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Transcription:

Du même auteur «Notes sur le cinéma récréatif et sur son intégration au niveau élémentaire», L École coopérative, Ministère de l éducation du Québec, septembre 1970. Le Cinéma et l enfant, Montréal, Éducation nouvelle, 1972. Callas. La diva et le vinyle, Montréal et Grenoble, Triptyque/La Vague à l âme, 1988. Médée, c est Callas, Montréal, La Cinémathèque québécoise, 1988. Cinéma en rouge et noir, Montréal, Triptyque, 1994. Callas. L opéra du disque, Paris, Christian Bourgois, 1997. Opérascope. Le film-opéra en Amérique, Montréal, Tryptique, 2003. Denys Arcand. L ange exterminateur, Montréal, Leméac, 2004. Denys Arcand. A Life in Film, traduction Alison Strayer, Toronto, McArthur & Company, 2005. Les Recettes de La Callas (récit), Leméac, 2007. Coordination d ouvrages collectifs «Québec/Canada. L enseignement du cinéma et de l audiovisuel. The Study of Film and Video», CinémAction, hors série, Paris, 1991. Avec François Jost, «Cinéma et musicalité», Cinémas, Montréal, automne 1992. Écouter le cinéma, Montréal, Les 400 coups, 2002.

L OPÉRA DU SAMEDI LE METROPOLITAN À LA RADIO DU QUÉBEC

Page laissée blanche intentionnellement

Réal La Rochelle L OPÉRA DU SAMEDI LE METROPOLITAN À LA RADIO DU QUÉBEC Les Presses de l Université laval

Les Presses de l Université Laval reçoivent chaque année du Conseil des Arts du Canada et de la Société d aide au développement des entreprises culturelles du Québec une aide financière pour l ensemble de leur programme de publication. Nous reconnaissons l aide financière du gouvernement du Canada par l entremise de son Programme d aide au développement de l industrie de l édition (PADIÉ) pour nos activités d édition. Mise en pages : In Situ inc. Maquette de couverture : Hélène Saillant Photos de la couverture : Collection La Phonothèque québécoise/musée du son. Photo de l auteur : Frank Desgagnés ISBN 978-2-7637-8796-1 Les Presses de l Université Laval 2008 Tous droits réservés. Imprimé au Canada Dépôt légal 4 e trimestre 2008 Les Presses de l Université Laval 2305, rue de l Université Québec (Québec) Canada G1V 0A6 www.pulaval.com

Table des matières Giuseppe Verdi dans les terres de la colonisation du Québec.............. 1 Prologue Écouter le Metropolitan Opera.... 3 L opéra «irradié» 1. D argent et d opéra... 13 2. Les Jeanne d Arc de l opéra..................... 39 3. De politique et d opéra. Le squelette caché de Texaco.................... 75 4. L opéra en Abitibi, comme ailleurs... 117 5. L opéra du Metropolitan et le cinéma québécois...... 155 6. Franchir les ondes du troisième millénaire... 185 Épilogue Écouter le Metropolitan. Combien de temps encore?....... 211 Tombeau de Beverly Sills............................ 241 En complément de programme... 243 Notes.......................................... 245 Bibliographie... 257 Discographie...................................... 261 Vidéographie... 265 Générique........................................ 267

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Giuseppe Verdi dans les terres de la colonisation du Québec En Abitibi, durant les années 1940-1950, se rappelle ma tante Germaine, il n y avait que la radio de Radio-Canada. Le samedi après-midi, c était toujours l opéra. On ne comprenait rien à cette musique et à ces langues étrangères, mais un annonceur francophone faisait de beaux résumés et nous expliquait le contenu de l émission. Ces après-midi-là, il n y avait rien d autre à écouter que l opéra, mais les voix en français étaient très belles. Cette tante octogénaire, esprit vif et rieur, toujours prête à s émerveiller de la radio et du cinéma, s était vue, agrippée à sa grosse famille venue de Jonquière, choir dans un rang d épinettes de Beaucanton, au nord de La Sarre, pendant la grande crise des années 1930 et la colonisation abitibienne. Un métissage d Amérindien (par sa grand-mère paternelle Abénakise) avait fait d elle une jeune fille nullement effarouchée par le nomadisme et la solitude des forêts de conifères, de trembles et de bouleaux, par les lacs et les marécages, les maringouins et les mouches noires ; jamais non plus intimidée par l intrusion des mystères et des bizarreries radiophoniques ; pas davantage, un peu plus tard, par les films américains et français des deux cinémas de La Sarre. Les ondes sonores, fluides, et en dépit de certaines opacités, étaient sujets d émerveillements, de miroitements, allumeurs de 1

