LES PRINCIPES GENERAUX DE LA JUSTICE DES MINEURS

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Transcription:

LES PRINCIPES GENERAUX DE LA JUSTICE DES MINEURS Le terme de justice des mineurs renvoie à la législation, aux normes et standards, aux procédures, mécanismes, institutions et groupes spécifiquement destinés au traitement des mineurs auteurs d infractions pénales. La justice pour mineurs ne concerne pas seulement les enfants en conflits avec la loi, mais aussi les efforts menés en vue d éliminer les causes de la délinquance et de renforcer les mesures de prévention. Qu en dit la Convention internationale des droits de l enfant? Les enfants dits en «conflit avec la loi» ont des droits qui doivent être respectés. Selon la Convention des Droits de l Enfant (CIDE), «les Etats parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l homme et des libertés fondamentales d autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celleci» (article 40 1) 1. Malgré les vingt années écoulées depuis l adoption de la Convention, les progrès réalisés en matière de justice pour mineurs sont très disparates. Même si ils ont ratifié la Convention, les Etats parties n ont pas tous mis en place un système judiciaire spécialisé prenant en compte l intérêt supérieur de l enfant, prévoyant un système distinct de celui pour les adultes et incluant la réhabilitation et la réinsertion sociale comme priorités. Bien que certains progrès aient été notés ces dernières années, les conclusions du Comité des droits de l enfant continuent à faire état de carences dans le respect et l application des législations en matière de justice des mineurs dans les Etats parties. De nombreux Etats affichent ainsi clairement leurs difficultés à concrétiser leurs intentions sur des sujets tels que la déjudiciarisation et les autres mesures alternatives à la détention. La situation des enfants «en conflit avec la loi» dans le monde Il y a aujourd hui dans le monde plus d un million d enfants derrière les barreaux, détenus souvent dans des conditions inhumaines ou dégradantes. La plupart de ces enfants n y sont pas à leur place et ne devraient tout simplement pas être enfermés. Ils sont souvent considérés et jugés comme des adultes et ne bénéficient pas de l intervention d un juge spécialisé. Il arrive également que les 1 Convention Internationale des Droits de l Enfant, ONU, novembre 1989 Les principes généraux de la justice des mineurs 1

enfants ne puissent pas avoir accès à des services spécialisés en amont et en aval de la décision du juge (ex : services de police et sociaux). La majorité sont en attente de jugement, ou ne sont pas encore poursuivis pour un crime défini. Beaucoup sont détenus pour un comportement qui n aurait pas été considéré comme un crime s il avait été commis par un adulte tel que la mendicité, ne pas aller à l école, ou encore vivre dans la rue. Très peu d enfants et d adolescents sont poursuivis pour des crimes graves et violents. En tant que personnes vulnérables, les enfants en conflit avec la loi sont plus exposés aux abus lors de l arrestation et de la garde à vue. Les conditions dans les lieux de détention sont généralement mauvaises et les enfants sont trop souvent détenus avec les adultes. De plus, la situation sociale, économique et culturelle souvent difficile dans laquelle vivent ces enfants (ex : violence contre les enfants, chômage, décrochage scolaire, pauvreté, enfants de migrants, intégration, ) les expose davantage à des problèmes graves tels que la prostitution et la mendicité. Face à ces constats, la CIDE demande donc que chaque Etat mette en place un système de justice des mineurs spécifique, différent de celui des adultes et reposant sur des services spécialisés et du personnel formé. La prévention de la délinquance et la mise en place d une justice dite «réparatrice» (ex : mesures alternatives) font partie des composantes principales d un système à part pour traiter les cas des enfants en conflit avec la loi un système à finalité éducative, centré sur la réintégration de l enfant dans la société. Qu en dit le Comité des droits de l enfant? Le Comité des droits de l enfant rédige régulièrement des Observations générales qui expliquent comment comprendre les différents droits contenus dans la Convention des droits de l enfant et comment les appliquer 2. L Observation générale N 10 (OG 10) traite des droits de l enfant dans le système de justice pour mineurs tout en tenant compte des principes généraux contenus dans la CIDE ainsi que d autres textes internationaux relatifs à la justice juvénile. L Observation Générale met en évidence les lacunes des Etats parties en matière d élaboration et d application de politiques afférentes à la justice pour mineurs. Elle guide également ces mêmes Etats dans l élaboration d une politique globale en matière de justice des mineurs conforme à la Convention et aux standards internationaux pertinents. Le document aborde différents aspects de l administration de la justice pour mineurs. 2 Le Comité des droits de l enfant est un organe composé d experts indépendants qui surveille l application de la Convention des droits de l enfant par les Etats partis et ses deux protocoles facultatifs. Les principes généraux de la justice des mineurs 2

