énergie lumineuse ou stockage chimique, les approches bioinspirées s inscrivent ainsi transversalement en chimie dans le contexte de la transition énergétique.

Thème 3 : De la lumière à l énergie De nombreuses sources d énergie utilisées par l homme ont pour origine l énergie envoyée par le soleil : la lumière. Elle est transformée en énergies dérivées suite à différents mécanismes de conversion élémentaire, qui commencent tous par l absorption des photons par les électrons appartenant aux liaisons chimiques qui assemblent les matériaux et les molécules. Cette énergie électronique se transforme ensuite naturellement, soit en énergie chimique grâce à la photosynthèse, soit en chaleur. Le vent, les courants marins, le charbon, le pétrole et les gaz fossiles, la biomasse, ce sont tous des sources d énergie qui dérivent de cette bifurcation fondamentale. S ajoutent aujourd hui la conversion directe de la lumière en électricité avec le photovoltaïque, ou en matière avec la photosynthèse artificielle. Matériaux et procédés Le développement de l utilisation de l énergie solaire nécessite d abord des efforts pour la mise en œuvre de nouveaux matériaux ou l amélioration de matériaux existants. On peut citer les matériaux pour le photovoltaïque (Si, chalcogénures, halogénures, oxydes, matériaux organiques,semi-conduteurs,...), les matériaux pour la photocatalyse (matériaux organométalliques,.) et, d une façon générale, les matériaux nanostructurés. Au-delà des matériaux eux-mêmes les procédés d élaboration ont également une très grande importance. De nouveaux procédés apparaissent, basés, par exemple, sur les méthodes de la chimie douce (sol-gel, électrodéposition ), qui peuvent avoir un impact sur l abaissement des coûts de production des dispositifs. Photovoltaique 7 La conversion photovoltaïque connait depuis une dizaine d année un développement très rapide. Sur le plan commercial près de 130 GW (installation cumulée) ont été installés fin 2013 au niveau mondial. Sur le plan technologique, ce développement a été porté par la filière au silicium cristallin, très majoritairement, et les filières couches minces (CdTe,CIGS, Si). On assiste également à un foisonnement de technologies émergentes, en particulier autour du photovoltaïque organique (OPV) ou hybride organique/inorganique (cellules à colorants DSSC), ou de nouveaux matériaux inorganiques, de nanomatériaux, voire de nouveaux concepts très hauts rendements, fortement portées par la recherche fondamentale. L enjeu actuel est la réduction des coûts de production à quelques centimes d euro par kwh. De l articulation entre développements de recherche fondamentale et innovation industrielle tout au long de la chaîne de valeur va dépendre la réussite de cet objectif placé au cœur du symposium. Photoconversion, Photocatalyse, Photo-électrochimie Au lieu de convertir l énergie solaire directement en électricité, comme pour le photovoltaïque, les électrons excités peuvent être utilisés pour réaliser des réactions électrochimiques. De nombreux travaux de recherche sont consacrés à l utilisation de ces mécanismes pour la production artificielle de molécules d intérêt énergétique, en particulier l hydrogène et des hydrocarbures, et popularisés sous le titre de «carburants solaires» ou «power to gas». Dans ce cadre, la construction par une approche moléculaire de cellules photo-électrocatalytiques complètes pour la photolyse de l eau ou la réduction du CO 2 est un axe de recherche émergent et porteur. L optimisation de systèmes de photoconversion peut également passer par une approche matériaux consistant à nanostructurer ou à architecturer les semi-

conducteurs inorganiques, afin de leur conférer à la fois des propriétés accrues de capture de la lumière et de transfert de charges. Conversion thermoélectrique et thermochimique La conversion en électricité de l énergie solaire peut également se faire après l étape de relaxation de l énergie électronique en énergie thermique grâce aux phonons du réseau ou de la molécule. Dans ce cas l élévation de température résultante peut être retransformée en électricité grâce à des dispositifs thermoélectriques. La conversion thermique peut également être mise à profit, dans le cas du solaire thermique à haute température, pour réaliser des réactions chimiques à vocation énergétique (exemple du cycle du zinc). La conversion thermique basse température est aussi une voie importante d utilisation directe de l énergie solaire, dans les bâtiments en particulier (eau chaude, chauffage). Le couplage énergie lumineuse- énergie calorifique est intéressant à revisiter. Photochimie, photophysique, spectroscopie Différentes approches fondamentales, basées sur la photophysique et la photochimie et soutenues par la chimie théorique permettent une meilleure compréhension à l échelle moléculaire des systèmes complexes. Quelques aspects liés à cet enjeu sont la photochimie dans les environnements complexes, nanostructurées ; la compréhension des processus d'échange et de transfert d'énergie lumineuse en énergie chimique et thermique. Un aspect important est la photodynamique multiéchelle. 