Bande dessinée et histoire en classe de troisième. Stage du 21 mars 2013 Académie de Besançon



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Transcription:

Bande dessinée et histoire en classe de troisième Stage du 21 mars 2013 Académie de Besançon

Une bande dessinée est un récit constitué d un ensemble de planches comprenant des images dessinées intégrant le plus fréquemment des textes brefs. Par extension, la bande dessinée désigne aussi la discipline artistique, aussi appelée le Neuvième art. Le concept de bande dessinée est appelé manga au Japon et comics aux Etats-Unis. Quels sont les liens existant entre la bande dessinée et l Histoire? Pourquoi utiliser la BD en classe de troisième? Quel usage peut-on en faire dans le cadre des nouveaux programmes?

I. BANDE DESSINEE ET HISTOIRE : quels liens? L'Histoire intéresse la BD depuis toujours (Tintin, Astérix, Alix ) Mais une évolution importante depuis 20 ans : de simple élément du décor (cf.tintin ), l Histoire en est venue à occuper une place centrale, voire est devenue le véritable sujet de l'album. un récit, des personnages (fictifs ou non) pour traiter d un épisode de l Histoire (= bandes dessinées à visée didactique le plus souvent) : Exemples : Le Cahier à fleurs de Galandon sur le génocide arménien témoignages ou récits journalistiques en BD : Exemples : Maus d Art Spiegelman, Gorazde de Joe Sacco adaptation en BD d ouvrages de témoignages ou d'ouvrages historiques : Collectif : Paroles de poilus, Paroles d étoiles La bande dessinée historique devient une «tendance» Plus seulement des œuvres à vocation didactique!

Aujourd hui = approche nouvelle du récit historique dans la BD. = les bédéistes actuels revendiquent le droit à l erreur, à l invention et à la digression : le récit l emporte sur l Histoire. Les Sentinelles, Tome 1 : Juillet-août 1914, les moissons d'acier, Robert Laffont, 2008. Scénario : Xavier Dorison, dessin et couleurs : Enrique Breccia Petite histoire des colonies françaises, Tome 2 : L Empire, FLBLB, 2007. Scénario : : G. Jarry, dessin : Otto T, couleurs : G. Heurtault et T. Tudoux. Sur fond de réalité historique (Première Guerre mondiale), un album de ''rétro science-fiction'' = un super-héros français, Taillefer, soldat sur lequel ont été greffés des membres métalliques.

L'Histoire est représentée dans la bande dessinée = question du vrai et du faux, du rapport entre le support et la réalité historique. On n étudie pas l Histoire par la BD mais une représentation de l Histoire = histoire des mentalités, des représentations, histoire des arts. - nécessaire sélection selon ses objectifs pédagogiques : le pacte de lecture est en général clairement annoncé par les auteurs (couverture/4 e de couverture/résumé ) - s intéresser aux auteurs, à leurs motivations, au contexte de création : Tardi et la Première GM, Ferrandez et l Algérie = mêmes problématiques que pour les autres arts!

II. POURQUOI UTILISER LA BD EN CLASSE? 1. La BD est un art populaire qui intéresse la plupart de nos élèves Plus de 38 millions de volumes (25 millions d albums, 14 millions de mangas) ont été vendus en 2011 pour un chiffre d'affaires de 416 millions d'euros (12% du chiffre d'affaires du marché total du livre) En 2011, 29 % des Français de plus de 15 ans lisaient de la bande dessinée Le festival international de la BD se tient tous les ans à Angoulême fin janvier (2013 : 40e festival). N est pas réservé aux plus jeunes! Une enquête Ipsos note que «90% des 11-14 ans déclarent avoir lu des bandes dessinées au cours des 12 derniers mois». = nos élèves s intéressent à ce médium

2. Un support qui permet d «accrocher» leur attention Pour les élèves = aspect ludique de la BD donc son utilisation en cours d histoire provoque de la surprise et de l intérêt Décalage entre sujets tragiques abordés et réputation comique de la BD Objectif : leur montrer/démontrer que la BD sait être sérieuse, que c est un art d une grande variété. Michael Kupperman Site du9.org : http://www.du9.org/breve/2013/02/#5873

