Chapitre 5: flot d une équation différentielle ordinaire Philippe Chartier 23 octobre 2014 1 Définition du flot et propriétés élémentaires Dans ce chapitre, D désigne un ouvert connexe de R d. On considère le problème de Cauchy sous forme autonome : { ẏ(t) = f(y(t)) y(t 0 ) = y 0, (1) où f est une fonction définie sur D et (t 0,y 0 ) un point de R D. On suppose en outre que f est continue et localement Lipschitzienne, de sorte que pour tout(t 0,y 0 ) R D, le système (1) admet une solution maximale unique sur un intervalle ouvertj(t 0,y 0 ) R. Alors, l application (t,t 0,y 0 ) y(t;t 0,y 0 ) qui associe la valeur en t de la solution de (1) est bien définie sur l ouvert Ω = {(t,t 0,y 0 ) R R D;t J(t 0,y 0 )}. On note en outre Ω 0 = {(t,y 0 ) R D;t J(0,y 0 )} Définition 1.1 On appelle flot de l équation différentielle (1) l application : Ω 0 R d (t,y 0 ) ϕ t (y 0 ) = y(t;0,y 0 ) Il est clair queϕ t (y 0 ) satisfait l équation suivante : { d ϕ dt t(y 0 ) = f(ϕ t (y 0 )) ϕ 0 (y 0 ) = y 0, (2) et qu on a en outre, pour tout(t,t 0,y 0 ) Ω,(t t 0,y 0 ) Ω 0 ety(t;t 0,y 0 ) = ϕ t t0 (y 0 ), ce qui justifie la définition deϕ t comme une application indépendante det 0. 1
Remarque 1.2 On peut aussi définir le flot d un système non-autonome, mais on rappelle que tout système non-autonome peut se réécrire comme un système autonome par l adjonction de la variable t. L hypothèse d autonomie ne constitue donc pas une restriction. Proposition 1.3 L application (t,y) ϕ t (y) de Ω 0 dans R d est continue. En particulier, pour tout (t,y) Ω 0, il existe un voisinagev dey tel que l applicationϕ t ( ) soit définie et continue surv. Proposition 1.4 On suppose que D = R d et que f est C 1 et globalement Lipschitzienne. Alors le flot est défini sur toutr R d (c est-à-dire queω 0 = R R d ), et l application R Diff(R d ) t ϕ t ( ) est un homomorphisme du groupe(r,+) dans le groupe(diff(r d ), ), où Diff(R d ) est l ensemble des difféomorphismes der d dans lui-mḙme. Preuve. Pour tout (s,t) R 2, on a ϕ s ϕ t = ϕ t ϕ s = ϕ s+t, en vertu de l unicité de la solution de (1) (Theorème de Cauchy-Lipschitz). En conséquence ϕ t est une bijection, (ϕ t ) 1 = ϕ t et son inverse est continue. En anticipant sur le paragraphe suivant, on a en outre que ϕ t est continûment différentiable d inverse continûment différentiable. 