Communiqué de presse Non ruine en chaîne des éléments de structure des entrepôts couverts Philippe Gallois, Antoine Fillault & Thierry Murat - SAGL Les entrepôts couverts relèvent actuellement de la nomenclature des installations classées pour la protection de l environnement dans laquelle ils sont répertoriés à la rubrique 1510 s il y est stocké plus de 500 tonnes de produits combustibles sous conditions du volume de l entrepôt. Entrepôts couverts (stockage de matières ou produits combustibles en quantité supérieure à 500 tonnes dans des), à l exception des dépôts utilisés au stockage de catégories de matières, produits ou substances relevant, par ailleurs, de la présente nomenclature, des bâtiments destinés exclusivement au remisage des véhicules à moteur et de leur remorque, des établissements recevant du public et des entrepôts frigorifiques. Le volume des entrepôts étant : Régime 1. Supérieur ou égal à 300 000 m 3 ; Autorisation (A) 2. Supérieur ou égal à 50 000 m 3 mais inférieur à 300 000 m 3 ; Enregistrement (E) 3. Supérieur ou égal à 5 000 m 3 mais inférieur à 50 000 m 3. Déclaration (D) Contrôle périodique Des arrêtés ministériels fixent pour chaque catégorie d installation (A, E, D) les prescriptions techniques applicables. Une étude de non ruine en chaîne est-elle nécessaire pour les entrepôts couverts? L objectif principal poursuivi par les prescriptions techniques des arrêtés ministériels réglementant les entrepôts couverts est de réduire tant la gravité que la probabilité d occurrence d un incendie généralisé, tout en prescrivant des mesures importantes d accessibilité pour les moyens d intervention des sapeurs-pompiers et les ressources en eau nécessaires à engager la lutte contre cet incendie. Pour réduire les risques et rendre l intervention possible, les principes retenus par le législateur visent la réduction de la quantité de produits impliqués dans un incendie, donc la limitation de la taille des cellules de stockage impliquant un compartimentage au moyen de murs coupe-feu, une accessibilité facilitée sur toutes les façades de l entrepôt et la disponibilité effective de moyens en eau (et des rétentions correspondantes) pour lutter contre le sinistre. Le comportement de la structure d un entrepôt lors d un incendie de grande ampleur représente un enjeu majeur. Plusieurs situations doivent être évitées, en particulier que la ruine d un premier élément de structure n entraîne de proche en proche : - une ruine en chaîne de la structure du bâtiment avec propagation à la structure des cellules voisines ; - une ruine ou une mise en échec des dispositifs séparatifs coupe-feu ; - un effondrement de la structure vers l extérieur de la cellule concernée (représentant un risque pour le personnel de secours), et par extension du bâtiment.
Apparue parmi les prescriptions techniques de l arrêté ministériel 1510 du 5 août 2002 relatif aux entrepôts couverts relevant du régime de l autorisation, cette obligation est depuis reprise de manière constante dans les textes concernant les entrepôts publiés ultérieurement. Il est donné une obligation de résultat sans obligation de fournir les éléments de preuve du respect de ces dispositions dans les arrêtés Autorisation et Déclaration qui ont une écriture similaire, l arrêté correspondant au régime de l Enregistrement impose quant à lui que l étude soit réalisée avant la construction et tenue à la disposition des services d inspection sur site. Voyons comment ces textes présentent le sujet : Autorisation : Article 6 de l Arrêté du 05/08/02 modifié relatif à la prévention des sinistres dans les entrepôts couverts soumis à autorisation sous la rubrique 1510 «De façon générale, les dispositions constructives visent à ce que la ruine d un élément (murs, toiture, poteaux, poutres par exemple) suite à un sinistre n entraîne pas la ruine en chaîne de la structure du bâtiment, notamment les cellules de stockage avoisinantes, ni de leurs dispositifs de recoupement, et ne favorise pas l effondrement de la structure vers l extérieur de la première cellule en feu.» Enregistrement : Article 2.2.6 de l Arrêté du 15/04/10 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n 1510 