Jean-Claude PASCAL FRANÇOIS 2
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Le ballon terminait sa course au pied du vieillard qui se trouvait assis là. L enfant qui essayait d attraper le ballon arriva en courant et s arrêta net, face au vieillard. «C est ton ballon?» questionna ce dernier. L enfant ne répondit pas. Il promenait son regard sur le visage du vieil homme comme s il cherchait quelque objet dans le creux de chaque ride de ce visage flétri. «Comment t appelles-tu?» essaya encore le vieil homme. L enfant resta ainsi, silencieux, pendant un moment qui aurait paru long à quiconque aurait été témoin de cette scène. Puis, contre toute attente, il demanda à l homme : Quel âge as-tu? Ah! Je suis un bien vieux monsieur, répondit l homme. Et alors, ça n a pas d âge les vieux? Moi je suis petit et j ai 4 ans. Disons que moi je suis vieux et j ai 96 ans. C est pas beaucoup ça! Moi je sais compter jusqu à 100 et ma maman dit toujours que 100 c est pas beaucoup. Si elle parle d argent, c est vrai que ce n est rien. Mais je peux t assurer que dans les os c est beaucoup. Pourquoi? L âge c est dans les os? Mon papa, il dit 2 3
que c est dans la tête. L autre jour il m a dit que lorsque la tête n a plus de place pour grandir alors on vieillit. Il a raison ton papa. Mais il ne parlait pas de la même vieillesse. Il ne parlait pas du temps qui passe et qui frappe le corps comme le vent qui passe et qui frappe les arbres. Mais dis moi, tu n as pas peur de moi? Non. Pourquoi je devrais avoir peur de toi? Comme ça. Je sais que les enfants de ton âge ont souvent peur des vieux. Mais les vieux c est comme les bébés. Regarde, tu n as pas de dents comme un bébé! Et ma maman m a dit qu il y en a même qui mettent des couches. Tu sais, c est triste d être grand et de vivre comme un bébé. Moi je trouve pas. Je trouve que les vieux c est encore mieux parce que vous ne pleurez pas tout le temps quand vous avez faim ou quand vous êtes fatigués. Mais on pleure tout autant. On pleure la nostalgie. C est quoi la nostalgie? C est le souvenir de quelque chose qu on a eu et qu on n aura plus jamais ; comme la jeunesse. Et bien moi aussi j ai une nostalgie. C est ma PlayStation. Je l ai perdue et mon papa a dit qu il ne va plus jamais m en racheter. Mais moi je ne pleure pas parce que quand je serai grand je vais m en acheter beaucoup beaucoup! Tu voudras que je t en achète aussi? Mais je serai mort depuis longtemps. Ah oui! Dis, ça fait mal la mort? Non. Ça fait mal à ceux qui restent seulement. Alors pourquoi ceux qui restent ne meurent pas aussi? Comme ça ils auraient même pas mal! Simplement parce que la vie est belle. Elle emmène 42
fréquemment ses p tits bouquets de joie. Elle panse ellemême les douleurs qu elle emmène. Vraiment la vie vaut d être vécue jusqu à sa dernière heure. De quelle heure tu parles? De l heure d aller découvrir le mystère de la mort. Chaque personne a son heure, tu sais. Et tu connais ton heure? Non. Seul Dieu le sait mais il ne le dit pas. Pourquoi il ne le dit pas? Je n en sais rien. Je pense que c est pour nous montrer que c est lui le plus fort. Tu l as déjà vu, Dieu? Je ne sais plus. Dieu, il est un peu comme le bonheur. Quand il est là on ne fait pas attention à lui et quand il s en va on n arrête pas de l appeler. Est-ce que tout le monde peut mourir? Euh Non Euh la mort est un rendez-vous de vieux. C est à ce moment qu une femme, probablement la mère, fit irruption : «arrête d embêter le monsieur». Puis, se tournant vers l homme «excusez moi monsieur, il a dû vous embêter. Il n arrête pas de poser des questions». L enfant saisit le ballon et, accompagné de sa mère, s en alla rejoindre d autres enfants qui s amusaient un peu plus loin. L homme quant à lui resta là, immobile sur ce banc, admirant les enfants dans leurs jeux d enfant. Essayant de se distraire des distractions des enfants. Mais la dernière question que lui avait posée l enfant lui avait ramené le souvenir douloureux de la perte d un enfant. C était son deuxième enfant. Un enfant dont il n avait 2 5
jamais pu pleurer librement la mort prématurée. Un enfant caché car issu d une relation cachée, une relation extra conjugale. La porte de ce souvenir douloureux s ouvrait de plus en plus grande. Et le vieil homme tentait de refouler toutes larmes qui accompagnaient sa douleur toujours vive. Puis, sans qu aucun signe ne pu en expliquer la raison, l enfant revint vers le vieillard. Ce dernier essuya discrètement une larme qui glissait le long d une ride de sa joue droite. Dis, tu pleures? lui dit l enfant. Non. Ce n est rien. C est juste ma nostalgie. 62