Sur le génocide arménien Couverture de l album Medz Yeghern : Le grand mal, scénario et dessin de Paolo Cossi, Dargaud, 2009 Couverture de l album Les folies Bergère, de Porcel et Zidrou, Dargaud, 2012. Sur la Première Guerre mondiale Couverture du manga Hitler de Shigeru Mizuki, Cornélius, 2011. Une «biographie» d Hitler

3. La «magie» de la BD -La BD est un récit graphique : combinaison unique entre image et texte = bulles, blocs de texte, onomatopées donnent vie aux illustrations ce qui permet une appréhension rapide de la situation/de l évènement. + permet d incarner l Histoire par des histoires concrètes (réelles ou fictives) = donne du corps à des évènements qui peuvent paraître abstrait car trop lointain = une porte d entrée pour des élèves réticents à la lecture. - Mode de narration spécifique : l œil est guidé d une case à l autre sur toute la séquence (= suite d'images ou de scènes formant un ensemble), utilisation de l ellipse permet de garder le rythme de l action, de varier les points de vue sur une même planche. Interview de l auteur de BD Joe Sacco : http://www.arte.tv/fr/culture-l-histoire-et-l-actualite-en-bande-dessinee/3043146,cmc=3042800.html - Stylisation du dessin = Choix du dessinateur d utiliser tel ou tel code graphique : ex choix du noir et blanc pour rendre compte de l horreur d une situation / réalisme ou non du dessin L outil «dessin» permet parfois de rendre l indicible ou difficilement dicible accessible au (jeune) lecteur = violence de certaines images davantage mise à distance grâce au dessin.

Membres du Conseil juif (Judenrat) de Lvov pendus par les Allemands. Lvov, Pologne, septembre 1942. US Holocaust Memorial Museum Source : http://www.ushmm.org/wlc/fr/media_ph.php?moduleid=97&mediaid= 2093 Extrait de Maus d Art Spiegelman, tome 1. Une des nombreuses scènes éprouvantes de Maus : l utilisation de souris pour figurer les Juifs peut rendre plus supportable pour le lecteur la représentation détaillée d événements terribles = recul créé par l utilisation d animaux.

Mais la violence d un dessin peut être tout aussi choquante que celle d une photo «On ne peut pas faire l économie d images violentes à partir du moment où l on parle de la guerre.( ) Le dessin, le cinéma, peuvent-ils restituer ce genre de situation? La littérature est-elle plus adaptée? Je n en sais rien.» Extrait d un entretien avec Jacques Tardi, tiré de B. Denéchère et L. Révillon, 14-18 dans la bande-dessinée. Images de la Grande Guerre de Forton à Tardi. Les morts et les blessés sur la tranchée de la voie ferrée, arête de Broodseinde, le 12 octobre 1917 Source : http://www.ww1westernfront.gov.au/index.html.fr Tardi, C'était la guerre des tranchées, Casterman, 1993, p.30. Chez Tardi, la violence est montrée dans toute sa crudité = montrer l horreur de la guerre est primordiale pour l auteur.

4. Dans certains cas, la BD devient un véritable document d histoire. La BD instrument de propagande -Illustrés (surtout pour enfants) durant les deux guerres mondiales -La bête est morte de Calvo, Dancette et Zimmermann - Comics américains pendant la Guerre froide La BD de témoignage ou autobiographique -1986 : le «choc» Maus d Art Spiegelman - Gen d Hiroshima de Nakazawa La BD de reportage - Le pionner Joe Sacco : la Palestine et la Bosnie - Passage afghan de Ted Rall : l intervention américaine après le 11/09/01 - Chapatte, BD reporter

LA BD COMME INSTRUMENT DE PROPAGANDE Durant la Première Guerre mondiale, Bécassine dont les aventures sont publiées en feuilleton dans La Semaine de Suzette, délaisse ses tâches ménagères pour combattre «le Boche». Dessinés par Pinchon, trois albums sont publiés : Bécassine pendant la guerre (1916), Bécassine chez les Alliés (1917) et Bécassine mobilisée (1918). Les Pieds-Nickelés, que l on retrouve dans l'illustré populaire L Épatant, deviennent de valeureux soldats : "Du moment qu il s agit de taper sur les Boches, nous sommes là", affirment-ils dans Les Pieds- Nickelés s en vont en guerre, sous la plume de Forton.

