La croissance verte : les nouvelles opportunités par le recyclage. Des solutions durables apportées par la chimie. Conférence organisée par le Pôle des Eco-Industries Professeur Jacques Barbier, Président du Pôle des Eco-Industries et de l institut de la chimie verte. «L invitation de Monsieur Michel VALACHE au Salon de la Croissance Verte 2014 est en étroite relation avec l évolution du Pôle des Eco-Industries depuis sa création. En effet en 2005, la mission qui lui avait été confiée était de promouvoir en Poitou-Charentes des industries éco-conçues, respectueuses de l environnement et engagées dans la dynamique du développement durable. Aujourd hui, sur une telle thématique, un réseau très large s est constitué regroupant 1280 membres et adhérents mais réseau dans lequel toutes les filières industrielles, tous les codes NAF et tous les métiers sont représentés. Ainsi, dès 2008, il est apparu nécessaire de focaliser le domaine de compétence du Pôle sur un axe fédérateur. Le choix a été celui de la valorisation des déchets et de l économie circulaire. Dans ce domaine la compétence du Pôle est de plus en plus reconnue et c est dans cette dynamique que Monsieur VALACHE Président de l Association Alliance Chimie Recyclage nous fait l honneur d être aujourd hui parmi nous. M. Frédéric Fournet, Président de l Union des Industries Chimiques Poitou-Charentes Limousin «La chimie est à la fois une science et une industrie. Elle est souvent décriée alors qu il s agit d une filière porteuse de solutions pour demain. La région Poitou-Charentes compte plus de 100 établissements et entreprises pour environ 3500 emplois.» M. Michel VALACHE Président de l'association Alliance Chimie Recyclage (2ACR) Président de la FNADE (Fédération Nationale des Activités de Dépollution et de l'environnement) Directeur Général Adjoint de Veolia (Recyclage et Valorisation). «J ai plaisir à partager la bouffée d air que présente l éco-industrie en Poitou-Charentes. La croissance verte est un mot nouveau. Le ministère de l environnement la définit comme «un mode de développement économique respectueux de l environnement. Elle concerne les éco-activités (assainissement de l eau, recyclage et valorisation énergétique des déchets, dépollution des sites, énergies renouvelables) mais aussi les secteurs traditionnels (transport, agriculture et bâtiment).» Elle ne fait pas mention des aspects ressources naturelles et énergie. Cette industrie est à construire.
Le 20 e siècle a développé une société d hyper consommation des ressources naturelles. Si on continue sur cette base et en tenant compte de la croissance démographique, les ressources naturelles seront épuisées d ici la fin du siècle. Cette année, le Jour du dépassement global a été calculé au 18 août 2014. Cela signifie que depuis le 19 aout 2014 nous sommes en surconsommation par rapport au renouvellement naturel des matières premières. Une prise de conscience progressive Nous réalisons que nous vivons dans un monde fini où l abondance doit faire place à la sobriété. Les industriels ont eux aussi conscience de cette finitude possible des ressources qui s accompagne de l augmentation des coûts de matières premières. De 2000 à 2010, l évolution du prix des matières et de l énergie a été multipliée par 2,5. Cette prise de conscience sur la disparition des ressources naturelles s accompagne d une évolution de la prise de conscience environnementale. Même si la question du tri sélectif n est pas nouvelle, car elle date de la loi de 1883 du Préfet Poubelle. Le recyclage ne commence à s industrialiser que dans les années 70. Des autorisations d exploitation de sites apparaissent et posent alors à la base la question de la dépollution. Dans les années 80 le tri des déchets commence à poindre (papier, fer). En 1992, un nouveau pas est franchi avec la loi sur la collecte séparée et le traitement des déchets d emballages ménagers et l arrivée du 1 er éco-organisme, éco-emballages. Ce nouveau pas sera fondamental pour le développement du secteur de traitement des déchets. Depuis les efforts du recyclage se poursuivent pour faire du déchet une ressource. Pour un recyclage durable, il faut veiller à la dépollution. Je regrette que ce concept ne soit plus mis en avant car il est indispensable à la protection de la planète. En France chaque année 600 millions de tonnes de déchets sont produits dont 500 inertes. Ils se répartissent à 30 % en déchets ménagers et 70 % industriels. 70 % sont triés. Les statistiques européennes qu on nous propose sur nos capacités à recycler sont fausses. La France est en très bonne santé environnementale même si des efforts sont à fournir, notamment sur le tri dans le bâtiment. Les entreprises françaises qui travaillent dans le secteur du recyclage sont parmi les plus reconnues au monde. L économie circulaire, défi d industrialisation Les modèles économiques existants sont basés sur des volumes à traiter, des prix de matières premières qui fluctuent. Il est nécessaire de changer de modèle pour que l industrie du recyclage s effectue en France. Il s agit de PIB, d industrialisation. Les industriels ont fait une proposition de contractualisation au gouvernement, partiellement entendue dans la loi présentée par Mme Royal et dans le plan recyclage et matériaux verts. Nous avons proposé de réduire en 3 ans 25 % des volumes en décharge, soit 5 millions de tonnes de déchets. Trois millions de tonnes seront valorisés en matière et 2 millions en énergie. Il faut garder à l esprit que la valorisation des matières est indissociable de la production d énergie. En contrepartie, les industriels se sont engagés à créer 20 000 emplois.
