DiagnostiC Des maladies infectieuses BIOLOGIE MOLÉCULAIRE apport de la biologie Philippe nicollet, Cyril maingourd moléculaire 0,05 CfC

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Transcription:

Philippe nicollet, Cyril maingourd Laboratoire d analyses Sèvres-Atlantique 210, avenue de la Venise-Verte BP 570, 79022 Niort Cedex philippe.nicollet@lasat.fr cyril.maingourd@lasat.fr 0,05 CfC par article lu BIOLOGIE MOLÉCULAIRE apport de la biologie moléculaire au diagnostic de laboratoire des maladies infectieuses La PCR (polymerase chain reaction) est un outil diagnostique performant en constante évolution. Afin d optimiser le résultat de l analyse, le praticien doit raisonner son prélèvement selon la pathogénie et les particularités de l agent infectieux. Résumé favec les techniques de biologie moléculaire (PcR ou polymerase chain reaction), plus sensibles et plus rapides que les méthodes traditionnelles, se sont développés des tests d identification pour la plupart des micro-organismes infectieux d intérêt chez les bovins. fla technique PcR continue d évoluer pour donner un plus grand nombre d informations (quantification), ainsi qu une simplification de son utilisation. fparallèlement à ces progrès techniques du diagnostic vétérinaire, le praticien se trouve confronté à des résultats d analyse dont l interprétation nécessite une compréhension de la pathogénie de la maladie, des propriétés de l agent infectieux et des modalités de prélèvement. Les succès de la génétique moléculaire et les progrès effectués en génie génétique ont rendu possible la mise en évidence de séquences d ADN ou d ARN de manière très spécifique. La biologie moléculaire appliquée au diagnostic date de 1985 et porte le nom d amplification enzymatique en chaîne d ADN in vitro. Cette technique plus connue sous le sigle PCR (polymerase chain reaction) permet d amplifier n importe quel fragment de matériel génétique en quelques heures (encadré complémentaire sur www.wk- Vet.fr). Par sa capacité à amplifier des séquences d acides nucléiques présentes en très faibles quantités dans un échantillon, la PCR est d un intérêt fondamental dans les domaines du diagnostic vétérinaire. Elle permet d envisager la détection d un agent infectieux directement dans un échantillon biologique complexe même si celui-ci est faiblement contaminé ou dans un mélange d échantillons de plusieurs animaux, ce qui est une particularité toute vétérinaire. L utilisation de cette technologie est également très intéressante quand l agent pathogène est de culture délicate, voire impossible (par nature ou à la suite d un traitement antibiotique précoce), ou lorsque les résultats microbiologiques classiques sont obtenus après un délai très long ou qu ils manquent de spécificité [8]. Complémentaire de la sérologie et de la culture pour le diagnostic de nombreuses maladies (paratuberculose, diarrhée virale bovine [BVD], fièvre Q, chlamydiose, toxoplasmose, néosporose, etc.), la PCR fait l objet actuellement de textes officiels et, prochainement, d une norme Afnor. Largement présente depuis plusieurs années dans les laboratoires vétérinaires (notamment depuis la crise de la fièvre catarrhale ovine [FCO] entre 2007 et 2008), cette technique suscite encore un certain nombre de questions parmi les praticiens sur les prélèvements, les limites de détection, la confiance à accorder à un résultat PCR et la façon de l interpréter. particularités des prélèvements destinés À la pcr Quelle que soit l analyse conduite, un prélèvement erroné est source d erreur pour le résultat et le diagnostic final. Il est important pour le praticien de maîtriser les règles générales d un prélèvement pour réaliser une analyse PCR. 1. les prélèvements sont-ils adaptés? Bien choisir le site de prélèvement L analyse PCR, qu elle soit quantitative ou qualitative, consiste à rechercher l ADN ou l ARN d un agent pathogène, et non pas les conséquences de sa présence, comme le font les analyses sérologiques. Le prélèvement doit être raisonné en fonction de la pathogénie, et concerner un milieu ou un organe où l agent pathogène est présent ou se multiplie. Cette donnée est donc primordiale et varie selon l agent recherché [18]. Ainsi, une analyse 104 Le Point Vétérinaire / 2011 / Maladies infectieuses des ruminants : actualités

