Plus de 600 000 étudiants bénéficient d'une aide au logement Evelyne Rassat * Selon la répartition géographique des universités en France, les jeunes qui poursuivent des études supérieures doivent pour la plupart d'entre eux quitter le domicile de leurs parents et aller vivre dans les villes universitaires. Dès lors, bon nombre d'entre eux est confronté à des problèmes de logement liés à des moyens financiers personnels insuffisants. Les prestations de logement jouent un rôle essentiel pour aider les étudiants à se loger. CNAF- Bureau des Statistiques. (1) Mane-Hélène BORIE,, «Les difficultés de logement des jeunes,informations Sociales, n 34, CNAF, 1994. &J epuis1990,onobservedeuxphénomènes relatifs au logement des étudiants. D'une part, le pourcentage d'étudiants logés en résidences universitaires est tombé dell ou 12% à 9voireà 7 %enfle-de-france: ceci est dq à l'arrêt de la construction de locaux neufs. D'autre part, les étudiants constituent pour les bailleurs tant publics que privés une clientèle recherchée. Plus de 30 000 logements PLA (prêt locatif aidé) neufs spécialement destinés aux étudiants ont été réalisés en trois ans. Ceci représente plus de 10% de la production annuelle de logements neufs. Pour les bailleurs, le seul critère du niveau de ressources ne suffit pas à expliquer cette tendance étant donné que le revenu d'un étudiant est plus faible que celui d'un jeune disposant d'un contrat à durée tndéterminée. En effet, un étudiant peut obtenir, surtout depuis le «bouclage» de l'allocation de logement sociale (cf. ci-après), des aides personnelles dans des conditions optimales ; ses parents peuvent se porter caution et ses ressources, mêmes faibles, sont assurées. De plus, aux yeux des bailleurs, un étudiant dispose d'un statut social positif car il est dans une trajectoire sociale ascendante. Enfin, le risque locatif est minimum, car la durée du bail est limitée à la durée des études (1). L'allocation de logement sociale : plus de 470 000 bénéficiaires Jusqu'en juin 1977, les allocataires ne bénéficiaient que de deux allocations spécifiques dans le domaine de l'habitat: l'allocation de logement à caractère familial (ALF)et l'allocation de logement à caractère social (ALS). Mais ces deux allocations excluaient un nombre élevé de bénéficiaires potentiels. Dans le cadre du développement des allocations de logement, le rapport Barre en 1976 proposait l'extension des aides à la personne, ce qui déboucha sur la création de l'aide personnalisée au logement (APL). Mais cette mesure fut jugée insuffisante puisqu'en 1982 le rapport Badet plaidait pour l'extension des aides à la personne à l'ensemble de la population. Créée en 1971, l' ALS qui ne prenait en compte que les jeunes travailleurs, les personnes âgées et les infirmes, a été élargie au bénéfice des chômeurs de longue durée en 1986 et aux 57 RECHERCHES ET PREVISIONS n 40 1995
titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) en 1989. La dernière étape fut entreprise avec le «bouclage» de l' ALS qui a consisté à étendre l' ALSà toute personne n'ayant droit à aucunedesaidesau logement existantes. Cetteopérations'estdérouléeentrois phases: au 1er janvier 19911a région parisienne et les départements d'outre-mer étaient concernés ; au 1er janvier 1992,lesagglomérationsdeplus de 100 000 habitants et, enfin, au 1er janvier 1993le bouclage s'est achevé avec la prise en compte du restant de l'hexagone. Les grands bénéficiaires du bouclage ont été les étudiants qui, jusqu'alors, ne pouvaient prétendre qu'à l' ALF s'ils étaient chargés de famille ou à l'apl s'ils occupaient un logement conventionné. Le droit à l' ALS peut être ouvert en faveur de toute personne n'ayant pas un droit potentiel à l'apl ou à l' ALF. Les étudiants sont inclus danslenouveauchampd'applicationdel' AIS. Pour les jeunes âgés de moins de 20 ans, il ne peut y avoir cumul de la qualité d'enfant à charge et celle d'allocataire. Ainsi, lorsqu'un enfant est susceptible de bénéficier de l' ALS, un choix doit être fait, soit il garde le statut d'enfant à charge au sens des prestations familiales, soit il devient allocataire au titre de l' ALS. Avec ce «bouclage», les conditions