Relever ce défi nécessitera une économie plus collaborative. Les déchets des ménages et ceux des industriels pourraient être traités de la même façon car les produits recyclés se destinent aux mêmes filières, par exemple le papier à l imprimerie. Il faut des systèmes de collecte et de tri adaptés. Pour faire des déchets une ressource, il faut trouver un consommateur final qui s inscrive dans la durée, à des quantités constantes et à un prix maitrisé. Ceci est possible avec des joint-ventures ou des contrats longs qui font actuellement défaut. Des réussites de recyclage existent mais ne sont encore que des niches. Par exemple la régénération des huiles usagées par Osilub, filiale commune à Veolia propreté et Total, traite 120 000 tonnes d huile de moteur usagée par an pour produire des bases de qualité similaire avec un rendement de 75 %. L association des deux entreprises a permis de partager les risques et assurer des volumes. Mais pour mener ce projet, 10 ans de collaboration entre collecteurs, recycleurs et chimistes ont été nécessaires! Les industriels du recyclage veulent apporter leur contribution à l économie circulaire. Le mouvement d ampleur n existe pas encore et il n y a pas encore de création de valeur ajoutée d envergure, de filière structurée et structurante. Le chemin est compliqué, il faut lever les freins qui empêchent d aller plus vite. Lever les freins Un frein important est la fragilité économique de nos entreprises. Les entrepreneurs manquent de lisibilité réglementaire et fiscale pour conforter des investissements industriels de plus en plus lourds. On doit également s interroger sur la place du droit à l expérimentation. Plus de souplesse sur la réglementation pendant quelque temps permettrait de pouvoir franchir les étapes nécessaires. On doit réussir à accepter le droit à l échec y compris les banquiers. On doit engager un processus d accélération du système. L économie circulaire est une économie de partage des idées, de changement dans les méthodes de travail. C est un projet sociétal qui doit être aussi porté par les élus. Il faut aussi changer de posture avec les citoyens et les associations, partager nos problématiques voire les associer aux projets. Je ne crois pas à la décroissance. Je crois à l intelligence des hommes. La chimie, porteuse de solutions La chimie aide à la réutilisation de matériaux usagés grâce à une compréhension des capacités de réutilisation possible (par exemple pour le revêtement des routes) et à une régénération, un recyclage de produits de fonctionnalité (par exemple, Veolia loue des solvants dans des garages). On utilise la chimie pour extraire des déchets des nouveaux produits. Elle représente en cela un gisement de ressource métallique profitable. La chimie est utilisée pour créer des produits éco-conçus ou facilement recyclables. La chimie aide au recyclage, à la transformation de déchets en ressources.