Diagnostic infectieuses Apport de la biologie moléculaire au diagnostic de laboratoire des maladies infectieuses (1) Dans le cas d une reverse transcriptase, ou transcription inverse, qu il ne faut pas confondre avec une real time-pcr, de l ADN est généré à partir d une copie d ARN cible. PCR paratuberculose ne peut s effectuer sur le sang, pas plus que la recherche PCR de la fièvre Q. Être attentif aux modalités de prélèvement Selon leur concentration, certains produits peuvent être potentiellement inhibiteurs de la PCR : talc des gants de prélèvement, héparine (tubes à bouchons verts), glycérol, éthanol, ADN à fortes concentrations (prélèvements hautement polycontaminés par de nombreuses bactéries ou moisissures), EDTA à concentrations élevées, etc. Autant que possible, le praticien veille à respecter les consignes du laboratoire en matière de prélèvement (utiliser des tubes EDTA lors de recherche BVD sur sang total, pas de gel alcoolisé pour les prélèvements fécaux lors de recherche de paratuberculose, etc.). L étape d extraction de l ADN permet en général de se débarrasser des inhibiteurs. Cependant, certains produits peuvent gêner l analyse PCR, et, a minima, la rendre moins sensible. Un échantillon positif peut en entraîner d autres Par la très grande sensibilité des méthodes PCR, il convient de prévenir tout risque de contamination du prélèvement en utilisant du matériel stérile à usage unique (aiguilles, gants, pots). De même, le praticien doit éviter de récupérer des prélèvements souillés par l environnement (placentas ou fèces dans la litière, par exemple), notamment lors de recherche d agents infectieux résistants comme Mycobacterium paratuberculosis ou Coxiella burnetii. 2. Quelle température de conservation du prélèvement? L analyse PCR détecte un acide nucléique : un ADN ou un ARN. Ces molécules ne doivent pas être dégradées entre le moment où le prélèvement est effectué et celui où il arrive au laboratoire. Or, après le prélèvement, les cellules, les bactéries ou les virus commencent à mourir, et leur ADN ou ARN est mis à nu. Les acides nucléiques sont rapidement dégradés par des DNases (ou RNases), enzymes présentes partout dans l environnement. Comme tout système enzymatique, il fonctionne beaucoup moins bien à des températures basses. C est pourquoi les prélèvements doivent être rapidement mis au froid positif. Les cycles de congélations et de décongélations cassent l ADN, et doivent donc être évités le plus possible. 3. Une validation de la qualité des échantillons est nécessaire pour le laboratoire Lors d un diagnostic par PCR, il est indispensable pour le laboratoire d utiliser un contrôle interne [6]. Ce dernier est une molécule d ADN (pour la PCR) ou d ARN (pour la RT-PCR [Reverse-Transcritptase PCR]) (1) qui va être amplifiée en même temps que la cible recherchée. Idéalement, le contrôle interne est présent dans le prélèvement de départ, et permet donc d évaluer la qualité de toute la chaîne d analyse, à savoir celle du prélèvement, la conservation avant réception au laboratoire, la conservation au laboratoire, la qualité de l extraction des acides nucléiques et celle de l amplification (absence d inhibiteurs de la PCR). Si le contrôle interne est bien amplifié, le prélèvement a été correctement réalisé et conservé avant son envoi au laboratoire, pendant l envoi, puis au laboratoire. De plus, la révélation de ce contrôle interne traduit l absence d inhibiteurs de la réaction de PCR et permet donc de valider un résultat négatif sur un prélèvement donné. InterprétatIons des résultats pcr En diagnostic de routine, la méthode d analyse idéale pour le praticien doit permettre d aboutir à un diagnostic de certitude, c est-à-dire d objectiver la présence ou non d un agent infectieux et de corréler celle-ci aux symptômes observés sur le terrain. En réalité, la plupart du temps, le résultat d analyse restitué par le laboratoire doit être confronté aux autres éléments de l examen de l animal ou du troupeau. De plus, il s interprète dans un contexte épidémiologique donné qui influence la valeur prédictive du résultat. Les exemples suivants, fréquemment rencontrés en pratique rurale bovine de routine, illustrent les apports, mais aussi les limites, de l analyse PCR de laboratoire. 