d'attribution sont désormais identiques pour tous les bénéficiaires. Contrairement à ce qui est souvent écrit dans la presse, il n'existe pas d' ALS étudiant et encore moins d'allocation de logement «spéciale» ou «étudiant», simplement les étudiants peuvent bénéficier de l' ALS. La modalité de calcul a visé à instaurer un plancher de ressources lorsque l'allocataire poursuit ses études. Si les ressources sont inférieures à un montant forfaitaire fixé au 1er juillet 1993 à 20 540 francs (21 710 francs au 1er juillet 1994), elles sont réputées égales à ce montant. Ce montant est identique lorsqu'ils'agitd'uncoupleétudianttouslesdeux. Par ailleurs, un montant de loyer forfaitaire spécifique a été prévu pour les étudiants résidanten résidences universitaires gérées par le CROUS (Centre Régional desoeuvres universitaires et scolaires). En 1992, on dénombrait 1 309 620 allocataires de l' ALS, dont 273 046 étudiants (21 % du total). Au 31 décembre 1993, 1626 387 per- sonnes bénéficiaient de l' ALS. Le nombre d'étudiants recevant cette prestation progresse de 50 % pour atteindre 409 117, ce qui représente le quart du total. En 1994,473 721 étudiants bénéficient de l' ALS, soit 26,5 % du total (progression de 15,8 %). L'aide personnalisée au logement: plus de 120 000 bénéficiaires Créée par la Loi n 77-1 du 3 janvier 1977, l'apl a quatre objectifs: développer l'accession à la propriété, réhabiliter l'habitat ancien, réduire les inégalités devant le logement social et améliorer la qualité des logements neufs surtout dans le locatif social. Pour bénéficier de l'apl, l'étudiant doit vivre dans un appartement, une chambre en foyer ou une résidence universitaire faisant l'objet d'une convention avec l'etat. Il y a deux conditions d'attribution: le logement doit constituer la résidence principale du demandeur et posséder certaines normes de superficie. Un plancher de ressources existe en APL, mais uniquement en secteur locatif. Lorsque le revenu net imposable est inférieur à un certain montant, l'apl est calculée non sur la base du revenu réel, mais sur la base de ce montant. Comme pour l'allocation logement (AL), cette règle n'est applicable qu'à deux catégories d'allocataires: les étudiants locataires et les accédants. Le revenu minimum retenu est différent suivant la catégorie considérée. L'allocation de logement familiale : moins de 10 000 bénéficiaires L'ALFaétécrééeàl'occasiondelaréformedu régime des loyers le 1er septembre 1948. Elle avait deux objectifs : compenser les hausses de loyer autorisées dans le parc existant et permettre aux familles de se loger dans des conditions satisfaisantes de salubrité et de peuplement correspondant à leurs besoins. Les bénéficiaires de l' ALF sont des ménages ou des personnes qui perçoivent l'une des prestations familiales, n'ont pas droit aux prestations familiales mais ont un enfant à 58 RECHERCHES ET PREVISIONS n 40 1995
(2) «La déferlante étudiante : un jeune français sur quatre à l'université», Le Monde de l'education, n 219, octobre 1994. charge âgé au maximum de moins de 20 ans, sont mariés depuis moins de cinq ans, ont à charge un ascendant âgé de plus de 65 ans ou de60 ans en cas d'inaptitude au travail ou ont à charge un ascendant, descendant ou collatéral infirme à 80 %. Le logement doit être la résidence principale occupée de façon effective et permanente soit en location soit en accession à la propriété. Il existe un plancher de ressources pour les étudiants lorsque les ressources de l'année de référence sont inférieures à 20 540 francs. Il est tenu compte de ce montant uniquement en secteur locatif. Des disparités régionales marquées Lacarten 1 représentelenombred'étudiants bénéficiaires d'une aide au logement. Ces départements incluent en majorité une ville universitaire. On y retrouve Strasbourg, Pa ris, Lyon, Grenoble, Marseille, Montpellier, Toulouse et Bordeaux. Généralement, ce sont des métropoles de plus de 100 000 habitants. La carte n 2 montre le nombre total d'étudiants par région. L'allongement de la scolarité secondaire est le fruit d'une forte demande sociale justifiée par un marché du travail peu accueillant pour les jeunes et le résultat d'une