Durant la Deuxième Guerre mondiale : Captain America encourage les jeunes lecteurs à rejoindre les «Sentinelles de la Liberté» et à se consacrer au recyclage du papier, qui devient «une arme de guerre»! Le Téméraire, un véritable journal nazi, véhiculant les thèses racistes et antisémites de l'occupant. Voir l ouvrage de Pascal ORY, Le Petit nazi illustré. La propagande allemande en zone occupée : les Aventures de Célestin Tournevis qui vante les bienfaits du travail en Allemagne pour les jeunes Français. http://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/164/files/2012/04/tournevis-complet.jpg

La Bête est morte, Edmond-François Calvo (dessin), Victor Dancette et Jacques Zimmermann (texte), 1944-1945, réédition Gallimard, 2007. - BD destinée à la jeunesse, dessinée dans la clandestinité pendant les derniers mois de l Occupation allemande et sortie juste au moment de la Libération en 1944-45. -L album évoque sous la forme d une fable animalière, les années 1939-1945. A l origine, deux fascicules : Quand la bête est déchaînée et Quand la bête est terrassée. - Chaque pays est représenté par une espèce animale : les Français sont des lapins, les Allemands des loups, les Anglais des bulldogs, les Américains des bisons, etc. album de propagande patriotique et résistantialiste, manichéen avec des simplifications voire de véritables falsifications historiques. - L épisode de Vichy est complètement ignoré, ainsi que le maréchal Pétain et la collaboration - Les lapins-français étaient naturellement tous unis derrière la «grande cigogne nationale» (De Gaulle). - Le ton est revanchard et patriotique. Les Allemands sont présentés comme étant tous sans exception «des monstres, des bourreaux, ( ) des tueurs.» Cette représentation d Hitler en loup n est pas sans rappeler le dessin animé de Tex Avery réalisé en 1942, Blitz Wolf. http://www.youtube.com/watch?v=1tqpvt ED_Jw De Gaulle est la «grande cigogne nationale»

L invasion de l URSS ; Staline est présenté comme un ours sympathique. Deux vignettes seulement évoquent indirectement, le sort des populations persécutées ; la spécificité de l extermination des Juifs n est pas mise en avant. Mais nous ne sommes qu en 1945 Référence à la La liberté guidant le peuple de Delacroix (1830) pour symboliser la libération de Paris.

LA BD DE TEMOIGNAGE OU AUTOBIOGRAPHIQUE «( ) de la rencontre peu naturelle de la B.D. et de la Shoah naît un choc. Le choc d'une forme réputée mineure pour un événement majeur.» Marek Halter préface de l'édition Flammarion. L auteur : dessinateur new-yorkais né en 1948, Art Spiegelman est le fils de Vladek Spiegelman, un Juif polonais survivant des camps nazis. Lors d une série d entretiens, son père lui raconte son histoire : ses souvenirs sont le matériau de Maus. L œuvre : - première publication en album en 1986 : premier volume intitulé Maus : Un survivant raconte aussi publié sous le titre Mon père saigne l'histoire - la suite et fin de cette histoire, éditée en français sous le titre Et c'est là que mes ennuis ont commencé, sort en 1991. Immense succès critique dès sa publication : prix Pulitzer en 1992 (seule BD à l avoir reçu), traduit en 30 langues Plusieurs millions d exemplaires vendus dans le monde

Planche expliquant les motivations de l auteur. Pourquoi des souris? Pourquoi la BD? Pourquoi la Shoah? http://www.franceinfo.fr/livre/bd-bande-dessinee/metamaus- art-spiegelman-veut-enfin-digerer-son-chef-d-oeuvre-maus- 507659-2012-01-29 Trailer de Metamaus (en anglais) : http://www.youtube.com/watch?v=ql4oztlrufe &feature=player_embedded Planche extraite de Maus, tome 2, chapitre 2, p. 201 (édition intégrale)