2 L opéra du samedi rêveries et de délires imaginaires. Si elle avait connu Victor Hugo, Germaine aurait aimé cette image du poète : les pieds dans la glaise et la tête dans les étoiles. Le romantisme, dans cette Abitibi lointaine et hostile, reliée à Montréal par le cordon ombilical de la radio, ne pouvait être alimenté que par cette sorte de manichéisme. L opéra du Metropolitan de New York avait réussi à toucher, par la grâce de la baguette de ses ondes magiques, des jeunes gens perdus dans les forêts nordiques du Québec.

Prologue Écouter le Metropolitan Opera Dans le chef-d œuvre du cinéaste Denys Arcand, Réjeanne Padovani (1973), une jeune femme demande au mafioso montréalais, Vincent Padovani, s il aime l opéra. L élégant bandit répond, avec gravité : «Mon père était amateur d opéra. Le samedi après-midi, il écoutait le Metropolitan. C était sacré». Réplique solennelle. Trace indélébile, au Québec, de l influence culturelle de la radiodiffusion des opéras du Met de New York, les samedis après-midi, à Radio-Canada. Gravure socioesthétique d un très long disque qui remonte aux années 1930. Denys Arcand se souvient lui aussi que, tout petit, durant les années 1940, dans le village de Deschambault-de-Portneuf, son père le berçait en écoutant l opéra du Metropolitan. Il n est pas innocent que le cinéaste ait placé cette réplique sur les radiodiffusions du Met dans la bouche d un caïd de la mafia sicilienne nord-américaine. Une même logique d affaires louches et d opéra se retrouve dans la trilogie de Francis Ford Coppola, The Godfather (1972/1974/1990). Ce cycle filmique distille un amalgame très subtil entre la malédiction du crime mafieux et l opéra italien. Le réalisateur a choisi une trame musicale à l enseigne de la mélancolie puccinienne, arrimée à cette question mémoriale : comment un si beau pays comme la Sicile a-t-il pu engendrer tant de violence meurtrière? Cette «question 3

4 L opéra du samedi sans réponse» ne peut se faire entendre, dans toute son incertitude et son mystère, que par la musique, au premier chef la musique lyrique. D abord la composition originale de Nino Rota, en tout point logique avec la pensée saturnienne, trompette lancinante de l ouverture des films, relayée par les cordes graves. Mais aussi la présence de la lirica italiana, celle aussi bien des chansons populaires siciliennes que de l opéra savant, Mozart (Le Nozze di Figaro), Verdi (La Traviata), enfin Mascagni, dont le Cavalleria rusticana en abrégé, au Teatro Massimo de Palerme, à la fin du troisième et dernier volet, devient métaphore et synthèse de toute la trilogie. Ce finale est pourtant déjà un peu moins original, si on tient compte que le Raging Bull de Martin Scorsese est déjà apparu en 1980. L intermezzo de Cavalleria rusticana, de Pietro Mascagni, sert de thème musical à ce film, dans lequel le cinéaste utilise aussi un autre intermezzo de Guglielmo Ratcliff du même compositeur, qui se fit une tragique réputation de chantre mussolinien et fasciste. Scorsese n est pas dupe que la musique lyrique de Mascagni est évocatrice de l ambiguïté des Italoaméricains, tiraillés entre l élégie mélancolique et la violence meurtrière. Cet amalgame entre opéra et violence évoque cet autre fait troublant, l association de la radio du Met avec le commanditaire Texaco, qui a duré de 1940 jusqu en 2004. Lors du 50 e anniversaire de cette association, en 1990, un réalisateur de Radio-Canada, Laurent Major, a raconté l anecdote suivante : avant la Deuxième Guerre mondiale, Texaco (nommée alors The Texas Company) avait entretenu des liens d affaire et des sympathies avec le régime national-fasciste d Allemagne. Le vent ayant tourné en Europe et aux États-Unis, il apparaît que Texaco devait refaire son image en Amérique. La firme chercha donc à devenir commanditaire d un lieu et d un milieu qui serait l antithèse du régime nazie. Que trouver de mieux qu un grand symbole culturel du monde juif new-yorkais?