8 Théorie et modélisation Au niveau fondamental il s agit de comprendre l interaction lumière-moléculematériaux et les mécanismes photophysiques et photochimiques mis en jeux lors des processus photo-induits: luminescence, transfert d électrons / d énergie, dissociation, substitution, isomérisation. La théorie vise aujourd hui à appréhender des systèmes de plus en plus complexes: supramolécules, macromolécules, molécules en interaction avec leur environnement (protéines, DNA, surfaces, cages, agrégats ) et systèmes photo-catalytiques impliquant des complexes des métaux de transition. Citons également, le développement des travaux sur les interactions électron phonons dans les nouveaux dispositifs photovoltaïques à base de matériaux nanostructurés (concept des cellules photovoltaïques à porteurs chauds).

Thème 4 : Matériaux : quels défis pour les énergies renouvelables? L union Européenne (UE) s est engagée et a défini le contexte économique dans lequel devra s inscrire la part des énergies renouvelables évaluée à hauteur de 20% de la consommation énergétique annuelle d ici 2020 pour chaque état membre. Dans le cadre de cet engagement, l UE envisage d ici 2050 de faire diminuer l émission de CO 2 de 80 à 95%, ce qui implique la mise en place de ressources énergétiques alternatives et durables pour notre société. 1 Face à l épuisement des énergies fossiles et à l augmentation démographique, les énergies renouvelables deviennent une priorité. Elles se placent dès à présent dans une politique de transition énergétique et un cadre réglementaire commun à l UE, faisant appel à un large panel de technologies qui supposent le développement de nouveaux matériaux pour lesquels les questions de métaux stratégiques, cycle de vie, recyclage et impact environnemental devront se poser. L éolien L éolien est bien établi depuis 1980. La taille des éoliennes ainsi que leur performance ne cesse de croître, ce qui nécessite la mise en place de systèmes avancés, de composites plus légers et plus durables (nouvelles matrices i.e. thermoplastiques ou résines thermodurcissables ), de développer des parades pour lutter contre la corrosion, et les phénomènes d usure inhérents aux fermes éoliennes offshore notamment. Le photovoltaïque et son couplage avec d autres technologies telle que l électrolyse Dans le domaine du photovoltaïque, plusieurs technologies existent. Les technologies silicium monocristallin, polycristallin, sont les plus anciennes, le développement de couches minces est prometteur, de même que les cellules à colorant ou les cellules organiques. Leur couplage avec d autres technologies, comme l électrolyse de l eau pour générer de l hydrogène ou la co-électrolyse de l eau et du dioxyde de carbone dans le cadre du «power to gas» ouvre de nouvelles perspectives. En plus de la baisse des coûts liés à la présence de catalyseur pour les systèmes basse température, l enjeu essentiel à la pénétration de ces convertisseurs électrochimiques concerne l augmentation de leur durée de vie : une bonne compréhension des phénomènes de vieillissement de l assemblage électrolyte/électrodes est nécessaire pour rétroagir sur les matériaux, leur organisation au sein de ces systèmes multi-matériaux. 9 Les systèmes électrochimiques : piles à combustible, batteries, supercondensateurs Dans le domaine des piles à combustible, à l instar de l électrolyse, si des progrès considérables ont été accomplis durant les deux dernières décennies, l utilisation de catalyseurs à base de métaux nobles pour les technologies basse température pèse sur leur viabilité économique et leur déploiement à grande échelle. Une autre technologie est celle des piles à combustible à oxyde solide qui fonctionne à haute température (> 700 C) mais ne nécessite pas de métaux nobles. Dans le domaine des batteries, la disponibilité des matières premières à des coûts soutenables par rapport aux bénéfices est un enjeu majeur. Pour ce qui concerne les supercondensateurs, la recherche doit porter sur l optimisation des matériaux et en 1 EWEA report Where s the Money is coming from? November 2013. European Council Conclusions 29/30 October 2009. Paragraph 7.

