Tarn Bannières Eglise Conservation-restauration des peintures murales Françoise TOLLON Conservation Restauration de peintures murales et de sculptures Saint-Jean Presbytère 81 700 Puylaurens 05 63 75 59 31 ou 06 12 19 83 78 francoise.tollon@wanadoo.fr septembre décembre 2008 1
I / OBSERVATIONS GENERALES AVANT TRAITEMENT : 1.1 : Description sommaire : Surface estimée de chaque médaillon : 3 m² Fragments de peintures murales sur les murs de la nef, qui faisaient partie d un ensemble peint du XIX ème siècle (chœur et voûte compris). A ce jour, il reste les quatre évangélistes : Marc (côté occidental du mur sud), Jean (côté oriental du mur sud), Mathieu (côté oriental du mur nord) et Luc (côté occidental du mur nord), chacun étant accompagné de son symbole : le lion pour Marc, l aigle pour Jean, l ange pour Mathieu, le taureau pour Luc. Chacun des évangélistes, auréolé, se trouve dans un quadrilobe, devant une fausse tenture ocre décorée de fleurs stylisées. Les quadrilobes se détachent sur un fond brun décoré de fleurs stylisées grises, chaque angle extérieur étant décoré d un rinceau violet. Luc, Mathieu et Marc sont des personnages d âge mur, barbus, tandis que Jean est un jeune homme imberbe, comme le veut la tradition occidentale. Les évangélistes tiennent à la main une plume, ainsi qu un rouleau, leur évangile, quadruple source théologique, comparable aux quatre fleuves du Paradis. 1.2 : Observations : - support : Le support de ces peintures présente une stratigraphie complexe, due à la succession des interventions (photo 12) : 0 maçonnerie de moellons 1 mortier brun 2 mortier plus clair 3 badigeon de chaux épais 4 plâtre 5 plâtre Le mortier brun (1) est extrêmement terreux, et s il a comporté de la chaux, c est en faible quantité. Nous pensons qu il s agit d un mortier de jointoiement, plus ou moins débordant (en fonction de la forme des moellons). Le mortier plus clair (2), légèrement ocré, est constitué de sable et de chaux et recouvert d un très épais badigeon de chaux (3). Nous ne pouvons être certains qu il s agit de l enduit original. Au XIX ème siècle, alors que ce mortier était altéré et lacunaire, l ensemble des murs de la nef et du chœur (voire des chapelles?) a été repris au plâtre, posé en une à deux couches (4 et 5). L épaisseur de la première strate de plâtre est très variable : quelques millimètres lorsqu il est posé sur l enduit sousjacent à plusieurs centimètres lorsque le mortier est lacunaire et que le plâtre se trouve directement sur la maçonnerie. 2
- couche picturale : La couche picturale, mise en place sur le plâtre, est constituée principalement de peinture à l huile (peut-être une technique mixte), qui n a pas reçu de vernis. Les quadrilobes ont été tracés au compas, à partir très certainement d un carré qui a été tracé, et dont on a utilisé le centre de chacun des côté pour la pointe du compas : on peut nettement voir, sur chaque fragment, les trous faits par le compas, dont un se trouve au niveau du visage des évangélistes. L esquisse des évangélistes et leur symbole a été faite à l ocre rouge à la détrempe. Pour Marc et Luc, le dessin a été la plupart du temps recouvert par la peinture à l huile (aplats ou dessin repris en noir) tandis que pour Jean et Mathieu, ces traits ocre rouge restent souvent visibles (non recouverts de peinture à l huile) (photo 13). Cette ocre rouge à la détrempe a été utilisée pour le remplissage des quadrilobes. La mise en place des rinceaux s est faite à l aide de poncifs : on peut nettement voir les pointillés de mine de plomb. Pour les couleurs de fond (brun et ocre), des glacis ont été utilisés : on constate nettement la présence de ce glacis sur le fond ocre à l intérieur du quadrilobe pour atténuer l éclat des fleurs stylisées. On peut parler, au niveau des personnages, d une peinture monumentale à proprement parler (faite pour être vue de loin et en contre plongée), réalisée à grands coups de brosses. II / ETAT DE CONSERVATION : 2.1 : Support : Le support n est pas en bon état de conservation et les niveaux d altération sont démultipliés par la complexité de sa stratigraphie. Les mortiers 1 et 2 ont très largement perdu leur cohésion. Le support est l objet de fissures qui concernent une à plusieurs strates : il peut s agir de fissures de la dernière couche de plâtre, mais également (principalement pour Jean et Luc) de fissures verticales des strates 2 à 5, ouvertes et avec un décalage (photo 15). Les décollements du support se situent également sur plusieurs niveaux : décollement du mortier 1 ou du mortier 2, décollement du plâtre 4 ou du plâtre 5. Les fissures profondes (jusqu au mortier 2) sont souvent accompagnées de soulèvements localisés des couches de plâtre 4 ou 5. On peut noter la faible adhérence du plâtre (4) sur le mortier de chaux et son badigeon car il apparaît que ce support antérieur n a pas été bûché préalablement à la mise en place du plâtre. Enfin, les lacunes de support se portent sur les différentes strates : on note de grandes lacunes qui laissent la maçonnerie apparente (Marc et Jean), ainsi que des lacunes partielles (les plâtres 4 et 5 ayant chuté, c est le badigeon de chaux (3) qui est apparent). 3
