N 4031 ASSEMBLÉE NATIONALE

Documents pareils
N 2345 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

, une nouvelle république

N 600 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

N 2426 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

Chapitre 7 Gouverner la France depuis 1946

N 3038 ASSEMBLÉE NATIONALE PROJET DE LOI

HOLLANDE UN AN APRES L ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2012

SÉNAT PROPOSITION DE LOI

SÉNAT PROPOSITION DE LOI

N 711 ASSEMBLÉE NATIONALE

RD 852-B M Secrétariat du Grand Conseil. Date de dépôt : 9 avril 2013

N 1644 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

Intervention de Marisol Touraine. Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

L incompatibilité entre fonction gouvernementale et mandat parlementaire : vers une séparation atténuée des pouvoirs? 1

N 1189 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

Projet de loi modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 1 30)

Gouverner la France depuis État, gouvernement et administration. Héritages et évolutions.

N 66 SESSION ORDINAIRE DE Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 octobre 2012 PROPOSITION DE LOI

Article 1 Objet du compte épargne-temps Article 2 Principe du compte épargne-temps demande de l agent

N 294 SESSION ORDINAIRE DE Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 février 2015 PROPOSITION DE LOI

N 787 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

N 2876 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

Commission de la défense nationale

N 377 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

DIVORCE l intérêt du consentement amiable

DECRET N fixant les attributions du Ministre de la Défense Nationale ainsi que l organisation générale de son Ministère.

ASSEMBLÉE NATIONALE DÉBATS PARLEMENTAIRES JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958.

Conférence de presse de présentation de la mission «création et internet» jeudi 3 septembre 2009

N 1236 ASSEMBLÉE NATIONALE

LES SOURCES DU DROIT

N 2807 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

Secrétariat du Grand Conseil PL 8601-A

VILLE D'APT EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS DU CONSEIL MUNICIPAL

N 2843 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

Aujourd'hui 26 janvier 2015, à 15h13,

UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE UEMOA OUEST AFRICAINE CONFERENCE DES CHEFS D ETAT ET DE GOUVERNEMENT

Projet de loi n o 58. Loi regroupant la Commission administrative des régimes de retraite et d assurances et la Régie des rentes du Québec

EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS DU CONSEIL MUNICIPAL

N 1470 ASSEMBLÉE NATIONALE

L ORGANISATION DU GROUPE CREDIT AGRICOLE S.A. AU SERVICE DE SON PLAN DE DEVELOPPEMENT

N 1619 ASSEMBLÉE NATIONALE PROJET DE LOI

Décrets, arrêtés, circulaires

CONVENTION PORTANT CREATION D UNE COMMISSION BANCAIRE DE L AFRIQUE CENTRALE

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

SÉANCE ORDINAIRE DU 3 FÉVRIER 2014

N 3039 ASSEMBLÉE NATIONALE PROJET DE LOI

Après la Grèce, l Italie doit désigner son nouveau président de la République

Décrets, arrêtés, circulaires

Commentaire. Décision n QPC du 29 janvier Association pour la recherche sur le diabète

Chapitre 8 Le projet d une Europe politique depuis 1948

CHRONIQUE LEGISLATIVE. Etienne Vergès, Professeur à l Université Pierre Mendès-France Grenoble II

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu l ordonnance n du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

N 3672 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

CORRECTION BREVET PONDICHERY 2014

Michel Magras. compte-rendu PROJET DE LOI RELATIF À LA MODERNISATION DU DROIT DE L OUTRE-MER

modifiant la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL) (I 4 05) (Pour favoriser la réalisation de logements)

CONSEIL DES MINISTRES

United Nations (8) Nations Unies

Jalons pour l histoire du temps présent 17 mars 2006, réf. : Durée : 02 mn 24

RÈGLES DE FONCTIONNEMENT RELATIVES À LA NÉGOCIATION - AGENCE DU REVENU

Nom Prénom chapter. Repas seul

REMUNERATIONS DES DIRIGEANTS ET PARLEMENTAIRES FRANCAIS

DECISION DCC DU 26 MAI 2015

N 2564 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

N 2118 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

REGLEMENT INTERIEUR TITRE I : DISPOSITIONS GENERALES

GUIDE POUR LA MISE SUR LE MARCHÉ DE DISPOSITIFS MÉDICAUX SUR MESURE APPLIQUE AU SECTEUR DENTAIRE

Statuts. Breitingerstrasse 35 Postfach, CH-8027 Zürich Tel +41 (0) Fax +41 (0)

KPMG Audit 1, cours Valmy Paris La Défense Cedex. Air France-KLM S.A.

