Libre-Propos HISTOIRE DE LA SELECTION DE LA BETTERAVE : LE POINT DE VUE D UN ACTEUR DE LA SELECTION MODERNE

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"Le Sélectionneur Français" 2009 (60), 117-121 Libre-Propos HISTOIRE DE LA SELECTION DE LA BETTERAVE : LE POINT DE VUE D UN ACTEUR DE LA SELECTION MODERNE Michel DESPREZ Florimond-Desprez BP 41, Cappelle-en-Pévèle, 59242 Templeuve LES CARACTERISTIQUES DE LA PLANTE La betterave est la plante qui a la production de sucre à l hectare la plus élevée : 13 tonnes de sucre blanc à l hectare en six mois, alors que la canne au Brésil ne produit que 10 tonnes en un an. C est une plante en C3, alors que la canne étant d origine tropicale est une plante en C4. La richesse de la betterave est sans doute en relation avec ses origines maritimes. Le sucre équilibre la pression osmotique due au sel, ce qui permet l augmentation des richesses de la betterave cultivée. La betterave est la plante sucrière qui consomme le moins d eau à la tonne de sucre. La canne poussant toute l année y compris l été demande en moyenne 4 fois plus d eau à la tonne de sucre que la betterave, d où le développement de la betterave d automne et d hiver dans les pays méditerranéens : Californie, Maroc, Egypte, Syrie et Iran ainsi qu au Pakistan. C est aussi la plante qui consomme le moins d azote à la tonne de sucre, 80 kilos quand j ai commencé ma carrière (1953) et 8 kilos actuellement, soit 10 fois moins d azote au contraire du blé, du maïs, des graminées fourragères pour lesquels on a augmenté la dose d azote pour augmenter les rendements à l hectare. Les maladies graves ont été résolues rapidement : - la Rhizomanie, maladie tellurique transmise par un champignon, Polymyxa betae et Rhizoctonia solani qui se développe actuellement par suite de l abondance du maïs dans les rotations et qui est également une maladie tellurique ; - des maladies du feuillage : le Cercospora, la rouille, l oïdium sont des maladies dues à des champignons. Ces maladies peuvent entraîner des pertes importantes, notamment le Cercospora qui dans les pays comme l Italie par suite de la repousse dès le début de la récolte au mois d août entraîne des baisses de richesse catastrophique (on peut trouver des richesses aussi basses que 13 % de sucre voir certaines années 8 %). En France les richesses actuelles sont de l ordre de 18 % de sucre d où des taux d extraction pouvant atteindre 90 voir 91 %. Ces dernières années des betteraves tolérantes ont été obtenues en introduisant des gènes de betteraves sauvages ancêtres de la betterave cultivée.

118 Pour présenter l histoire de la sélection des betteraves modernes, nous verrons successivement : - La sélection de la betterave aux Etats-Unis avec la crise du Curly-top et la formation de l école d amélioration de la betterave qui est actuellement la meilleure au monde. - La sélection de la betterave en Russie. - L histoire de l amélioration de la betterave en France et en Europe. L HISTOIRE DE LA SELECTION DE LA BETTERAVE AUX ETATS-UNIS : Le Curly Top est une maladie à virus, apparue en Californie et qui s est développée par la suite dans toutes les régions désertiques. En effet, le Curly Top est transmis par une Cicadelle, vecteur du virus, qu elle puise dans une plante bien adaptée au désert. Le virus a amené une véritable catastrophe dans la culture de la betterave et si les Américains n avaient pas trouvé une solution, il n y aurait plus de betterave pratiquement sauf dans la Red River Valley aux Etats-Unis. Avant la première guerre mondiale le Curly Top était peu développé, mais il s est étendu rapidement. Les graines de betteraves Américaines (environ 1 000 tonnes de multigermes diploïdes) à l époque venaient essentiellement d Europe. Il n y avait pas de production en Amérique. Ces variétés étaient d origine allemande comme Kleinwanzlebener et Dippe ou Polonaise comme Janascz. Bien que 1000 tonnes de graines soit un marché très important pour l époque, les maisons européennes se désintéressèrent complètement d améliorer la résistance au Curly Top des betteraves américaines. C était donc pour les Américains une nécessité de sélectionner eux-mêmes ou alors il faudrait