La lune et le GNAC. Page 1 sur 9



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10 15 20 25 30 35 40 45 50 1 ère partie : La situation initiale du récit La nuit durait vingt secondes, et vingt secondes aussi le GNAC. Pendant vingt secondes, on voyait le ciel bleu traversé de nuages noirs, la faucille dorée de la lune croissante, entourée d un halo immatériel, impalpable, puis des étoiles dont les multiples points 5 scintillants allaient s épaississant jusqu aux nuages de poussière de la Voie Lactée. Tout cela vu très vite, très vite : chaque détail sur quoi on s arrêtait vous faisant perdre quelque chose de l ensemble, car les vingt secondes finissaient tout de suite, et le GNAC commençait. Le GNAC était une partie du panneau publicitaire SPAAK-COGNAC qui se trouvait sur le toit d en face, qui restait allumé vingt secondes et, vingt secondes, éteint. Quand il était allumé, on ne voyait rien d autre. La lune pâlissait brusquement, le ciel devenait uniformément noir et plat, les étoiles ne scintillaient plus, les chats et les chattes qui, depuis dix secondes, miaulaient amoureusement en se frôlant l air langoureux, le long des gouttières et au faîte des toits, se blottissaient sur les tuiles, le poil hérissé, dans la fluorescente lumière du néon. Regardant cela de la fenêtre de la mansarde où elle habitait, la famille de Marcovaldo était en proie à des sentiments fort divers. C était la nuit, et Isolina, qui était maintenant une grande jeune fille, se sentait transportée par le clair de lune, son cœur fondait, et même le grésillement le plus étouffé des transistors des étages inférieurs avait pour elle des allures de sérénade. Puis c était le GNAC, et les radios semblaient prendre un autre rythme, un rythme de jazz, et Isolina pensait aux dancings tout illuminés, et elle, pauvrette, toute seule là-haut... Pietruccio et Michelino écarquillaient les yeux dans la nuit et se laissaient envahir par la chaude et douce peur d être entourés de forêts et de brigands. Puis, de nouveau, le GNAC, et ils bondissaient, s affrontant, le pouce dressé et l index tendu : «Haut les mains! Je suis Superman!» Domitilla, leur mère, disait chaque fois que le GNAC cédait la place à la nuit : «Maintenant, les gosses, faut les ôter de là, la fraîcheur du soir peut leur faire du mal... Et Isolina à la fenêtre à cette heure-ci, c est pas convenable!» Mais tout était de nouveau lumineux, électrique, au-dehors comme à l intérieur, et Domitilla avait alors l impression d être en visite dans le grand monde. Fiorello, lui, jeune homme mélancolique, voyait apparaître dans l arrondi du G, chaque fois que le GNAC s éteignait, la petite fenêtre à peine éclairée d une mansarde et, derrière la vitre, le visage d une jeune fille couleur de lune, couleur de néon, couleur de lumière dans la nuit, et une bouche qui était presque encore d une enfant et qui, dès qu il lui souriait, écartait imperceptiblement les lèvres, prête, semblait-il, à sourire vraiment quand, soudain, l impitoyable G du GNAC s illuminait de nouveau : le visage perdait alors sa netteté, devenait une pauvre ombre pâle ; et Fiorello ne savait plus si la bouche de petite fille avait ou non répondu à son sourire. Au milieu de ce tourbillon de passions, Marcovaldo s efforçait d apprendre à ses enfants la position des corps célestes : Ça, c est le Grand Chariot, un, deux, trois, quatre ; et, là, c est le Timon. Ça c est le Petit Chariot. L Étoile polaire indique le nord. Et cette autre, là, elle indique quoi? Elle indique le C, mais elle a rien à voir avec les étoiles. C est la dernière lettre du mot COGNAC. Les étoiles, au contraire, indiquent les points cardinaux : nord, sud, est, ouest. Le croissant de la lune est tourné vers l ouest. Croissant au ponant, lune augmentant. Croissant au levant, lune diminuant. Papa, alors le COGNAC diminue? Le croissant du C est au levant. Augmentant ou diminuant ont rien à voir là-dedans : c est une réclame qu est mise là par la société Spaak. Et la lune, qui c est qui l a mise où qu elle est? La lune, c est pas une société qui l a mise là. C est un satellite, la lune, et elle est toujours là. Si elle y est toujours, pourquoi que son croissant change? C est les quartiers. Et la lune, on en voit seulement un bout. Page 1 sur 9