Prologue. Écouter le Metropolitan Opera 5 La saison 2005-2006 des radiodiffusions du Met marque le 75 e anniversaire de ce programme. Est-il inscrit au livre des records Guinness? Il devrait l être, en tout cas, puisque aucune émission radiophonique en Amérique du Nord n a atteint pareille longévité. Nul programme de sport, de variété, d affaires publiques, n a pu prétendre à une telle survie. Remarquable et inquiétante, cette durée sans pareille a de quoi laisser médusé. Programme né durant l âge d or de la radio, il perdure comme un dinosaure encore vivant, une bête archaïque souriant de son petit air d immortalité ; c est déjà un mythe. L un des plus curieux paradoxes des radiodiffusions du Met est d opérer un passage et un singulier métissage entre un art élitiste et un puissant média populaire de l audiovisuel. Le Metropolitan Opera House de New York était né de la volonté des nouveaux milliardaires américains de s afficher dans la tradition la plus conservatrice qui soit du Grand Opera européen. Le premier bâtiment fut inauguré le 22 octobre 1883, sur Broadway, entre la 39 e Rue et la 40 e Rue, une construction qui s étendait jusqu à la 7 e Avenue. En 1892, un incendie détruisit l intérieur de la scène et une partie de la salle. L édifice fut reconstruit l année suivante et dura jusqu en 1966, quand le second Metropolitan fut érigé au centre culturel Lincoln Center, près de Broadway et de la 63 e Rue, et inauguré le 16 septembre. L ancien Met fut démoli. Cet Opera House, célébrissime, était devenu le temple de l orthodoxie et de la sclérose culturelles musicales. Il est captivant de lire, par exemple, le New York Times des débuts du XX e siècle et d y constater que les comptes rendus des soirées du Met mettent moins l accent sur la musique lyrique qui y est représentée que sur la description des robes, des bijoux et des habits de soirée des propriétaires de loges, ceux du Diamond Horseshoe. Par exemple, lors de la création en 1910 de La Fanciulla del West de Puccini, «Mrs Vanderbilt portait une robe de satin blanc et un collier de gros diamants 1». Une pleine grande page du journal décrit ainsi toutes les toilettes de ces dames. En contrepartie, le compte rendu critique de l œuvre de Puccini, quoique très enthousiaste, ne tient ailleurs que sur deux petites colonnes.