2 Différentiabilité par rapport à la condition initiale Dans cette partie, nous nous intéressons à la dépendance de la solution en la condition initiale, et plus précisément à la différentiabilté du flot ϕ t (y) par rapport à la variable y. En admettant provisoirement que cette différentiabilité est assurée et que les dérivations par rapport àtet y commutent, on obtient, en dérivant l équation différentielle satisfaite parϕ t : y 0 t ϕ t(y 0 ) = (f(ϕ t (y 0 ))) = f y 0 y (ϕ t(y 0 )) ϕ t (y 0 ), y 0 c est-à-dire encore ( ) d ϕt (y 0 ) = f dt y 0 y (ϕ t(y 0 )) ϕ t (y 0 ). y 0 En posantψ t = ϕt y 0 (y 0 ), il apparaît queψ t est solution de l équation différentielle matricielle { Ψt = f y (ϕ t(y 0 )) Ψ t Ψ 0 = I d, (3) dite équation variationnelle associée à (1). Il s agit d un système linéaire du type Ẏ(t) = A(t,y 0 )Y(t) 2
où A(t,y 0 ) = f y (ϕ t(y 0 )) ne dépend pas seulement du temps t mais aussi d un paramètre y 0. La résolvante exhibe donc elle-même une dépendance en y 0, mais aucune en t 0 (seul t t 0 compte), et on la note pour cette raison S(t;y 0 ). D après la discussion précédente, on a alors S(t;y 0 ) = ϕ t y 0 (y 0 ). Nous allons maintenant justifier rigoureusement cette égalité dans la preuve du théorème suivant : Théorème 2.1 Soit f une fonction de D dans R d continue et localement Lipschitzienne, telle que (y) existe et soit continue surd. Alors, le flot de (1) est une application continṷment différentiable f y par rapport à y et sa dérivéeψ t (y 0 ) = ϕt y 0 (y 0 ) vérifie l équation variationelle associée à (1) : { Ψt (y 0 ) = f y (ϕ t(y 0 ))Ψ t (y 0 ) Ψ 0 (y 0 ) = I d (4) Preuve. Dans un premier temps, nous allons montrer que ϕt y 0 (y 0 ) existe pour tout(t,y 0 ) Ω 0 : pour ce faire, il suffit d établir, pour (t,y 0 ) fixé, qu il existe une fonction ǫ( ) de R + dans R + et un rayon r > 0 tels que avec y 0 B r (0), ϕ t (y 0 + y 0 ) ϕ t (y 0 ) S(t;y 0 ) y 0 = y 0 ǫ( y 0 ) (5) lim ǫ( y 0 ) = 0. y 0 0 Pour s [0,t], on définit donc z(s) = ϕ s (y 0 ) + S(s;y 0 ) y 0 : z( ) n est pas solution du système différentiel (1), mais peut-être vue comme une solution approchée { ż(s) = f(z(s)) δ(s) z(0) = y 0 + y 0, avec ) δ(s) = f (ϕ s (y 0 )+S(s;y 0 ) y 0 f(ϕ s (y 0 )) f y (ϕ s(y 0 ))S(s;y 0 ) y 0. La résolvantes(s;y 0 ) étant continue en la variables [0,t], elle est bornée par une constantem > 0, de sorte que si r ρ/m, la fonctionz(s) ne sort pas du cylindre compact K = {y R d ; s [0,t], y ϕ s (y 0 ) ρ} qui est lui-même contenu dans Ω 0 pourρsuffisamment petit (l intervalle[0,t] est en effet compact). 3
K ρ ϕ s (y 0 ) ρ y 0 L idée principale de la preuve est d appliquer le théorème des accroissements finis à la fonction c est-à-dire G( z) = f(z + z) f(z) f (z) z G( z) G(0) sup G (µ z) z 0 µ 1 puis d utiliser l uniforme continuité def (z) sur le compact K. Il vient alors sup G (µ z) = sup f (z +µ z) f (z) 0 µ 1 0 µ 1 = β( z ) où β( z ) est une fonction qui peut être choisie monotone en escalier, indépendante de z, et qui tend vers 0 lorsque z tend vers 0. Finalement, f étant