SUIVI ENTOMOLOGIQUE DE LA ZONE D'EXTENSION DES PEPINIERES (ILE DE LA CHÈVRE) ESPACE NATURE DES ILES ET LÔNES DU RHÔNE À L'AVAL DE LYON (RHÔNE) Décembre 2013
Table des matières OBJET DE L'ÉTUDE...4 LOCALISATION DU SITE D'ÉTUDE...4 METHODOLOGIE...6 Limites et difficultés rencontrées...6 RESULTATS...7 CONCLUSION...12
Auteurs : Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature section Rhône 22, rue Aynard, 69100 VILLEURBANNE, tel 04 37 47 88 50 site : www.frapna.org. e:mail : frapna-rhone@frapna.org Rédaction, bibliographie, méthodologie, prospections de terrain : Yann Vasseur Crédit photos : Yann Vasseur, Timothy Cowles photo page de garde : Citron (Gonepteryx rhamni) Suivi entomologique SMIRIL 3 FRAPNA-Rhône
OBJET DE L'ÉTUDE Suite à l extension de la zone de culture de la Pépinière Chapelan, en accord avec les recommandations des techniciens du SMIRIL et des associations Naturalistes (LPO, FRAPNA) et dans le respect du milieu et de la biodiversité qu il accueille, le SMIRIL a confié à la FRAPNA- Rhône le suivi des populations d insectes du périmètre concerné. C est en fonction des résultats d inventaires menés antérieurement par la FRAPNA en 2012 que nous avons réalisé ce suivi. Les recherches ont donc porté sur les Lépidoptères diurnes des zones de lisière, les Orthoptères et sur les Coléoptères saproxylophages des bois abattus et des tas de broyat de branchages. LOCALISATION DU SITE D'ÉTUDE L'Espace Nature se situe au sud de l'agglomération lyonnaise, sur les communes de Irigny, Vernaison, Millery, Grigny, Feyzin, Solaize, Sérézin et Ternay, dans le Département du Rhône. D'une superficie de 400 hectares environ, l'île s'étire sur une longueur d'environ 10 km selon un axe Nord Sud, en rive droite du Rhône. Classé en ZNIEFF de Type I, ce site se compose en grande partie d'une forêt alluviale mais également de quelques prairies. Carte de localisation du site : Source : Géoportail Suivi entomologique SMIRIL 4 FRAPNA-Rhône
Station 7 objet du suivi 2013 Suivi entomologique SMIRIL 5 FRAPNA-Rhône
METHODOLOGIE Pour la recherche des Papillons de jour, la méthode la plus efficace reste la prospection à vue des imagos lors des principales périodes de vol des différentes espèces. La végétation est parcourue selon un parcours effectué parmi les plantes visitées par les papillons pour débusquer un maximum d espèces. Des visites sont effectuées du printemps à l automne, afin de contacter la succession des espèces qui se fait tout au long de l année. Les déterminations se font à vue, un filet à papillons complétant le système pour immobiliser les espèces les plus délicates à déterminer le temps de les identifier. Tous les spécimens sont relâchés dans la foulée sur le site. Pour la recherche des Orthoptères, nous avons utilisé la prospection a vue devant soit, au mouvement des insectes. Une capture au filet est souvent nécessaire pour une identification certaine. En complément, nous avons aussi mené des recherches à l'ouie, beaucoup d'orthoptères ayant des chants audibles spécifiques. Des visites sont effectuées tout au long de l'année, en même temps que les recherches Lépidoptérologiques. Pour la recherche des Coléoptères liés aux bois morts conservés, une recherche mécanique est nécessaire. En effet, les insectes objets du suivi effectuent leur cycle de vie en grande partie cachés dans le cœur du bois, sous les écorces ou encore au sein des tas de broyats de branchages. Si une inspection minutieuse à vue des bois peut permettre d observer quelques restes de cuticules ou adultes en émergence, nous avons recours en complément au creusement avec piochon de la matière. Ceci nous permet alors de mettre à jour les larves ou leurs crottes, permettant ainsi d identifier l espèce à laquelle nous avons à faire. Limites et difficultés rencontrées Tout d abord nous tenons à remercier toute l équipe du SMIRIL pour son accueil et sa participation au bon déroulement des prospections (concertation avec la pépinière). Les seules difficultés rencontrées sont à attribuer aux conditions météorologiques très instables tout au long de cette année 2013 : Beaucoup de journées fraîches et humides jusqu'en juillet. Par conséquent, les nocturnes n'ont pas pu être réalisées. Nous avons essayé de compenser en partie ces manques par une multiplication des visites diurnes (deux sorties mensuelles d'une demi journées chacune de mars à octobre soit 16 visites de terrain) dont certaines crépusculaires. Suivi entomologique SMIRIL 6 FRAPNA-Rhône