politique volontariste. Mais il existe des inégalités régionales. On peut observer que quatre régions ont un nombre d'étudiants particulièrement plus élevés. Il s'agit des régions à tradition universitaire andenne où les étudiants y poursuivent en général des études assez longues. Donc le turn-over est moins rapide. Ce phénomène s'accroît avec la recrudescence des redoublements. Certaines régions connaissent aussi un mouvement de dépeuplement, car devant l'impossibilité de trouver un emploi stable, les ménages quittent leur région afin de s'installer dans des régions économiquement plus fortes, ce qui augmente encore le nombre d'étudiants de ces régions. Dans certaines régions en crise économique, la structure de la population est caractérisée par une forte proportion de ménages modestes dont les enfants poursuivent peu ou pas d' études supérieures. Cela peut expliquer le nombre plus faible d'étudiants enregistrés dans certaines régions. On observe aussi une recrudescence des études supérieures courtes (2/3 ans) chez les jeunes et dans les villes nouvellement universitaires (Amiens, Besançon, Caen, Valenciennes, Reims, Le Mans, St Etienne et Mulhouse), ce qui signifie que dans ces villes le stock d'étudiants tourne plus vite qu'ailleurs (une des raisons pouvant être que ces universités n'offrent pas toujours des cycles complets) (2). La durée des études peut ne pas être sans incidencequantà la situation de l'étudiant par rapport au logement et aux aides au logement. Les hypothèses suivantes peuvent être avancées :plus ou moins grande facilité d'accès au logement selon la durée du bail, présence de revenus complémentaires plus importante pour les étudiants engagés dans un cycle long d'étudeslesexcluantdesbénéficesd'uneaide par exemple. La carte n 4 montre la proportion de bénéficiaires d' ALS par rapport au nombre d'étudiants par région. On n'observe pas de lien direct entre le nombre total d'étudiants et le nombre d'étudiants bénéficiaires d'une aide au logement. Certes certaines régions à forte population étudiante ont un taux de bénéficiaires plutôt faible (région parisienne, Provence-Alpes-Côte d'azur, Nord-Pas-de Calais) et plusieurs régions à faible population étudiante ont des taux relativement élevés (Poitou-Charentes, Limousin). Cela peut s'expliquer par le fai tqu' en région parisienne, une partie importante des étudiants continue à vivre chez leurs parents car le réseau de transports et la proximité des universités ne les obligent pas à quitter le milieu familial. Au contraire,dansd'autresrégionsmoinsfavorisées au niveau des infrastructures, les jeunes qui désirent poursuivre des études supérieures doivent quitter leurs parents et trouver un logement plus proche de la ville universitaire. Il faut tenir compte aussi que la cohabitation entre étudiants peut être largement répandue dans certaines régions. De la même manière, on peut penser qu'un certain nombre d'étudiants peut avoir gratuitement à sa disposition un appartement prêté soit par sa famille, soit par le cercle amical de celle-ci. L'évolution importante du nombre de bénéficiaires de l' ALS étudiants dans certaines 59 RECHERCHES ET PREVISIONS n 40 1995
régions peut être liée également à la plus ou moins grande information faite auprès des étudiants de ce nouveau droit. Par exemple, à Nantes, le CROUS a informé individuellementchaque étudiant, à Brest, l'information a été donnée par le biais des établissements et des mutuelles, les caisses d'allocations familiales de Vienne et de Rennes ont mis en place des séries de permanences dans les facultés et dans les centres information jeunesse afin d'informer tous les bénéficiaires potentiels. Enfin, il faut noter que dans certaines régions telles que la Lorraine et le Limousin, le nombre de bénéficiaires de l'apl est proche de celui de l' A.L.S. Ce constat peut sans doute être rapproché d'une politique de conventionnement plus importante avec l'etat de la part des bailleurs, ce qui permet aux étudiants de ces régions d'avoir accès plus facilement aux logements sociaux. Les disparités régionales sont donc bien marquées. Les quelques réflexions développées dans cette présentation mériteraient des études plus approfondies, notamment en chiffrant l'incidence réelle des hypothèses avancées. Carte 1 -Etudiants bénéficiaires de l'apl, de l'als ou de l'alf au 31 décembre 1994 Aides au logement D 66-1000 (::::::::':':'4 1000-2000 w&m 2000-5000 - 5000-15000 - 5000-46000 60 RECHERCHES ET PREVISIONS n 40-1995