1. PCR et diagnostic de la paratuberculose fla technique PCR consiste à détecter la présence d un fragment d ADN spécifique de M. paratuberculosis, après une étape d amplification. Elle peut être réalisée à partir des mêmes prélèvements que ceux utilisés pour la culture (ganglions mésentériques ou fèces). Théoriquement, cette méthode devrait permettre de détecter un très faible nombre de bactéries. Toutefois, sur le plan pratique, ses performances actuelles de sensibilité sont jugées équivalentes à celles de la coproculture, considérée actuellement comme la méthode de référence (de 70 % chez les animaux cliniques à 23 à 29 % chez les individus infectés subcliniques) [20, 21]. La technique PCR permet néanmoins d obtenir un résultat en 48 heures, avec une spécificité estimée à 100 %. La présence, assez fréquente, d inhibiteurs de la réaction d amplification dans les matières fécales constitue toutefois l inconvénient majeur de cette technique, conduisant alors à une analyse ininterprétable à rééditer. En raison de ses performances équivalentes (voire moins bonnes) à celles de la coproculture, mais de son coût supérieur (environ 30 ), la technique PCR est plutôt un test adapté aux situations d urgence (exportation) ou de confirmation clinique (situation dans laquelle la valeur prédictive négative de l examen est meilleure) [3]. Selon les données actuelles, la PCR ne dépiste qu un animal excréteur sur deux. Les erreurs par défaut (faux négatifs) peuvent résulter : - du caractère hétérogène de la répartition des amas de bacilles dans les fèces (la PCR est effectuée à partir d environ 1 g de fèces et M. paratuberculosis tend à se présenter sous forme d amas) [4] ; - de l intermittence de l excrétion ; - d un niveau d excrétion inférieur au seuil de sensibilité de la PCR (10 2 bacilles/g). Le Point Vétérinaire / 2011 / Maladies infectieuses des ruminants : actualités 105

(2) Automate VersaTREK. (3) Adiavet PARATB. Points forts les méthodes de la biologie moléculaire employées dans les laboratoires vétérinaires reposent sur la mise en évidence par amplification d acides nucléiques bactériens, viraux ou parasitaires. avec les techniques de PcR (polymerase chain reaction) se sont développés des tests d identification pour la plupart des microorganismes infectieux d intérêt chez les bovins globalement, les techniques fondées sur la PcR présentent des performances de sensibilité et de spécificité meilleures que les méthodes traditionnelles, et sont réalisées dans un délai plus court. l interprétation par le praticien des résultats d analyse nécessite une compréhension de la pathogénie de la maladie, des propriétés de l agent infectieux et des modalités de prélèvement. C est pourquoi des résultats PCR paratuberculose peuvent être discordants pour un même animal dans le temps, en fonction de la qualité du prélèvement, du moment où il est réalisé et de la prise d essai pour analyse au laboratoire. factuellement, plusieurs pistes d amélioration de la sensibilité de la méthode sont à l étude. L une d entre elles consiste à effectuer une culture de M. paratuberculosis en milieu liquide et à associer celle-ci à un système de détection automatisé de la croissance des mycobactéries (2). Les échantillons pour lesquels une croissance bactérienne est détectée (délai de 15 à 42 jours) sont ensuite analysés par PCR. Le gain de sensibilité estimée par plusieurs études menées dans des cheptels laitiers et allaitants pourrait aller jusque 40 %, par rapport à la PCR temps réel réalisée sur des échantillons analysés à J0 [2]. Une autre voie d amélioration de la sensibilité de la méthode consiste à augmenter la prise d essai de fèces, puis à filtrer celle-ci afin de récupérer une quantité accrue de M. paratuberculosis (3). En plus d améliorer le diagnostic individuel de routine, ces évolutions attendues permettraient d envisager avec de meilleures chances de succès (mais parfois un risque de déconvenue pour des éleveurs considérés comme indemnes à ce jour) les plans d assainissement ou de qualification de troupeau, voire les analyses de mélanges de fèces qui rendraient le diagnostic moins coûteux [19]. 