Lipschitzienne (au moins localement et donc surk) de constante de LipschitzL, on a d après le lemme de Gronwall : z(s) ϕ s (y 0 + y 0 ) β ( M y 0 ce qui prouve la validité de (5) avecǫ(x) = β(mx)m elt 1 L. ) M y 0 elt 1 L Il reste alors à montrer que S(t;y 0 ) est continue par rapport à (t,y 0 ) 1. Pour (t,y 0 ) Ω 0, soit D un voisinage compact dey 0 tel que[0,t] D Ω 0. On définit Alors, pour toutỹ 0 D, on a L = sup f (ϕ s (y)). s [0,t],y D Ṡ(s;ỹ 0 ) Ṡ(s;y 0) = f (ϕ s (ỹ 0 )) ( ) S(s;ỹ 0 ) S(s;y 0 ) + (s) où (s) = ( ) f (ϕ s (y 0 )) f (ϕ s (ỹ 0 )) S(s;y 0 ) 1. On ne peut pas conclure directement car y 0 n est pas une valeur initiale pour S(s;y 0 ) mais un paramètre : le second membre du système obtenu par l adjonction de l équation ẏ = f(y) à l équation variationnelle n est donc pas Lipschitzien, sauf à supposer quef est de classe C 2. 4
de sorte que si sup s [0,t] (s) δ, alors (d après le théorème de Gronwall) sup S(s;ỹ 0 ) S(s;y 0 ) δ(etl 1). L s [0,t] Par composition,f (ϕ s (y 0 )) est continue eny 0 et on peut donc conclure à la continuité des(t;y 0 ) par rapport ày 0, puis par rapport à (t,y 0 ). Théorème 2.2 Sif est de classec k surd, alors(t,y) ϕ t (y) est également de classec k surω 0. Preuve. Par récurrence. 3 Propriétés géométriques du flot Dans cette partie, nous énonçons quelques propriétés géométriques du flot : il s agit de résultats de conservation de quantités dont l interprétation physique est pertinente dans de nombreuses applications. 3.1 Conservation du volume Suposons quef, de classec 1, soit de divergence nulle, c est-à-dire que ( ) f y D, div(f)(y) = Tr y (y) = d i=1 f i y i (y) = 0 Considérons alors un ensemble mesurableader d pour la mesuredy et Vol(A) = dy son volume. Le flot ϕ t ( ) considéré comme application de R d dans R d envoie chaque point y de A sur un point ϕ t (y) de ϕ t (A) et il est naturel de considérer le volume de l ensemble image ϕ t (A), à savoir : dy On a alors : ϕ t(a) Théorème 3.1 Pour un système différentiel de la forme ẏ = f(y), avec f de classe C 1 sur D telle que divf 0, alors pour tout ensemble mesurablea R d. A Vol(ϕ t (A)) = Vol(A) 5
Preuve. SoitΨ t (y) = ϕt y (y).ψ t est solution de l équation variationnelle { Ψt (y) = f y (ϕ t(y))ψ t (y), Ψ 0 (y) = I R d Pour une matricem GL d (R), on a : En effet : det(m +th) det(m) t Il vient donc 2 : H M d (R), (d M det)h = (detm)tr(m 1 H) = t 1 det(m) ( t d det( 1 ) t I R d +M 1 H) 1 = t 1 det(m)(1+ttr(m 1 H)+...