particulier des interfaces électrode-électrolyte, dont l efficacité du stockage impliquera une étude poussée sur l architecture des systèmes. Il est de plus primordial pour une meilleure compréhension de ces dispositifs de développer des analyses in situ et in operando. La thermoélectricité Depuis la fin des années 90, avec l utilisation de nouveaux matériaux à structures complexes et/ou ouvertes, l abaissement de la dimensionnalité de matériaux connus (puits quantique, nanofils, nanograins, nanocomposites, ) et la modification de leurs structures de bande électronique (dopage, niveaux résonants, ), les systèmes thermoélectriques apparaissent prometteurs dans la génération d électricité à partir de chaleur perdue. Les matériaux de stockage thermique et stockage solide 10 Dans le domaine du stockage, on peut citer les matériaux à changement de phase (métaux composites, sels inorganiques, matériaux organiques, ) pour le stockage de chaleur latente et les systèmes absorbant/absorbat pour le stockage de la chaleur par voie thermochimique. Les solutions classiques de stockage thermique développées pour les centrales électrosolaires impliquant jusqu à ce jour des quantités de sels fondus considérables (plusieurs milliers de tonnes) ne sont plus adaptées aux contraintes actuelles du fait de leurs coûts souvent prohibitifs, des contenus en énergie primaire et en gaz à effet de serre trop importants et des conflits d usage inévitables (agriculture). Outre le stockage thermique, le stockage solide de l hydrogène -comme vecteur d énergie- demande des matériaux performants (forte capacité de stockage massique et volumique) susceptibles de subir de nombreux cycles stockage/libération de l hydrogène avec une faible hystérésis. Les aimants à haute performances et les matériaux supraconducteurs L électrification progressive des flottes de véhicules par exemple impose déjà l usage croissant d aimants (permanents). L importation à 100% des terres rares sur le territoire européen nécessite le développement de solutions limitant cette dépendance en minimisant la teneur en terres rares dans les aimants ou par l emploi de substituts exempts de terres rares. Le développement de matériaux supraconducteurs reste également d actualité. Vers des systèmes durables Autant de technologies pour lesquelles la disponibilité des matières premières à des coûts soutenables par rapport aux bénéfices sera un élément clef pour leur développement. Il pourra être fait appel à l hydrométallurgie et la pyrométallurgie pour le recyclage des métaux rares ou stratégiques. Des systèmes à base de métaux non nobles devront être développés, de nouveaux concepts (bio-inspirés par exemple) devront être étudiés. La durabilité des systèmes devra également être prise en compte (lutte contre la corrosion des éoliennes en environnement marin, dispositifs électrochimiques durables,.). On veillera à développer des matériaux non toxiques pour l environnement. Pour diminuer la facture énergétique, le «tout composite» pourra être envisagé dans le secteur automobile mais il ne devra pas se faire au détriment de la sécurité. A chacune de ces étapes, le rôle du chimiste est primordial, les objectifs sont variés, les sujets souvent pluridisciplinaires et les enjeux sont cruciaux.