arrêter toute production du sucre aux Etats-Unis. Vers 1920 l USDA (le département de l agriculture Américain) développa une station de sélection pour la betterave à Salinas en Californie. Les généticiens Américains étaient beaucoup plus avancés que les Européens à cette époque, ils avaient étudié avec T H Morgan les gènes, les chromosomes, les cartes génétiques. En effet, en France par exemple les lois de Mendel (1865) étaient pratiquement passées inaperçues, ce n est qu en 1900 que Correns, Erich Tschermak et De Vries ressuscitèrent en même temps les découvertes de Mendel et montrèrent leur importance. Carl Erich Correns, généticien Allemand a non seulement redécouvert les lois de Mendel, mais a proposé une théorie d hérédité chromosomique avant le généticien Thomas Hunt Morgan. De Vries, s est intéressé aux problèmes des mutations et Tschermak a travaillé sur des questions pratiques liées au développement des plantes. Correns étudie le phénomène par lequel le pollen fertilise les plantes. Il détermine chez plusieurs espèces l effet du pollen sur les plantes de plusieurs générations successives, et publie en 1900 sur la loi de disjonction des hybrides, ouvrage dans lequel il décrit une théorie de l hérédité, dont il reconnaîtra plus tard la priorité à Gregor Mendel. Il élabore ensuite une théorie explicitant le rôle des chromosomes comme porteurs de l hérédité. Il découvre également en 1909 simultanément et indépendamment d Erwin Baur, l hérédité cytoplasmique extranucléaire transmise par les plasmides des plastes. L école américaine a profité de toutes ces redécouvertes et a pu dès le départ donner à ses travaux une bonne assise ce qui lui a permis de développer les travaux du département de l agriculture américain. En 1920 cette école se développe et actuellement, il faut bien reconnaître que la recherche génétique en matière de betterave fondamentale est faite par les Américains. Cette recherche a beaucoup aidé les sélectionneurs Européens.

119 LA SITUATION EN UNION SOVIETIQUE Nous étions à la Sorbonne tout le groupe génétique de l Agro, quant a eu lieu la querelle de Lyssenko, Mitchourine avec Vavilov. Vavilov avait travaillé beaucoup à Saint Petersbourg, Petrograd à cette époque puis Leningrad sur l origine des plantes cultivées. Il énonça trois lois : la première sur les centres d origine, la deuxième sur l émancipation des récessifs et la troisième sur la loi des variations parallèles. Communiste convaincu, Lyssenko, fit des études pour démontrer que le milieu influence le développement des plantes et les modifie. Autrement dit Lyssenko était un lamarckien et était contre la théorie classique de l hérédité. La théorie classique disait que les hommes naissaient avec un matériel génétique et que leur évolution dépendait des lois de l hérédité. Le régime communiste avec Staline à sa tête favorisa Lyssenko et Vavilov finit par être arrêté en 1940 et mis en prison où il mourra de faim en 1943. Pourquoi cette attitude des communistes? Les Agros qui étaient à l époque avec moi à la Sorbonne, ont compris qu il valait mieux pour les communistes que ce soit Lamarck qui ait raison et non la génétique traditionnelle. Les communistes voulaient faire d Homo sapiens Homo sovieticus, il valait mieux l adaptation au milieu que la génétique pour satisfaire au communisme. Les conséquences pour la Russie et les Soviets dans l ensemble furent catastrophiques. Il faut dire que le régime communiste a complètement échoué dans l agriculture. Lénine au départ avait confisqué les terres et il s ensuivit dans les années 20 des famines qui firent la misère de tous les peuples soviétiques ; aussi, Lénine rendit la terre aux paysans et la famine s arrêta. Staline voulut à nouveau nationaliser les terres et déclara aux paysans : «si vous ne donnez pas vos terres à la coopérative, je vais interdire les semis en Ukraine». Il fit garder les entrepôts par l armée baïonnette au canon. Le résultat fût catastrophique, il s ensuivit une famine en Ukraine dans les années 1930 à 1935 qui fit 5 millions de morts, car en 1933 rien n avait été semé. Néanmoins, Staline persista dans ses méthodes. Lyssenko «démontra» qu on pouvait transformer