+t d det(m 1 H) 1) = det(m)tr(m 1 H)+O(t) d dt det(ψ t(y)) = (d Ψt det) d dt Ψ t = det(ψ t )Tr(Ψ 1 d t dt Ψ t), = det(ψ t )Tr(Ψ 1 t ( y f(ϕ t (y)))ψ t ), = det(ψ t )Tr( y f(ϕ t (y))) = 0. Ainsi,det(Ψ t (y)) = det(ψ 0 (y)) = det(i R d) = 1, et ( dz = ) det ϕt y (y) dy = ϕ t(a) A A dy. 2. On peut aussi faire un calcul direct. Soient Ψ 1,...,Ψ d les vecteurs colonnes de Ψ t et α i,j, 1 i,j d, les coefficients de la matriceθ = Ψ 1 t y f(ϕ t (y))ψ t. On a bien sûr pour toutj = 1,...,n d dt Ψ j = ( y f(ϕ t (y)))ψ j = Le déterminant étant unen-forme antisymétriqueω d, on a : d α i,j Ψ i. i=1 d dt det(ψ t) = = d ω d (Ψ 1,...,Ψ j 1, Ψ d j,ψ j+1,...,ψ d ) = ω d (Ψ 1,...,Ψ j 1,α i,j Ψ i,ψ j+1,...,ψ d ), j=1 i,j=1 d α j,j ω d (Ψ 1,...,Ψ j 1,Ψ j,ψ j+1,...,ψ d ) = Tr(Θ)det(Ψ t ) = det(ψ t )Tr( y f(ϕ t (y))) = 0. j=1 6
3.2 Conservation de l énergie Dans cette sous-section et la suivante, on suppose que le système différentiel (1) est Hamiltonien, c est-à-dire qu il peut d écrire sous la forme ẏ = J 1 y H(y), où H( ) est une fonction der 2d dans R et oùj est la matrice dem 2d (R) ( ) 0 Id J = I d 0 En partitionnant y en y = (p T,q T ) T où p et q sont deux vecteurs de R d (en physique, q désigne le vecteur position et p le vecteur quantité de mouvement), on peut aussi écrire le système sous la forme { ṗ = q H(p,q) q = p H(p,q) Notons que pour un système Hamiltonien, on a divf = Tr( f y ) = Tr(J 1 2 H) = Tr( 2 HJ T ) = Tr(J 1 2 H) = divf = 0 de sorte que le flot d un système Hamiltonien préserve le volume. On a en outre : Théorème 3.2 Soitϕ t le flot associé à un système Hamiltonien. Alors, pour tout(t,y) Ω 0,H(ϕ t (y)) = H(y). Preuve. Le long de toute trajectoire exacte, il vient d dt H(ϕ t(y)) = H y ϕ t(y) = ( H(ϕ t (y))) T J 1 H(ϕ t (y)) = 0 car la matricej est antisymétrique, i.e.j T = J. 3.3 Symplecticité et flot Hamiltonien 3.3.1 Quelques éléments de géométrie On considére le parallélogrammep der 2d engendré par les vecteurs [ ] [ ] ξ p η p ξ = et η = dans l espace des phases (p,q) : P = {tξ +sη 0 t,s 1} 7 ξ q η q
R 2d 2 ξ η q I p I (ξ p i ηq i ξq i ηp i ) FIGURE 1 Applicationω En dimension1, l aire orientée dep s écrit : aire.orientée(p) = ξp η p ξ q η q = ξp η q ξ q η p. En dimension d > 1, on remplace cette expression par la somme ω(ξ, η) des aires orientées des projections sur les plans(p i,q i ) dep : ω(ξ,η) = d ξp i ξ q i=1 i η p i η q i d = (ξ p i ηq i ξq i ηp i ). ω définit ainsi une forme bilinéaire antisymétrique, que l on peut encore écrire : où J est la matrice définie précédemment. 3.3.2 Transformations symplectiques i=1 ω(ξ,η) = ξ T Jη, Définition 3.3 Une application linéairea : R 2d R 2d (confondue une fois encore avec sa représentation matricielle degl 2d (R)) est dite symplectique si : c est-à-dire de manière équivalente, si : A T JA = J, (ξ,η) R 2d R 2d, ω(aξ,aη) = ω(ξ,η). En dimension d = 1, la symplecticité de A ne traduit rien d autre que la conservation des aires. En dimension d > 1, elle traduit la conservation de la somme des aires orientées des projections sur les plans(p i,q i ). 8