2. PCR et diagnostic des avortements Les avortements bovins sont pénalisants sur le plan économique, à cause du manque à gagner direct dû à la perte du fœtus ou indirect lié au décalage de la lactation. Ils sont fréquemment associés à des maladies infectieuses, notamment zoonotiques (brucellose, fièvre Q, néosporose, salmonellose, etc.), pour lesquelles la PCR est une technique de choix pour aider au diagnostic. Du fait de l amplification d un fragment génomique spécifique, la détectabilité (capacité à déceler des quantités réduites d agent infectieux) de la PCR est à la fois un avantage et un inconvénient pour le praticien et le laboratoire : elle permet d identifier la présence même en petites quan- tités d un agent infectieux, parfois sur des échantillons où celui-ci aurait été masqué par des micro-organismes de contamination avec des méthodes d identification classiques. En revanche, elle accroît le risque de dépistage dans l échantillon d agents pathogènes environnementaux de contamination, dont la présence ne signifie pas qu ils soient impliqués dans l épisode abortif (Coxiella burnetii) [14]. Certains tests PCR proposent d aborder le diagnostic moléculaire en restituant une information sur la quantification des copies de matériel génétique par rapport à un échantillon dont la quantité de matériel génétique est connue ou relativement à un plasmide titré. Ainsi, en fonction de la matrice analysée, le laboratoire peut fournir des informations au praticien sur le caractère significatif ou pas de la présence d un signal moléculaire détecté par la PCR. Dans le cas du diagnostic de la fièvre Q, dont l agent Coxiella burnetii est particulièrement résistant dans l environnement extérieur, un seuil de 10 4 bactéries/g de placenta ou tout résultat positif sur des organes (rate, poumon, foie) ou dans le contenu stomacal de l avorton est retenu, et ce quelle que soit la quantité de bactéries présentes. La présence de Coxiella burnetii dans l avorton, quelle que soit sa quantité, permet de rapporter l avortement à la fièvre Q sans ambiguïté [1]. En deçà du seuil de 10 4 bactéries/g de placenta, un échantillon peut être potentiellement contaminé par des bactéries environnementales, et cela ne suffit pas pour affirmer que la bactérie est responsable de l épisode abortif. D un point de vue pratique, l ensemble des prélèvements destinés à l analyse PCR lors d avortement peuvent être constitués de sang provenant du cœur et du fluide thoracique, du contenu stomacal, de l encéphale du fœtus (néosporose) et du placenta (ou d écouvillons utérins) [7]. 3. PCR et diagnostic du BVD Le BVDV est un virus à ARN à l origine de la maladie des muqueuses chez les bovins, générant des pertes économiques importantes dans les élevages. L infection prénatale d un veau entre le 60 e jour et 120 e jour de gestation d une vache naïve conduit à la naissance d un animal infecté permanent immunotolérant (IPI), extrêmement contagieux. Le dépistage précoce de ces individus IPI est essentiel dans le cadre des plans d éradication ou de surveillance des introductions d animaux. La PCR a largement amélioré les possibilités de diagnostic direct de routine à partir de prélèvements sanguins (sérum ou sang total), d organe, de cartilage ou de lait. Les méthodes de détection du virus BVD par PCR autorisent le dépistage de jeunes bovins IPI même sous immunité colostrale, permettant de s affranchir des prises de sang avant buvée colostrale autrefois indispensables [17]. La sensibilité de la biologie moléculaire permet également d effectuer la recherche sur des pools de prélèvements de plusieurs animaux [17]. Enfin, dans une large proportion de cas, l analyse individuelle par PCR en temps réel permet de distinguer un animal IPI d un individu virémique transitoire grâce au 106 Le Point Vétérinaire / 2011 / Maladies infectieuses des ruminants : actualités