un blé d hiver en blé de printemps en le semant plusieurs fois de suite au printemps et il fit croire qu ainsi, il allait donner à ses blés de printemps le rendement des blés d hiver. Deux élèves de l Institut de la betterave d Ukraine, la station de Belaïa Tcherckow, Madame Bordonow et Monsieur Savitsky se basant sur la loi des variations parallèles se dirent qu il devait y avoir des monogermes dans la betterave cultivée. Ils firent des recherches et obtinrent rapidement, avant guerre, en prospectant tous les porte-graines qu ils avaient sous la main, plusieurs souches monogermes et publièrent à l IIRB cette découverte. La haine entre les Ukrainiens et les Russes fit que pendant l occupation allemande, les Ukrainiens collaborèrent avec les Allemands. Le Docteur Savitsky enseigna à l Université de Pozen devenue Poznan en Pologne. Bien entendu, Staline considéra que Savitsky était un homme à abattre car il avait collaboré avec les Allemands. Savitsky réussit à s échapper et il se retrouva en Allemagne de l Ouest dans un camp de réfugiés. Mac Farlane Président de l USDA alla récupérer Savitsky dans son camp de réfugiés pour obtenir les souches monogermes. Savitsky partit pour les Etats-Unis où il fût bien entendu reçu comme un grand savant. Il fit une nouvelle recherche et déclara qu il avait trouvé dans la variété Michigan une souche monogerme, mais on ne saura jamais s il avait ramené des souches monogermes de Russie. Il transforma ce matériel monogerme en auto fertile ce qui permit de le stabiliser rapidement et de convertir avec le matériel américain découvert par Owen ce matériel en monogerme mâle stérile. D où, à partir de là, le développement des variétés hybrides monogermes.

120 Les Soviets pendant ce temps n avaient pas les mâles stériles, ils essayèrent de faire des monogermes en mettant des souches monogermes entourées de pollinisateurs multigermes, le tout étant récolté en vrac. C est la raison pour laquelle, quand je reçus une délégation Soviétique à Cappelle celle-ci voulait surtout savoir comment nous séparions les monogermes des multigermes. Je leur ai dit qu il suffisait de passer d abord à un tamis à maille ronde qui laissait passer les multigermes et les monogermes en les calibrant, et de passer ensuite le mélange calibré monogermes + multigermes à un tamis à maille longue pour séparer les deux types de graines. Malheureusement, bien entendu le nombre d hybrides ne fut pas très important et le progrès des betteraves en Union Soviétique fut très faible. L HISTOIRE EN FRANCE Les Américains au moment du plan Marshal distribuèrent à tous les sélectionneurs d Europe des souches monogermes mâles stériles. Malheureusement, en Amérique les cultures de printemps n ont pas de retour de froid comme nous en avons en Europe et le matériel SLC 101 se révéla très sensible à la montée à graine. Le seul matériel qui se montra résistant à la montée fut celui de la station de Salinas qui travaillait pour des betteraves semées à l automne et qui devaient donc être résistantes à la montée. Ce matériel du domaine public pouvait être récupéré facilement, mais les chercheurs conservèrent le matériel au lieu de le distribuer aux sélectionneurs privés. Il s ensuivit que les sélectionneurs français en particulier qui étaient obligés de faire la sélection montée ne profitèrent pas de ce matériel directement résistant à la montée. D où l avance considérable de quelques grandes firmes qui avaient récupéré ce matériel automnal. Ce fut alors la grande hécatombe des maisons de sélection en France qui au nombre d une bonne vingtaine se réduisirent à une maison de sélection : la Maison Florimond Desprez. Les Maisons qui avaient profité du matériel automnal en particulier Maribo et Hilleshög prirent une part considérable du marché dépassant en France les 80 % de graines semées. Cette évolution se produisit vers 1960, époque où les betteraves ne devant plus être démariées furent sauvées et les progrès de rendement continuèrent, ce qui explique qu actuellement la betterave atteint des rendements exceptionnels. Quelques sélectionneurs français obtinrent du matériel tétraploïde pour faire des polyploïdes à partir du matériel