Thème 5 : Efficacité énergétique L efficacité énergétique touche l homme, son environnement et son activité dans de nombreux domaines. On la trouve comme paramètre clef dans l habitat, la construction, le transportet aussi dans la plupart des activités de transformation qui impliquent des industries de natures diverses. La notion d intégration énergétique, définie comme une approche globale qui analyse l utilisation de l énergie et des ressources dans le but d améliorer l efficacité énergétique, s applique aussi bien au niveau industriel (par exemple à l échelle d une usine ou d un procédé) que dans le domaine spécifique du bâtiment. Des répercussions comme l amélioration de l efficacité d une usine, la réduction des coûts d énergie, la minimisation des émissions des gaz à effet de serre et de la quantité d eau utilisée, etc sont ainsi attendues. Intégration énergétique et intensification des procédés Au niveau industriel, l intégration énergétique vise notamment à utiliser, voire à stocker, l énergie thermique pour différents usages (notion de «cascade énergétique»). Elle repose sur des techniques d analyse systématiques et rigoureuses (analyses Pinch, exergétique, etc.) et est largement complétée par le concept d intensification des procédés. Ce dernier consiste au développement de méthodes et de dispositifs innovants qui, en comparaison de l existant, offrent une amélioration significative de la qualité des produits ainsi qu une diminution de la consommation d énergie, de la production de déchets et du rapport taille sur capacité. 11 Catalyse, Procédés et modélisation Ces nouveaux concepts interviennent naturellement dans la mise en œuvre des réactions catalytiques, l acte catalytique restant à ce jour un élément clef pour la production de grands intermédiaires, de produits de commodités ou sophistiqués à haute valeur ajoutée, de carburants, etc. L innovation est donc attendue de façon conjointe à la fois dans les domaines des procédés (via notamment le développement de nouveaux types de réacteurs chimiques, par exemple de type «structuré») et des catalyseurs (design de catalyseurs toujours plus performants, moins onéreux, plus stables, etc.). L ensemble des réflexions menées est bien sûr corrélé aux enjeux sociétaux et environnementaux du 21 ème siècle. En plus des critères toujours accrus de performance, il convient d adapter ou de créer de nouvelles combinaisons «procédés catalyseurs» afin d optimiser l utilisation des ressources (activation de matières premières renouvelables, accessibles, parfois peu réactives, comme le CO 2, la biomasse, etc.), et ceci dans des conditions opératoires de plus en plus variées (nature des solvants, etc.). Ces défis scientifiques passent part des études fondamentales pour élaborer de nouveaux solides/ligands/complexes/réactions/procédés/etc. et comprendre les mécanismes d action pour contrôler à la fois l activité et la sélectivité, que ce soit en catalyse homogène, hétérogène, nanocatalyse, avec présence de métaux ou non, etc. La modélisation participe également à cet effort dans le but de déterminer les paramètres clefs contrôlant l efficacité et la sélectivité des réactions, car la compréhension de faits expérimentaux est nécessaire à leur amélioration. En raison de la complexité des systèmes chimiques, il est impératif de développer des approches multi-échelles qui identifieront et représenteront à la fois les acteurs

essentiels de la réaction et l environnement réactionnel nécessaire. Ces approches multi-échelles sont aussi indispensables pour relier les observations macroscopiques à des propriétés microscopiques de la matière. Pour finir, le développement de procédés durables ne pourra se faire sans la prise en compte des aspects recyclage, analyse des cycles de vie, etc. Construction et Bâtiments Dans le domaine du bâtiment, le concept d intégration énergétique intervient dans le stockagede l énergie thermique (voire thermochimique) et de l isolation thermique. La conception et le développement de nouveaux matériaux (super-isolants, matériaux architecturés, aérogels, etc.) sont des enjeux majeurs pour répondre aux besoins identifiés. Une fois encore, la compréhension des phénomènes est une étape clef (compréhension et quantification des propriétés thermophysiques des matériaux, compréhension de la conservation et de l utilisation de l énergie, étude du vieillissement des matériaux, etc.). L ensemble de cette thématique intègre très clairement recherches fondamentales et appliquées et associe le monde académique et celui des entreprises. 12

Thème 6 : L énergie nucléaire aujourd hui et demain : chimie, matériaux et systèmes Dans le monde l énergie nucléaire est majoritairement produite par des réacteurs électrogènes à neutrons thermiques (RNT) alimentés avec de l oxyde uranium (UO 2 ) de différentes compositions isotopiques. Une partie de l UO 2 peut être remplacée par de l oxyde de plutonium (PuO 2 ) également de différentes compositions isotopiques. Dans ces réacteurs la fission des noyaux lourds, source de chaleur à raison de 200 MeV/noyaux, est provoquée par des neutrons thermiques, d où leur nom. Combustible nucléaire Le combustible UOX (ou MOX s il s agit d un mélange d oxydes de U et de Pu) est périodiquement introduit dans, et sorti des réacteurs, au moyen d «assemblages de combustible» (faisceau de crayons contenant des pastilles de UO 2 ou de UPuO 2 ). Ce sont des objets complexes adaptés