Les mûres ( Les mots ou expressions suivis d un * sont expliqués plus bas. Tu as le droit d aller les rechercher. Cela t aidera à mieux comprendre l histoire. ) Ce matin Mau se réveille en sursaut ; des cris sortent du plus profond de la grotte. C est encore son cousin Taïs qui a dû faire quelque bêtise et qui vient de se faire gronder par Ulva, sa maman. En effet, apparaît alors la mère, traînant l enfant par la main. Taïs vient tout simplement de désobéir, comme toi de temps en temps! Il veut toujours faire ce qui est interdit, mais il ne se rend pas bien compte que si on l interdit, c est souvent parce que c est dangereux! Cette fois-ci, il est tout de même bien conscient * du danger : sa main gauche saigne. Il a voulu jouer avec la provision de lames de silex que Tan, le grand-père, garde cachée dans une niche du deuxième couloir de la grotte. Ulva nettoie la plaie*, qui n est heureusement que superficielle*, avec un peu d eau et
une peau de chevreuil et envoie jouer Taïs au dehors ; il fait beau. Mau rejoint alors son cousin au bord du ruisseau. Une nuée* de moustiques les accompagne dans leur danse folle à la poursuite des libellules. Mais ces dernières, trop rapides, ne se laissent pas facilement attraper. Ils décident donc d abandonner les libellules pour aller ramasser quelques mûres dans les ronciers du Cabanis. Ils remontent tous deux à la grotte pour prendre chacun un panier en écorce de saule et, moitié courant, moitié marchant, ils arrivent bientôt sur le lieu de leur cueillette.
Les premières mûres ne tombent pas dans les paniers ; elles passent directement de la main à la bouche des deux enfants qui n ont encore rien mangé depuis qu ils sont levés. Une fois rassasié*, chacun continue à remplir son panier. Il fait déjà chaud en ce début de matinée ; aussi décident-ils d aller boire à la source. Les belles baies bien mûres, très sucrées, commencent à leur donner soif. Quand ils reviennent, un des paniers est renversé et ils entendent du bruit dans le roncier. Qu est ce que ça peut donc bien être? Un être humain? Un animal? Les deux enfants retiennent leur souffle et n osent pas bouger. Et si c était un étranger au clan, comme il en passe parfois? Et si c était un énorme sanglier? Et si c était un ours?
Mau regarde Taïs qui est rouge de peur. Lui-même sent le sang battre à ses tempes et son cœur fait de grands «boum-boum» dans sa poitrine. «Nous sommes trop loin pour crier, personne ne nous entendrait, donc ça ne sert à rien. Attendons!», dit Mau. Et tous deux, accroupis derrière un tronc couché, essaient d apercevoir sans être vus qui peut bien être là. L attente est longue, les bruits se poursuivent, mêlés, semble-t-il, de quelques grognements. Des sangliers! Une harde* entière, avec des laies*, des marcassins* Mau sait à ce moment-là qu il n y aura pas de grand et gros sanglier mâle, car les femelles ne veulent pas de leur compagnie tant qu elles ont les petits. Il se tourne alors vers son cousin et lui dit :
«Si nous les laissons faire, ces grands gourmands vont nous manger toutes nos mûres, même celles des paniers, et nous rentrerons à la grotte sans rien. Ah! si seulement nous avions nos sagaies*!» Taïs, un peu honteux d avoir eu si peur, lui répond : «Tant pis, on y fonce dessus en criant, et si les laies nous chargent* on grimpe aux arbres, d accord?» «D accord, à trois. Un, deux, trois!» Les deux garçons jaillissent* comme de beaux diables de derrière leur tronc en poussant des hurlements qui feraient pâlir des loups de honte. L effet de surprise est immédiat : toute la compagnie s enfuit à travers bois, sans demander ses restes. Le soulagement est grand chez les deux cousins car tout danger est écarté et ils peuvent continuer leur
cueillette. Le panier renversé n a pas trop souffert ; les mûres répandues sur le tapis des feuilles peuvent être en partie récupérées. Quand les deux paniers sont pleins, Mau et Taïs rentrent à la grotte. Ils racontent leur aventure, en oubliant de dire, comme cela peut t arriver, qu ils ont eu une sacrée frousse! Gorp, le père de Mau, leur dit encore une fois qu il faut être très prudent lorsqu on sort, et qu il ne faut surtout pas sortir sans arme! D autre part, il leur fait comprendre qu ils ont eu là une occasion d apporter de la viande fraîche au clan, et qu une occasion comme celle-là, ça doit se saisir quand ça passe. Les enfants ont compris. Ils promettent de penser à prendre leur sagaie la prochaine fois, puis se dirigent vers le feu d où vient une excellente odeur de soupe aux herbes. Penchés sur l outre* faite d une peau de chevreuil, ils savourent déjà des yeux le morceau de cerf qui baigne parmi les salsifis sauvages, les champignons de peuplier et la salade de campagne. C est que ça creuse l appétit, de vivre toujours au dehors!
Un peu de vocabulaire Conscient : il se rend bien compte du danger. Plaie : une coupure, une blessure. Superficiel(le): la coupure est légère, elle n est pas grave. Nuée : un gros nuage. Rassasié : il n a plus faim. Harde : une compagnie, un groupe de sangliers. Laies : la laie est la femelle du sanglier. Marcassins : le marcassin est le jeune sanglier. Sagaies : la sagaie est un javelot, une lance courte. Les laies chargent : elles foncent sur celui qui représente un danger pour ses marcassins. Ils jaillissent : ils bondissent. Les mûres sont répandues sur le sol : elles sont au sol. L outre : c est une peau cousue en forme de sac pour conserver et transporter les liquides (de l eau par exemple).