Diagnostic infectieuses Apport de la biologie moléculaire au diagnostic de laboratoire des maladies infectieuses caractère quantitatif de cette procédure : la charge virale est considérable chez les animaux IPI, avec un taux virémique moyen de 10 000 virus par millilitre de sang [9]. Le principe de la PCR en temps réel est de faire apparaître la fluorescence de manière proportionnelle à la quantité d ARN cible initialement présent. La mesure de la fluorescence est donc proportionnelle au nombre de copies d ADN produites par la PCR, lui-même proportionnel au nombre d ARN viraux présents au départ, autorisant ainsi une distinction théorique entre une charge virale massive (IPI) et une virémie transitoire plus faible. Lorsque le résultat PCR obtenu ne permet pas de statuer (résultat obtenu situé dans une zone de quantification intermédiaire), une seconde analyse réalisée 10 à 15 jours plus tard caractérise une virémie persistante ou transitoire. Le cas de bovins CI (congenital infection), définis comme des jeunes issus de mères infectées en fin de gestation, a été cité et correspond à un statut de virémie transitoire prolongé durant plusieurs mois [11]. Toutefois, même si la notion de quantification paraît rassurante sur le plan intellectuel, la justesse biologique (c est-à-dire l adéquation entre le résultat de l analyse et le statut réel de l animal) du résultat doit être nuancée. En effet, la quantification induit une comparaison du résultat obtenu dans des conditions de terrain (moment du prélèvement, délai d acheminement, conservation, volume) avec un référentiel déterminé selon des données souvent différentes. De plus, la quantification et sa traduction en un statut IPI ou virémique transitoire impliquent la définition d un seuil de décision, nécessairement évolutif dans le temps : l analyse PCR d un bovin peut conduire à le considérer comme un individu IPI au moment d un prélèvement réalisé au pic de virémie, tandis qu un test pratiqué plus tardivement sur un autre prélèvement fournira un résultat en faveur d un statut virémique transitoire. 4. PCR et diagnostic de l entérite du veau fles méthodes de diagnostic traditionnel occupent aujourd hui une large place dans le diagnostic de routine des entérites du veau, qu il s agisse de l immunochromatographie rapide, de l Elisa, de la coloration, de la culture bactérienne ou virale. Les agents infectieux majoritairement identifiés (seuls ou en association) sont les cryptosporidies et les rotavirus, présents dans 30 à 40 % des échantillons issus de veaux malades âgés de moins de 1 mois, puis les coronavirus [5, 10]. Les cryptosporidies, les rotavirus et les coronavirus peuvent être détectés en routine par une méthode immunoenzymatique sur fèces. Actuellement, une technique PCR beaucoup plus sensible est disponible pour le diagnostic des rotavirus et des coronavirus [15]. En raison de la résistance des rotavirus dans le milieu extérieur et du portage fréquent de ceux-ci par les adultes, l interprétation d un résultat positif par la méthode PCR ne signifie pas systématiquement que le rotavirus joue un rôle dans le syndrome entéritique. A contrario, la sensibilité de cette technique permet de la proposer pour des analyses de mélange de fèces ou en vérification du statut indemne d un lot de veaux vis-à-vis des rotavirus. fau sein de la grande famille des souches de E. coli, une large proportion d entre elles ne sont pas pathogènes et jouent un simple rôle commensal (digestion des aliments et apports vitaminiques). En revanche, plusieurs sérotypes sont connus pour être potentiellement pathogènes dans certaines espèces animales, et notamment chez les bovins. Les souches d Escherichia coli pathogènes présentent des facteurs de pathogénicité au premier rang desquels figurent les adhésines. Chez les veaux, elles sont habituellement détectées par une méthode d agglutination sur lame (F5, F41, F17, CS31)CS31A semble être le phénotype le plus fréquemment identifié parmi les souches typables (environ 30 % des échantillons issus de veaux malades) [5, 10]. Actuellement, la méthode PCR permet de détecter aussi d autres facteurs de pathogénicité et diminue d autant la proportion d Escherichia coli dits non typables jusque-là, et qui sont souvent associés à des troubles septicémiques [13]. fplusieurs études ont montré, en effet, que les souches d Escherichia coli