55 60 La lune et le GNAC Le COGNAC aussi on n en voit qu un bout. Parce que le toit de l immeuble Pierbernardi est plus haut. Plus haut que la lune? Et comme cela, chaque fois que le GNAC s allumait, les astres de Marcovaldo se confondaient avec les commerces terrestres ; et Isolina transformait un soupir en un rythme fredonné de mambo et disparaissait la pauvre jeune fille de la mansarde, dans l anneau aveuglant et froid du G, y cachant sa réponse au baiser que Fiorello avait finalement eu le courage de lui envoyer du bout des doigts; et Pietruccio et Michelino, les poings devant la figure, jouaient au mitraillage aérien tac-tac-tac-tac... prenant pour cible l inscription lumineuse qui s éteignait au bout de vingt secondes. Exercice 1 : Lis la 1 ère partie et recherche le vocabulaire - Recopie ci-dessous les explications de mots ou d expressions. halo immatériel, impalpable mansarde sérénade écarquillaient imperceptiblement corps célestes ponant mambo Page 2 sur 9

Exercice 2 : Recherche à l aide de l ordinateur les éléments qui vont te permettre de remplir le tableau de l exercice 3. Exercice 3 : Recopie dans l ordre les affirmations justes de l exercice 2 que tu as fait à l aide de l ordinateur. Exercice 4 : Recherche à l aide de l ordinateur l effet produit par le clignotement du «GNAC» sur les membres de la famille de Marcovaldo. Exercice 5 : Les effets lumineux - Reporte sur le tableau ci-dessous les réponses que tu as trouvées à l aide de l ordinateur. La lumière de la lune La lumière du GNAC Pour Isolina Pour les garçons Pour la mère Pour Marcovaldo Pour Fiorello Page 3 sur 9

Exercice 6 : Cherche sur le tableau proposé sur l ordinateur les formulations correctes, en langage courant, de certaines répliques du dialogue de la première partie du texte. Exercice 7 : Reporte ci-dessous les réponses de l exercice 6 que tu as fait à l aide de l ordinateur. Langue familière Elle indique quoi? Langue courante ou soutenue Elle a rien à voir Ils ont rien à voir là-dedans C'est une réclame qu'est mise là Qui c'est qui l'a mise où qu'elle est? C'est pas une société qui l'a mise là Pourquoi que son croissant est rouge? Exercice 8 : Sur l ordinateur, réponds négativement en langage courant ou soutenu aux questions posées. Exercice 9 : Reporte dans le tableau ci-dessous les réponses trouvées sur l ordinateur à l exercice 8. Questions Est-il venu quelqu'un? Vois-tu quelque chose? Reste-t-il encore du pain? Avez-vous eu les oreillons? Quelqu'un a-t-il trouvé la bonne réponse? Manque-t-il une page à ce livre? Où veux-tu aller? Réponses négatives Page 4 sur 9

Exercice 10 : Sur l ordinateur, retrouve les questions correspondant aux réponses et aux interrogations familières. Exercice 11 : Reporte ensuite tes réponses dans le tableau suivant. Réponses Langue soutenue Langue courante La neige tombera à Noël. Ils ne se souvenaient pas de notre adresse. Je peux finir mon travail demain. Le rossignol chante la nuit. Je n'ai pas fini mon travail parce que j'ai été malade. C'est Pierre qui a rangé le ballon. Je pense que le rugby est un sport passionnant Exercice 12 : Expression écrite. Les parents demandent à leur fils ou fille où il (elle) était et ce qu'il (elle) a fait la veille au soir. Utilise les types et formes de phrases que tu as travaillés avec l ordinateur : phrases interrogatives et négatives. L évaluation portera sur l emploi correct en langage courant des phrases et sur leur orthographe. Page 5 sur 9