6 L opéra du samedi Pourtant, ce fut un des premiers grands rêves d Edison, son utopie d avant-garde, que d utiliser son phonographe et son kinétoscope pour enregistrer les opéras du Met, les préserver ainsi au-delà de la mort, en même temps que d en disséminer l écoute jusque dans le plus petit hameau des États-Unis. Et ce, à un prix populaire accessible même aux plus pauvres. Comme en témoigne La Presse de Montréal, le 20 avril 1895, «c est ainsi que le plus humble villageois pourra se procurer le plaisir de voir et d entendre, moyennant rétribution des plus modiques, nos grands chanteurs et les prima donna les plus célèbres sur n importe quel point du globe». Pour cet inventeur donc, il faut à l opéra le disque et le film. Un autre naïf et enthousiaste visionnaire, Lionel Mapleson, libraire au Met (c est-à-dire responsable des partitions), s enticha de son achat, un Phonograph Edison. Il enregistra un bon nombre de cylindres d extraits live de représentations du Met, au début du XX e siècle, si bien qu il se trouva du coup à devenir l ancêtre préhistorique de la diffusion sonore de ces opéras, ou encore le pirate innocent de leurs captations sur le vif. La petite histoire de ce Mapleson est étonnante. Comment en est-il venu à se captiver pour «fixer» des fragments des représentations du Met? D autant plus que la technologie de l époque était plus que rudimentaire : enregistrement acoustique à peine audible, pas de microphone, courte durée des cylindres, incapacité de les reproduire en quantité. Même le petit cornet acoustique d Edison n arrivait pas à capter beaucoup d éléments du plateau du Met. Mapleson se fabrique donc un gigantesque entonnoir, qu il installe dans les cintres au-dessus de la scène. Il choisit à l avance l extrait de l opéra qui lui semble intéressant ; au moment venu, il démarre mécaniquement son appareil. Dès 1904, il met fin à cette activité, vu que les companies phonographiques lui font comprendre qu elles n aiment pas beaucoup le voir produire des live, même pour usage privé, avec des stars qui maintenant signent des contrats d exclusivité pour le disque commercial. Bon prince, Mapleson interrompt son passe-temps, range ses cylindres du Met dans des boîtes. Le miracle, c est que, des décennies plus tard, ils sont retrouvés, nettoyés et édités en

Prologue. Écouter le Metropolitan Opera 7 Lionel Mapleson, libraire du Metropolitan Opera au début du XX e siècle, posant fièrement aux côtés de son phonographe à cylindre, avec lequel il a enregistré sur le vif des fragments de représentations. Une première mondiale en ce qui a trait à la captation des opéras du Met, bien avant l arrivée de la radio. Photo : La Phonothèque québécoise/musée du son. vinyle par la Bibliothèque publique de New York. C est le corpus le plus ancien qui soit des représentations du Met, dont encore aujourd hui on peut s émerveiller, même s il n en reste qu un tout petit filet sonore. Peu de temps après, Lee De Forest s intéresse à l opéra à la radio, ce qui conduit cet inventeur à faire des tests expérimentaux avec Caruso en 1910. Voici comment Johanna Fiedler

8 L opéra du samedi décrit cet événement : «La compagnie procéda à l expérimentation de la radiodiffusion d une représentation. Un physicien de l université Yale installa deux microphones sur la scène, un transmetteur de navire dans le grenier de l opéra et, en guise d antenne, deux cannes à pêche au mât du drapeau sur le toit. Seul problème avec cette expérimentation archaïque : presque personne ne possédant une radio, peu de gens purent écouter la transmission 2». Chez tous ces défricheurs, la même logique : faire de l opéra rutilant une sorte de bijou disponible pour la masse. L audiovisuel, curieusement, arrache la musique et l opéra à son exclusive possession bourgeoise. Second paradoxe : non seulement la radiodiffusion, conservée par les soins du disque, détache-t-elle l opéra de son temple bourgeois de la rue Broadway puis du Lincoln Center pour le répandre sur tout le territoire nord-américain puis dans plusieurs pays, mais de plus elle enlève à l opéra scénique tout son dispositif visuel des décors, costumes, gestuelles des chanteurs et des danseurs. La radio supprime du théâtre d opéra tout son lustre iconique et n en garde que la musique et les bruitages d ambiance. Ce faisant, la radiodiffusion à l instar du disque, de studio ou live permet à l écouteur de s arrimer à l essentiel de ces ouvrages, la musique, puis d habiller cette musique de millions d images mentales et de mises en scène imaginaires. Pour le dire avec la belle formule du compositeur et chef Walter Boudreau, «l opéra à la radio s approche de la musique pure». Le présent essai est la continuation de mes explorations sur l opéra dans les médias audiovisuels. Après l industrie du disque (Callas. L opéra du disque) et celle du cinéma (Opérascope. Le film-opéra en Amérique), voici maintenant un cas exemplaire de la prise en charge de l art lyrique par la radiophonie. Il est prévu que ce cycle se poursuivra par l opéra à la télévision, grâce à l examen de Leonard Bernstein. L écran dionysiaque, où est analysé l apport du compositeur et chef d orchestre à l art télévisuel, une aventure lyrique contemporaine encore insurpassée.

