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MEMORANDUM SUR LA SITUATION DES MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS Depuis des mois, il ne se passe pas une semaine sans que nous recevions des informations sur des situations d exclusion, sur les retards mis à l examen des dossiers des mineurs isolés étrangers (MIE) en danger, sur les discriminations dont ils sont l objet. Le 8 octobre 2011, le précédent ministre de la justice a passé un accord avec le précédent président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, prévoyant l orientation de neuf dixièmes des enfants «découverts» dans ce département vers d autres départements; d autres conseils généraux ont décidé de suivre cet exemple en refusant d accueillir de nouveaux arrivants ou de poursuivre leur mission dans le cadre de l aide aux jeunes majeurs. DEI-France rappelle ici le cadre légal du droit commun de la protection de l enfance en danger qui doit bénéficier aux MIE ; elle dénonce des pratiques, courantes avec ces derniers, non conformes à ce cadre légal ou aux grands principes du droit international, et énonce un certain nombre de préconisations. Pour rappel : la privation de liberté dans les aires aéroportuaires et les zones d attente - DEI-France est opposée à la privation de liberté des enfants dans les zones-frontière des ports et aéroports et à leur placement dans les zones d attente, qu ils soient accompagnés ou non de leurs parents ou de leurs représentant légaux; - nous reconnaissons toutefois la nécessité que les mineurs arrivant sur le territoire sans leurs parents ou leurs représentants légaux soient pris en charge immédiatement afin d établir leur identité et de réaliser un premier bilan de leur situation et de leurs besoins; - nous considérons toutefois que le placement de ces enfants sous la garde de la police aux frontières n est pas adaptée à la détermination de leur situation; il devrait revenir à des services sociaux adaptés de se charger de l accueil de ces enfants; - si ces enfants doivent faire l objet d une retenue ou d une contrainte à la frontière, aux fins d une première évaluation de leur situation, sur les raisons de leur arrivée en France, elle doit être la plus brève possible afin qu ils soient confiés au plus vite aux services chargés de leur mise à l abri, dans le respect des règles relatives aux droits des usagers des services sociaux et médico-sociaux; - nous appelons à une modification législative du Code de l entrée, du séjour des étrangers (CESEDA) et du droit d asile sur les conditions d accueil des enfants; - dans l attente d une telle modification, nous considérons que ces enfants doivent être accompagnés dès qu ils sont privés de liberté; - par conséquent, la présence d un avocat à leurs côtés est nécessaire dès que la privation de liberté leur est notifiée; à cet effet, il est essentiel que des permanences d avocats et des associations habilitées pour accorder un soutien aux personnes retenues soient organisées dans les zones internationales des aéroports afin qu ils puissent être présents dès la notification des droits à la personne privée de liberté; - la désignation d un administrateur ad hoc, tel que le prévoit le CESEDA doit intervenir dans les délais les plus brefs, notamment dès que l enfant est privé de liberté afin que sa représentation et son accompagnement soient effectifs dès le début de la procédure; - l enfant doit pouvoir exercer personnellement ses droits de la défense en étant accompagné des conseils de l avocat et de l administrateur ad hoc -, contrairement au CESEDA qui en réserve l exclusivité à l administrateur ad hoc; c est une condition essentielle de l exercice du droit de recours contre la privation de liberté, garanti par les textes internationaux, notamment les articles 5 et 13 de la Convention européenne des droits de l Homme; 1

- la mission de l administrateur ad hoc doit être étendue au-delà de l accompagnement dans la procédure relative à l entrée sur le territoire ou de la demande d asile; l administrateur ad hoc doit pouvoir disposer de la compétence de saisir le juge des enfants dès lors qu il considère que l enfant dont il exerce la représentation est en danger; La mise à l abri provisoire - DEI-France se réjouit que l État, dans son projet de nouveau protocole national d accueil des mineurs isolés étrangers, propose son intervention pour une phase de «mise à l abri» durant cinq jours, afin qu il soit procédé à une première évaluation de la situation du mineur et que cet accueil soit inconditionnel; - La mise à l abri ne peut être destinée à décider quel sera le département qui sera choisi pour accueillir le mineur, comme cela se pratique en certains lieux, cette prérogative appartenant au juge des enfants; le temps consacré à la mise à l abri du MIE doit avoir pour objectif d éclairer le juge des enfants sur les premiers éléments d une évaluation de la situation et des perspectives sur l avenir de l enfant.