Tribunal administratif Numéro 22549 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2007 Audience publique du 19 novembre 2007 Recours formé par Monsieur...,, contre une décision de l administration communale de la Ville de Luxembourg en matière de fonctionnaires et agents publics JUGEMENT Vu la requête inscrite sous le numéro 22549 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2007 par Maître Luc MAJERUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur..., demeurant à L-, tendant à l annulation d une décision de l administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins et prise en sa qualité de gestionnaire du Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg, du 26 septembre 2005 emportant son échec à l examen d admissibilité aux fonctions de professeur auprès du Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg, transmise oralement à Monsieur... ; Vu l exploit de l huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 19 février 2007 portant signification de ce recours à l administration communale de la Ville de Luxembourg ; Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2007 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l administration communale de la Ville de Luxembourg ; Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2007 par Maître Luc MAJERUS au nom de Monsieur... ; Vu l exploit de l huissier de justice Frank SCHAAL du 25 juin 2007 portant signification de ce mémoire en réplique à l administration communale de la Ville de Luxembourg ; Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2007 par Maître Jean KAUFFMAN, pour compte de l administration communale de la Ville de Luxembourg ; Vu les pièces versées en cause ; Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Tom LUCIANI, en remplacement de Maître Luc MAJERUS, et Maître Stéphanie STAROWICZ, en remplacement de Maître Jean KAUFFMAN, en leurs plaidoiries respectives à l audience publique du 17 octobre 2007. 1
Après s être présenté une première fois à l examen d admissibilité aux fonctions de professeur de musique auprès du Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg en juin 2002 et avoir été écarté au motif que sa demande en nomination était parvenue tardivement aux autorités communales, Monsieur... se présenta une itérative fois au même examen au mois de septembre 2005. Le 26 septembre 2005 il fut informé oralement par le directeur du Conservatoire qu il avait échoué aux épreuves, Monsieur... s étant vu délivrer à cette occasion une liste avec les différentes épreuves et les résultats y obtenus. Monsieur... ayant sollicité, moyennant courrier de son mandataire, communication de son dossier personnel, le collège échevinal, sous la signature de son président et de son secrétaire, prit position comme suit dans un courrier datant du 14 décembre 2005 à l attention du mandataire de Monsieur... : «Par votre estimée du 22 novembre 2005, référence E 504/05 DN, relative à la situation professionnelle de Monsieur..., vous étiez intervenu auprès du collège des bourgmestre et échevins aux fins de solliciter la délivrance de l intégralité du «dossier administratif» concernant votre mandant. En réponse, nous nous permettons de vous informer que le collège échevinal voit mal comment réserver une suite favorable à votre requête, étant donné que certaines précisions au sujet de la nature exacte des pièces dont vous demandez la communication font défaut. Il n a en effet pas connaissance de l existence d un quelconque litige opposant votre mandant à la Ville, si ce n est son récent échec à l examen d admissibilité aux fonctions de professeur du conservatoire. Vous comprendrez que d un côté les dispositions légales régissant la protection des données nominatives, d un autre celles applicables en matière de gestion des dossiers personnels des agents publics, semblent a priori s opposer à une communication intégrale d un dossier personnel. Nous nous permettons par la même occasion de vous informer qu il est parfaitement loisible à Monsieur... de se présenter au service du personnel en vue de la consultation de son dossier personnel et de se faire délivrer des copies.» Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2007, Monsieur... a fait introduire un recours contentieux tendant à l annulation de la décision de l administration communale de la Ville de Luxembourg emportant son échec à l examen d admissibilité aux fonctions de professeur de musique auprès du Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg, lui transmise oralement en date du 26 septembre 2005. La Ville de Luxembourg conclut principalement à l irrecevabilité de ce recours pour libellé obscur en relevant que suivant le dispositif de la requête introductive d instance c est une décision ministérielle qui est entreprise, tandis que les critiques formulées dans le cadre du recours auraient trait, d un côté, à un prétendu défaut de communication du dossier administratif, mais que, d un autre côté, son recours renfermerait des critiques par rapport au déroulement de l examen et du mauvais résultat obtenu. 2
La partie défenderesse se prévaut pour le surplus des dispositions de l article 96 du règlement grand-ducal modifié du 20 décembre 1990 portant fixation des conditions d admission et d examen des fonctionnaires communaux, ci-après «le règlement grand-ducal du 20 décembre 1990», pour soutenir que les décisions de la commission en cette matière seraient sans recours. Dans son mémoire en duplique, la Ville de Luxembourg sollicite en outre le rejet des débats du mémoire en réplique du demandeur pour cause de tardiveté en se prévalant de la notification de ce mémoire en réplique à son égard intervenue en date du 18 juin 2007, tandis que son propre mémoire en réponse avait été notifié en date du 14 mai 2007. Conformément aux dispositions de l article 5(5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives «le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse (...)». Le mémoire en réponse de la partie défenderesse