Le témoignage dessiné d un rescapé d Hiroshima : Gen d Hiroshima de Keiji Nakazawa L auteur : le dessinateur Keiji Nakazawa n avait que 6 ans le 6 août 1945 ; il se trouvait à moins d un kilomètre de l épicentre. Il assista à la mort de ses parents, vit les habitants de la ville fondre sous ses yeux. L œuvre : 10 volumes d environ 200 pages chacun ; Nakazawa évoque la vie au Japon avant la bombe (ultranationalisme, militarisation de la vie quotidienne ), l explosion atomique et ses conséquences, l occupation américaine. MESSAGE CLAIREMENT ANTIMILITARISTE DE L AUTEUR Publié en 1972 dans un numéro spécial de la revue Shônen Jump, Ore wa Mita («Je l ai vu»), première ébauche de Gen d Hiroshima. Un des premiers mangas à avoir connu une diffusion internationale En France, le premier volume est édité en 1983.

1 3 5 4 7 6 Rare BD nippone (si ce n est la seule) à décrire avec réalisme les effets de la bombe atomique sur les corps. 2

Le même évènement vu par un Américain Extrait de Une histoire populaire de l empire américain, Howard Zinn, Vertige Graphic, 2008.

LA BD DE REPORTAGE Joe Sacco, pionnier du journalisme d'immersion en BD 1993 : Palestine, une nation occupée, première bande dessinée reportage. Passage afghan de Ted Rall sur la deuxième guerre d Afghanistan Ses reportages suivants le conduiront en Bosnie durant la guerre en ex-yougoslavie (Gorazde, The Fixer. Une histoire de Sarajevo ). En 2003, il retourne en Palestine pour Gaza 1956. Attention : une BD engagée qui se veut parfois militante. Deux manières d'aborder cet album. Soit la partie BD (couverture de droite), soit la partie documentaire (couverture de gauche). Il suffit de retourner le livre. Patrick Chappatte et le reportage BD : Bédéiste et dessinateur de presse suisse, depuis 1995, Chappatte a développé le reportage en bande dessinée ; il a aussi réalisé en 2008 une série de dessins d actualité animés. - Ses dessins de presse classés par thème : http://www.globecartoon.com/dessin/ - Ses BD reportage : http://www.globecartoon.com/bd/ - Conférence de Chappatte sur ce nouveau mode de reportage : http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=ti_rwjln4m4#!

Le «cas» Tardi «Aujourd hui, lorsque l objet bande dessinée croise le sujet Grande guerre, Tardi est «la référence», l auteur qui vient immédiatement à l esprit nous seulement des lecteurs mais aussi des historiens ( )» Extrait de B. Denéchère et L. Révillon, 14-18 dans la bande-dessinée. Images de la Grande Guerre de Forton à Tardi, Cheminement, 2008, p. 36. Plus des ¾ des albums publiés par Tardi concernent, de près ou de loin, la Grande Guerre.

Le souvenir prégnant de son grand-père = une œuvre de témoignage? Dédicace «à mon grand-père» + préface : «depuis les récits de mon grandpère, l envie d essayer de rendre compte de ce début de siècle m a toujours tenaillé». MAIS récits qu il tient de sa grand-mère après la mort de son grand-père qui ne parlait jamais de la guerre = un témoignage de seconde main UNE VISION CONTEMPORAINE DU CONFLIT EMAILLEE DE MEMOIRE FAMILIALE = Tardi utilise certains récits familiaux en les nourrissant de ses lectures TARDI REVENDIQUE SON RECOURS AU ROMANESQUE Planche extraite de C était la guerre des tranchées, Casterman, 1993, p. 88. Cet épisode est directement inspiré de ce qu a vécu son grand-père sur le front.

