L'instrument de musique et son évolution

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1 L'instrument de musique et son évolution A l'origine, l'interface MIDI a été conçue dans le but de normaliser la communication entre instruments issus des technologies numériques (synthétiseurs, échantillonneurs, etc.). Or, pour cerner avec précision les limites à l'intérieur desquelles le MIDI est en mesure de gérer cette nouvelle facture instrumentale, il est indispensable d'en décrire le fonctionnement. Avant de l'examiner plus en détail dans le Chapitre 5, nous commencerons par l'étude de notions acoustiques fondamentales, de la corrélation entre le jeu du musicien et la production de son, pour finir par une introduction aux premières interfaces musicales. 2.1 La description du son Aucun système de production sonore n'échappe aux lois de l'acoustique. Quel que soit l'instrument, le son est représenté par les mêmes paramètres. Par conséquent, l'assimilation d'un certain nombre de concepts élémentaires permettra d'aborder et de maîtriser le fonctionnement des instruments de musique et plus particulièrement celui des instruments de musique électroniques. 2.1.1 Description physique Phénomènes vibratoires et propagation Par définition, le son est une sensation auditive engendrée par une vibration acoustique. Cette vibration acoustique est un phénomène oscillatoire qui se propage dans un milieu moléculaire, par exemple l'air. Le terme d'oscillation se rapporte à un mouvement de va-et-vient autour d'une position d'équilibre, dite position de repos. Les molécules en contact direct avec le système excitateur (celui qui engendre le phénomène vibratoire) se mettent à osciller suivant le même mouvement, pour le communiquer aux molécules voisines, et ainsi de suite. C'est grâce à cette réaction en chaîne, ou propagation, que le son parvient progressivement jusqu'à notre oreille (le système récepteur). Le temps mis par le son pour parcourir le trajet entre le système excitateur et le système récepteur est fonction de la vitesse de propagation, encore appelée célérité. Dans l'air, elle est d'environ 331 mètres par seconde.

2 Figure 2.1 : Le fait de jeter une pierre dans l'eau provoque une surpression/dépression de molécules incompressibles, qui se propage en s'éloignant du point d'impact sous forme de cercles concentriques, matérialisés par une alternance de creux et de bosses. L'eau ne subit en réalité aucun mouvement linéaire : un objet flottant se déplacera verticalement. Le meilleur moyen de se représenter le phénomène de propagation vibratoire est de jeter une pierre dans l'eau, et d'observer les cercles concentriques qui s'éloignent du point de chute. On constate alors que l'eau ne se déplace pas linéairement (comme c'est le cas d'un fleuve qui coule), mais que les creux (dépressions) et les bosses (surpressions), se propagent de proche en proche. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer la position d'un objet flottant (par exemple un bouchon de liège), que l'on verra osciller de haut en bas sans qu'il bouge d'un millimètre sur un axe horizontal. Le principe est identique dans l'air : un mouvement oscillatoire provoquera des variations de pression en plus ou en moins (variation de la densité des molécules d'air), l'air restant globalement immobile. Le mouvement linéaire d'un fleuve qui coule est comparable à celui d'un courant d'air, qui, en lui-même, ne produit aucun son. La représentation bidimensionnelle du son Figure 2.2 : Un graphe bidimensionnel d'une forme d'onde. La ligne horizontale correspond à la position de repos des molécules, l'amplitude des surpressions et dépressions étant représentée respectivement au-dessus et en dessous de cette ligne.

3 En traçant un graphe avec le temps en abscisse et les variations de pression en ordonnée, nous représentons le son sous une forme bidimensionnelle appelée forme d'onde. Si les durées des couples creux/bosses se succédant dans cette forme d'onde sont identiques, on dira que le mouvement vibratoire est périodique. La forme d'onde périodique la plus simple que l'on puisse rencontrer est la sinusoïde. Elle traduit le phénomène physique vibratoire le plus élémentaire qui soit. Abstraction faite des phénomènes d'amortissement, on l'obtient, par exemple, avec un système excitateur constitué d'un ressort vertical fixé au plafond, au bout duquel est accroché un poids. En tirant ce poids vers le bas pour le relâcher subitement, tout en reprenant le graphe précédent et en substituant le mouvement vertical du ressort aux variations de pression, nous obtenons une parfaite sinusoïde. 2.1.2 Hauteur, timbre et amplitude Quelle que soit la nature d'un son, trois paramètres sont nécessaires et suffisants pour en définir les caractéristiques : la hauteur, l'amplitude et le timbre. Nous les retrouverons systématiquement, sous différentes appellations, dans chaque générateur de son programmable. Figure 2.3 : La sinusoïde trace le déplacement dans le temps du poids accroché au ressort. Elle représente le mouvement périodique le plus élémentaire qui soit. La hauteur Cette notion caractérise le fait qu'un son est ressenti comme plus ou moins grave ou aigu. Plus les oscillations sont rapides, plus le son est aigu. Inversement, plus les oscillations sont lentes, plus le son est grave. Un son dont les oscillations sont périodiques est perçu par l'oreille humaine comme caractérisé par une hauteur fixe (un Do, un La, etc.). La portion de la forme d'onde (le couple creux/bosses) qui se reproduit identiquement à ellemême est appelée période. La hauteur d'un son est fonction du nombre de périodes par seconde, ou fréquence. Les fréquences sont exprimées en hertz (du nom du physicien allemand Heinrich Hertz). On a coutume d'employer l'abréviation Hz. La perception de l'oreille humaine est limitée dans le meilleur des cas à des fréquences comprises entre 20 et 20 000 Hz (entre