Que dit l Observation générale n 10 du Comité des droits de l enfant? Voyons ce qu elle prévoit. La prévention de la délinquance juvénile La prévention de la délinquance juvénile est un élément essentiel de la prévention du crime. Elle doit être une priorité pour les Etats. Dans l élaboration d une politique globale en matière de justice pour mineurs, elle vise en premier lieu à éviter que les enfants ne se mettent en conflit avec la loi et à faciliter une «socialisation et une intégration réussie de tous les enfants spécifiquement par le biais de la famille, de la communauté, de groupes de pairs, de l école, de la formation professionnelle et du monde du travail et par le recours à des organisations bénévoles». 3 Les actions de prévention s inscrivent à plusieurs niveaux en gardant comme fil conducteur une approche axée sur l enfant. C est à dire que les jeunes devraient avoir un rôle actif dans la société et non simplement être considérés comme des objets de mesures de socialisation ou de contrôle. Il s agit notamment de mettre en place des politiques globales en matière de justice pour mineurs, des services et programmes communautaires de prévention de la délinquance juvénile, une politique sociale adéquate reposant sur des institutions engagées dans des actions de prévention, des services et personnels nécessaires et formés en matière de soins médicaux, de santé mentale, de logement, de prévention de l abus des drogues et de l alcool et dans d autres domaines. Les gouvernements doivent adopter et appliquer des lois et procédures visant à promouvoir et à protéger les droits et le bienêtre de tous les jeunes. Il est également important de promouvoir les activités de recherche de mécanismes appropriés au bien être de l enfant, de renforcer l interaction et la coordination pluridisciplinaire et intersectorielle entre les organismes et services économiques, sociaux, éducatifs et sanitaires, le système judiciaires, les organismes pour la jeunesse et de renforcer la coopération en matière de prévention de la délinquance au niveau national, régional et internationale. En outre, une stratégie de prévention globale ne se concentre pas uniquement sur l enfant ayant enfreint la loi, mais prend plus largement en compte les injustices socioéconomiques y compris la pauvreté et la discrimination. Les actions préventives impliquant familles et collectivités axées sur l accès à une éducation dès la petite enfance, la diminution de la pauvreté, le développement des compétences et le plein emploi doivent être envisagées comme un moyen innovant pour agir contre la délinquance juvénile. 3 Observation générale N o 10 (2007), Les droits de l enfant dans le système de justice pour mineurs, Comité des droits de l enfant, 18, 2 février 2007 Les principes généraux de la justice des mineurs 3

Le principe du respect de la personne humaine Les principes généraux Les enfants doivent être traités avec humanité et dans le respect de la dignité de la personne humaine conformément aux principes élaborés par la Déclaration Universelle des Droits de l Homme de 1948. Il s agit notamment des droits inaliénables comme celui du droit à la vie et à la liberté, de l interdiction de l esclavage, de la traite des être humains, de la torture ou de tout traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants. Les règles du procès équitable s appliquent à l enfant en conflit avec loi. En effet, il ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé, a droit à connaître les charges retenues contre lui, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, ainsi qu à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contres les actes violant ses droits fondamentaux. Les principes spécifiques applicables aux enfants A côté de ces principes généraux d application universelle, on retrouve des principes spécifiques applicables aux enfants et en particulier ceux en conflits avec la loi. Fil conducteur tout au long de la procédure judiciaire, le système doit être centré sur l intérêt supérieur de l enfant qui le reconnaît comme sujet de droits et de libertés fondamentales. Cela signifie que «dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale» 4. De ce principe découle un autre principe fondamental énoncé dans les traités internationaux dont la Convention des droits de l enfant. Il s agit du fait que les enfants et les adolescents doivent toujours être exclus des systèmes de justice ordinaires destinés aux adultes. En particulier, les enfants privés de liberté doivent être séparés des adultes en cas d arrestation ou de détention, à moins que l intérêt supérieur de l enfant ne l exige autrement (pensons à la détention d enfants en très bas âge avec leur maman). La Convention de 1989 énonce que ni la peine capitale et ni l emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle ne doivent être prononcés pour des infractions commises par des personnes âgées de moins de dixhuit ans. Conformément aux normes internationales sur la justice pour les mineurs, l arrestation, la détention ou l emprisonnement d un enfant doit être en conformité avec la loi et n être qu une mesure de dernier ressort lorsque toutes les autres solutions alternatives ne s avèrent pas envisageables ou adéquates. Dans ces cas là et lorsque la situation l exige, la privation de liberté doit être prononcée pour une période la plus courte possible. Bien entendu, les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l égalité de traitement à tous les enfants en conflit avec la loi (principe de nondiscrimination, 4 CIDE, art. 3 Les principes généraux de la justice des mineurs 4