- Il revient au service de l Aide sociale à l enfance d organiser ce «recueil provisoire», conformément au Code de l action sociale et des familles (L223-2); - DEI-France souhaite que cette nouvelle organisation impose désormais que des jeunes ne soient plus laissés à la rue et soient pris en charge dès qu ils sont signalés et qu elle soit désormais destinée à tout enfant trouvé sans abri, quelle que soit sa nationalité. L indispensable protection - il ne peut être établi de discrimination entre les enfants selon leur nationalité et selon leur situation familiale; le Code de l action sociale et des familles (CASF) prévoit : «La protection de l enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d assurer leur prise en charge» (art. 112-2 CASF); - dès que des mineurs se présentent, ou que des informations relatives à leur situation est communiquée à un service social, qu il relève d une autorité publique (Aide sociale à l enfance) ou d une association, et que leur situation est considérée comme un danger ou si les conditions de leur éducation ou de leur développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, les services de l Aide sociale à l enfance du lieu où l enfant a été trouvé doivent en être informés et, le juge des enfants territorialement compétent aussitôt saisi du cas d un MIE puisque, en l absence de parents et de représentants légaux sur le territoire, il n y a pas lieu pour le service départemental de tenter de négocier une intervention avec sa famille.. - pour rappel, afin de protéger les enfants en danger, les juges des enfants sont habilités à prendre des mesures, pouvant aller jusqu à les confier au service de l Aide sociale à l enfance, à un établissement ou à un tiers digne de confiance; le juge peut être saisi par le procureur de la République, par les parents, par le mineur lui-même ou par le service auquel il a été confié; il peut également se saisir d office d une situation dont il a pris connaissance (art. 375 du Code civil); - étant donné le caractère généralement urgent des mesures à prendre, le juge des enfants doit pouvoir rencontrer l enfant à bref délai pour prendre les dispositions à son égard, dans le cadre des mesures provisoires qu il a le pouvoir de décider (art. 375-5, al. 1 du Code civil), à charge de réexaminer la situation dans les quinze jours s il n a pas été en mesure d entendre le mineur (art. 1184, al. 2 du Code de procédure civile); - l intervention du Procureur de la République pour confier provisoirement un enfant à l Aide 2

sociale à l enfance, à un établissement ou un tiers digne de confiance, ne peut se concevoir qu en cas d urgence extrême, lorsque le juge des enfants n est pas disponible; il est hors de question que la disposition dérogatoire qui donne ce pouvoir exceptionnel au parquet (art. 375-5, al. 2 du Code civil) soit systématiquement utilisée à l égard des mineurs isolés étrangers, comme la pratique s en est répandue; - la compétence territoriale de la juridiction de l enfance est déterminée par le lieu où résident ses parents ou celui où l enfant demeure ou a été trouvé; en l absence de représentants légaux sur le territoire, c est le juge des enfants du lieu où le mineur a été trouvé qui demeure territorialement compétent; il revient au seul juge des enfants et non au ministère public de déterminer la compétence territoriale et, le cas échéant, «de se dessaisir dans le mois au profit du juge territorialement compétent» (art. 1184, al. final du Code de procédure civile); - le choix du département et du service de l Aide sociale à l enfance auquel le mineur va être confié doit être déterminé par le juge des enfants après avoir entendu le mineur et examiné le dossier, en tenant compte des besoins de l enfant pour son éducation, sa formation ou sa scolarité et des soins qui peuvent lui être nécessaires; - dans cette procédure, il est essentiel que le mineur soit accompagné d un avocat, qu il soit choisi par le mineur lui-même ou, à défaut, désigné d office en recourant, le cas échéant, aux services des avocats d enfant là où le barreau organise ce type de groupement; - la présence de l administrateur ad hoc - s'il en a été désigné un lors de l'entrée sur le territoire ou de la