2.2 : Couche picturale : L état de conservation est variable d un quadrilobe à l autre. On peut dire que globalement, la couche picturale du mur sud est gravement altérée (certainement suite à des infiltrations), tandis qu elle est mieux conservée sur le mur nord. Sur les quatre médaillons, tout ce qui a été réalisé à l ocre rouge à la détrempe est extrêmement pulvérulent - dessin de mise en place et bandeau des quadrilobes. Par ailleurs, toutes les couleurs foncées révèlent un état avancé de pulvérulence cela touche principalement les bruns accompagné d une perte de matière, voire d un chanci (la pulvérulence est une altération classique pour ce type de couleur qui nécessite plus de liant) (photo 16). L ensemble de la couche picturale des médaillons est l objet de mini soulèvements, souvent invisibles à l œil nu. Ces soulèvements, en chutant, ont provoqué une multitude de petites lacunes de couche picturale. Les rouges à la détrempe, lorsqu ils ont été posés sur un fond huileux y adhèrent mal : ils se fissurent et sont l objet de soulèvements. Enfin, on trouve un peu partout des zones de chanci de la couche picturale - qui pourraient avoir été, pour les plus petites, générées par la condensation (photo 17), ainsi que des pertes, plus ou moins larges, des glacis. Ainsi que nous l avons dit, la couche picturale des médaillons de Marc et Jean est particulièrement altérée : certaines zones sont l objet d un réseau d écaillage et de soulèvements déformés, qui ont conduit à de larges plages de lacunes de couche picturale (photo 14). La couche picturale des quatre médaillons est recouverte d un encrassement noirâtre, mais également d un voile blanchâtre (photos 18, 20, 22, 25). Elle est par ailleurs très empoussiérée. III / PROPOSITION DE TRAITEMENT : - Consolidation des soulèvements de mortier et de plâtre - Refixage de la couche picturale. Cette intervention consistera d une part à redonner du liant à la couche picturale, afin d assurer sa conservation à long terme et de permettre son nettoyage. D autre part, un refixage localisé des écaillages et soulèvements de couche picturale permettra à cette dernière d adhérer à nouveau correctement au support. - Nettoyage de la couche picturale. - Restitution du support dans les parties lacunaires et traitement des contours. Le support sera restitué selon la forme des médaillons telle qu elle a été dessinée par le piquetage des mortiers sur le reste de la maçonnerie. - Retouche picturale. Les lacunes de couche picturale seront remises en teinte intervention colorée au niveau des usures ou des lacunes de couche picturales (dont les plus petites sont aujourd hui masquées par l encrassement homogène de la peinture). Les restitutions de support seront l objet de remise en teinte avec rétablissement des motifs géométriques. Comme ces peintures murales apparaissent aujourd hui plutôt comme des tableaux dans la mesure où elles se détachent du support maçonné rejointoyé, la retouche picturale devra être fine et poussée, notamment au niveau des personnages. 4
IV / TRAITEMENT REALISE : - Consolidation des soulèvements de mortier et de plâtre : Une première campagne de consolidation du support a été menée en juillet 2007 afin de permettre les travaux de maçonnerie sur les murs de la nef sans risque de chute pour les peintures des médaillons ; il s agissait de consolidations d urgence (voir annexe). Dans l intervention globale de conservation-restauration de ces peintures, la consolidation du support a été achevée. Les soulèvements de mortier (1 et 2) ont été consolidés par injection de PLMA (CTS), avec mise sous pression. Les soulèvements de support plâtre (4 et 5) ont été consolidés avec un mélange de carbonate de calcium micronisé et de primal E330 à 5% dans un mélange d eau/éthanol (50/50), avec mise sous pression. Les zones accessibles de mortier qui ont trop perdu leur cohésion ont été consolidées avec du primal E330 à 5% dans un mélange d eau/éthanol (50/50). - Comblement des lacunes de support : Les lacunes totales de support (où la maçonnerie est apparente) ont été comblées en trois à quatre passes selon leur profondeur : Mortier de chaux aérienne et de sable (2 pour 1) directement sur la maçonnerie Mortier de chaux aérienne et de sable (3 pour 1) en une ou deux passes. Couche de finition avec un mélange de carbonate de calcium micronisé et de chaux aérienne (1 pour 1). Les lacunes partielles de plâtre ont été mastiquées avec un mélange de carbonate de calcium micronisé et de chaux aérienne (1 pour 1), encollé avec du Plextol B500. Nous avons préféré ce matériau au plâtre dans la mesure où il était posé de