Discours prononcé par Irina Bokova, Directrice générale de l UNESCO, à l occasion de l événement parallèle organisé lors du 6 e Forum mondial de l eau sur le thème Ressources en eau et égalité des sexes : quel est le lien? Marseille, France 12 mars 2012 Mesdames et Messieurs, Mesdames et Messieurs les intervenants, Je tiens à vous remercier d assister à cet événement parallèle qui explore le lien entre ressources en eau et égalité des sexes. La semaine dernière, le 8 mars, nous avons célébré la Journée internationale de la femme, axée plus particulièrement sur l autonomisation des femmes rurales. Le 6 e Forum mondial de l eau est une excellente occasion d évoquer la situation des filles et de femmes partout dans le monde en matière d eau. La 4 e édition du Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau, que nous lançons aujourd hui met en lumière les défis auxquels les femmes sont confrontées et leur rôle vital. Notre principal message est un appel en faveur d un nouveau leadership dans le domaine de l eau douce. Ce leadership doit rassembler tous les acteurs impliqués dans l utilisation et la gestion de l eau. Il doit fédérer l ensemble des secteurs et activités en un tout cohérent. Il doit associer le local au national et relier le régional au mondial. Il doit aussi reconnaître, intégrer et renforcer le rôle des femmes. DG/2012/041 Original anglais
Un tel leadership est nécessaire pour gérer l eau douce de manière plus durable et en tirer le meilleur parti dans l intérêt de tous. Pour aller de l avant, il faut analyser la situation actuelle. Cette analyse, c est la 4 e édition du Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau qui la fournit. Hébergé par l UNESCO, le Programme mondial pour l évaluation des ressources en eau a réuni des membres et partenaires d ONU-Eau pour brosser un excellent tableau de la situation, de l utilisation et de la gestion des ressources en eau douce de la planète. Le rapport souligne les problèmes auxquels se heurtent différentes régions et examine les pressions qu exercent l incertitude et le risque à l échelle mondiale. Qu elles découlent des besoins croissant de l agriculture, de la production alimentaire et de la consommation d énergie ou des faiblesses de la gestion de l eau, ces pressions ne cessent d augmenter. Sans une bonne planification et une bonne adaptation, des centaines de millions de personnes seront confrontées aux problèmes de la faim et de la maladie, de la pénurie d énergie et de la pauvreté dus à la rareté de l eau, à la pollution et aux inondations. Il est quasiment certain que ce sont les femmes et les filles qui supporteront ce fardeau. C est pourquoi il est particulièrement important que l égalité entre les sexes soit prise en considération tout au long de ce rapport qui comprend également un chapitre spécifique sur l eau et l égalité des sexes. Il ressort du rapport que, partout dans le monde, les femmes ne cessent de rencontrer des obstacles pour exercer leurs droits d accès à une eau salubre. J aimerais souligner cinq points à retenir. DG/2012/041 page 2
Le premier concerne les disparités entre les sexes qui existent dans le domaine de l eau. Elles tiennent à la répartition des tâches dans la société, de nombreuses responsabilités relatives à l eau incombant aux femmes tandis que les hommes sont investis de la plupart des droits et pouvoirs en la matière. Prenons la question de la santé pour illustrer ce propos. Chaque jour, 884 millions de personnes sont privées du droit à une eau propre tandis que plus de 2,6 milliards d êtres humains n ont toujours pas accès à des installations sanitaires adéquates. Ces réalités, qui tendent à perpétuer les inégalités et comptent parmi les principales causes de pauvreté et de malnutrition, ont un retentissement disproportionné sur les femmes. Mon second point concerne le rôle des femmes. La plupart des analyses sont axées sur le rôle des femmes des pays en développement dans l approvisionnement en eau. C est effectivement une réalité dans de nombreux pays. Près d un tiers de la population mondiale souffre, sous une forme ou une autre, d une pénurie matérielle ou économique d eau. Le problème est plus grave encore pour les membres les plus pauvres et les plus marginalisés de la société. Il ressort d études menées dans 45 pays en développement que ce sont essentiellement les femmes qui se chargent d aller chercher l eau potable des familles et des communautés. Le Rapport sur la mise en valeur des ressources en eau dans le monde place cette question dans un contexte plus large. Il ne faut pas se préoccuper uniquement du fardeau que représente la corvée d eau sur le plan physique. DG/2012/041 page 3