ayant, d après ses propres informations, été communiqué à la partie demanderesse en date du 14 mai 2007, le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2007, a été fourni dans le délai légal, étant entendu que conformément aux dispositions de l article 3 de la même loi, seule la date du dépôt au greffe est prise en considération au regard des délais de procédure. Concernant ensuite l objet du recours sous examen, il y a certes lieu de constater une divergence entre le corps de la requête introductive d instance et son dispositif en ce sens que le recours est indiqué comme étant dirigé contre une décision de l administration communale de la Ville de Luxembourg transmise oralement à Monsieur... le 26 septembre 2005 et emportant son échec à l examen d admissibilité aux fonctions de professeur auprès du Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg, tandis que le dispositif de la requête tend à l annulation de «la décision ministérielle attaquée». Compte tenu du descriptif pourtant très précis de la décision dont l annulation est sollicitée, ainsi que des moyens formulés et des explications fournies dans le cadre du mémoire en réplique consistant à affirmer que la référence à une décision ministérielle constitue une simple erreur matérielle, le moyen d irrecevabilité en raison d un prétendu libellé obscur laisse d être vérifié en fait. Le recours sous examen tend en effet sans équivoque et en substance à l annulation de la décision emportant l échec de Monsieur... à l examen d admissibilité aux fonctions de professeur qui lui fut transmise oralement le 26 septembre 2005 et qui figure par ailleurs parmi les pièces versées au dossier par la partie défenderesse, le président de la commission d examen s étant adressé à Monsieur... par courrier du 26 septembre 2005 comme suit : «Conformément à l article 99 du règlement grand-ducal du 20 décembre 1990, tel qu il a été modifié par la suite, portant fixation des conditions d admission et d examen des fonctionnaires communaux stipulant : «Ont réussi à l examen d admissibilité les candidats ayant obtenu, compte tenu des différents coefficients, au moins les sept dixièmes du maximum total des points et au moins les six dixièmes du maximum des points dans chaque branche», je suis au regret de devoir vous informer que sur le vu de vos épreuves écrites et pratiques qui ont eu lieu au Conservatoire de Musique de la Ville de Luxembourg en date du 21 et du 26 septembre 2004, les membres de la commission d examen compétente ont déclaré que vous avez échoué à l examen d admission au poste de professeur de paino chargé accessoirement de l accompagnement au piano. Vous avez réalisé une moyenne pondérée de 38,8 points sur 60.» 3
Concernant ensuite l article 96 du règlement grand-ducal du 20 décembre 1990 invoqué par la Ville de Luxembourg qui dispose que «les décisions de la commission sont sans recours», force est encore de constater qu il s agit d un texte réglementaire remontant à l année 1990 qui ne saurait plus trouver application à l heure actuelle, étant donné que conformément à l article 2(1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l ordre administratif, le tribunal administratif a reçu compétence pour statuer sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, «contre toutes les décisions administratives à l égard desquelles aucun autre recours n est admissible d après les lois et règlements», étant entendu qu il est précisé sous le point (2) du même article que «le recours au tribunal administratif prévu au présent article est admis même contre les décisions qualifiées par les lois ou règlements de définitives ou en dernier ressort». Il se dégage de l ensemble des considérations qui précède que le recours en annulation introduit par Monsieur... est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi. A l appui de son recours, le demandeur relève d abord que l administration communale aurait refusé de lui communiquer son dossier, de sorte qu il aurait été dans l impossibilité de vérifier tant la régularité formelle que le bien-fondé et la conformité à la loi et aux principes généraux de droit de la décision déférée. Après avoir pu prendre inspection du dossier administratif versé en cause par la partie défenderesse, le demandeur conclut dans son mémoire en réplique au non-respect des dispositions de l article 91 du règlement grand-ducal du 20 décembre 1990, en faisant valoir qu il n aurait pas reçu communication, un mois avant le déroulement des épreuves, de la partition des oeuvres imposées. Il fait valoir ensuite, en ce qui concerne la composition de la commission d examen, que les membres auraient été nommés sur le seul avis du directeur du Conservatoire de la Ville de Luxembourg, alors qu au prescrit de l article 87 du règlement grand-ducal du 20 décembre 1990, trois membres ainsi que leurs suppléants seraient à nommer par le collège des bourgmestre et échevins ou par le président du syndicat des communes sur avis du directeur et sur avis de la commission de surveillance du conservatoire. Dans la mesure où l avis de la commission de surveillance ne figurerait pas au dossier administratif et que par ailleurs aucune décision du collège des bourgmestre et échevins valant nomination en bonne et due forme des personnes proposées par le directeur n auraient été présentée en cause, la conclusion s imposerait que la commission d examen n aurait pas pu valablement statuer sur l examen d admissibilité, de sorte que la décision déférée devrait encourir l annulation. Il relève finalement que le procès-verbal de la réunion de la commission indiquerait uniquement les points retenus dans les différentes matières sans cependant reprendre les copies, corrections ou autres informations sur base desquelles ces points ont été retenus, de sorte qu il serait impossible de vérifier le bien-fondé de ces résultats. Conformément aux dispositions des articles 86 et 87 du règlement grand-ducal du 20 décembre 1990, les examens de la carrière de professeur de conservatoire ont lieu devant une commission distincte pour chaque conservatoire et école de musique. L article 87 dispose plus particulièrement que «Le directeur du conservatoire ou celui qui le remplace remplit les fonctions de président de la commission. Trois membres, ainsi que leurs suppléants, sont nommés par le collège des bourgmestre et échevins ou par le président du syndicat de communes sur avis du directeur et de la commission de surveillance du conservatoire. 4