notamment à l égard de groupes spécifiques de la population, telles les minorités, les enfants des rues, les filles, ). Enfin, le droit de l enfant d exprimer librement ses opinions doit être pleinement respecté et exercé à tous les stades du système de justice pour mineurs, donc, le droit d être entendu dans toute procédure qui le concerne. Les différents types de mesures Les mesures de diversion Cette pratique vise à maintenir les enfants à l écart du système judiciaire officiel contribue et à réduire la stigmatisation des enfants en conflit avec la loi et entrave les effets pervers des procédures judiciaires. Elle favorise le respect des droits de l enfant tout en permettant aux gouvernements une épargne de temps, d argent et de ressources. Dans de nombreux cas, l absence de poursuites reste la solution optimale, d autant plus lorsque l acte commis est d une gravité moindre et que la famille, l école ou un tiers sont déjà intervenus ou ont déjà réagi à cette attitude. La déjudiciarisation encourage l enfant à être responsable de ses actes, dans un cadre toutefois moins formel, plus local et mieux compréhensible, auquel il peut mieux adhérer et s identifier. L approche dite de déjudiciarisation offre un mode de justice intéressant pour éviter que les mineurs ne soient jugés par le système judiciaire officiel, pour les aider à changer de comportement et pour les réintégrer dans la société ou la communauté. La CIDE, comme de nombreux autres traités internationaux demandent aux Etat de : - «promouvoir l adoption de lois, de procédures, la mise en place d autorités et d institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d infraction à la loi pénale, et en particulier : ( ) ; - prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés.» 5 Pour y parvenir, un certain nombre de mesures appelées «mesure de diversion» devraient être applicables à tous les stades de la procédure pour traiter le mineur en dehors de la sphère de la justice classique. Il s agit notamment de mettre à profit les principes d une justice réparatrice (voir ci- dessous) qui impliquent la communauté et qui visent à traiter les causes du comportement en identifiant des stratégies pour prévenir la récidive. Il s agit par exemple de la médiation entre la victime et le délinquant, les conférences du groupe de la famille, le signalement ou la prise en charge par des services sociaux, publics ou privés, les programme de désintoxication, la remise aux parents, le travail d intérêt général, les contrats moraux 5 CIDE, art. 40 Les principes généraux de la justice des mineurs 5