RESULTATS Concernant les Lépidoptères diurnes nous avons observé 43 espèces entre mars et octobre 2013, à raison de deux passages mensuels sur le site. La liste des observations figure ci dessous. Erynnis tages (Linné, 1758) Le point de Hongrie Carcharodus alceae (Esper, 1780) La Grisette Ochlodes venatus (Bremer & Grey, 1853) La Sylvaine Iphiclides podalirius (Linné, 1758) Le Flambé Papilio machaon Linné, 1758 Le Machaon Leptidea sinapis (Linné, 1758) La Piéride de la moutarde Pieris brassicae (Linné, 1758) La Piéride du chou Pieris rapae (Linné, 1758) La Piéride de la rave Pieris napi (Linné, 1758) La Piéride du navet Anthocharis cardamines (Linné, 1758) L Aurore Colias alfacariensis Ribbe, 1905 Le Fluoré Colias crocea (Geoffroy, 1785) Le Souci Gonepteryx rhamni (Linné, 1758) Le Citron Callophrys rubi (Linné, 1758) L Argus vert Lycaena phlaeas (Linné, 1761) Le Cuivré commun Lycaena tityrus (Poda, 1761) Le Cuivré fuligineux Cacyreus marshalli Butler, 1898 Le Brun des pélargoniums Celastrina argiolus (Linné, 1758) L Azuré des nerpruns Everes alcetas (Hoffmannsegg, 1804) L Azuré de la Faucille Polyommatus icarus (Rottemburg, 1775) L Argus bleu Aricia agestis (Denis & Schiffermüller, 1775) Le Collier de corail Pararge aegeria (Linné, 1758) Le Tircis Coenonympha pamphilus (Linné, 1758) Le Procris Maniola jurtina (Linné, 1758) Le Myrtil Melanargia galathea (Linné, 1758) Le Demi deuil Brintesia circe (Fabricius, 1775) Le Silène Apatura ilia (Denis & Schiffermüller, 1775) Le Petit Mars changeant Argynnis paphia (Linné, 1758) Le Tabac d Espagne Issoria lathonia (Linné, 1758) Le Petit nacré Brenthis daphne (Denis & Schiffermüller) Le Nacré de la ronce Clossiana dia (Linné, 1767) La Petite violette Limenitis reducta (Staudinger, 1901) Le Sylvain azuré Nymphalis polychloros (Linné, 1758) La Grande Tortue Aglais urticae (Linné, 1758) La Petite Tortue Inachis io (Linné, 1758) Le Paon de jour Vanessa atalanta (Linné, 1758) Le Vulcain Vanessa cardui (Linné, 1758) La Belle dame Polygonia c-album (Linné, 1758) Le Robert le Diable Araschnia levana (Linné, 1758) La Carte géographique Melitaea cinxia (Linné, 1758) La Mélitée du plantain Melitaea didyma (Esper, 1779) La Mélitée orangée Melitaea parthenoides Keferstein 1851 La Mélithée des scabieuses Mellicta athalia (Rottemburg, 1775) La Mélitée du mélampyre Suivi entomologique SMIRIL 7 FRAPNA-Rhône
Parmi ces espèces, aucune n est protégée. Toutes sont des espèces communes des milieux alluviaux de la moyenne vallée du Rhône. Toutes ces espèces avaient d ailleurs été observées lors de l inventaire 2012, confirmant que l aménagement de la zone de culture, en conservant les lisières et micro-habitats identifiés en 2012, n a pas été préjudiciable aux papillons de jour. Il nous semble intéressant de mentionner particulièrement le Petit Mars changeant (Apatura ilia), espèce caractéristique des milieux humides et notamment des milieux alluviaux. Très reconnaissable à sa grande taille et ses couleurs irisées, il se rassemble souvent sur les chemins ensoleillés sur un excrément ou un petit cadavre ou bien encore une flaque de boue, afin de puiser les substances nutritives dont il a besoin. La chenille du Petit Mars changeant consomme le feuillage de différentes espèces de saules et de peupliers, essences abondantes sur le territoire du SMIRIL. Notons également que nous avons à la fois observé la forme typique bleue et la forme orange clytie qui correspond à une variation individuelle de couleur. Il a été observé de juin à septembre. Apatura ilia Une autre espèce spectaculaire