ψ s ds ψ t dt g g ψ s ds R 2d 2 (p 0,q 0 ) q I g ψ dt t q I g(p 0,q 0 ) p I p I FIGURE 2 Image dem par g Définition 3.4 Une applicationg deu ouvert der 2d dansr 2d, de classec 1 suru, est dite symplectique si sa matrice jacobienneg (y) est symplectique pour touty deu, c est-à-dire si : ou de manière équivalente si : y U, (g (y)) T Jg (y) = J, y U, (ξ,η) R 2d R 2d, ω(g (y)ξ,g (y)η) = ω(ξ,η). Soit M une variété bidimensionnelle deu, telle qu il existe une carte globale : M = ψ(k), où K est un compact de R 2 et ψ(s,t) un difféomorphisme de K dans M. M peut être vue comme la limite de l union de petits parallélogrammes engendrés par les vecteurs ψ ψ ds et s t dt. Alors, la somme des aires orientées des projections sur les plans(p i,q i ) de tous ces parallélogrammes s écrit : Ω(M) = ω( ψ ψ (s,t), s t (s,t))dsdt. K Théorème 3.5 Soit U un ouvert de R 2d et g une application de U dans R 2d, de classe C 1. Si g est symplectique suru, alors elle préserveω(m), c est-à-dire : Ω(g(M)) = Ω(M) 9
Preuve. La sous-variétég(m) peut être paramétrée parg ψ surk. On a donc : g ψ g ψ Ω(g(M)) = ω( (s,t), (s,t))dsdt K s t = ω(g (ψ(s,t)) ψ K s (s,t),g (ψ(s,t)) ψ t (s,t))dsdt ( ) T ψ = s (s,t) (g (ψ(s,t))) T Jg (ψ(s,t)) K = Ω(M) } {{ } =J ψ t (s,t)dsdt 3.3.3 Symplecticité du flot d un système Hamiltonien On considère toujours une fonction f(y) = J 1 y H(y) et le système différentiel Hamiltonian associé. Théorème 3.6 (Poincaré 1899) Soit H( ) une fonction de classe C 2 d un ouvert D de R 2d dans R (telle que y H( ) soit localement Lipschitzienne). Alors pour tout (t,y) Ω 0, ϕ t est une transformation symplectique. Preuve. La matriceψ t (y) = ϕt est solution de l équation variationnelle : y { Ψt (y) = J 1 2 H(ϕ t (y))ψ t (y) Ψ 0 (y) = I 2d Or 2 H(ϕ t (y)) est symétrique, i.e.(( 2 H(ϕ t (y))) T = 2 H(ϕ t (y)). D où : d ( Ψ T dt t (y)jψ t (y) ) = Ψ T t (y)jψ t(y)+ψ T t (y)j Ψ t (y), = Ψ T t (y)( 2 H) T } J T {{ J} Ψ T t (y)+ψt t (y)j 1 }{{} J( H)Ψ t (y) = J 1 J= I =I = 0 En outre, pourt = 0 on a ce qui permet de conclure. Ψ T 0 (y)jψ 0(y) = I T JI = J Théorème 3.7 Soit D un ouvert connexe de R 2d et f une fonction C 1 de D dans R 2d. On suppose qu il existe unt > 0 et un ouvertu simplement connexe ou étoilé tels que[0,t] U Ω 0 et que pour tout0 s t et touty U,ϕ s (y) est symplectique. Alors,ẏ = f(y) est un système Hamiltonien sur U, c est-à-dire qu il existe une fonctionh de classec 2 suru telle que y U, f(y) = J 1 y H(y). 10
