Éric POITEVIN 27 septembre 2014 / 4 janvier 2015

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Transcription:

Éric POITEVIN 27 septembre 2014 / 4 janvier 2015

Partenaires Conseil Régional d Auvergne DRAC Auvergne - Ministère de la Culture et de la Communication Mécènes Laboratoires Théa Banque Populaire du Massif Central Il Visconti Publication Éric Poitevin - Photographies 1981-2014 432 pages, 400 reproductions, 30 x 24 cm. Entretien avec Jean-Charles Vergne, texte de Catherine Mayeur. 49 Du mardi au samedi : 14 h - 18 h. Dimanche : 15 h - 18 h. Sauf jours fériés, 24 et 31 décembre. 6 rue du Terrail - Clermont-Ferrand - 04 73 90 50 00 - www.fracauvergne.com - Entrée gratuite. Ci-contre Couverture Sans titre (Oiseau) - 2013 - C-print - 74 x 58 cm - Galerie Peter Freeman Inc. Sans titre (Héron) - 2012 - Photographie - 157 x 125 cm - Collection privée. Avec le soutien de

Extraits de l entretien entre Éric Poitevin et Jean-Charles Vergne paru dans le livre édité à l occasion de l exposition Éric Poitevin J ai commencé à faire de la photographie à l âge de onze ans. J étais en classe de sixième, délégué de classe (nous devions être en 1972) au collège de Longuyon, petite ville du bassin de Longwy où je suis né, quatrième enfant de Mme et Mr Poitevin Jean, charcutiers. Mon professeur principal, professeur d histoire et de géographie, Maryvonne Pierrard, et son mari Claude, pharmacien, m ont très vite intégré à leur vie de famille avec beaucoup d attention. Je découvrais alors un environnement fort différent de mon milieu d origine : livres, disques, émission littéraire («Apostrophe» tous les vendredis soir...). Un samedi soir, une fois leur très jeune fils couché, Claude m a proposé d installer un agrandisseur noir et blanc et quelques cuvettes dans leur cuisine... Je n ai donc pas commencé par la prise de vue mais par le tirage... Jean-Charles Vergne Lors d une conversation, vous m aviez expliqué qu à ce moment-là il vous paraissait tout simplement impensable d imaginer que l on puisse faire de la photographie l activité de toute une vie et c est, je crois, la remarque inattendue d un professeur de physique qui, d une certaine manière, a fait naître peu à peu l idée que vous pouviez faire quelque chose de concret avec vos images. Si l épisode peut sembler anecdotique, il me semble au contraire essentiel de s y attarder car c est certainement, en définitive, la chose la plus sensible qui soit pour comprendre dans quelle mesure l art peut se constituer en projet de vie. EP Pendant ces années de collège, je ne projetais rien de professionnel avec la photographie. J aimais beaucoup en faire comme j aimais faire d autres choses aussi. La pêche par exemple. Mon intérêt pour la biologie et ma grande complicité avec mon cousin vétérinaire, de quinze ans mon aîné, ont fait de moi très tôt son associé ; un petit vétérinaire allant de ferme en ferme sous sa protection. Mon niveau en mathématiques a eu très vite raison de mes illusions. Dès la seconde en fait. La photographie est alors devenue ma bouée. Sur l incitation d un ami, plus âgé lui aussi, nous avons créé un photo-club au sein d une Maison des Jeunes et de la Culture de Malraux. Là était ma véritable école. Je montrais mes images dans des expositions/concours qu organisaient diverses associations (de cheminots le plus souvent) dans les villes du bassin de Longwy comme Villerupt et surtout Herserange. Un jour où je m attendais à être rudoyé par mon professeur de physique, au regard de mes résultats, celui-ci m a au contraire félicité pour mes photographies. Il ne m a plus jamais questionné sur «les éléments périodiques» A ce moment précis, il m a donné une sorte de légitimité, du respect. Je n ai jamais oublié ces deux minutes devant sa paillasse. En revanche, je ne savais rien des métiers de l image et encore moins des écoles d art. C est venu un peu plus tard