Prologue. Écouter le Metropolitan Opera 9 L opéra du Metropolitan à la radio du Québec n est pas un ouvrage de musicologie, pas même un historique proprement dit de ces radiodiffusions. La seule nomenclature des œuvres irradiées depuis plus de 75 ans peut remplir un volume. On ne trouve pas non plus ici une analyse des choix d ouvrages et de répertoires, des styles musicaux des chefs d orchestre et des chanteurs. Tout en donnant un panorama général de l histoire radiophonique du Met, je m attache surtout à cerner sa présence et son influence sur le territoire du Québec et son impact socioculturel chez les auditeurs francophones. Pour y arriver, j utilise autant une documentation imprimée que celle relevant des archives orales, de même qu un échantillon de quelques dizaines d enregistrements qui rendent compte de la vibration particulière de ces opéras sonores captés en direct depuis la célèbre scène new-yorkaise, simultanément transformés par la mise en ondes francophone des studios de Radio-Canada à Montréal, un cas unique en Amérique du Nord. L Opéra «irradié» brosse donc les grandes lignes des 75 ans de radiodiffusion du Metropolitan Opera, en même temps qu est tracée l influence socio-culturelle au Québec de ce phénomène. Il s agit d une sorte de voyage, de va-et-vient entre New York et Montréal, d allers-retours sur cette route Nord-Sud de la radio musicale, tout autant que de l articulation entre deux espaces, américains et francophones. Plusieurs tableaux sortent des remises : du krach boursier à la vigueur de la radio privée de Montréal, de l entrée troublante du commanditaire Texaco à la mise en ondes de Radio-Canada, des voix de Milton Cross et de Roger Daveluy, des services de presse du Metropolitan à l antre de production de Montréal, sans compter des témoignages croisés qui rendent compte de l impact en profondeur des radiodiffusions du Met au Québec. Le spectre des enthousiastes est large : d une mère au foyer au compositeur Walter Boudreau, des cinéastes Gilles Groulx et Denys Arcand à des étudiants, des auditeurs qui viennent écouter les radiodiffusions au studio de Radio-Canada ou au Café d art vocal Mais aussi des professionnels de ce programme, réalisateurs et animateurs, des disquaires, voire responsable de festival ou ex-ministre des

10 L opéra du samedi Finances, écrivain célèbre ou encore designer de mises en scène lyriques. Entrelacés à ces discours québécois, ceux de quelques Américains recueillis dans le site Web du Metropolitan Opera Saturday Radio Broadcasts ou glanés ici et là. L épilogue évoque l avenir de l opéra du samedi au Met. En 2004, le programme est ébranlé et semble menacé : à New York, l Opera House perd la «fidèle» commandite de Texaco, son directeur Joseph Volpe, mais aussi l animateur des radiodiffusions, Peter Allen. Il faut sauver les radiodiffusions du Met. À Montréal, la direction de la nouvelle chaîne de Radio-Canada, Espace Musique, songe à annuler l Opéra du Met. Après troisquarts de siècle, le colosse culturel des radiodiffusions du Metropolitan va-t-il s effondrer, ou se dirige-t-il, vieillissant et avec superbe, vers la célébration de son centenaire?

L opéra «irradié» Durant les années 1930 et 1940, parfois même au-delà, il arrivait que les journalistes ou les animateurs utilisent le terme «irradié» pour parler de la transmission radiophonique d un programme de musique. Ainsi, tel concert de la Philharmonique était «irradié» depuis New York. Il en fut de même de l opéra du Metropolitan, à partir de décembre 1931. Dans le sens de «se propager en rayonnant», ce terme n est plus en usage depuis longtemps, mais sa valeur archaïque conserve encore une certaine charge poétique. 11

Écoute de la radio dans les annnées 1930. Photo : La Phonothèque québécoise/musée du son.