Un auteur documenté = une reconstitution historique? Rapports privilégiés avec Jean-Pierre Verney (expert en équipement et armement pour 14-18), consultation d archives, de photos d époque, visite des champs de bataille, lecture de témoignages = travail de documentation important chez Tardi Vignette extraite de C était la guerre des tranchées, Casterman, 1993 (réédition actuelle), p. 20. «- Au moment où on le fusille, le soldat est attaché à un poteau, les yeux bandés? - C est pas obligatoire, seulement ceux qui veulent. Quelques fois on mettait une cible en carton blanc à l emplacement du cœur ( )» Entretien entre Tardi et JP Vernez, retranscrit dans C était la guerre des tranchées, Casterman, 1993, remerciements, p. 8

Une œuvre en adéquation avec certains apports récents de l historiographie sur la Grande Guerre La violence de la guerre imposée et subie par tous et partout : «l ensauvagement» Des soldats qui n ont pas été que des victimes passives : «nettoyage de tranchées», combats au corps à corps C était la guerre des tranchées, p. 108-109 Blessures et traumatismes : une histoire corporelle Tardi montre les soldats qui souffrent, mutilés, les visages et membres arrachés (p. 123) Place importante laissée au traumatisé psychique (shell shock) Le refus de combattre : un consentement par la contrainte Pour Tardi, le consentement à la guerre s explique uniquement par la contrainte = le poilu cherche souvent à éviter le combat (désertion, mutinerie, tentative de fraternisation ) débat parmi les historiens sur ce point «Mon intention n est pas de faire une Grande Guerre racontée aux enfants. ( ) Je pars du principe que le lecteur sait de quoi je parle. ( ) Faire œuvre de pédagogue, ce n est pas mon but» Extrait d un entretien avec Jacques Tardi, tiré de B. Denéchère et L. Révillon, 14-18 dans la bande-dessinée. Images de la Grande Guerre de Forton à Tardi.

Un pacifiste et antimilitariste convaincu = une démarche idéologique? «En fait dans tout ça, il s agit moins de la guerre de 14-18 que de la GUERRE ( )» Hostilité affichée à l héroïsme, au patriotisme et à tous ses symboles Extrait de la préface de Tardi à C était la guerre des tranchées. La haine de la guerre est une constante dans l oeuvre de Tardi. Vignette extraite de C était la guerre des tranchées, Casterman, 1993, p.47 Hostilité envers les officiers et l armée en tant qu institution le simple soldat souffre plus que l officier supérieur, souvent présenté comme un «salaud» par Tardi. Vignette extraite de C était la guerre des tranchées, Casterman, 1993, p.50 Pas de héros, mais des hommes qui ont peur face à l horreur de la guerre Chez Tardi, l évocation de destins individuels tragiques, ceux de simples soldats pris dans la tourmente de la guerre, lui permet de dresser un plaidoyer contre la guerre But = «écœurer le lecteur de la guerre».

Conclusion : s emparer du Neuvième Art L'expression «neuvième art» est forgée en 1963 par le critique de cinéma Claude Beylie puis Morris (le créateur de Lucky Luke) et Pierre Vankeer animèrent au sein du Journal de Spirou entre 1964 et 1967 une rubrique intitulée Neuvième Art. La BD n est pas un art mineur réservé à la jeunesse ou à de grands enfants nostalgiques, qui ne se consacrerait qu à l humour. Mais un art à part entière avec ses codes, son vocabulaire, ses spécificités = un médium dont la lecture n est pas si aisée, qui nécessite une certaine éducation à l image. Une façon différente d aborder l Histoire en classe.

QUEL USAGE DANS LA CLASSE? Illustrer les propos du professeur, un texte = dans ce cas, pas forcément d étude approfondie de l œuvre, travail centré sur une description de l image, de la scène représentée. Ex : Choisir une vignette de Tardi pour montrer la dévastation du champ de bataille en 14-18, la couverture de l album de Spiegelman pour évoquer le 11 septembre EXEMPLE : LE MONDE DES ANNEES 1990

Travailler sur une ou des vignettes de manière approfondie = la BD comme document d histoire = pas possible avec tous les albums (rapport fiction/réalité) = travail sur l auteur, sa documentation, ses motivations, ses rapports avec l évènement ou la période qu il décrit EXEMPLE : LES COMICS DANS LA GUERRE FROIDE Exemple : Nakazawa, témoin de l explosion atomique d Hiroshima