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement «L'exploitant réalise une étude technique démontrant que les dispositions constructives visent à ce que la ruine d'un élément (murs, toiture, poteaux, poutres, mezzanines) suite à un sinistre n'entraîne pas la ruine en chaîne de la structure du bâtiment, notamment les cellules de stockage avoisinantes, ni de leurs dispositifs de compartimentage, ni l'effondrement de la structure vers l'extérieur de la cellule en feu. Cette étude est réalisée avec la construction de l'entrepôt et est tenue à disposition de l'inspection des installations classées» Déclaration Article 4.1, 10 alinéa de l Arrêté du 23/12/08 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts relevant du régime de la déclaration au titre de la rubrique n 1510 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement «Les dispositions constructives visent à ce que la ruine d'un élément de structure n'entraîne pas la ruine en chaîne de la structure du bâtiment, notamment les cellules de stockage avoisinantes, ni de leur dispositif de recoupement et ne favorise pas l'effondrement de la structure vers l'extérieur de la première cellule en feu.» Dans tous les cas, quel que soit le régime, l obligation de résultat de non ruine en chaîne est donnée au détenteur du titre lui permettant d exploiter l entrepôt. Le meilleur moyen de garantir qu il a pris les bonnes dispositions est de disposer d une étude de non ruine en chaîne de la structure en cas d incendie qui le prouve.
Tableau résumé des obligations Régime Référence Prescription Délai Déclaration Article 4.1 de l AM Obligation de Non précisé du 23/12/2008 résultat Enregistrement Article 2.2.6 de l AM Réaliser une étude A réaliser avec la du 15/04/2010 de non ruine en chaîne construction de l entrepôt Autorisation Article 6 de l AM du 5/08/2002 modifié Obligation résultat de Non précisé mais fortement recommandé Les entrepôts concernés sont : - Pour le régime de l autorisation, ceux dont la demande a été déposée après le délai d application de l arrêté ministériel du 5 août 2002. - Pour le régime de l enregistrement, tous les nouveaux entrepôts, et tous ceux qui relevaient de l arrêté du 5 août 2002 (entrepôts existants dont le volume est compris entre 50 000 et 300 000 m 3 ). - Pour le régime de la déclaration tous les entrepôts dont la déclaration est postérieure à la date d application de l arrêté du 23 décembre 2008. Pour mémoire, les stockages relevant du régime de l enregistrement pour les rubriques 1511, 2662 et 2663 doivent également disposer d une étude de non ruine en chaîne de leur structure, identique à celle réclamée pour les entrepôts relevant de la rubrique 1510. Quel doit être le contenu de cette étude? A ce jour, aucun des arrêtés ou de leurs annexes, aucune circulaire ne fournit de plan ou de méthodologie pour conduire cette étude. Il en ressort un risque certain d inhomogénéité des études entre elles lorsqu elles existent. Outre la méthodologie (qui n est réglementairement pas donnée), le choix des scénarios pour conduire l étude est essentiel, dans la majorité des cas, l incendie normalisé est satisfaisant car raisonnablement majorant. Cependant en présence de grandes quantités de matières plastiques, de liquides inflammables ou de générateurs d aérosol avec gaz propulseur inflammable, la dynamique de l incendie, son mode de propagation et les températures de flamme s écartent significativement à la hausse par rapport au feu normalisé lors de la phase d allumage. Dans la majorité des cas, pour les entrepôts ne relevant que de la rubrique 1510, la courbe modélisant l incendie normalisé (Iso 834 dit «Iso») donne une enveloppe satisfaisante. En présence massive de produits relevant des rubriques 1412, 1432, 2662 ou 2663, on peut penser nécessaire de modéliser un feu naturel qui sera ici plus majorant que le feu «Iso». Ceci étant, en prenant comme plancher de référence le feu «Iso» la variation de puissance du foyer et l évolution de la courbe de montée en température n a pas d incidence sur le mode de ruine de la structure du bâtiment. Le choix systématique du feu «Iso» permet d éviter le recours à des feux naturels qui pourraient être minorants.