formulation d'une demande d'asile - est nécessaire au cours de cette procédure afin qu il éclaire la juridiction sur les éléments qu il a pu recueillir relatifs à la situation du mineur, sur les causes de son arrivée en France; il en est de même de la présence à cette audience des représentants de services sociaux, des travailleurs sociaux ou des représentants d associations qui ont recueilli ou soutenu préalablement l enfant; - le lieu choisi pour héberger le mineur doit être choisi en fonction des capacités d accueil, de la concertation avec le service de l Aide sociale à l enfance compétent et avec l établissement où il doit être accueilli; les services de l ASE et la juridiction doivent veiller à ce que ces services et établissements disposent des compétences spécifiques pour l accueil de ces enfants; dans certains cas, il est nécessaire que le lieu choisi pour l hébergement du mineur dispose des soins nécessaires aux personnes victimes de troubles causés par les situations vécues, sachant que nombre d enfants ont été victimes ou témoins de violences; La détermination de l identité du mineur - nombre de jeunes qui se présentent aux services de l Aide sociale à l enfance, aux «plateformes d évaluation et d orientation» que ceux-ci sous-traitent à des associations notamment en Seine-Saint-Denis et à Paris -, voire même aux juridictions de l enfance, s entendent dire qu ils ne peuvent bénéficier du dispositif de la protection de l enfance parce qu ils seraient «majeurs»; - la contestation de l âge d une personne constitue une discussion sur son identité; le Code civil (art. 47) accorde la foi due aux actes d état civil étrangers lorsque la personne en dispose «sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité»; - la pratique répandue est de contester a priori la régularité des actes d état civil présentés par les jeunes étrangers et leur refuser par conséquent la protection qu ils sollicitent ou, au mieux, de suspendre l examen de leur demande jusqu au terme des vérifications; cette pratique s étend même à l égard d actes authentiques, certifiés par les autorités nationales ou consulaires; 3

- cette façon de contester les actes d état civil sans d ailleurs que le mineur ait été entendu ou ait eu le moyen de se défendre constitue un renversement de la présomption établie par le Code civil; les règles de l assistance éducative relèvent de la procédure civile et une présomption ne peut être renversée qu au terme d un débat contradictoire; - pour contester la date de naissance indiquée sur les documents d identité ou les actes d état civil dont ces jeunes sont porteurs, il est recouru à des procédés de détermination de l âge tout à fait aléatoires : certaines «plateformes d évaluation» jugent au faciès ou au comportement si le jeune «mérite» un examen de sa situation et la communication de son dossier aux services de l Aide sociale à l enfance; - les parquets recourent très fréquemment aux examens radiologiques sensés établir l âge alors que ceux-ci ne sont en rien fiables, ayant été créés pour établir «l âge biologique» d une personne et non son «âge chronologique», comme l ont signalé l Académie de médecine en 2007 et le Comité consultatif national d éthique en 2005; le résultat de ces «expertises» est interprété par les services du procureur de façon à refuser d introduire une procédure d assistance éducative; - plus grave encore, les résultats de ces «expertises» sont utilisés par les préfectures pour délivrer à ceux qu elles considèrent comme «majeurs» des ordres de quitter le territoire français et les priver de liberté dans les centres de rétention administrative aux fins d expulsion; - cette utilisation des expertises «osseuses» ou «dentaires» va à l encontre des recommandations internationales et constituent dans de nombreux cas des atteintes graves au droit de l enfant à trouver une protection; - en outre ces expertises sont pratiquées, contrairement aux règles du Code de la santé publique (art. art. L.111-4, al. 3 et art. 16 du Code civil), sans que le consentement de la personne soit requis et sans qu elle soit informée des raisons ni des techniques utilisées; - DEI-France rappelle que, dans le cadre de la procédure d assistance éducative, comme dans celle relative à la contestation du droit de séjourner en France, que la contestation de l identité d une personne constitue un des éléments de la procédure et doit faire l objet d un débat contradictoire, que toute personne a le droit de se défendre et de présenter les éléments qui contredisent la qualité scientifique des «expertises», comme ceux qui