allemand. Il y eut pendant la guerre trois pays qui sélectionnèrent des tétraploïdes pour produire des polyploïdes. Ce fut Hilleshög dont le matériel ne fut pas valable ce qui explique que cette société se convertit beaucoup plus vite aux monogermes avec le travail du Professeur Bosemark. Ce matériel très intéressant, car résistant à la montée et monogerme conquit rapidement le marché. Hilleshög prit pratiquement le marché en Europe et aux Etats-Unis. En France, il restait à cette époque comme sélectionneur producteur de monogermes Florimond Desprez et CERES qui avait obtenu par un accord tripartite avec Vanderhave et Hilleshög la possibilité de produire des monogermes génétiques. Hilleshög prit un moment plus de 80 % du marché Européen. Seul en Allemagne KWS réussit à garder une certaine vente, car KWS appartenait en partie à Zudsucker les sucreries d Allemagne du sud pour 25 % et ils purent développer comme cela une monogerme génétique vraisemblablement suite à une accord avec Hilleshög. Pour ce qui est des betteraves fourragères, elles furent obtenues en faisant des croisements entre mâles stériles sucrières résistantes à la montée et des fourragères aussi améliorées pour ce caractère. Pour éviter une teneur en matière sèche trop élevée les croisements furent faits en particulier par la Maison Florimond Desprez en utilisant des tétraploïdes fourragères pour baisser la teneur en matière sèche et de ne pas avoir de problème

121 d alimentation pour les bovins et les ovins. Par contre, l INRA fit des croisements entre des lignées mâles stériles et des lignées fourragères toutes deux diploïdes. Mais la teneur en matière sèche de ce matériel était visiblement trop élevée. Pour améliorer la betterave fourragère Florimond Desprez utilisa des fourragères pauvres et introduisit la résistance à la Rhizomanie par du matériel mâle stérile à résistance dominante (gène Rz) et des fourragères à résistance additive tétraploïde. LA SITUATION EN ALLEMAGNE ET EN EUROPE En 1958, nous obtenions un accord pour la représentation de Poly beta en France. Je passais trois jours avec le Docteur Schlösser qui était le grand producteur de betteraves polyploïdes. Je passais ces trois jours avec lui pour essayer de le convaincre de l avenir de la monogermie. Il me répondit qu à son avis les monogermes n avaient aucun avenir et qu il fallait continuer à utiliser les multigermes. Au début Kleinwanzlebener essaya de rattraper son retard en faisant comme les soviétiques des mélanges entre des monogermes fertiles et des tétraploïdes également fertiles, bien entendu, le pourcentage de croisement était insuffisant. La position du Docteur Schlösser fut très brutale, il me dit «mon jeune ami», c était la belle époque, j étais encore jeune, «la monogerme n a aucun avenir, par contre, nous aurons des problèmes avec des maladies nouvelles». «Le blé est cultivé depuis 10 000 ans et on connaît pratiquement toutes les maladies du blé. Je serais étonné si chez la betterave nous n avions pas un problème grave qui pourrait faire beaucoup de mal à notre plante». Il annonçait la Rhizomanie avec une certaine prémonition. Florimond Desprez sélectionna seul, mais n ayant pas les moyens de KWS fut en retard, ce qui explique la primauté de Hilleshög avec Monohill et une variété Monosvalof, (car l accord de partage en trois parties du travail de Svalof la station officielle prévoyait que Hilleshög pouvait utiliser le terme de Svalof pour commercialiser des sucrières). Les progrès d Hilleshög avec Monohill et Monosvalof furent foudroyants, ils occupèrent rapidement 80 % du marché Européen. Ce fut une catastrophe pour les autres sélectionneurs qui eurent beaucoup de mal à tenir. En réalité, il n en eut plus que trois : CERES, van der HAVE regroupés avec la SES et KWS qui réussit à se maintenir très difficilement. Enfin, Florimond Desprez qui était devenu la petite maison au milieu des trois grandes. Fort heureusement, depuis avril 2005 nous avons repris SES van der HAVE et Florimond Desprez est ainsi devenu le deuxième sélectionneur, juste après KWS et d ailleurs quelques fois avant KWS et SYNGENTA qui a hérité des travaux de Hilleshög. Journée ASF du 5 février 2009