observée sur la station à plusieurs reprises est le Machaon ou Grand porte-queues (Papilio machaon). Plus grand papillon de jour de la région, le Machaon recherche les zones de friches, les talus ensoleillés ou les jardins pour établir sa ponte sur les Ombellifères sauvages ou cultivées comme le Fenouil ou la Carotte. La chenille consommera le feuillage sans mettre la plante en danger. Sur la station, le Machaon pond sur la Carotte sauvage qu il trouve en bordure des boisements. Espèce encore commune localement, elle disparaît des endroits désherbés. Espèce observée de mai à septembre sur le site. Papilio machaon Suivi entomologique SMIRIL 8 FRAPNA-Rhône
Pour les Orthoptères, le cortège observé en 2012 l'est à nouveau en 2013 dans les mêmes effectifs. Nos nouvelles prospections nous permettent de confirmer également la présence de la Grande Sauterelle verte (Tettigonia viridissima) dans les lisières de la parcelle prospectée. Cette grande espèce commune partout n'avait pas été observée en 2012, ce qui porte à 9 le nombre d'orthoptères observés. Nous notons le développement important, en terme quantitatif des Caelifères (criquets) liés aux terres dénudées. En effet, Oedipoda caerulescens, Oedaleus decorus, Sphingonotus caerulans et Calliptamus italicus tirent profit des cheminements et allées créés pour l'aménagement de la parcelle ; conservés en terre battue, ces chemins tassés et nus sont favorables à l'installation de ces insectes. Espèces observées en 2013 : Oedipoda caerulescens Oedaleus decorus Sphingonotus caerulans Calliptamus italicus Chortippus parallelus Chortippus brunneus Chortippus biguttulus Tettigonia viridissima Oecanthus pelluscens Tettigonia viridissima Concernant les Coléoptères saproxylophages, la mission consistait à vérifier si les tas de broyat de branchages compostés, initialement existants sur la zone aujourd hui cultivée, accueilleraient toujours les espèces une fois déplacés sur la bordure du site. De même, des nouveaux bois entreposés au même endroit et provenant de l abattage récent de peupliers et de saules en lisière de la pépinière étaient susceptibles d attirer des saproxylophages. Sur les bois récemment coupés, nous avons pu observer deux espèces de Buprestidae peu communs dans la région mais déjà observés auparavant sur le territoire du SMIRIL. Il s agit de Coléoptères richement colorés, aux reflets métalliques. La plus grande espèce des deux, dépassant les 20 mm de long, est le Dicerque bronzé (Dicerca aenea). Il s agit d une espèce commune en Europe Suivi entomologique SMIRIL 9 FRAPNA-Rhône
méridionale mais dans la région, elle atteint sa limite septentrionale de répartition, se retrouvant plus au Nord par stations très isolées. Les Dicerques pondent dans le bois de peupliers ou de saules dans lequel la larve va creuser durant deux ans des galeries sinueuses. L adulte émergera au printemps pour se chauffer au soleil sur les troncs bien exposés. Précisons que sur le site existe l espèce affine le Dicerque de l Aulne (Dicerca alni), observée au sud de l Ile de la Table Ronde, plus rare et spécialisée dans le bois d Aulne. Melanophila picta L autre espèce observée sur les branchages et troncs récemment coupés est le Mélanophile ponctué (Melanophila picta). Il s agit d une espèce également de couleur bronze et de répartition méridionale. Elle a le même comportement que le Dicerque et se développe dans le bois de peuplier. Dans les tas de broyats de branchages déplacés pour l aménagement de l extension de la zone cultivée, nous avons à nouveau observé le Coléoptère Dynastidae Rhinocéros (Oryctes nasicornis), un des plus grands Coléoptères d Europe puisqu il atteint à l état adulte 40 mm de long. La larve, quant à elle est beaucoup plus grande, dépassant parfois les 10 cm de long. Tout le cycle de développement se fait dans le bois en décomposition, souvent aussi dans les composts ménagers des particuliers et durant trois ans. L insecte est répandu dans une grande partie de l Europe, cependant, il se raréfie fortement dans la partie nord. Dans la région lyonnaise, l espèce est peu commune et très localisée. Observé dans les tas avant leur déplacement, l espèce est toujours bien présente. Oryctes nasicornis Suivi entomologique SMIRIL 10 FRAPNA-Rhône