Les méthodes de justice réparatrice L approche dite d une justice réparatrice ou restauratrice offre un mode de justice intéressant. Elle s oppose à une justice rétributive qui est davantage centrée sur l infraction ellemême que sur les personnes. Elle vise à restaurer l équilibre dans les relations endommagées (entre la victime, le criminel et la communauté) et à rétablir le mieux possible l ordre des choses et le lien social. Cette approche favorise des solutions qui réparent les dommages, réconcilient les parties engagées et restaure l harmonie dans la communauté. Elle est donc, de ce fait, hautement éducative. Les alternatives à la détention Un système de mesures alternatives à la détention à finalité éducative doit être envisagé dans le but de favoriser au maximum la réhabilitation des enfants au sein de la société, aussi bien pour ce qui concerne la détention préventive (avant jugement) que celle après condamnation. En effet, la détention ne doit intervenir qu en dernier recours. Il s agit de mettre en place des soins médicaux et de mesures d orientation adéquates et efficaces, de la probation, des travaux d intérêt général, des amendes, des obligations de réparation et de restitution, des mesures de traitement intermédiaire (liberté surveillée) et autres types de traitement, des mesures de placement en milieu ouvert, familial ou institutionnel ou d autres mesures éducatives. Les instruments internationaux et européens de protection relatifs enfants en conflits avec la loi Au niveau international et régional, plusieurs instruments à la fois de portée générale et spécifique aux droits de l enfant ont été adoptés. 6 Les instruments internationaux Pour ne citer que les plus importants au regard la problématique abordée, on trouve : 6 - La Convention des Nations Unies relative aux droits de l enfant de 1989 qui énonce les droits essentiels en faveur de l enfant. Elle est la pierre angulaire de la promotion et la protection des droits de l enfant. Elle fait référence à la justice juvénile en mentionnant l obligation faite aux Etats membres de séparer les adultes et les enfants dans les lieux de détention ou d emprisonnement et le droit à un procès équitable. Elle aborde aussi les grands principes fondamentaux de la dignité humaine en interdisant explicitement l utilisation de la peine capitale et de la torture en cas de détention de l enfant. - Les principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile, (principes directeurs de Riyad, 1990) présentent l aspect primordial de la prévention et les Pour une liste complète de l ensemble des instruments concernant la justice juvénile : http://www.juvenilejusticepanel.org/fr/ Les principes généraux de la justice des mineurs 6

stratégies économiques et sociales qui impliquent tous les domaines de la société, la famille, l école et la communauté, les médias, les politiques sociales, la législation et l administration de la justice pour mineurs pour que celle ci porte ses fruits et favorise le développement des enfants et des adolescents au sein de la société. - L Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing de 1985) guide les Etats sur la façon de protéger les droits de l enfant et de respecter leurs besoins lorsqu ils développent des systèmes séparés et spécialisés de justice pour mineurs. - Les règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (La Havane 1990) détaillent les normes à appliquer lorsqu un enfant est enfermé dans une institution ou un centre par une autorité publique judiciaire, administrative ou autre. - L Observation Générale n 10 de 2007 du Comité des droits de l enfant «Les droits de l enfant dans le système de la justice pour mineurs» présente son interprétation des mesures de prise en charge des mineurs en conflit avec la loi contenues dans la Convention. Elle met également en évidence les lacunes des Etats parties en matière d élaboration et d application de politiques afférentes à la justice pour mineurs et les guident alors dans l élaboration d une politique globale en matière de justice des mineurs conforme aux principes de la CIDE. - En marge des instruments spécifiques aux droits de l enfant, on retrouve une série de traités internationaux sur les droits de l homme qui ont énoncé depuis 1945 les droits inaliénables de l homme et forgé l ensemble de droits internationaux de l homme y compris applicables aux enfants et adolescents. Parmi ceux qui nous intéressent, on retrouve la Déclaration Universelle des Droits de l Homme (1948), les deux Pactes Internationaux relatifs aux droits civils et politiques d une part et sur les droits économiques, sociaux et culturels d autre part (1966) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984). - On peut également noter les Règles minina des Nations Unies pour l élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo 1990) qui visent à encourager la collectivité à participer davantage au processus de la justice pénale et plus particulièrement au traitement des délinquants ainsi qu à développer chez ces derniers le sens de leur responsabilité envers la société et les règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (1955). Les instruments régionaux - La Charte Africaine des droits et du bienêtre de l enfant (1990) peut être considérée comme l adaptation au contexte régional africain de la Convention international des droits de l enfant de 1989. Elle garantit les droits fondamentaux de l enfant dans le contexte culturel Les principes généraux de la justice des mineurs 7