Confronter une vignette / planche à d autres supports (photos, documentaires, témoignages, œuvres d art) HDA = étude de l ensemble de la BD avec travail approfondi sur le bédéiste et l ensemble de son œuvre Exemple de Maus d Art Spiegelman = un témoignage / rapport auteur-narrateur = confronter plusieurs vignettes de Maus avec photos d Auschwitz Un exemple d exploitation pédagogique de la BD Maus d Art Spiegelman par des collègues de l académie de Nantes : http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/1326208683387/0/fiche ressourcepedagogique/&rh=1160251533531

Travailler avec le professeur d arts plastiques sur la BD (vocabulaire, étapes de création, réalisation d une BD par les élèves sur un thème choisi en histoire, travail de recherches à partir des BD du CDI ) Exemple : le travail mené à l Historial de Péronne pour aborder la Première Guerre mondiale avec des classes de primaire, collège et lycée Lien : http://www.historial.org/le-service-educatif-de-l-historial/ressources-a-telecharger/les-cahiers-de-l-historial ) = on peut construire un itinéraire des arts sur l année = proposer des dossiers «BD» pour l épreuve d HDA!

Travailler les compétences du socle Compétence 5 : La culture humaniste Avoir des connaissances et des repères : dans le domaine artistique Situer dans le temps : établir des liens entre les oeuvres Lire et pratiquer différents langages : textes et images = la BD est un type de langage spécifique Faire preuve de sensibilité, d esprit critique, de curiosité : - être sensible aux enjeux esthétiques et humains d une oeuvre - être capable de porter un regard critique sur une oeuvre

Travailler les capacités «raconter», «décrire» voire «expliquer» Exercice possible (en évaluation rapide?) : demander aux élèves de décrire la scène et/ou d expliquer en quoi elle témoigne de la violence de masse durant la Première Guerre mondiale. Planche extraite de Une aventure rocambolesque de Vincent Van Gogh. La ligne de front, Manu Larcenet, Poisson Pilote.

Exercice de description d une couverture : De quel sujet traite cette bande-dessinée? Justifiez votre propos en citant un /deux élément(s) et en l(es) expliquant.

III. Petit précis à l usage des bédéphiles - Synopsis : résumé du scénario qui décrit les grandes lignes de l'histoire et qui permet de se faire une idée globale du thème et de l'évolution des personnages. - Série : Ensemble des albums réunissant les aventures d'un personnage ou d'un groupe de personnages. Peut être composée d'aventures indépendantes (one-shot) ou de cycles. - One shot : série en un tome (ou volume) unique. - Cycle (ou arc) : histoire dont la trame se déroule sur plusieurs tomes. Elle se termine souvent par une "fin" qui peut se suffire, mais laisse aussi la porte ouverte à d'autres aventures. Une série est souvent composée de plusieurs cycles. - Roman graphique : terme généralement employé pour désigner une bandedessinée plus littéraire, constituée d'un nombre important de pages. La plupart du temps des one-shot. - Strip : histoire réalisée sur un nombre restreint de cases (en général trois ou quatre) et qui s'étend sur la largeur de la page. Souvent utilisé dans la presse.

3 auteurs : - 2 scénaristes : Patrick Cothias et Patrice Ordas - un dessinateur : Alain Mounier. - un coloriste (peu souvent nommé en couverture) : Sébastien Bouët

Comment s organise une planche de BD? - une planche : page entière de B.D., composée de plusieurs bandes. - une bande (aussi appelée un strip ) : succession horizontale de plusieurs images (entre une et six images environ). - une vignette (aussi appelée une case): image d une bande dessinée délimitée par un cadre. - une bulle (aussi appelée un phylactère) : forme variable qui, dans une vignette, contient les paroles ou pensées des personnages reproduites au style direct. - un appendice relié au personnage : permet d identifier le locuteur. Il prend la forme d une flèche pour les paroles et de petits ronds pour les pensées. - un cartouche : encadré rectangulaire contenant des éléments narratifs et descriptifs assumés par le narrateur, appelés également commentaires. - une insert : image insérée dans une case ou intercalée entre deux cases pour présenter un détail en gros plan ou mettre en valeur un élément visuel utile au récit.