Ces tas de bois sont aussi l habitat d autres scarabées comme les Cétoines dont la Cétoine dorée (Cetonia aurata) et la Cétoine cuivrée (Potosia cuprea). Il s agit de Coléoptères métalliques qui fréquentent diverses fleurs à l état adulte. Le développement larvaire dure deux ans, pendant lesquels la larve (ressemblant au ver blanc du hanneton) ronge le bois pourrissant et n attaque jamais de racines contrairement au hanneton. Ces deux espèces sont communes dans la région et étaient déjà présentes dans les tas avant leur transfert. Hormis les tas de broyat, des fûts secs de feuillus abattus étaient également présents avant travaux et ont également été conservés dans le transfert. Il s avère que nos prospections de 2013 ont permis d identifier deux autres Cétoines, la petite Cétoine à tarière (Valgus hemipterus) et la Trichie rosée (Trichius zonatus). Outre le fait que ces deux espèces communes consomment le pollen des fleurs à l état adulte (Sureau noir de préférence), leurs larves rongent les troncs de feuillus pourrissants, participant comme les autres saproxylophages au recyclage de la matière végétale. Trichius rosaceus Enfin, les troncs morts résultants d anciens abattages sont aussi le refuge d un autre Coléoptère saproxylophage de la famille des Lucanidae à laquelle appartient le Lucane cerf-volant. Il s agit de la Petite biche ou Dorcus (Dorcus parallelipipedus), réplique en miniature du Lucane. Alors que ce dernier se développe dans les vieilles souches restées en terre, le Dorcus recherche pour établir sa ponte les arbres morts pourrissants, abattus ou sur pieds. Sur le site, l espèce est commune, comme dans une grande partie de la France. Nous n avons pas observé d autres saproxylophages. Suivi entomologique SMIRIL 11 FRAPNA-Rhône
CONCLUSION Nos prospections avaient pour but de vérifier si les espèces d insectes identifiées en 2012 sur la parcelle nouvellement aménagée étaient toujours présentes. Il s avère que les espèces identifiées sont toujours là, dans les même proportions qu auparavant. Nous attirons également l attention sur le fait que certains papillons diurnes et Coléoptères saproxylophages floricoles profitent de la proximité des inflorescences offertes par les plantes horticoles en jauge de la zone cultivée pour se nourrir. S agissant pour la plupart d espèces destinées aux jardins d ornement choisies pour la durée de leur fleurissement, leur parfum, elles fournissent un apport de nourriture très apprécié par les insectes durant l été, quand la plupart des espèces autochtones sont fanées. Par conséquent, la présence de cette culture, qui plus est, conduite avec des apports de pesticides très réduits, est favorable au maintien des espèces précitées. Concernant les bois récemment abattus, la colonisation par les insectes n en est qu au début et va se diversifier au fil des ans. Nous avons pu voir également que les cheminements créés en terre battue et non goudronnés, sont favorables au développement des Orthoptères Oedipodinae. Les populations d'insectes de cette parcelle vont continuer à évoluer avec le milieu : les cultures vont changer n'offrant pas forcément les mêmes périodes de floraisons aux insectes butineurs, les tas de bois et de copeaux vont se décomposer, attirant d'autres escouades d'insectes saprophytes, et la végétation naturelle des abords va également évoluer. Il demeure important de poursuivre l'effort de sensibilisation des employés de la pépinière à la biodiversité, déjà très respectueux dans leur démarche, afin de permettre aux espèces citées dans le rapport de poursuivre leur développement et à d'autres de coloniser le site. Des suivis réguliers de la parcelles permettront de vérifier le maintien de la biodiversité et de mesurer son évolution. Suivi entomologique SMIRIL 12 FRAPNA-Rhône