Un membre ainsi que son suppléant est nommé par le ministre de l Intérieur. (...)» La partie défenderesse n ayant pas autrement pris position dans son mémoire en duplique par rapport au moyen du demandeur relatif à des irrégularités au niveau de la procédure de nomination des différents membres de la commission d examen, il y a lieu de se référer aux pièces versées en cause pour apprécier si les dispositions ci-avant relatées ont été observées en l espèce. Il se dégage du procès-verbal de la réunion de la commission d examen du 25 juillet 2005, que la commission ayant procédé à l examen de Monsieur... fut composée de Monsieur, directeur du Conservatoire de musique de Luxembourg, en tant que président de la commission, Monsieur, directeur du Conservatoire de musique de Namur, Madame, professeur de piano au Conservatoire de musique de Charleroi, Monsieur, professeur au Conservatoire national de Région de Nancy, ainsi que de Monsieur, directeur-adjoint du Conservatoire de musique de Luxembourg, en tant que membres de la commission, ainsi que de Monsieur, inspecteur principal premier en rang au ministère de l Intérieur, en tant que assistant au jury avec voix consultative pour les devoirs cités aux points a), b) et c) de l article 90 et conformément à l article 87 du règlement grand-ducal du 20 décembre 1990. Il se dégage encore des pièces versées au dossier que par décision du 22 juillet 2005, le ministre de l Intérieur a désigné Madame à titre de membre effectif et Monsieur, professeur honoraire du Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg, à titre de membre suppléant, pour siéger au jury procédant à l examen d admissibilité aux fonctions de professeur de piano de Monsieur..., ceci conformément aux dispositions du 3 ième alinéa de l article 87 prérelaté du règlement grand-ducal du 20 septembre 1990. Quant aux quatre autres membres effectifs de la commission, il y a lieu de constater que Monsieur, en tant que directeur du Conservatoire de musique de Luxembourg, a valablement pu remplir les fonctions de président de la commission par application directe de l article 87 du règlement grand-ducal du 20 décembre 1990, tandis que les trois membres restants, en l occurrence Messieurs auraient dû être nommés par le collège des bourgmestre et échevins ou par le président du syndicat de communes sur avis du directeur et de la commission de surveillance du conservatoire. Or, force étant de constater qu au-delà d un avis de Monsieur, en sa qualité de directeur, datant du 14 juillet 2005 et proposant au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg de bien vouloir nommer membres effectifs du jury, Monsieur, Monsieur et Madame, ainsi qu en tant que membres suppléants, Monsieur, Monsieur et, le dossier administratif tel que soumis au tribunal ne renseigne ni l avis de la commission de surveillance, ni encore la décision de nomination du collège des bourgmestre et échevins. Dans la mesure où la carence de ces pièces pourtant essentielles pour apprécier la régularité de la nomination des différents membres de la commission d examen a été dûment soulevée par le demandeur dans son mémoire en réplique, il y a partant lieu de constater que la partie défenderesse n a pas utilement rencontré les critiques qui lui ont été adressées, de sorte que les irrégularités par rapport aux exigences du règlement grand-ducal du 20 décembre 1990, pris plus particulièrement dans son article 87, sont à considérer comme étant établies. 5
Confrontée au moyen précis d une violation de la loi, il appartient en effet à la partie défenderesse d apporter en défense des éléments suffisants permettant d écarter le cas échéant les critiques qui lui sont adressées. La régularité de la nomination des membres d une commission d examen conditionnant directement la validité de toute décision que cette commission est amenée à prendre, il se dégage de l ensemble des considérations qui précèdent que la décision déférée de la commission d examen prononçant l échec de Monsieur... à l examen d admission en vue de la nomination de professeur de piano chargé accessoirement de l accompagnement au piano au Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg, encourt l annulation. Dans son mémoire en duplique, la partie défenderesse fait valoir que les frais de signification du mémoire en réplique par voie d huissier seraient à considérer comme étant frustratoires et ne sauraient être mis à sa charge, étant donné qu une notification à l avocat aurait été suffisante, force est de constater que la loi n impose pas la signification par voie d huissier du mémoire en réplique, de sorte que les frais qui ont été engagés par le demandeur à cet égard l ont été sans qu il n y ait été contraint. Il y a partant lieu de laisser ces frais à charge de la partie demanderesse. Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ; reçoit le recours en annulation en la forme ; au fond le dit justifié ; partant annule la décision déférée de la commission d examen emportant échec à l examen d admissibilité aux fonctions de professeur chargé accessoirement de l accompagnement au piano au Conservatoire de musique de la Ville de Luxembourg dans le chef de Monsieur... ; condamne la Ville de Luxembourg aux frais, à l exception des frais en rapport avec la signification du mémoire en réplique du demandeur par la voie d huissier ; Ainsi jugé et prononcé à l audience publique du 19 novembre 2007 par : Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef. s. Schmit s. Lenert 6