Une planche une bande (ou un strip) une case (ou une vignette) Un cartouche ou des commentaires une bulle ou un phylactère, reliée au personnage par un appendice

Dans les bulles - une onomatopée : mot qui imite un son ; les onomatopées constituent le bruitage de la bande dessinée. - un idéogramme : icône, symbole ou petit dessin exprimant une pensée ou un sentiment. - la typographie : manière dont le texte est imprimé (caractères, forme, épaisseur, disposition...) - le lettrage : réalisation à l encre de Chine des textes et dialogues d'une bande dessinée. Ce travail est parfois assuré par un spécialiste, le lettreur. - le récitatif : il peut s'agir de textes courts comme «Pendant ce temps...» ou «Le lendemain matin...» mais il peut être beaucoup plus étoffé et expliquer ou détailler l'action.

onomatopées idéogramme récitatif Extrait de Le fils d Astérix, Uderzo et Goscinny,

Et les couleurs? La couleur ou l absence de couleur jouent un rôle essentiel en BD. En imprimerie, le procédé appelé quadrichromie permet de récréer un large spectre de couleurs à partir des trois teintes de base, le bleu cyan, le magenta et le jaune associées au noir. Le noir est en général utilisé pour les contours des personnages, des bulles. Selon le choix artistique des auteurs, certaines bandes dessinées sont exclusivement réalisées en noir et blanc ou en bichromie (impression en deux couleurs). Crayonné : première version d un dessin ou d une planche de bande dessinée en général réalisée au crayon à papier. Certains auteurs font le choix d en rester à cette version pour l édition. L encrage est l étape lors de laquelle le dessinateur (ou un assistant) repasse à l'encre de chine tous les traits du dessin.

Extrait de C était la guerre des tranchées de Tardi Utilisation du noir et blanc. Dans cet album, l auteur utilise souvent des vignettes qui occupe toute la bande = vision panoramique du champ de bataille. Certaines vignettes ou planche ne sont pas accompagnées de texte, on dit qu elles sont «à parole zéro».

Comme en photographie ou au cinéma, il existe différents points de vue sous lesquels se présente chaque scène d'une bande dessinée ; ils représentent la position de l œil du lecteur ; - la plongée : vue de dessus ; elle situe les personnages dans l espace, les uns par rapport aux autres et par rapport à leur environnement. Elle permet également de dramatiser une scène en donnant un sentiment d écrasement, d infériorité, voire de menace sur le sujet représenté. - la contre plongée : vue de dessous ; elle magnifie le sujet, lui donne un aspect de supériorité et de domination. -Champ/contrechamp : l alternance champ/contrechamp permet de présenter la même scène de deux points de vue opposés : devant/derrière, gauche/droite, va-et-vient d un protagoniste à l autre dans une scène de conversation. Le cadrage : les différents plans Extrait de «Les cahiers de l'historial», numéro consacré à la Bande dessinée et la Grande Guerre, téléchargeable à cette adresse : http://www.historial.org/le-serviceeducatif-de-l-historial/ressources-a-telecharger/les-cahiers-de-l-historial

Procédés d enchaînement des vignettes - une scène : suite d images se présentant dans le même décor. - une séquence : suite d'images ou de scènes formant un ensemble, même si elles ne se présentent pas dans le même décor. - le lien entre les vignettes : élément assurant un enchaînement spécifique entre deux vignettes. - le zoom : succession de plans qui rapprochent progressivement le sujet. - l ellipse : temps qui passe entre deux cases ou deux scènes. L'ellipse permet de sauter des événements sans importance afin de ne pas casser le rythme de l'action (ou au contraire de ne pas montrer un événement important pour accentuer un suspense) - le flash-back : retour en arrière. On l'utilise en général pour figurer ou représenter le souvenir d'un personnage, ou pour raconter une action s'étant déroulée avant la scène que nous sommes en train de lire. Pour aller plus loin : http://www.bdtheque.com/dictionnaire.php

Diaporama réalisé par Carole Mailley Collège Louis Bonnemaille, CLERVAL Académie de Besançon