aux différents réacteurs. Les assemblages sont les «manipulables» de la gestion courante des réacteurs. La fission et les processus nucléaires associés qui ont lieu dans le combustible consomment de l uranium ( 235 U et 238 U) et du plutonium ( 239 Pu), créent des produits de fission (PF) du plutonium ( 238 à 242 Pu) de l américium (Am) et du curium (Cm) et modifient profondément la structure et la composition de UO 2 et de UPuO 2. Le combustible nucléaire ne disparaît pas, il s use, mais il renferme encore, usé, de la matière fissile. La gestion des assemblages de combustible usé (CU) est le grand défi du nucléaire. Cycle du combustible et déchets nucléaires 13 Préparer le combustible et le gérer après usage implique de mettre en œuvre un cycle du combustible, comportant de nombreuses étapes en amont ou en aval des RNT. Ce sont les pays qui ont adopté un cycle fermé pour valoriser le plutonium et l uranium contenant encore de l 235 U, comme la France, qui utilisent du combustible MOX (UPuO 2 ). La valorisation du Pu et de U nécessite le retraitement des assemblages de CU. Ce retraitement conduit à des déchets. Ceux à vie longue sont destinés à un stockage géologique (déchets de moyenne et haute activité). Les pays qui ont opté pour un cycle du combustible ouvert ne retraitent pas les assemblages de CU, qui sont alors des déchets potentiels à vie longue. Réacteurs nucléaires du futur Il existe, dans peu de pays, quelques exemplaires d autres réacteurs électrogènes à neutrons rapides (RNR) alimentés avec du MOX riche en Pu. Les neutrons rapides provoquent la fission de tous les isotopes de U et Pu et d autres actinides plus lourds comme Am. Bien que confortables les ressources en U sont limitées. Dans la perspective d un manque, et/ou pour d autres raisons, les RNT devront être remplacés par des RNR alimentés avec U et Pu et capables, in fine, d auto-générer leur combustible (isogénérateurs). Les réserves en matière fissile deviennent alors quasi illimitées. Les RNR sont des réacteurs plus compliqués que les RNT, leur pilotage est plus délicat, mais ils peuvent être surgénérateurs c est à dire produire plus de Pu qu ils n en consomment et même à l inverse sous-générateurs. Le lancement, puis la mise en place d une filière de RNR, nécessitent de grandes quantités de Pu qui n est produit, au départ, que lentement dans les RNT. Ces opérations posent aussi de nombreux problèmes au niveau des installations du cycle

du combustible. Aussi malgré l attrait des RNR, l énergie nucléaire sera encore massivement produite pendant ce siècle par des RNT. Ce sera le cas en France. Recherches en cours Pour l instant en France les recherches des acteurs du nucléaire (CEA, EDF, Areva et quelques laboratoire d organismes de recherche) préparent la possibilité de déployer des RNR (mais pas avant 2050) aussi sûrs, sinon plus, que les derniers RNT de 3 ème génération, comme EPR. Ces recherches concernent donc en premier le multirecyclage de Pu dans les RNR mais aussi, pour un horizon de fin de siècle, celui d autres actinides afin de les fissionner. L avenir de l énergie nucléaire passe par le recyclage le plus complet possible des matières nucléaires fissiles et fertiles et la diminution de la nocivité intrinsèque (radiotoxicité) des déchets. Il existe au niveau international des recherches similaires dans le cadre du programme Génération IV. Les RNR permettraient aussi comme les RNT d utiliser le thorium. Des recherches concernent cette possibilité. D autres recherches portent sur des systèmes couplant accélérateurs et RNR pour la transmutation des déchets nucléaires à vie longue. La chimie et le nucléaire L énergie nucléaire est au cœur de grands systèmes technico-sociétaux. Le plus important est celui qui assure la sûreté des réacteurs et des installations du cycle. La sûreté dans le nucléaire relève de nombreuses disciplines et s appuie en particulier sur la chimie. Le plus imprévisible des systèmes est le système social et politique. 14 La contribution de la chimie/radiochimie tout au long du cycle du combustible et dans les réacteurs est omniprésente mais rarement mise en avant. Il s agit essentiellement d une chimie sous rayonnements ionisants. Le nucléaire du futur ne pourra pas se passer de chimie puisqu il faudra retraiter le CU. Pour les filières RNR c est l aval du cycle qui est stratégique alors que c est l amont qui l est pour les RNT. La chimie pour le nucléaire fait pratiquement à appel tous les domaines de la chimie mais les conditions particulières où elle intervient implique souvent de revoir les acquis traditionnels et les conditions d expérimentation limitées par la mise en œuvre de la matière radioactive. Par ailleurs certains problèmes posés par l énergie nucléaire, comme la gestion des déchets, nécessitent de prévoir un comportement à très long terme. C est pourquoi la modélisation spatio-temporelle prend une importance exceptionnelle (de la femtoseconde au temps géologique et de l Angstrom au kilomètre). Elle est sous-jacente et omniprésente dans les sousthèmes suivants qui peuvent structurer le thème 6 du congrès SCF 15 : Chimie et réacteurs nucléaires, Chimie des actinides et des produits de fission dans les systèmes polyphasés (liquide/solide/gaz), Chimie des actinides et produits de fission dans les systèmes naturels et biologiques, Matériaux pour le nucléaire, Gestion des déchets radioactifs, Prévention des accidents et accidents majeurs.