africain. Elle contient des dispositions d ordre générale et spécifiques concernant par exemple la justice pour mineurs 7. - Au niveau du Conseil de l Europe, plusieurs recommandations relatives à la justice juvénile existent dont une sur les règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l objet de sanctions ou de mesures (2008) et une autre sur les nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs (2003). - Au niveau de l Union européenne, la Parlement européen a adopté en 2007 une résolution sur la délinquance juvénile : le rôle des femmes, de la famille et de la société. Considérant que l enfant/adolescent constitue une couche de la population particulièrement vulnérable au stade de la construction de sa personnalité, la résolution souligne l importance de mettre en place une stratégie intégrée à l échelon national et européen mettant l accent sur les mesures de prévention, les mesures judiciaires et extrajudiciaires et les mesures d insertion sociale de tous les jeunes. L ensemble de ces instruments représente le noyau dur juridique au niveau international et régional relatif de manière spécifique ou générale à la justice des mineurs. Mais la liste n est pas exhaustive. D autres instruments internationaux et régionaux viennent la compléter. Ce module pédagogique a été réalisé par DEIBelgique dans le cadre de ses actions en matière d'éducation aux droits de l'enfant. Cette fiche a été rédigée par Camille Gutton sous la supervision de Benoit Van Keirsbilck. 7 Charte Africaine des droits et du bien être de l enfant, 1990, article 17 Les principes généraux de la justice des mineurs 8

Fiche pédagogique Objectif(s)? Intégrer les grandes lignes directrices du système de justice pour mineurs Comprendre l importance d une justice réparatrice et non rétributive Susciter le débat sur la place du mineur en conflit avec la loi dans la société et participer à une évolution des mentalités Comprendre pourquoi la justice des mineurs doit être différente de la justice pour adultes Groupecible? Adultes Educateurs Enseignants Méthode? Jeu de rôle Simulation d un procès Matériel? Pas de matériel particulier Préparation? Discussion en petits groupes en utilisant une forme simple de simulation de procès. 1. Division en trois groupes Groupe jouant le rôle du juge Groupe jouant le rôle de l accusé Groupe jouant le rôle du procureur 2. L animateur expose une situation qui s inspire de faits réels mais qui est inventée de toute pièce (voir un exemple en annexe). Déroulement? 1. Divisez la classe en trois groupes ; chaque groupe représente un personnage : le juge, le procureur (l accusateur) et l accusé (le ou les jeune/s) 2. Donnez le texte des faits aux groupes de l accusé et du procureur mais pas au groupe du juge. Donnez un exemplaire du texte des étapes du procès au groupe du juge (voir cijoint). 3. Donnez aux groupes le temps de discuter leur stratégie : qui, dans le groupe, va présenter le cas et comment il va présenter sa version de Les principes généraux de la justice des mineurs 9

l histoire. Chaque groupe devrait choisir un porteparole pour le représenter lors du procès. Si vous avez le temps, vous pouvez répéter le procès en changer alternant les groupes pour permettre à chacun de jouer les différents rôles. 4. Suivez les étapes du procès Suivi? Discutez du procès et des résultats : réaction de chaque participant Echange sur l expérience personnelle des participants : connaissentils ou travaillentils avec des enfants en difficulté? Situation fictive Dans la nuit du 14 au 15 octobre 2009, une dizaine d abrisbus situés entre Saint Léger et Pont LeDuc ont vu entre une ou toutes leurs vitres brisées par 5 jeunes âgées entre 11 et 15 ans résidant dans la commune. Ces actes de vandalisme sont commis alors que la Commune vit dans une atmosphère pesante où depuis un mois et demi : la police opère à plusieurs auditions menées dans le cadre d agression et de trafic de cannabis. Cependant, la petite bande appréhendée n en est pas à son premier acte de vandalisme. Sur fond de climat social et économique tendu, elle doit régulièrement faire face à la dégradation de la voie publique comme la destruction d abrisbus, de feux clignotants, des horodateurs, voitures taggées ou bien cassées, des agressions des commerçants. Ces jeunes ont été interpellés et arrêtés par les services de police. Ils sont aujourd hui en jugement. Etapes du procès Demandez au procureur de raconter sa version de l'histoire Demandez à l'accusée de raconter sa version de l'histoire. Demandez au juge de poser des questions aux deux protagonistes Accordez au juge quelques minutes de réflexion. Demandez au juge de rendre une décision qui soit juste et compatible avec les principes de justice des mineurs. Demandez au juge d'expliquer sa décision. Cette fiche a été rédigée par Camille Gutton sous la supervision de Benoit Van Keirsbilck. Les principes généraux de la justice des mineurs 10