intestinal à potentiel septicémique possèdent d autres facteurs de pathogénicité que les adhésines [12] : - des cytotoxines (nécrosantes Cnf, distendantes Cdt, etc.) ; - des facteurs de résistance à l action du complément (TraT) ; - une capacité à utiliser le fer sanguin comme un facteur de croissance supplémentaire (iucd). fen pratique, les souches d Escherichia coli possédant les fragments génomiques susceptibles d entraîner la détention de ces facteurs de virulence sont caractérisées par méthode PCR (migration sur gel d agarose après amplification) après culture (photo). Les résultats obtenus permettent de proposer au praticien une interprétation plus complète du profil de la bactérie (ou pathotype ), qui reflète la symptomatologie observée sur le terrain ou les potentialités variées de pathogénicité contenues dans l information génétique de la bactérie (tableau 2). Conclusion La biologie moléculaire présente de nombreux avantages par rapport aux techniques dites classiques utilisées au cours de l identification des agents pathogènes. En raison de sa technicité, il convient de prendre soin de préciser l objectif avant de réaliser des analyses de biologie moléculaire : identification d un virus, d une bactérie (laquelle et dans quel prélèvement?) ou d un facteur de virulence? Dans le cas de micro-organismes à culture difficile, lente ou dangereuse pour le laboratoire, la PCR permet un diagnostic de routine de ou des agents pathogènes, et ce parfois avec de meilleures sensibilité et spécificité, dans un délai plus court. Les applications sont actuellement déjà nombreuses (BVD, paratuberculose, néosporose, fièvre Q, FCO, etc.) à partir de matrices telles que le sang, le lait, le mucus vaginal, des organes ou les fèces. Lorsque le praticien raisonne son prélèvement en fonction des éléments de pathogénie de l affection et des particularités éventuelles de l agent infectieux, il bénéficie d un outil d analyse performant au service de sa pratique quotidienne. Le Point Vétérinaire / 2011 / Maladies infectieuses des ruminants : actualités 107

tableau 2 Rôle des facteurs de pathogénicité d Escherichia coli détectés par PCR TRoPisme Classe symptômes PRélèvemenTs nom et acronyme FaCTeURs de virulence Intestinal Diarrhéogènes Diarrhées parfois sanguinolentes, déshydration, mort Fèces ETEC : entérotoxinogènes STEC : shigatoxinogènes EPEC : entéropathogènes EHEC : entérohémorragiques F41, F5, parfois F17, lti/ii, stap, parfois Hly a stx1et/ou stx2, CNF1/2, iuc, cdtiii et/ou cdtiv eae eae, stx1 et/ou stx2, ehx Extraintestinal Invasives Diarrhées parfois sanguinolentes, déshydration, fièvre, septicémie, bactériémie, infections, mort Organes, sang, fèces NTEC 1 : ExPEC : septicémiques CNF1, cdtiv, pap, sfa, TraT, Hly a, parfois iuc eae, TraT, parfois Hly a Mammopathogènes Mammite, fièvre, mort Lait, fèces NTEC 1 : CNF1, cdtiv, pap, sfa, TraT, Hly a, parfois iuc Source : Lasat. aspect des gels d amplification de détection des facteurs de pathogénicité. Ces derniers sont identifiés par leurs poids moléculaires différents. Photo : Lasat Marqueur E. coli 1 - Stx1 (706 pb) - Eae (443 pb) - F4l (351 pb) - LtI/II (236 pb) - Stx2 (177 pb) - StaP (133 pb) Marqueur E. coli 2 Marqueur E. coli 3 - CdtIII (612 pb) - CdtIV (459 pb) - EhxA (339 pb) - H1ya (251 pb) - CnfI/II (179 pb) - IucD (136 pb) - PapC (652 pb) - SfaE (499 pb) - F17A (336-340 pb) - Gad = IPC (189 pb) - Afa8E (141 pb) - TraT (230 pb) www.wk-vet.fr Compléments de lecture : encadré tableau figure Références Il est probable que les évolutions futures du diagnostic PCR vétérinaire simplifient la pratique de routine en proposant aux laboratoires des trousses de diagnostic optimisé (plusieurs agents pathogènes recherchés en même temps à partir d un seul prélèvement), par la mise au point de puces à ADN, par exemple. Le matériel de laboratoire dédié à la technologie PCR temps réel représente encore actuellement un investissement important et nécessite surtout un personnel technique très qualifié, ce qui se traduit par un coût de l analyse relativement important par rapport aux méthodes traditionnelles. 108 Le Point Vétérinaire / 2011 / Maladies infectieuses des ruminants : actualités