L AFNOR a produit un guide en vue de la réalisation des études de non-ruine en chaîne dans les entrepôts couverts. Ce guide est intéressant sur la forme et donne un cadre satisfaisant pour conduire ces études. Il ne propose malheureusement pas de méthode de détermination des scénarios indiquant quels doivent être les critères de choix. Il en résulte un risque de distorsion entre les études, en effet une même structure sera satisfaisante ou non en fonction des scénarios choisis pour conduire l étude, sachant que ces études ne sont pas validées avant la construction du bâtiment (sauf dans les cas de dérogation prévu en régime d autorisation). Pour les entrepôts relevant des régimes de la déclaration et de l enregistrement l étude des dangers n étant pas requise, il paraît logique de retenir les paramètres correspondant aux hypothèses utilisées pour le calcul des flux thermiques avec le code Flumilog. Pour les entrepôts relevant du régime de l autorisation, il paraît naturel de prendre les hypothèses les plus défavorables décrites dans l étude des dangers. Plan type d étude proposé 1 Rappel du contexte réglementaire Arrêté ministériel de référence en fonction du classement de l entrepôt. 2 Démarche de l étude Méthodologie mise en œuvre, logiciels utilisés, limites. 3 Rappel des objectifs de sécurité et de comportement au feu Objectifs fixés par le texte applicable, à savoir que la ruine d un élément de structure ne provoque pas la ruine en chaîne de la structure du bâtiment, notamment les cellules de stockage avoisinantes, ni de leurs dispositifs de compartimentage, ni l'effondrement de la structure vers l'extérieur de la cellule en feu. 4 Analyse du bâtiment Description du bâtiment, des éléments de structure et de compartimentage pertinents. 5 Produits stockés, propriétés en cas d incendie Description des produits stockés et de leurs caractéristiques à prendre en compte pour la modélisation thermique, définition des scénarios d incendie à étudier (feu conventionnel ou feu naturel). 6 Comportement au feu Calcul de l échauffement et de la réponse mécanique de la structure, selon les scénarios retenus. 7 - Conclusions Description du mode de ruine de la structure et de ses effets, vers l extérieur et vers les dispositifs de compartimentage puis comparaison aux objectifs fixés par le texte applicable.
Quand lancer l étude de non-ruine en chaîne? Cette étude doit normalement être réalisée avant de lancer la construction de l entrepôt afin de ne pas commander ou construire une structure qui ne serait pas adaptée aux exigences réglementaires de non-ruine en chaîne. Cette étude n est pas incluse dans les calculs classiques de charpente et de stabilité des bâtiments, si elle n est pas spécifiquement demandée, elle n est en général pas réalisée. Il est possible que certains entrepôts aient depuis 2002 (pour le cas de ceux relevant du régime de l autorisation à l époque) été construits sans disposer de cette étude. Il est toujours temps de vérifier si la structure du bâtiment est compatible avec les scénarios d incendie correspondant aux produits stockés dans l entrepôt étudié. Deux cas sont envisageables, d une part, l étude démontre l absence de risque et l exploitation peut se poursuivre dans le respect des prescriptions issues du titre permettant l exploitation. D autre part l étude montre que la structure serait défaillante en ne faisant pas obstacle à un risque de ruine en chaîne en cas d incendie. Dans ce cas, il sera nécessaire de rechercher par itération quelle serait la charge calorifique acceptable en fonction des scénarios retenus et de limiter les stockages en fonction de ce qui serait admissible par la structure réalisée. Une autre possibilité étant d envisager des renforts ou des modifications de la structure. L absence d étude de non-ruine en chaîne expose l exploitant au risque qu en cas de contrôle par le service en charge de la police des installations classées pour la protection de l environnement il soit mis en demeure de la produire sous un délai maximal de trois mois à dater de la notification de la demande. En cas de sinistre, la recherche de responsabilité pourra conduire à réclamer cette étude, quel sera le positionnement des compagnies d assurance ou du système administratif ou judiciaire en cas d absence?