Preuve. Pour tout(s,y) [0,t] U, Ψ s (y) = ϕs est solution de l équation variationnelle : y { Ψs (y) = f (ϕ s (y))ψ s (y) Ψ 0 (y) = I 2d En différentiant, il vient : d ( Ψ T ds s (y)jψ s (y) ) ( ) = Ψ T s (y) (f (ϕ s (y))) T J +Jf (ϕ s (y)) Ψ s (y) En écrivant l égalité pour s = 0 et en tenant compte de J T = J, on voit que Jf (y) doit être symétrique pour tout y U. Donc Jf (y) = y H(y) d après le lemme d intégrabilité détaillé ciaprès. Lemme 3.8 (Lemme d intégrabilité) SoitU un ouvert der n et f : U R n une fonction de classe C 1, telle que f (y) soit symétrique pour tout y U. Alors, pour tout y 0 de D, il existe un voisinage V(y 0 ) et une fonctionh définie surv(y 0 ) telle que : y V(y 0 ), f(y) = y H(y). (6) Preuve. SoitB 0 U une boule de centre y 0 contenue dans U. On définith surb 0 par : H(y) = 1 Il vient alors, en utilisant la symétrie def (y) : H y j (y) = = = 1 0 1 0 1 0 = f j (y) 0 (y y 0 ) T f(y 0 +t(y y 0 ))dt. f j (y 0 +t(y y 0 ))+t(y y 0 ) T f y j (y 0 +t(y y 0 ))dt f j (y 0 +t(y y 0 ))+t(y y 0 ) T ( y f j )(y 0 +t(y y 0 ))dt d dt (tf j(y 0 +t(y y 0 )))dt Remarque 3.9 Lorsque l ouvert considéré est étoilé par rapport à l un de ses points y 0 U, alors on peut définirh sur toutu. Remarque 3.10 Dans le cas général d un ouvert quelconque, le résultat du théorème 3.7 est faux. Considérons par exemple le système : { ṗ = p p 2 +q 2 q (7) q = p 2 +q 2 11
q δ(t) δ 0 p FIGURE 3 Symplecticité du flot de (7) : conservation de l aire défini sur U = {(p,q) R 2 ;(p,q) (0,0)}. Pour(p 0,q 0 ) U, le flot s écrit : [ ] p0 ϕ t (p 0,q 0 ) = α(t,r 0 ), avec α(t,r 0 ) = 1+2t/r0 2 et r 0 = p 2 0 +q0. 2 Sa dérivée [ ] [ ϕ t (p 0,q 0 ) = ( p0 α)p 0 +α ( q0 α)p 0 = ( p0 α)q 0 ( q0 α)q 0 +α q 0 ϕ t (p 0,q 0 est de la forme : ) ( r0 α) p2 0 r 0 +α ( r0 α) p 0q 0 r 0 ( r0 α) p 0q 0 r 0 ( r0 α) q2 0 r 0 +α C est une matrice symplectique si α 2 + αr 0 ( r0 α) = 1, ce qui se vérifie par un simple calcul. Localement, on peut écrire le système comme un système Hamiltonien. Par exemple, dans le demiplanp > 0, on peut prendreh(p,q) = arctan q et vérifier que : p q H(p,q) = 1 p p H(p,q) = q p 2 1 1+ q2 p 2 = 1 p = 1+ q2 p 2 +q = ṗ (8) 2 p 2 q = q (9) p 2 +q2 A contrario, supposons qu il existe un H de classe C 2 sur U, tel que le champ de vecteur f(p,q) = (p 2 +q 2 ) 1 [p,q] T s écrivef(p,q) = J 1 p,q H(p,q). Considérons alors la forme différentielle ω p,q = f 2 (p,q)dp f 1 (p,q)dq (10) et calculons son intégrale le long du cheminγparamétré par(p,q) = (cos(θ),sin(θ)) : 2π ( ) sin(θ) 2π ω = ω cos(θ),sin(θ) dθ = ( sin 2 (θ) cos 2 (θ))dθ = 2π cos(θ) Γ 0 Or on aurait par ailleurs ω p,q = ( p H)(p,q)dp + ( q H)(p,q)dq = dh dont l intégrale sur Γ est nulle.h ne peut donc pas ḙtre défini sur toutu. L hypothèse de simple connexité est essentielle pour cela. 12 0 ].