1 D argent et d opéra En s inspirant de la réflexion mélancolique de l essayiste Serge Daney, «ce qu il y a de plus beau ce sont les commencements», il convient de retracer ceux de l opéra radiophonique du Metropolitan Opera au Québec. Ils se situent dans les années 1930, durant cette époque troublée et magique où ces diffusions sont encore très loin d être une institution consacrée. Cette entreprise radiophonique est nouvelle, encore informe, traversée de soubresauts inquiétants, fragile. Le fait que le Québec soit aux premières loges de ce programme insensé et magnifique, et ce dès les premières notes, justifie de faire un travail de recherche particulier, inédit, et dont l effort est récompensé en faisant apparaître un curieux tableau qui aurait pu rester embrumé et sali par les poussières du temps. Pour ce faire, on peut séparer ces années 1930 en deux segments : un premier, dans le présent chapitre, qui couvre les saisons 1931-1932 et 1932-1933, révèle une émission radiophonique toujours au bord de l implosion. Un second, au chapitre 2, couvrant la saison 1933-1934 jusqu à la fin de la décennie, au moment où Texaco se prépare à entrer en scène comme commanditaire, marque le temps de la consolidation et de la mise en forme définitive du programme. 13

14 L opéra «irradié» Notre histoire peut cependant commencer en 1929, soit deux ans avant la première radiodiffusion en direct d un opéra du Metropolitan Opera House. Deux événements marquent ce finale des folles années 1920 et favorisent, l un comme l autre, l apparition de l Opéra du samedi. D abord, le grand krach boursier de New York, le 24 octobre, qui plonge l Amérique et le monde dans une crise sans précédent. Ensuite, à Montréal, grâce à la chaîne radiophonique CKAC (dont le propriétaire est le journal La Presse), une entente est signée avec la Columbia Broadcasting System (CBS) pour la radiodiffusion des concerts du dimanche de la Philharmonique de New York. Crise économique et musique classique, venues des États-Unis, tissent donc, ensemble et au même moment, un lien avec Montréal et le Québec, une sorte de cordon ombilical qui restera intact pendant les décennies suivantes. Au Québec, la crise économique pousse à l exil volontaire un nombre incroyable de pauvres dans la nouvelle région de colonisation de l Abitibi. C est ce que raconte, par exemple, Paule Doyon, dans son roman sur la naissance de ce territoire, Le bout du monde, qui relate ces années de misère dans les environs de Rouyn-Noranda. Vers la fin de son récit, on découvre ceci : Dans son petit restaurant, monsieur Pensenkin a installé une radio à ondes courtes. Le soir, certains s y réunissent pour écouter des concerts ou des opéras qui nous parviennent des grandes villes. Il y a quelque chose de magique dans cette radio qui nous ramène des voix et une musique un peu brouillées par les ondes. Dans ce petit restaurant entre le soir, Montréal, New York, Buffalo... et point n est besoin d aimer véritablement l opéra pour apprécier la douceur d être reliés pour quelques heures au reste du monde 1. Ce que décrit ici la romancière, ce n est pas encore l opéra en direct du Metropolitan, mais des programmes comme le Concert symphonique de CKAC ou une transmission du Chicago Civic Opera par la National Broadcasting Company (NBC), relayée à Montréal par le poste anglophone CFCF, propriété de la firme Marconi. Ces radiodiffusions, venues des États-Unis,