JCV Quand nous nous sommes rencontrés chez vous pour préparer notre projet d exposition au FRAC Auvergne, nous avons traversé à deux reprises les forêts qui mènent au village où vous vivez, sur le territoire même où vous avez grandi et sur lequel se sont déroulées les batailles les plus meurtrières de la Première Guerre mondiale, près de Verdun. J ai compris que nous traversions littéralement vos photographies, j y ai vu vos paysages, mais pas seulement : j y ai senti, cachés, vos crânes, vos portraits d anciens combattants, vos marécages, vos chevreuils morts, vos nids. Vos œuvres prennent en compte l idée d un arpentage à dimension humaine, d un monde où la proximité joue un rôle essentiel. Cela m a rappelé, dans un tout autre genre, le jour où j ai rendu visite au peintre belge Raoul de Keyser (1930-2012, exposé au FRAC Auvergne en 2008) dont l œuvre reposait de manière quasi exclusive sur des sujets vus depuis la fenêtre de sa maison, dans l atelier, ou au contact de son environnement proche. C est ce que j aime dans vos photographies : l idée qu un territoire assez restreint puisse aspirer le monde et devenir un monde. Et, pour reprendre les mots de Jean-Christophe Bailly que vous admirez tant, «un territoire, c est une aire où se poser, où chasser, où errer, où guetter». Cela vous semble-t-il familier? Sans titre - 2010 - C-print - 121 x 152 cm - Galerie Peter Freeman Inc.

EP Oui, je pêche au pied de mon rocher bien sûr, mais je n en ai jamais fait un argument, me méfiant du pittoresque, du romantisme et de l écologie... Vivre ici vous met forcément à distance des événements, du spectaculaire. C est une sorte de vide mais qui est plein si on change de niveau de lecture. Si vous décidez de ne voir que de l herbe, vous vous ennuierez. Si vous herborisez, un monde complexe vous apparaîtra. C est plutôt ma façon de voyager, disons verticalement. Lorsque le travail ne renie rien du contexte dans lequel vit son auteur, que celui-ci vit pleinement son environnement, ses origines et en même temps les transcende c est une sorte de miracle! JCV Vous dites vous méfier du pittoresque et, pourtant, vous explorez les grands thèmes qui font le pittoresque : les vues répétées d un paysage Corse à différents moments, ou le même sous-bois photographié à différentes saisons, sont des œuvres inévitablement rattachées à une certaine tradition picturale. EP Je ne pense pas que la photographie (et la mienne en particulier) rejoue une histoire de la peinture. La peinture, me semble-t-il, a définitivement changé de trajectoire avec l apparition de la photographie et la photographie doit avoir la sienne propre. Il ne s agit pas pour moi d esquiver la peinture. J ai une relation réelle et forte à celle-ci tout en me sentant résolument photographe et sans aucun complexe, gaiement. Je fabrique des images qui répondent très souvent à d autres images appartenant à l histoire de la photographie. Oui, il y a une histoire de la photographie. Pour essayer de répondre à votre question au sujet des «natures mortes» par exemple, bien sûr que je regarde Chardin mais plus encore celles de Paul Outerbridge ou d Irving Penn faites dans les années 1980. Et, pour retourner dans un siècle que je regarde beaucoup, les photographies dites primitives montrant des objets dans une nudité hors de la portée de la peinture, m importent énormément. Puis des photographes, disons de second plan mais non négligeables à mes yeux, comme August Kotzsch ou Cuvelier. Mes images d entrelacs de végétaux, de sous-bois ou de certains arbres se souviennent autant de Le Secq, de Stieglitz que de Callahan, en passant par certaines images de Raoul Haussmann. Et si la plupart des visiteurs reconnaissent «L Origine du monde» dans mes photographies de pubis, j ai également et peut-être surtout en tête les vues stéréoscopiques de Belloc JCV Vous m expliquiez dans une conversation précédente qu un bœuf ou un cheval, avant d être des sujets de peinture, sont tout d abord un bœuf et un cheval. Est-ce pour vous une façon d affirmer l absolue autonomie de la photographie, une manière de l extraire définitivement de tout référent à la peinture? EP Michel Frizot a écrit un très beau texte dans lequel il se demande pourquoi, dans les débuts de la photographie, les «opérateurs», souvent érudits, grands bourgeois ou aristocrates, ne photographiaient que des choses, des