4 Flot et dérivées de Lie Dans cette partie, nous nous intéressons à la composition de flots associés à des fonctionsf 1 etf 2 différentes. Il est en effet naturel, dans un certain nombre de situations, de considérer les flots ϕ 1 t et ϕ 2 t associés à chacun des termes de la sommef = f 1+f 2 de deux fonctions der d andr d, supposées toutes deux continues et localement Lipschitziennes sur un ouvert connexed. 4.1 Représentation exponentielle du flot Définition 4.1 Soitf une fonctionc 1 (D,R d ). L opérateur dérivée de LieL f est défini par : ( ) L f = f, y au sens où, sig une fonction dec 1 (R d,r m ), on a : ( ) g y R d, L f [g](y) = y (y) f(y) = g (y)f(y) Sif etg sont supposées de classec, alors on peut itérer l opérateurl f et considérer ses puissances L k f en définissant L k+1 f [g] = L f [L k f [g]],k = 1,..., On obtient par exemple : L 2 f [g] = g (f,f)+g f f Par ailleurs, il vient successivement L 3 f[g] = g (f,f,f)+3g (f f,f)+g f (f,f)+g f f f d dt g(ϕ t(y)) = g (ϕ t (y)) ϕ t (y) = g (ϕ t (y))f(ϕ t (y)) = L f [g](ϕ t (y)) d 2 dt 2g(ϕ t(y)) = g ( ϕ t (y),f)+g f ϕ t (y) = L f [ d dt g(ϕ t(y))] = L 2 f [g](ϕ t(y)) où l argument ϕ t (y) de g, f et f a été omis dans la second ligne pour alléger les notations, et plus généralement d k dt kg(ϕ t(y)) = (L k f[g])(ϕ t (y)) de sorte que le développement en série de Taylor deg(ϕ t (y)) en t = 0 s écrit : g(ϕ t (y)) = k 0 t k k! (Lk f [g])(y) = exp(tl f)[g](y), 13
et pourg(y) = y : ϕ t (y) = exp(tl f )[Id](y) Notons que la série converge si f est analytique. Remarque 4.2 L opérateur L f fait apparaˆıtre la dérivée première de son argument g et est dit d ordre 1 pour cette raison. Le k-ième itéré de L f fait apparaˆıtre la dérivée k-ième de son argument g et est dit d ordrek. 4.2 Composition de flots et opérateur dérivée de Lie Considérons maintenant le cas de deux fonctions f 1 et f 2 de C 1 (R d,r d ). Les dérivées de Lie associées peuvent être appliquées l une après l autre. Par exemple, on a (L f1 L f2 )[g] = L f1 [L f2 [g]] = g (f 1,f 2 )+g f 2 f 1 (L f2 L f1 )[g] = L f2 [L f1 [g]] = g (f 2,f 1 )+g f 1f 2 d où il apparaît clairement que les opérateurs L f1 et L f2 ne commutent pas en général. Les deux opérateurs L f1 L f2 et L f2 L f1 sont d ordre2, mais de manière remarquable, L f1 L f2 L f2 L f1 est d ordre1 puisque le termeg (f 1,f 2 ) = g (f 2,f 1 ) disparaît. La composition des flotsϕ 1 s etϕ2 t peut alors s écrire (formellement ) comme : (ϕ 2 t ϕ1 s )(y) = exp(sl f 1 )exp(tl f2 )[Id](y). (11) Les opérateurs apparaissent dans l ordre inverse car (11) s obtient en considérant g(y) = ϕ 2 t(y) et en développantg(ϕ 1 s (y)). Les séries considérées sont des séries formelles, en général non convergentes, car les opérateurs L f1 et L f2 sont non bornés. Par ailleurs, si L f1 et L f2 ne commutent pas, alors exp(sl f1 )exp(tl f2 ) exp(sl f1 +tl f2 ). Cependant, on peut formellement procéder à l identification