1 - D a r g e n t et d o p é r a 15 s imprègnent avec une remarquable osmose dans le tissu social du Québec, fût-il le plus éloigné de Montréal. En élargissant la géographie canadienne-française, elles touchent aussi ses populations de l Ontario, du Nouveau-Brunswick, voire de la Nouvelle-Angleterre où, au tournant du XX e siècle, des centaines de milliers de Québécois, longtemps appelés «Franco-Américains», s étaient installés près des manufactures de textile (baptisées «facteries de coton») du Maine, du Vermont, du Massachussetts. Le succès de la musique classique et lyrique américaine, radiodiffusée au Québec, possède donc comme prérogative de préparer un vaste terreau de mélomanes, que l opéra du Metropolitan pourra ensemencer avec profit au début des années 1930. À CKAC, le responsable de l entente avec CBS pour la diffusion des concerts symphoniques est son directeur Joseph- Arthur Dupont, ardent défenseur de la radio privée au Canada, pourfendeur de l idée d une radio publique «d un océan à l autre». Je reviendrai plus loin sur ce champ de bataille qui implique à la fois le rôle constitutionnel du gouvernement fédéral dans le domaine du contrôle des ondes radiophoniques et son objectif de créer un réseau public qui deviendra Radio- Canada. Pour l instant, depuis la fin des années 1920, CKAC diffuse toutes les semaines la «symphonie de New York» et, comme l annoncent les horaires du journal La Presse, «le concert radiophonique dominical de la New York Philharmonic Society Orchestra est irradié depuis New York 2». Autre donnée intéressante : à l entracte, les commentaires «en français» sont assurés par M. Henri Letondal, créant ainsi la première forme de métissage entre un programme américain et sa mise en ondes francophone au Québec. Letondal, comédien et animateur, s est déjà illustré comme présentateur musical à l émission L Heure provinciale, un programme de CKAC mis sur pied avec l aide du gouvernement du Québec en 1929, qui présente des sujets sur l éducation, la littérature, les arts et les sciences. Le journaliste

16 L opéra «irradié» Marcel Valois («pseudonyme imposé par la Presse à M. Jean Dufresne 3») rappelle ces heures glorieuses : Henri Letondal s occupait de la partie musicale du programme en plus d être le présentateur. Il dosait avec tact la musique appartenant au genre récital, rarement à l opéra, jamais à la chanson populaire, et la musique instrumentale qui empruntait son répertoire presque uniquement à la musique de chambre. Un goût bien français régnait là dans l équilibre des pièces présentées, le ton aimable et mondain avec lequel Letondal les annonçait. Cet animateur fut le premier à dire sur les ondes «Ici, L Heure Provinciale». Cela étonna d abord. On était habitué à la formule américaine : «Vous écoutez en ce moment» traduction de «You re listening now» 4. Ces deux émissions, L Heure provinciale et les concerts de New York, qui vont avoir un grand retentissement, sont des initiatives de J.-A. Dupont. Sortir de la crise ou mourir Les radiodiffusions du Met ne sont pas nées d une immense passion musicale philanthropique mais d une crise économique. Pas la moindre : la grande crise des années 1930, consécutive au krach boursier de 1929. Le Metropolitan Opera House est alors au bord de l implosion financière. Les abonnements et les ventes de billets ont rétréci comme peau de chagrin. Comme le raconte avec brio l essayiste David Hamilton, à la veille du krach, le Met avait engrangé des profits de 3 411 000 $. «Alors, d un coup, en l espace de deux ans, tout bascule : les abonnements s effondrent, les dons rétrécissent, les coûts de production gonflent. L état de l économie nationale ne permet pas d entrevoir un revirement notable 5». Les événements se précipitent. Le directeur Otto Kahn démissionne en octobre 1931, il est remplacé par Paul D. Cravath, avocat lyricophile qui comptait les firmes Westhinghouse et RCA parmi ses clients. Des négociations avec la NBC (propriétaire de RCA) ont immédiatement lieu pour organiser les radiodiffusions des opéras du Met. Ces pourparlers reprennent les éléments d un premier contrat, déjà signé au mois de