Il faut comprendre que les femmes occupent une place plus large dans le partage, l attribution et la distribution des ressources en eau. Il faut renforcer leur rôle dans la gouvernance de l eau c est-à-dire dans les processus et institutions politiques, sociaux et économiques qui gouvernent son utilisation, sa mise en valeur et sa gestion. Un troisième point concerne le rôle des femmes en tant qu agricultrices. Il est indispensable de reconnaître la contribution capitale des femmes à la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Elles participent à toutes les étapes de la chaîne alimentaire depuis les semailles et les moissons jusqu au stockage et à la préparation des aliments à consommer. Toutes les études soulignent l autonomisation des femmes dans l agriculture comme un moteur du développement durable. L Organisation des Nations Unies pour l alimentation et l agricutlrue estime que combler l écart entre les sexes en matière d apports agricoles pourrait sauver 100 à 150 millions de personnes de la faim. Le Rapport sur le développement dans le monde 2012 de la Banque mondiale postule que l égalité d accès des agricultrices aux ressources pourrait accroître la production agricole globale des pays en développement de 2,5 à 4 %. La propriété des terres est ici un point essentiel puisque 5 à 15 % seulement des femmes dans le monde possèdent les terres qu elles travaillent. En dépit de tout cela, les femmes sont souvent exclues de l équation. Il faut veiller à ce que les politiques nationales et internationales leur accorde l attention dont elles ont besoin pour renforcer la santé alimentaire depuis l irrigation jusqu à l accès à des intrants agricoles de qualité tels que les engrais. Un quatrième grand point du rapport concerne les catastrophes naturelles. DG/2012/041 page 4
Il faut des données plus détaillées, ventilées par sexe sur cette question, mais toutes les tendances vont dans le même sens. Les femmes souffrent de façon disproportionnée des risques naturels parce que l inégalité de leur statut socioéconomique les rend plus vulnérables que les hommes aux catastrophes liées au changement climatique comme les sécheresses et les inondations. Elles représentent aussi la majorité des personnes déplacées à l intérieur de leur propre pays en raison du changement climatique. Il convient de le reconnaître et de l intégrer à toutes les politiques de soutien à la réduction des risques de catastrophes et de mitigation de celles-ci. Mon dernier point réunit tous les précédents. Bien que les femmes jouent un rôle indispensable, leur participation à la planification et à la gestion des ressources en eau reste limitée. C est un message essentiel de la 4 e édition du Rapport sur la mise en valeur des ressources en eau dans le monde il faut tenir compte de la voix des femmes et des responsabilités qu elles exercent à tous les niveaux de la prise de décision. Les enjeux sont considérables. Ils concernent la capacité des femmes, et des hommes, du monde entier à exercer leurs droits. Ils portent également sur la nécessité de gérer durablement les ressources limitées de la planète. Ils sont au cœur de tous les efforts pour atteindre les objectifs de développement convenus sur le plan international, y compris les Objectifs du Millénaire pour le développement. Le Rapport sur la mise en valeur des ressources en eau fait apparaître de fortes disparités entre les sexes en matière d utilisation et de gestion ainsi que d allocation et de consommation de l eau. DG/2012/041 page 5
Il montre que dans la plupart des pays, les femmes sont des partenaires essentielles dans le secteur de l eau et de l assainissement. Il montre aussi que la gouvernance de l eau ne reflète pas ces réalités. Le rapport est un appel à l action. Il est présenté au public à point nommé, avant la Conférence des Nations Unies sur le développement durable. Rio + 20 doit être une réussite. Son succès doit partiellement tenir à l établissement d une feuille de route pour la gestion des ressources mondiales en eau douce qui inclut le rôle vital des femmes. Mesdames et Messieurs, L Égalité entre les sexes est une priorité globale de l UNESCO. Elle guide notre leadership de la campagne mondiale en faveur de l'éducation pour tous. Elle inspire les travaux entrepris par l UNESCO pour tirer le meilleur parti de la culture au service du développement et pour exploiter le pouvoir de la science dans l intérêt de toutes les sociétés. Nous œuvrons en étroite collaboration avec le Programme mondial pour l évaluation des ressources en eau afin de faire progresser ces travaux sur les dimensions sexospécifiques de la planification et de la gestion de l eau. Nous avons créé un Groupe consultatif sur l égalité des sexes pour intégrer des considérations en la matière dans cette 4 e édition du rapport. Tout cela n est qu un début. Il faut davantage d informations, y compris des indicateurs ventilés par sexe sur l utilisation et la gestion de l eau. Il faut renforcer le suivi et l analyse dans l optique de l égalité des sexes. DG/2012/041 page 6
Ces objectifs orienteront la cinquième édition du Rapport sur la mise en valeur des ressources en eau dans le monde. Le prix des disparités entre les sexes dans le domaine de l eau est inacceptable. Les inégalités érodent la dignité humaine. Elles nuisent à la santé des sociétés et réduisent les possibilités de croissance durable. Soutenir la participation pleine et active des femmes dans les processus de décision est une politique intelligente. Je vous remercie de votre attention. DG/2012/041 page 7