exp(sl f1 )exp(tl f2 ) = exp(l(s,t)) avec L(s,t) = sl f1 +tl f2 +st[l f1,l f2 ]+ s2 t 12 [L f 1,[L f1,l f2 ]]+ st2 12 [L f 2,[L f2,l f1 ]]+... (12) où[l f1,l f2 ] = L f1 L f2 L f2 L f1. Cette identification devient rigoureuse si elle est interprétée comme l identification de développements de Taylor au voisinage de s = t = 0. Les termes suivants du développement sont donnés par la formule Baker-Campbell-Hausdorff (BCH). La formule (12) conduit à penser que si[l f1,l f2 ] = 0, alors les flotsϕ 1 s et ϕ 2 t commutent. Le résultat est vrai mais ne peut être démontré à partir de (12) puisque les séries considérées ne sont pas convergentes. Théorème 4.3 Soientf 1 etf 2 deux champs de vecteurs dec 1 (R d,r d ). La composition des flotsϕ 1 s et ϕ 2 t est commutative si et seulement si ( )( f1 [L f1,l f2 ] = y y f 2 f ) 2 y f 1 = 0. 14
Preuve. Quitte à reparamétrisersen multipliantf 1 par une constante (ce qui ne change rien à la nullité du crochet de Lie), on peut considérer s = t. On remarque tout d abord que, d après la formule (12), pour touty der d, et pourh > 0 suffisament petit : (ϕ 2 h ϕ 1 h ϕ 2 h ϕ 1 h)(y) = O(h 3 ) (13) où la constante contenue dans O est obtenue par majoration des dérivées sur un compact contenant (ϕ 2 u ϕ1 v )(y) et (ϕ1 v ϕ2 u )(y) pour tout0 u,v t. Prenons h = t/n. Il vient : ϕ 2 t ϕ1 t = ϕ 2 t h ϕ2 h ϕ1 h ϕ1 t h = ϕ 2 t h ϕ 1 h ϕ 2 h ϕ 1 t h +O(h 3 ) = ϕ 2 t h ϕ1 2h ϕ2 h ϕ1 t 2h +2O(h3 ) = En répétant l opérationn fois, on obtient : = ϕ 2 t h ϕ 1 Nh ϕ 2 h +NO(h 3 ). (ϕ 2 t ϕ1 t ϕ1 t ϕ2 t ) = N2 O(h 3 ) = O(1/N) (14) Preuve. [Preuve alternative] Quitte à reparamétriser s en multipliant f 1 par une constante (ce qui ne change rien à la nullité du crochet de Lie), on peut considérer s = t. La loi de groupe ϕ 1 t ϕ 1 s = ϕ 1 t+s = ϕ1 s ϕ1 t donne par dérivation par rapport àt i.e. et donc pourt = 0 Montrons la relation similaire suivante On a par dérivation à nouveau d ( ) ( y ϕ 1 dt t) f 2 f 2 ϕ 1 t ϕ 1 t ϕ1 s = y(ϕ 1 s ) ϕ1 t ϕ1 t f 1 ϕ 1 t ϕ1 s = y(ϕ 1 s ) ϕ1 t (f 1 ϕ 1 t ) f 1 ϕ 1 s = y (ϕ 1 s) f 1. ( y ϕ 1 t ) f 2 = f 2 ϕ 1 t. = ( y ϕ 1 t) f 2 y f 2 ϕ 1 t ϕ 1 t = y f 1 ϕ 1 t yϕ 1 t f 2 y f 2 ϕ 1 t f 1 ϕ 1 t = y f 1 ϕ 1 t yϕ 1 t f 2 y f 1 ϕ 1 t f 2 ϕ 1 t ( ) = y f 1 ϕ 1 t ( y ϕ 1 t ) f 2 f 2 ϕ 1 t où l on a utilisé la nullité du crochet de Lie et remplacé y f 2 f 1 par y f 1 f 2. Donc la fonction w(t) := ( y ϕ 1 t ) f 2 f 2 ϕ 1 t satisfait une équation différentielle linéaire avec condition initiale 15
w(0) = f 2 f 2 = 0. Elle est donc constamment nulle. Il vient maintenant d dt (ϕ1 t ϕ2 t ) = ( ϕ1 t ) ϕ2 t +( yϕ 1 t ) ϕ2 t ϕ2 t = f 1 ϕ 1 t ϕ 2 t +( y ϕ 1 t) ϕ 2 t f 2 ϕ 2 t = (f 1 +f 2 ) (ϕ 1 t ϕ2 t ) La même relation est satisfaite par ϕ 2 t ϕ1 t. Les fonctions ϕ2 t ϕ1 t et ϕ1 t ϕ2 t satisfont donc la même équation différentielle avec la même condition initialeϕ 2 0 ϕ 1 0 = ϕ 1 0 ϕ 2 0 = id, donc par unicité sont égales. 16