établissent la véracité de son identité; - l expertise en procédure civile doit répondre à des règles particulières qui doivent être respectées, contrairement aux examens commandés par le parquet dont les résultats ne sont en général pas communiqués à la personne; - DEI-France insiste pour que la présomption de véracité des actes d état civil soit respectée et que l examen des documents ne retarde pas la nécessaire protection dont les mineurs isolés étrangers doivent faire l objet; - Il est important que tout jeune qui se présente comme «mineur» soit présumé et admis comme tel, jusqu à ce qu il en ait été fait régulièrement la preuve du contraire par une décision judiciaire; La situation des mineurs proches de l âge de la majorité - DEI-France a été informée de l abandon régulier d enfants âgés de plus de seize ans pris «officiellement» en charge par l Aide sociale à l enfance, dans des hôtels dont les nuitées sont payées par le service départemental; ces jeunes sont livrés à eux-mêmes et ne disposent comme seul encadrement éducatif que la visite plus ou moins régulière d un éducateur; - l accès à la scolarité ou à la formation professionnelle non seulement n est pas encouragé, 4

mais aussi empêché, s agissant d enfants qui auraient dépassé l âge de la scolarité obligatoire; - DEI-France tient à rappeler que le droit à l éducation est garanti à toute personne, quel que soit son âge et qu il ne peut être tiré argument de la proximité de la majorité civile pour ne pas accorder l aide nécessaire à l inscription dans un cursus scolaire ou dans une formation professionnelle; il convient de signaler que l Éducation nationale prend également en charge des cours spécifiques d apprentissage de la langue à ceux qui ne manient pas le français; - DEI-France demande que ces jeunes soient orientés, autant que faire se peut, vers l enseignement dispensé par l Éducation nationale, que cela soit, selon le cas, l apprentissage ou les formations en alternance; elle regrette d apprendre que nombre de ces jeunes sont orientés vers des cycles de formation dispensés par des associations privées qui n aboutissent pas à une réelle qualification; - Dans l état actuel de la législation, le jeune étranger arrivant à l âge de la majorité qui sollicite un permis de séjour, délivré «à titre exceptionnel» doit faire état, non seulement de sa prise en charge par l Aide sociale à l enfance, mais également du suivi d une «formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation» (art. L.313-15 CESEDA), conditions souvent quasi impossibles à réunir. - à l égard de ces jeunes proches de l âge de la majorité, DEI-France est opposée à la disposition de la loi qui prévoit parmi les conditions pour accorder un permis de séjour, que le jeune «justifie ( ) de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine», celle-ci étant comprise comme l obligation de rompre les liens avec la famille d origine; cette disposition est contraire au droit au maintien des relations familiales (art. 8-1 de la CIDE) et au respect des relations familiales (art. 8 de la Convention européenne des droits de l Homme). La situation des jeunes majeurs - DEI-France a été informée que, dans certains départements, les jeunes étrangers, confiés à l Aide sociale à l enfance au titre de mineurs isolés, se voyaient refuser systématiquement l aide accordée aux jeunes entre 18 et 21 ans, «confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre» ou «qui éprouvent des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants» (art. L.221-1, 1 et L.222-5 CASF); - De telles décisions, formulées de façon systématique à de jeunes étrangers constituent une discrimination prohibée sur base de la nationalité; - Il est de la compétence des départements, du service de l Aide sociale à l enfance, d examiner les requêtes individuelles, de recevoir les demandeurs et de les entendre, de prendre des décisions individuelles et de les notifier aux personnes; - l aide aux jeunes majeurs est un droit inscrit dans les textes précités et il revient au président du Conseil général d apprécier la situation des demandeurs au cas par cas; une décision de refus de la prise en charge doit être motivée et ne peut avoir lieu qu après une juste appréciation des besoins, celle-ci demeurant sous le contrôle du juge administratif; - DEI-France demande donc qu il soit mis fin aux pratiques de refus systématique de la prise en charge des jeunes majeurs étrangers et que le gouvernement donne les instructions aux représentants de l État dans les départements d exercer leur contrôle de légalité sur ces actes. 5