objets souvent modestes : une échelle contre un mur, un arrosoir sur un banc, un chapeau de paille sur une table Il fait dans le même temps un parallèle avec la méthode d apprentissage de la lecture à l école, méthode dans laquelle on retrouve une échelle, un arrosoir Cette sorte de degré premier du langage me plaît beaucoup. L alphabet Oui, j essaye d installer une relation directe, intense et sans préjugés, tentant d oublier ce que je sais, voir en «valeur absolue» JCV Certaines de vos séries sont liées à cette idée d arpentage déjà évoquée, d autres au contraire sont traitées en studio, chez vous ou parfois ailleurs, comme c est le cas des grands cerfs morts. Comment se dessine le choix d explorer un nouveau sujet? EP J ai tendance à penser que tout peut faire sujet. Finalement, je décompose les différents éléments de mon biotope. Cela devient peut-être intéressant lorsque j ai l impression d en avoir épuisé toute l offre. Changer d environnement pourrait être une solution, ou alors réinterroger ce que j ai déjà interrogé, regarder une fois encore. C est peut-être là que le sujet n est plus qu un prétexte, qu il devient Sans titre - 2006 - C-print - 72 x 111 cm - Galerie Peter Freeman Inc.

image. Flirter avec l ennui ne me déplaît pas, et c est une menace à la campagne J y réagis en inventant une relation Les quelques résidences d artistes que j ai faites ont toujours été fructueuses pour moi. Que ce soit dans le Jura, en Corse ou en Vendée Il faut dire qu en général, j y ai réalisé ce que je cherchais à faire chez moi ne trouvant ni la colline idéale, ni le chêne de mes rêves!... «Le hasard ne favorise que les esprits préparés» est une des phrases dont j abuse Elle est de Pasteur. JCV Je voudrais revenir sur la série des cerfs. Elle n a pas été réalisée chez vous mais dans un studio spécialement construit pour l occasion, dans lequel vous êtes allé travailler périodiquement. Comment est-elle née? Quels sont les choix que vous avez opérés en ce qui concerne la mise en scène de ces bêtes et le moment particulier des prises de vues (je songe ici à la brillance particulière de leurs yeux)? EP Le Musée de la Chasse à Paris s est métamorphosé en 2006 sous l impulsion de Claude d Anthenaise, son directeur. Faire une place à l art contemporain avec, notamment, un espace réservé à cela, faisait partie des décisions nouvelles. Il souhaitait que je fasse l exposition à l occasion de la réouverture de ce lieu. Je ne le connaissais pas, mais il avait en tête mes images de chevreuils réalisées en 1994. Il m a contacté pour me proposer de travailler dans un domaine qui appartient au musée, dans les Ardennes françaises, tout près de chez moi. Ainsi, il m offrait un budget de production et l opportunité de faire des images de grands cerfs, chose impossible en dehors d un tel contexte. Pour lui comme pour moi, il n était bien sûr pas question de refaire les mêmes photographies. J ai donc décidé de «renverser» les conditions. Plus de terre au sol, mais ce fond blanc récurrent dans mon travail depuis quelques années, le tout baigné d une lumière naturelle venant du toit J ai donc créé ces conditions sur place afin de réduire au maximum les déplacements et le temps entre le moment où les animaux étaient tués par le garde-chasse et la prise de vue. Effectivement, je voulais éviter la raideur cadavérique, je souhaitais que les animaux gardent leur souplesse, l indice étant l œil et son humidité, ses reflets. à une ou deux exceptions près, l œil et le museau sont encore humides C est une sorte d illusion, d entre-deux, que je souhaitais photographier. Travailler là-bas a été un moment très intense de ma vie, particulièrement fructueux pour moi. Les têtes ou les animaux pendus viennent directement des gestes propres à la chasse, au traitement post-mortem des animaux. La décapitation pour le traitement des trophées ou massacres, et la pendaison plus confortable pour le dépeçage. En revanche, l utilisation du socle vient directement du studio, prenant le risque d une sorte de maniérisme. Là, nous sommes dans le sacrifice. JCV L une des séries les plus récentes, sur laquelle vous travaillez encore, concerne la photographie d oiseaux retrouvés morts que vous récupérez ou que des amis vous apportent, et que vous photographiez suspendus à l envers.