65 70 75 80 85 90 95 100 105 110 2 e partie : Perturbation de la situation initiale et évolution de la situation Tac-tac-tac... T as vu, papa, je l ai éteint d une seule rafale, dit Pietruccio. Mais déjà, n étant plus dans la clarté du néon, son fanatisme guerrier avait disparu et ses yeux étaient rouges de sommeil. Ah! si ça pouvait être vrai! ne put s empêcher de dire Marcovaldo. Je vous ferais voir le Lion, les Gémeaux... Le Lion? s exclama Michelino enthousiasmé. Attends Il lui était venu une idée. Il prit son lance-pierres, le chargea avec des petits cailloux dont il avait toujours une réserve en poche, et tira de toutes ses forces contre le GNAC. On entendit cette grêle tomber éparpillée sur le toit d en face, sur les tôles de la gouttière, le bruit de verre brisé des vitres d une fenêtre touchée, le gong d un caillou tombant sur la partie métallique d un phare d auto. Une voix monta de la rue : Il pleut des pierres! Hé, là-haut!... Salopards! Mais la publicité lumineuse s était éteinte au bout de ses vingt secondes, juste au moment du tir du lance-pierres. Et dans la mansarde, tout le monde se mit mentalement à compter un, deux, trois... dix, onze... jusqu à vingt. A dix-neuf, ils soufflèrent, comptèrent vingt, puis vingt et un et vingt-deux, dans la crainte d avoir compté trop vite. Mais non, rien, le GNAC ne se rallumait pas, il n était plus qu un noir gribouillis, quasiment indéchiffrable, s entrelaçant à son bâti de soutien comme le raisin à la treille. Aaah! s écrièrent-ils tous. Et la voûte céleste se leva au-dessus d eux, brillant de myriades et de myriades d étoiles. Marcovaldo qui, la main levée, s apprêtait à donner une taloche à Michelino, se sentit comme projeté dans l espace. L obscurité, qui régnait maintenant à la hauteur des toits, formait comme une barrière sombre qui excluait le monde d en bas où continuaient à tourbillonner les hiéroglyphes jaunes, verts et rouges, les clins d yeux des feux de signalisation, le ferraillement lumineux des tramways vides, et les autos invisibles qui poussent devant elles le rayon de lumière de leurs phares. De ce monde-là n arrivait là-haut qu une phosphorescence diffuse, vague comme une fumée. Et rien que de lever les yeux des yeux qui, maintenant, n étaient plus éblouis,la perspective des espaces s ouvrait, les constellations se dilataient en profondeur. Le firmament tournait de partout, sphère qui contient tout et qui ne connaît pas de limites. Seule une moindre épaisseur de sa trame formait comme une brèche du côté de Vénus, afin de la faire ressortir, seule, là-haut au-dessus de la Terre, seule avec sa blessure stagnante de lumière explosée et concentrée en un seul point. Suspendue dans ce ciel, la nouvelle lune, au lieu d affecter l apparence abstraite d une demi-lune, révélait sa nature de sphère opaque éclairée tout autour par les rayons obliques d un soleil perdu pour la Terre mais qui conservait tout de même comme cela se voit seulement durant certaines nuits du début de l été sa chaleureuse couleur. Et Marcovaldo, à regarder cette étroite rive de lune taillée, là, entre l ombre et la lumière, rêvait mélancoliquement de pouvoir rejoindre cette espèce de plage demeurée miraculeusement ensoleillée dans la nuit. Ils restaient tous là, à leur fenêtre; les gosses, effrayés par les conséquences démesurées de leur geste; Isolina, transportée, comme en extase, Fiorello qui, seul de tous, apercevait la mansarde chichement éclairée et le sourire lunaire de la jeune fille. Domitilla se secoua: Allez! allez! y fait nuit, qu est-ce que vous faites encore à la fenêtre? Vous allez attraper la crève, sous ce clair de lune! Michelino pointa son lance-pierres vers le ciel : Eh ben, moi, je vais l éteindre, la lune! Il fut empoigné et mis au lit. Ainsi, pour le reste de cette nuit-là et durant toute la nuit suivante, la publicité lumineuse du toit d en face ne disait plus que SPAAK-CO et, de la mansarde de Marcovaldo, on voyait enfin le firmament. Fiorello et la jeune fille lunaire s envoyaient des baisers du bout des doigts, et peut-être qu en se parlant par signes ils finiraient bien par se donner un rendez-vous. Mais, le matin du surlendemain, deux petites, petites silhouettes se découpaient dans le bâti de la publicité lumineuse: c étaient deux électriciens en combinaison qui vérifiaient les tubes fluorescents et les fils électriques. Avec la mine des vieillards qui prévoient le temps qu il va faire, Marcovaldo mit le nez à la fenêtre et dit : Cette nuit, ce sera de nouveau une nuit de GNAC. Page 6 sur 9