- 1 - N 129 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 1999 AVIS PRÉSENTÉ

LES LIBERTES SOUS LE REGNE DE L INTERNET

N 518 SÉNAT QUATRIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE

Les moyens matériels et financiers pour exercer mon mandat

S.A RODRIGUEZ GROUP. Exercice

Statuts : Etoile Saint Amandoise.

LOI du 21 novembre sur la Cour des comptes LE GRAND CONSEIL DU CANTON DE VAUD

SEANCE du 31 JANVIER Le compte rendu de la précédente séance est lu et adopté à l unanimité.

N 2737 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

Monsieur Alain JUPPE - Maire

PROPOSITION DE LOI N 2 ( ) RELATIVE AUX CONTRATS D ASSURANCE SUR LA VIE. Examen en commission : Mercredi 31 mars 2010 A M E N D E M E N T

N 252 ASSEMBLÉE NATIONALE

Section 1 La Spécialité. Section 4 L unité. Section 2 L Annualité. Section 5 L Universalité. Section 3 Le caractère limitatif des crédits

Ill. Commentaire des articles p. S IV. Fiche financiere p.s v. Fiche d' impact p. 6

Equipe de campagne. Mardi 4 juin 2013 Jolis Mômes (9 e ) Directeurs de campagne

I S agissant de l article 7 bis

N 114 SENAT PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE Annexe au procès-verbal de la séance du 5 décembre RAPPORT FAIT

JORF n 0076 du 31 mars Texte n 24

Monsieur Martin Chaput, conseiller, est absent. 01- Lecture et adoption de l'ordre du jour. 4.1 Adoption du bordereau de correspondance

N 2713 ASSEMBLÉE NATIONALE

Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur et la Loi sur le recouvrement de certaines créances

PROTOCOLE DE LA COUR DE JUSTICE DE L UNION AFRICAINE

Comité des Fêtes d Oulins

La Régie des rentes du Québec

LOIS. Article 1 er. Article 2. Article 3. Article 4. Article octobre 2009 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 1 sur 125

CERTIFICAT D ETUDES SPECIALISEES DROIT SOCIAL

Jean Pierre THIBAULT / DREAL Aquitaine / Stratégie nationale

SÉNAT PROPOSITION DE LOI

Procès verbal de la session régulière du conseil de la Municipalité de Sainte-Félicité tenue le mardi 2 avril 2013 au lieu habituel des sessions.

Facultés: les Facultés, l Ecole des Sciences Humaines et Sociales, l Ecole de Droit, l Institut de Recherche en Sciences et Technologies du Langage.

modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l Etat (LGAF) (D 1 05)

Transcription:

N 4031 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l Assemblée nationale le 12 septembre 2016. PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE relative à l engagement de la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale, (Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l administration générale de la République, à défaut de constitution d une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.) présentée par Mesdames et Messieurs Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Jean-Noël CARPENTIER, Gérard CHARASSE, Stéphane CLAIREAUX, Olivier FALORNI, Paul GIACOBBI, Joël GIRAUD, Gilda HOBERT, Jacques KRABAL, Jérôme LAMBERT, Jean-Pierre MAGGI, Dominique ORLIAC, Thierry ROBERT, Stéphane SAINT-ANDRÉ, Alain TOURRET, députés.

MESDAMES, MESSIEURS, 2 EXPOSÉ DES MOTIFS Avant 1958, le président du Conseil désigné par le chef de l État «se présente devant l Assemblée nationale afin d obtenir sa confiance sur le programme et la politique qu il compte poursuivre» (1), selon la procédure de l investiture. C est la tradition et c est la logique : le Gouvernement, responsable devant l Assemblée, doit s assurer de sa confiance sur l ensemble de sa politique avant d entreprendre de diriger le pays. Il doit obtenir son soutien préalable. En demandant la sanction d un vote et en passant ainsi avec sa majorité un contrat solennel qui fonde sa légitimité. À son article 49, alinéa 1, la Constitution de 1958 emploie des termes relativement analogues : «Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.» Il s agit là d une obligation et non d une simple faculté, qui serait laissée à la libre appréciation de l intéressé, l indicatif équivalant à l impératif dans les textes juridiques. Michel Debré, premier Premier ministre de la V ème République, se soumet à cette obligation en janvier 1959. Georges Pompidou fait de même pour ses deux premiers Gouvernements en avril et octobre 1962. En revanche, il en va différemment après la première élection présidentielle au suffrage universel en décembre 1965. Avec l intention de marquer que le Gouvernement «procède» de l Élysée, qui le nomme, et non de l Assemblée. Ainsi, les 3 ème et 4 ème Gouvernements Pompidou, formés en janvier 1966 et en avril 1967, le Gouvernement Couve de Murville, constitué en juillet 1968, le Gouvernement Chaban-Delmas, nommé en juin 1969, et le 1 er Gouvernement Messmer, composé en juillet 1972, refusent ou évitent de solliciter un vote de confiance de l Assemblée nationale lors de leur premier contact avec celle-ci. (1) Article 45 de la Constitution de 1946, révisé en 1954.