Thème 7 : Biomasse & fossile : quel avenir pour les chimies du carbone? Notre société doit répondre au défi du développement tout en garantissant la durabilité aux échelles régionale et mondiale. Les ressources en carbone fossile en tant que source primaire d énergie de combustion ont le double inconvénient de contribuer à l augmentation anthropique du niveau de CO 2 dans l atmosphère, facteur de changement climatique, tout en étant non-renouvelables. En outre, la compétition pour l accès à ces ressources et leur distribution géographique affectent lourdement l économie et l équilibre géopolitique mondial. A l inverse, le développement de procédés de production de biocarburants ou d intermédiaires pour la chimie basés sur l usage de la biomasse, présente le triple avantage de contribuer à l indépendance énergétique des pays non producteurs d hydrocarbures fossiles, de contribuer à limiter la réémission de carbone fossile dans l atmosphère, et de s appuyer sur une ressource renouvelable dans des conditions compatibles avec les finalités alimentaires animale et humaine. De telles technologies peuvent répondre en partie aux problèmes énergétiques aux côtés d un ensemble de solutions décarbonées (solaire, géothermique, éolienne, etc), mais, à l avenir, l utilisation non alimentaire de la biomasse devrait être réservée pour les besoins de la chimie en squelettes carbonés. Qu il s agisse de transformation de la biomasse ou de fossiles, catalyse et techniques analytiques sont confrontées à de nouveaux grands défis. Enfin, basée sur l utilisation de ressources pétrochimiques ou de la biomasse, mais aussi forte consommatrice d énergie primaire, la chimie dans son ensemble doit s investir dans une meilleure gestion du CO 2. Ce produit indésirable devra alors être capturé, éventuellement stocké, ou bien transformé par réduction et couplages en produits chimiques à haute valeur ajoutée, au prix d un apport d énergie décarbonée. Nouvelles technologies de valorisation des ressources fossiles 15 Le renchérissement continu des hydrocarbures conventionnels, les forts enjeux géopolitiques associés, et l épuisement progressif de la production primaire des réservoirs exploités aujourd hui (30 % au maximum de l huile initialement en place) sont à l origine d un très fort intérêt pour les procédés de récupération améliorée et pour le recours à des hydrocarbures dits non conventionnels (huiles lourdes, gaz et huiles de schistes, etc.). La technique de récupération améliorée la plus prometteuse consiste en un balayage à l eau rendu plus efficace par des formulations combinant polymères viscosifiants et tensio-actifs, de sorte à mieux percoler la roche réservoir et vaincre les forces capillaires qui piègent l huile résiduelle. La valorisation des hydrocarbures non conventionnels en carburants liquides et propres pour le transport appelle des progrès continus sur les procédés et catalyseurs d hydroraffinage des huiles lourdes, et renouvelle l intérêt pour l activation du CH 4 et des alcanes en général (couplage oxydant, ). Enfin, les variantes du procédé de synthèse Fischer-Tropsch partant de charbon, gaz ou biomasse et permettant de produire des carburants liquides purs aux très bonnes propriétés de combustion, sont appelées à jouer un rôle très significatif dans la transition énergétique. Les enjeux se situent ici dans l intensification et l efficacité énergétique, basées sur des progrès en génie des procédés, catalyse, et séparation. Bioéconomie, bioraffineries et chimie L'établissement des nouveaux concepts de bioraffineries devrait insuffler un nouvel essor économique à l'ensemble de notre société via la 'troisième révolution industrielle' en s'imposant comme le moteur d'une bioéconomie associant vertu et durabilité. Dans ce cadre, la chimie possède un rôle déterminant, comme cela est déjà le cas dans les pétroraffineries. Cependant, contrairement aux pétro-ressources, les bioressources se