Exercice 13 : Lis la 1 ère partie et recherche le vocabulaire - Recopie ci-dessous les explications de mots ou d expressions. fanatisme guerrier quasiment indéchiffrable myriades d étoiles hiéroglyphes phosphorescence diffuse firmament stagnante chichement Exercice 14 : Quel événement modifie la situation initiale? Qu est-ce qui provoque cet événement? Page 7 sur 9

Exercice 15 : Relis les lignes 36 à 67 (fin de la première partie et début de la deuxième). Recherche à l aide de l ordinateur les étoiles ou constellations citées. Exercice 16 : Le monde autour de la mansarde se modifie. Le monde d en haut s oppose au monde d en bas. Retrouve à l aide de l ordinateur quel monde décrivent les expressions proposées. Exercice 17 : Reporte sur le tableau ci-dessous le résultat des recherches faites à l aide de l ordinateur. Le monde d en bas Le monde intermédiaire Le monde d en haut Exercice 18 : Sur l ordinateur, indique si les mots en caractères gras doivent être au féminin ou au masculin, au singulier ou au pluriel. Exercice 19 : Recopie ci-dessous les deux textes de l exercice 17 de l ordinateur. Page 8 sur 9

115 120 125 130 135 140 3 e partie : Résolution de la perturbation et situation finale On frappait à la porte. On ouvrit. C était un monsieur avec des lunettes. Excusez-moi, dit-il, est-ce que je pourrais jeter un coup d œil par votre fenêtre? Merci. Et il se présenta : Dottor Godifredo, agent de publicité lumineuse. «Nous v là frais! Y vont nous faire payer la casse!» se dit Marcovaldo et, déjà, il faisait les gros yeux à ses gosses, oublieux de son extase astronomique. Il tenta de prendre les devants : C est des gosses, vous savez, y lancent des pierres, comme ça, sur les moineaux, et je sais pas comment que ça se fait que cette réclame de la Spaak s est déglinguée. Mais je les ai punis, oui, je les ai punis! Et vous pouvez être sûr qu y recommenceront pas. Le dottor Godifredo tendit une oreille attentive. A vrai dire, moi je travaille pour le Cognac Tomahawk, pas pour Spaak. J étais venu pour étudier la possibilité d installer une publicité lumineuse sur votre toit. Mais dites, dites toujours ça m intéresse... Et ce fut ainsi qu une demi-heure plus tard, Marcovaldo signait un contrat avec le cognac Tomahawk, principal concurrent de la marque Spaak : les gosses devaient viser le GNAC avec leur lancepierres, chaque fois qu après avoir été réparée, l inscription lumineuse se remettait en marche. Ça devrait être la goutte d eau qui fait déborder le vase, dit le dottor Godifredo. Il ne se trompait pas : déjà au bord de la faillite, à cause de l énormité de son budget publicitaire, la société Spaak vit dans les pannes successives de sa plus belle réclame lumineuse un symptôme de mauvais augure. Le fait qu il y avait des fois où on lisait COGAC, d autres CONAC et d autres encore GONG amenait les créanciers à penser à des difficultés financières; et l agence qui s occupait de la publicité de la Spaak se refusa finalement à faire de nouvelles réparations si on ne lui payait pas l arriéré. La réclame définitivement éteinte alarma davantage encore les créanciers : la société Spaak fit faillite Dans le ciel de Marcovaldo, la lune brillait de toute sa splendeur. Elle en était à son dernier quartier, quand les électriciens revinrent ramper sur le toit d en face. Et cette nuit-là, en caractères de feu des caractères deux fois plus grands et plus larges qu avant on pouvait lire COGNAC TOMA- HAWK. Il n y avait plus ni lune ni firmament, mais seulement COGNAC TOMAHAWK, COGNAC TOMAHAWK, COGNAC TOMAHAWK s allumant et s éteignant toutes les deux secondes. Le plus peiné fut bien Fiorello : la fenêtre de la jeune fille lunaire avait disparu derrière un énorme, un impénétrable W. La lune et le GNAC, nouvelle publiée dans Marcovaldo en 1979. Traduite de l italien par Roland Stragliati. Éditions Julliard Page 9 sur 9