4 20 et 20 000 périodes par seconde). Cette échelle de fréquence se retrouve sous le nom de bande passante dans la plupart des notices d'appareils audio (micros, amplificateurs, enceintes, etc.). En dessous de 20 Hz, ce sont des infrasons, et, au-dessus de 20 000 Hz, des ultrasons. Notons, par ailleurs, que la fréquence du diapason, fixée arbitrairement, correspond à un La d'environ 440 Hz (c'est-à-dire 440 périodes par seconde). Figure 2.4 : La forme d'onde (a) est plus grave que la forme d'onde (b). Figure 2.5 : La hauteur de la forme d'onde (a) est fixe, contrairement à celle de la forme d'onde (b), dont la durée des "alternances "diffère. Un intervalle d'octave est défini par un rapport de 2 entre la fréquence de la note la plus aiguë et celle de la note la plus grave. Ainsi, la fréquence du La immédiatement supérieur à celui du diapason est de 880 Hz, 1 760 pour le suivant, 220 pour le La inférieur, etc. La gamme que nous utilisons, ou gamme tempérée, divise l'octave en 12 demi-tons égaux. Notre perception de hauteur étant logarithmique, et l'écart d'octave représenté par un facteur multiplicateur de 2, il conviendra de multiplier ou de diviser une fréquence X par la racine douzième de 2 (1,059463094) pour obtenir la fréquence du demi-ton supérieur ou inférieur. Ainsi, 440 x 1,059463094 = 466,163 correspond à un La dièse. D'une manière générale, voici la liste

5 des nombres par lesquels on devra multiplier une fréquence pour obtenir les douze demi-tons supérieurs : 1,059 (1,059 1 ) Seconde mineure 1,121 (1,059 2 ) Seconde majeure 1,188 (1,059 3 ) Tierce mineure 1,258 (1,059 4 ) Tierce majeure 1,332 (1,059 5 ) Quarte 1,411 (1,059 6 ) Quinte diminuée 1,494 (1,059 7 ) Quinte 1,582 (1,059 8 ) Sixte mineure 1,675 (1,059 9 ) Sixte majeure 1,774 (1,059 10 ) Septième mineure 1,879 (1,059 11 ) Septième majeure 2 (1,059 12 ) Octave La majorité des bruits que nous captons dans notre environnement naturel sont apériodiques, ce qui signifie que l'alternance des surpressions et dépressions des molécules d'air présente un caractère irrégulier : la fréquence varie dans le temps. Cela ne nous empêche pas de les interpréter comme relativement graves ou aigus, en établissant intuitivement une moyenne fréquentielle. Il nous est, par contre, impossible de les "chanter", du fait même de leur hauteur variable. Le bruit d'une porte qui claque, celui d'un avion à réaction ou d'un verre qui se brise, sont des exemples de sons apériodiques. L'amplitude L'amplitude correspond à la notion de volume sonore. Si nous reprenons le graphe sinusoïdal de la Figure 2.3, l'amplitude de notre sinusoïde est caractérisée par l'écart maximal de variation de pression par rapport à l'axe des ordonnées. Plus les creux et les bosses s'éloignent de la position de repos (l'axe horizontal), plus le son est perçu comme fort. Pour reprendre l'exemple de la pierre jetée dans l'eau, plus le bouchon monte et descend, plus l'amplitude du mouvement est élevée. C'est ici la conséquence directe de la force avec laquelle nous avons jeté la pierre.

6 Figure 2.6 : La forme d'onde (b) est une octave plus aiguë que la forme d'onde (a) : chaque période dure deux fois moins longtemps. Tout comme la bande passante mesure les performances d'un appareil audio sur le plan des fréquences qu'il tolère, la dynamique en mesure la réponse sur le plan de l'amplitude. Cette dynamique s'exprime en décibels (db), et détermine l'écart entre le volume minimal et le volume maximal. Plus cette dynamique est importante, plus les nuances entre un son faible et un son fort sont fidèlement restituées. Il s'agit d'une caractéristique relative. En prenant l'exemple d'un amplificateur hifi de dynamique limitée, la différence de volume entre les passages faibles et forts d'un morceau de musique est amoindrie. Pour l'oreille humaine, la perception d'amplitude est logarithmique. Par rapport à un instrument isolé, 10, 100 ou 1000 seront nécessaires pour obtenir un volume 2, 3 ou 4 fois plus fort. D'une manière générale et pour la plupart de nos sens, "la sensation varie comme le logarithme de l'excitation". Cette loi se nomme loi de Fechner. Figure 2.7 : La forme d'onde (b) est identique à la forme d'onde (a), mais le volume du son qu'elle représente est plus élevé.

7 Figure 2.8 : Pour une hauteur fixe, le volume de la forme d'onde décroît progressivement. Le timbre Des trois paramètres d'un son, le timbre est sans aucun doute le plus délicat et le plus subjectif à assimiler. Il est responsable de sa "couleur". En effet, la même note (hauteur) jouée au même volume (amplitude) par différents instruments ne procurera pas la même sensation auditive. Les formes d'ondes correspondantes n'auront pas la même allure. Pour comprendre ce qu'est le timbre, il nous faut pousser nos investigations plus avant, en examinant préalablement la loi de Fourier. Figure 2.9 : Les formes d'ondes (a) et (b) sont équivalentes en hauteur et en amplitude, mais elles n'ont pas la même allure : leur timbre diffère.