1 - D a r g e n t et d o p é r a 17 mai précédent, et qui garantissait des radiodiffusions pour deux ans seulement. Paul Jackson précise que le contrat stipule que, pour les 2 années de radiodiffusions, le début de la programmation se fera en novembre et ce, pour approximativement 24 semaines. NBC s engage à verser au Met 120 000 $ par saison, soit 5 000 $ par diffusion 6. La crise financière du Met a même des échos dans les journaux montréalais. Les 2 premières saisons de radiodiffusion des opéras du Met (1931-1932 et 1932-1933) se déroulent dans une conjoncture à la fois difficile et régénératrice. Les effets du krach de 1929 se font cruellement sentir, au point que l on craint l effondrement de la célèbre maison. Le 7 avril 1932, une dépêche de New York, publiée dans The Montreal Star, rappelle que le Met est venu au bord de l extinction, mais qu il se relève tout juste financièrement grâce à des coupes sévères : raccourcissement de la saison, réduction volontaire de 10 % dans les revenus des personnels, y inclus des chanteurs stars. Pour attirer le public, on procède à une baisse de 25 % des prix des tickets. The Gazette conclut de son côté que le Grand Opera ne pourra revivre qu avec une reprise économique, les États-Unis ne pouvant se comparer à des pays lyricomanes comme l Italie et l Allemagne 7. D un autre côté, l époque est propice à une dissémination plus large de l opéra grâce à l audiovisuel, en particulier le cinéma et la radio, deux médias alors très puissants. Le disque, encore dans sa préhistoire avec le 78 tours, ne donnera que plus tard, après la Deuxième Guerre mondiale, sa pleine mesure dans la diffusion de la musique classique et lyrique 8. L arrivée du cinéma sonore, dans la seconde moitié des années 1920, avait déjà fait une place à des vedettes lyriques comme Giovanni Martinelli et Beniamino Gigli, d abord dans les courts métrages Warner/ Vitaphone. Hollywood, ensuite, avait commencé à inviter d autres grands noms à participer à des longs métrages dramatiques : Lily Pons, Grace Moore, Lawrence Tibbett, Lauritz Melchior 9. Quand la radio entre dans la danse, l effet d élargissement du public pour l opéra est encore plus déterminant. Là où le cinéma ne pouvait que se limiter aux extraits d opéra et les plus

18 L opéra «irradié» connus de surcroît les radiodiffusions du Met vont viser petit à petit à transmettre l intégralité des œuvres à l affiche. Richard Caniell, de Immortal Performances, note que, contrairement à l idée reçue que les opéras ne sont diffusés que partiellement, dès 1932 il y eut 5 opéras irradiés au complet, 7 en 1933 et 9 en 1934. C est à partir de 1935 que tous les opéras sont radiodiffusés intégralement 10. De plus, l effet du direct procure une sensation plus vive que celle résultant des tournages de films. Les critiques à l égard d un art amputé du visuel n y font rien, la radio s impose comme un médium à part entière, avec sa spécificité particulière, dans sa capacité de transmettre une représentation d opéra. D autres remarques, affirmant que la radiodiffusion n est là que pour un temps, en attendant les transmissions par la télévision, ne tiennent pas davantage, pas plus que ces commentaires de la cantatrice française Ninon Vallin 11. Cette dernière se dit témoin du déclin de l opéra sur scène, de ses vieilles méthodes du XIX e siècle, et appelle de tous ses vœux l émergence du filmopéra. Cela se réalisera en partie en Europe, mais les États-Unis y seront toujours réfractaires. Marcel Valois, dans La Presse, reprend la même idée, en mentionnant que Mary Garden «vient d être nommée conseiller théâtral et musical à la MGM» et qu elle soutient que «seul le cinéma peut donner» à la musique lyrique la diversité et la splendeur. Le critique musical croit pour sa part que l opéra à l écran «puisera de profitables leçons pour se rajeunir et se moderniser 12». L idée des radiodiffusions du Met répond à un triple objectif : des rentrées d argent appréciables dans les coffres de l administration ; une offre gratuite d opéra à un public qui ne peut plus se payer le théâtre ; par-dessus tout, l élargissement de ce public, un bassin gigantesque qui ne pourra, à moyen et à long terme, que profiter à l Opera House. Beau coup de poker, par lequel la NBC s assure aussi la manne, puisque ces radiodiffusions profiteront à sa branche phonographique industrielle et commerciale (RCA), tout en faisant en sorte que les commanditaires paient une bonne part de la note des frais de production. Les commanditaires, à leur