2ACR, collaborer en confiance L Association Alliance Chimie Recyclage, créée en 2011, rassemble des industriels de tous secteurs (Environnement, Chimie, Recyclage, Metteurs sur le marché) et de toutes tailles et des pôles de compétitivité pour entrer dans cette économie de la ressource. Tous partagent la volonté de travailler ensemble, en confiance, et l ambition de faire du recyclage un outil de ré-industrialisation des territoires en France. Une étude sur l état des lieux de la chaîne de valeur du recyclage des plastiques en France verra le jour en décembre. Il s agit d une des actions du contrat signé avec l Etat le 27 juin 2014. Son but est de rendre les modèles durables, en séquençant la matière par intérêt et sous-produits. Les facteurs clés de succès du développement de l économie circulaire Une stratégie industrielle et entre industriels à promouvoir Investissement dans l innovation technologique, organisationnelle, collaborative Nécessité d un écosystème Garantie d innocuité De nouvelles façons de travailler ensemble : prise en compte de l ensemble des chaînes de valeur et des valorisations possibles Droit à l expérimentation et son corollaire, le droit à l échec Initiative donnée aux acteurs industriels (besoin de prouver la fiabilité économique), avec un soutien actif des pouvoirs Publics à tous niveaux Une équation économique difficile à résoudre hors des niches ou sans aide Un projet sociétal porté par les élus, l Europe, l Etat et les collectivités, et aussi les citoyens et les associations Mise en place des réglementations et des incitations nécessaires pour favoriser le recyclage et les réutilisations Stabilisation du contexte réglementaire et fiscal Prise en compte des facteurs économiques, environnementaux, et d emplois dans les analyses d impact Mise en place de mécanismes permettant les lourds investissements industriels nécessaires (Amorçage) De nouvelles formes de collaboration avec un nécessaire partage de la valeur Compromis nécessaires entre proximité géographique et réalités des marchés
M. Grégory Giavarina, Délégué Général de l Institut de l Economie Circulaire, IEC «Le PEI vient de rejoindre IEC, association nationale multi-acteurs. Notre objectif est l accélération de la transition vers une économie circulaire. Le modèle économique linéaire est issu de la révolution industrielle avec l avènement des énergies peu couteuses. Dans les années 70 on est entrés dans la société de consommation avec une production de masse. Nos modèles de croissance reposent sur les consommateurs et le pouvoir d achat et sont donc couplés à l utilisation de ressources naturelles. Le système linéaire consiste à extraire, fabriquer, consommer, jeter. En 1970, l économie mondiale consommait 34 milliards de tonnes de ressources naturelles, en 2009, 68! La France en 2011 : 1 milliard. Nous sommes face à 3 défis auxquels répond l économie circulaire : Démographique : 7,2 milliards d habitants en 2013 et 9,6 prévus en 2050, avec un La finitude des ressources : d ici quelques dizaines d années des gisements vont se tarir. L impact environnemental avec des conséquences sanitaires, économiques et humaines (réfugiés climatiques ). L enjeu est de découpler notre modèle économique de l utilisation des ressources naturelles non renouvelables par la création de produits, services, modèles d affaires et politiques publiques innovants. Le recyclage est essentiel mais l enjeu est plus large. Il s agit de rallonger la durée d utilisation des produits et de leurs composants. Plusieurs boucles de création de valeur La 1 re boucle de création de valeur économique, environnementale et sociétale d un produit peut se trouver dans sa revente en l état ; par exemple un vélo. Une 2 e boucle : la réparation ; un secteur à développer. Si le produit n est pas réparable, des composants peuvent être encore réutilisés. Il s agit de pièces de seconde main que doit intégrer l éco-conception. Par exemple, un bouton lèvevitre qui n est pas collé mais vissé peut être utilisé à nouveau. Ensuite seulement intervient le recyclage à haute valeur ajoutée qui recouvre un enjeu qualitatif pour une utilisation industrielle. Enfin, lorsque les matières ne peuvent plus être utilisées, intervient la récupération de l énergie. Il est possible de créer plusieurs boucles de valeur ajoutée en développant de nouveaux secteurs et de nouveaux métiers. Ceci se fera en coopération entre différents secteurs et acteurs publics et privés. L enjeu consiste à trouver les modèles pour ce partage gagnant / gagnant. Une piste de travail est l entrée par l usage : une entreprise vend une performance et non plus un produit. Par exemple, Philips vend une performance de lumière via un contrat. Cette approche présente plusieurs intérêts : allonger la durée de vie des produits, réduire la consommation énergétique, faciliter les réparations, limiter la maintenance, favoriser le recyclage et la réutilisation des matières et composants. Il va falloir arriver à la sobriété de la consommation et de la production.»