Vous collectez ainsi les dépouilles de ces volatiles (qui vont des oiseaux les plus communs jusqu aux rapaces, en passant par les espèces chassées), que vous congelez jusqu au moment de la prise de vue. Jean-Christophe Bailly a écrit un texte magnifique sur cette série qui pour lui récapitule toutes vos œuvres consacrées aux animaux morts, «tout en s exilant dans la solitude de ce qu elle montre l abandon, mais juste avant l abandon, et la mort, mais juste avant l effacement.» De la chambre froide à la chambre photographique, il y aurait ici un geste qui ne serait pas éloigné de celui de l embaumeur? EP Ah!! C est une belle idée elle me plaît beaucoup. Il est vrai que la photographie a comme une capacité à stopper la décomposition tout comme la congélation. J ai éprouvé à ce propos une sensation étrange, presque troublante. Envisageant de photographier ces oiseaux pendus, une fois les conditions réunies, il m a fallu décongeler le premier oiseau ainsi conservé, en attente, une chouette effraie. Passer lentement d un bloc compact et inerte à un corps souple, retrouvant tout doucement ses muscles, ses articulations, m a beaucoup intrigué. Pendant quelques heures, j ai cru à une sorte de résurrection, juste avant de détecter les signes et la certitude que le processus de décomposition était en marche, irréversiblement, définitivement!

Né en 1961 à Longuyon. Vit et travaille à Mangiennes. Exposition personnelles (Sélection) Éric POITEVIN 2014-2015 FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand, FR (cat.) 2014 LAM, Lille, FR 2013 Galerie Blancpain, Genève, CH 2012 Chambre de la Princesse, Domaine de Chaumont sur Loire, FR Galerie Albert Baronian, Brussels, BE 2011-2012 Villa Medicis, Rome, IT 2010 Galerie Nelson-Freeman, Paris, FR 2008 Musée Bonnat, Bayonne, FR 2007 Galerie Blancpain Art Contemporain, Geneva, CH Galerie Baronian-Francey, Bruxelles, BE Musée de la Chasse et de la Nature, Paris, FR (cat.) Galerie Nelson-Freeman, Paris, FR 2005 Galerie Dumont/Mollat, Bordeaux, FR Entre cour et jardin, Château de Barbiery et jardin de l Arquebuse, Dijon, FR 2004 L image nue, Musée de la Photographie, Charleroi, BE Le Plateau, Paris, FR (cat.) 2003 Galerie Baronian-Francey, Bruxelles, BE FRAC Franche-Comté, Musée des Beaux-arts, Dole, FR (cat.) Panorama 4 paysages persistants, Le Fresnoy et Musée des Beaux-Arts, Tourcoing, FR Galerie Blancpain-Stepczynski, Geneva, CH 2002 Galerie Pietro Sparta, Chagny, FR 2001 Galerie J.-F. Dumont-Mollat, Bordeaux, FR 2000 Galerie Albert Baronian, Brussels, BE MAMCO, Geneva, CH Galerie Pietro Sparta, Chagny, FR Galerie Jean Bernier, Athens, GR 1999 Musée de la Cour d Or, Metz, FR 1998 Centre National de la Photographie, Paris, FR 1997 Galerie Albert Baronian, Brussels, BE 1996 Galerie Pietro Sparta, Chagny, FR 1995 Centre d Art Contemporain Le Creux de l Enfer, Thiers, FR 1994 Galerie J.F. Dumont, Paris, FR 1993 Le Printemps de la Photographie (Proposition de Regis Durand), Cahors, FR Collections publiques (Sélection) Centre Pompidou, Paris Musée d Art Moderne de la Ville de Paris Maison Européenne de la Photographie, Paris FRAC Auvergne FRAC Ile-de-France FRAC Pays de la Loire Fundaçao de Arte Moderna Contemporanea, Lisbonne MAC/VAL, Musée d art contemporain du Val-de-Marne Mamco, Musée d art moderne et contemporain, Genève MAMCS Musée d Art moderne et contemporain Strasbourg Mudam Luxembourg Musée de la Photographie, Charleroi

Prochaines expositions au FRAC Auvergne David CLAERBOUT 30 janvier - 10 mai 2015 Abdelkader BENCHAMMA 4 juin - 20 septembre 2015 Gilles AILLAUD 15 octobre 2015-7 février 2016 Dernière page Sans titre - 2012 - C-print - 128 x 101 cm - Galerie Peter Freeman Inc.