16 déclinent sous de nombreuses formes, avec moult variations en termes de nature et de composition. Les bioraffineries doivent ainsi traiter des matières premières aussi diversifiées que la cellulose, les hémicelluloses, les lipides, la lignine, l'amidon etc..., à l'aide d'un ensemble de technologies spécifiquement développées pour tirer le meilleur parti de chaque fraction. Par ailleurs, le traitement des ressources à haute teneur en eau représente un défi supplémentaire. En outre, l'ensemble de ces technologies doit être développé de manière intégrée, durable et adaptée, en y associant des analyses de viabilités socio-économiques et environnementales (ACVs) indispensables à l'extension et la pérennisation du concept. Au sein de cette approche holistique, le rôle de la chimie est déterminant, notamment pour déployer un ensemble de technologies de fractionnement primaire, de séparation et de conversion de molécules plateformes. Tout ceci peut également contribuer à des économies d eau et d énergie dans ces procédés, qui permettent de générer des produits chimiques (intermédiaires, solvants, monomères, etc...), de l'énergie (biocarburants, electricité, chaleur), des matériaux (polymères), ainsi que des produits alimentaires, dans une vision intégrée. Cette bioéconomie bénéficie directement des avancées de la biologie moderne, au travers des progrès récents en biochimie structurale et simulations biomoléculaires, en biotechnologies vertes et blanches, et en biologie de synthèse, couplées avec le développement de catalyseurs hétérogènes et homogènes adaptés aux nouvelles molécules à traiter. A titre d'exemple, citons l'utilisation de sucres ou d'amidon issus de plantes, de microalgues ou de déconstruction de la ligno-cellulose, en tant que molécules plateformes qui peuvent ensuite être converties, par fermentation, par réactions chimiques catalytiques ou combinaisons des deux, en molécules trouvant des applications en chimie, en polymérisation, en formulation ou en tant que vecteurs énergétiques. De même, les applications des triglycérides issus des plantes et des microalgues oléagineuses ne se limitent pas au biodiesel, et toute une chimie des chaines grasses permet de les valoriser pour des applications à haute valeur ajoutée, par exemple comme monomères. Captage et valorisation du CO 2 Le changement climatique et le cortège d'objectifs associés à l'horizon 2050, comme le facteur 4, placent le CO 2 au cœur des débats. La chimie intervient dans le captage, le stockage et le recyclage du CO 2. Le captage du CO 2 anthropique est une nécessité si l on veut concilier maîtrise du changement climatique et poursuite de l exploitation des réserves encore considérables de charbon : il doit être couplé avec son stockage et son utilisation. Le stockage par injection en sous-sol offre une réponse adaptée à l'échelle des émissions mondiales, si les risques associés sont correctement évalués et maîtrisés : la géochimie joue un rôle clé à cet égard. Le recyclage dans des chaînes de valeur utilisant le CO 2, soit pour ses propriétés physicochimiques, soit comme source de carbone, est à considérer en prenant bien en compte l'énergie que requiert à son tour ce recyclage. La quantité fixée et le temps de rétention dans le "bassin chimique" sont aussi des paramètres importants. La mise en place de l'électricité solaire ou éolienne produite par intermittence imposera le recours à un stockage chimique («power to gas»). Cela permet aussi d envisager des carburants issus directement ou indirectement du CO 2, et le développement de nouvelles réactions utilisant le CO 2 comme synthon C1. Les technologies fondées sur les microalgues peuvent aussi s insérer dans des procédés intégrés pour aboutir à des composés carbonés réduits. Le temps de fixation du carbone augmente considérablement, de l'usage énergétique à la synthèse chimique. Utiliser le CO 2 en synthèse chimique, ainsi que comme solvant, par exemple, s'inscrit aussi dans le contexte de la Chimie Verte (Green Chemistry) permettant de produire des molécules à haute valeur ajoutée à partir d'une ressource non toxique et renouvelable.