Tableau 1- Etudiants bénéficiaires de l'apl, de l'als ou de l'alf au 31 décembre 1994 Nom Aides logement Nom Aides logement Bourg 1208 Ajaccio 66 Soissons 725 Bastia 1186 Saint-Quentin 526 Dijon 12625 Moulins 2081 Saint-Brieuc 3200 Digne 282 Guéret 409 Gap 340 Périgueux 1280 Nice 7641 Besançon 9270 Annonay 333 Montbelliard 333 Aubenas 351 Valence 1842 Charleville 617 Evreux 1009 Foix 172 Chartres 501 Troyes 1966 Carcassone 937 Rodez 1153 Brest 8998 Quimper 2139 Ni mes 3468 Marseille 24130 Toulouse 33331 Caen 11522 Auch 554 Aurillac 729 Bordeaux 23865 Angoulème 1369 Béziers 377 La Rochelle 3982 Montpellier 23080 Bourges 1 573 Rennes 22898 Brive 1325 Châteauroux 685 Tours 12461 Clermont-Fd 13185 Grenoble 19 706 Bayonne 1034 Vienne 470 Pau 6009 Saint-Claude 1135 Tarbes 1774 Mont-de-Marsan 729 Perpignan 2403 Blois 1193 Strasbourg 18479 Roanne 486 Mulhouse 2592 Lyon 29922 Villefranche 135 Vesoul 628 Orléans 6823 Mâcon 1927 Saint-Etienne 6268 Le-Puy 648 Nantes 18224 Cahors 494 Le Mans 4236 Agen 1103 Mende 420 Angers 11934 Cholet 850 Avranches 1469 Chambéry 4953 Annecy 2 321 Paris 45176 Dieppe 175 Elbeuf 105 Reims 11309 Le Havre 2873 Chaumont 336 Rouen 10860 Laval 1401 Melun 1996 Nancy 18768 Yve1ines 3387 Bar-le-Duc 487 Niort 1521 Vannes 4073 Amiens 8783 Metz 7198 Albi 1345 Nevers 555 Montauban 300 Armentières 182 Toulon 2624 Cambrai 356 Douai 1011 Dunkerque 774 Lille 18380 Maubeuge 518 Roubaix 5260 Avignon 2216 La Roche-sur-Yon 2085 Poitiers 15144 Limoges 6901 Epinal 1416 Auxerre 567 Valenciennes 2 767 Belfort 1851 Beauvais 2257 Essonne 5529 Creil 270 Hauts-de-Seine 10131 Alençon 840 Seine-Saint-Denis 3020 Arras 2419 Val-de-Marne 4852 Calais 1808 Val-d'Oise 3570 61 RECHERCHES ET PREVISIONS n 40-1995
Carte 2 - Nombre d'~tudiants par région (septembre 1993 - juin 1994) Nombre d'étudiants 0 o- 4oooo r:=::::j 40000-80000 ŒM'i 8oooo-noooo 111111111 120000-570000 Tableau 2- Nombre d'~tudiants par région (septembre 1993 - juin 1994) R~gions Nombre d'étudiants Corse 4122 Limousin 20470 Franche Comté 32852 Basse Normandie 37874 Picardie 38686 Olampagne-Ardennes 39023 Bourgogne 41147 Auvergne 41241 Poitou-Cha rentes 43210 Haute Normandie 48836 Centre 61108 Alsace 65663 Lorraine 75379 Languedoc-Roussillon 78102 Pays-de-la-Loire 96938 Aquitaine 98291 Bretagne 100865 Midi-Pyrénées 103471 Nord-Pas-de-Calais 138121 Provence-Alpes-COte d'azur 142 423 RhOne-Alpes 205802 fie-de-france 560 967 TOTAL 2074 591 62 RECHERCHES ET PREVISIONS n 40- l(igs
Carte 3 -Proportion des trois aides au logement rapportée au nombre d'étudiants par région Aides LogemeniiEtudiant [=:::J 13-30 p:;:::,:(:j 30-37 ft:@@ 37-40.. 40-52 Tableau3-Proportion des trois aides au logement rapportée au nombre d'étudiants par région Régions Aides logement/etudiants fie-de-france 13,8 Nord-Pas-de-Calais 24,2 Provence-Alpes-Côte-d'Azur 26,1 Corse 30,4 Haute Normandie 30,8 Alsace 32,1 Picardie 32,5 Rhône Alpes 33,0 Aquitaine 34,6 Basse Normandie 36,5 Otampagne-Ardennes 36,5 Lorraine 37,0 Midi-Pyrénées 37,8 Centre 38,0 Bourgogne 38,1 Languedoc-Roussillon 39,3 Pays-de-la-Loire 40,0 Franche Comté 40,2 Auvergne 40,4 Bretagne 41,0 Limousin 42,2 Poitou-Charentes 51,0 TOTAL 29,2 63 RECHERCHES ET PREVISIONS n 40-1995
Carte 4 - Rapport nombre d'étudiants sur nombre de jeunes par région Etudiants/Jeunes D 26-37 Ffr:H 37-43 - 43-49 - 49-68 Tableau 4- Rapport nombre d'étudiants sur nombre de jeunes par région Régions Etudiants/Jeunes Corse 26,3 Picardie 28,4 Centre 35,8 Bourgogne 35,8 Basse Normandie 36,3 Haute Normandie 36,8 Champagne-Ardennes 37,2 Franche Comté 38,9 Poitou-Charentes 39,2 Lorraine 41,7 Pay~de-la-Loire 42,3 Umousin 42,3 Auvergne 42,6 Nord-P~de-Calais 43,9 Aquitaine 47,9 Provence-Alpes-Côte-d'Azur 48,0 Bretagne 48,0 Alsace 49,2 RhOne-Alpes 49,3 Languedoc-Roussillon 50,1 Midi-Pyrénées 56,4 fie-de-france 67,1 TOTAL 48,5 64 RECHERCHES ET PREVISIONS n 40-1995