3 Ainsi, pendant sept ans, de 1966 à 1973, par application de la doctrine gaullienne, les Premiers ministres successifs n observent pas l obligation que leur fait la Constitution. Il faut attendre, en effet, avril 1973 et la formation du 2 ème Gouvernement Messmer, après les législatives de mars, pour retrouver une conception plus respectueuse du Parlement. Pierre Messmer met alors en jeu l existence de son nouveau ministère sur une déclaration de politique générale (2). À son tour, après l élection de M. Giscard d Estaing à l Élysée, le nouveau Premier ministre, M. Chirac, engage sa responsabilité devant les députés le 6 juin 1974. On peut donc s étonner de voir son successeur, M. Barre, refuser de se conformer à cette pratique. En expliquant le 5 octobre 1976, lors de son premier contact avec l Assemblée, qu il entend «défendre la conception des rapports entre l exécutif et le législatif qui a prévalu depuis 1966» et «rappeler que le Gouvernement est nommé par le chef de l État». Ainsi, au lieu de respecter la tradition parlementaire, le texte de l article 49, alinéa 1 et la pratique suivie pendant le premier septennat, puis de 1973 à 1976, Raymond Barre refuse de solliciter un vote de confiance des députés, en déniant les droits de l Assemblée nationale. En revanche, le 2 ème Gouvernement Barre en avril 1977 et le 3 ème en avril 1978 engagent leur responsabilité devant l Assemblée. Depuis 1977, les nouveaux Gouvernements sollicitent donc la confiance de l Assemblée nationale. À la seule exception, correspondant à une impossibilité matérielle, de ceux formés juste après une élection présidentielle suivie immédiatement d une dissolution (Mauroy I, Rocard I) ou d élections législatives ayant lieu à leur terme normal, selon l «inversion du calendrier» décidée par la loi du 15 mai 2001, qui place celles-ci très peu de semaines après le scrutin présidentiel (Raffarin I, Fillon I, Ayrault I). Dans notre régime mi-présidentiel mi-parlementaire, l autorité du Premier ministre résulte hors cohabitation d une double confiance : celle du président de la République qui le nomme et celle de l Assemblée nationale qui l investit et peut le renverser. (2) Mais le 3 ème Gouvernement Messmer, constitué hors session parlementaire le 1 er mars 1974, n aura pas encore pu comparaître devant l Assemblée quand survient le décès du Président Pompidou le 2 avril 1974.

4 De 1966 à 1977 (à la seule exception du 2 ème Gouvernement Messmer), l Exécutif aura tenu à affirmer la doctrine gaullienne de la primauté présidentielle : la nomination par le chef de l État suffit à elle seule, le Premier ministre n a pas à solliciter la confiance de l Assemblée. Même si, depuis 1977, l on est revenu à un usage différent, il importe de se prémunir contre un éventuel retour à la pratique défavorable au parlementarisme qui a prévalu dans ces années 1966 à 1977. Dès lors, vu les incertitudes et les aléas successifs et même si en droit l indicatif équivaut à l impératif, mieux vaut donc rédiger ainsi le 1 er alinéa de l article 49 : «Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, a l obligation d engager devant l Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet.» Cette dernière phrase vise à éviter qu un délai trop long s écoule entre la désignation du nouveau Gouvernement et l engagement de sa responsabilité devant l Assemblée nationale. Ainsi, nommé à Matignon le 20 juin 1969, Jacques Chaban-Delmas n avait présenté son programme de «Nouvelle société» que le 16 septembre 1969, trois mois après.

5 PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE Article unique Le premier alinéa l article 49 de la Constitution est ainsi modifié : «Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, a l obligation d engager devant l Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet.»