manière générale, sur une strate de chaux. - Solin sur les pourtours des fragments : Un solin a été mis en place sur tout le pourtour des fragments (y compris dans la partie supérieure), pour l aspect esthétique global au sein de la surface murale, mais également pour des raisons de conservation. - Dépoussiérage de la couche picturale : La couche picturale a été dépoussiérée avec des pinceaux doux, dans les limites imposées par les soulèvements de couche picturale ainsi que la pulvérulence de certaines zones ou couleurs. - Refixage de la couche picturale : Un refixage d urgence de la couche picturale a été effectué en juillet 2007 (voir annexe). Compte tenu des altérations de la couche picturale, le refixage concernait les deux points suivants : refixer les soulèvements de couche picturale, et refixer les zones de pulvérulence afin de permettre un nettoyage. Pour les refixages de soulèvement de couche picturale, nous avons choisi le primal E330 à 5% dans un mélange d eau/éthanol (50/50), car il permet de limiter l apport d eau au niveau du support plâtre. La remise dans le plan a été effectuée par pression à travers un film mélinex. 5
Pour les zones pulvérulentes de peinture à liant huileux, nous avons testé les deux résines acryliques suivantes : paraloïd B72 à 3% dans du xylène (pour permettre une meilleure pénétration) et le primal E330 à 5% dans un mélange d eau/éthanol (50/50). Les tests de nettoyage (voir ci-dessous) ayant révélé un meilleur résultat avec le primal E330 à 5% dans un mélange d eau/éthanol (50/50), nous avons choisi ce moyen de refixage des zones pulvérulentes. Pour le bandeau ocre rouge des quadrilobes (peinture à la détrempe extrêmement pulvérulente), aucun nettoyage (en phase aqueuse ou solvantée) n étant envisageable, il a été effectué un refixage au paraloïd B72 à 3% dans du xylène (pour permettre une meilleure pénétration). - Nettoyage de la couche picturale: Au-delà de l empoussièrement, ainsi que nous l avons souligné plus haut, la couche picturale était recouverte d un encrassement noirâtre mêlé d un voile blanc. Compte tenu que bien des zones ne pouvaient subir un nettoyage qu après refixage (de la pulvérulence ou des glacis fragilisés), nous avons mené les tests sur deux types d échantillon : couche picturale non pulvérulente ; couche picturale refixée (soit au paraloïd B72 à 3% dans du xylène soit au primal E330 à 5% dans un mélange d eau/éthanol (50/50). Compte tenu de la nature du support direct des peintures (du plâtre, par conséquent support très hygroscopique) et de l état de la couche picturale (soulèvements plus ou moins importants), nous avons privilégié des méthodes rapides, qui ne laissent que peu de temps au plâtre pour s imbiber. Nous avons par conséquent éliminé toutes les possibilités de gel, voire d émulsions, qui nécessitent un abondant rinçage. Les tests au white-spirit puis à l éthanol de sont révélés infructueux (tests effectués notamment pour vérifier la sensibilité de la couche picturale et de l encrassement bien qu un nettoyage aux solvants n était pas envisagé). Tests en phase aqueuse Produit Mode opératoire HLB (Tensio actif) Tween 20 dans eau déminéralisée Tween 20 dans une solution tamponnée Tri ammonium citrate dans une solution tamponnée EDTA dans eau déminéralisée Pose de l agent nettoyant au pinceau. Nettoyage avec des pinceaux à retouches coupés*. Rinçage à l eau déminéralisée avec des petites éponges. PH (solution aqueuse) conductance (solution aqueuse) Résultats 16,7 7 0 Décrassage non satisfaisant 16,7 6,5 1,4 ms Décrassage non satisfaisant 6,5 4,4 ms Décrassage inégal (nécessite des frottement) et le voile blanchâtre reste présent 4,82 4,84 ms Décrassage satisfaisant, élimination du voile blanc * Ce mode opératoire a été choisi pour les raisons suivantes : peu d agressivité lors des frottements (pinceaux à poils doux) mais qui permet d épouser le relief de la couche picturale, pas d accroche au niveau des mini soulèvements de couche picturale (à la différence du coton hydrophile). La couche picturale a donc été nettoyée avec de l EDTA dans de l eau déminéralisée selon le mode opératoire cité ci-dessus (photos 19, 21, 23, 26), à l exception de l ocre rouge de l intérieur des quadrilobes (peinture à la détrempe). Celui-ci a été brossé aux pinceaux doux (après un premier refixage, voir ci-dessus), et tamponné à la gomme wishab. 6
- Retouche picturale : Les lacunes de couche picturale ont été retouchées à l aquarelle (photo 24). Les lacunes les plus conséquentes au niveau des évangélistes Marc et Jean ont été retouchées à petits traits (ce qui permet une visibilité, de près, de l intervention du restaurateur, une vibration de la retouche ainsi que le suivi des coups de brosse ou de pinceaux utilisés à l origine) (photo 27). Sur les mortiers de restauration : pose de la couleur de fond avec des pigments liés dans un mélange de gomme arabique et de plextol B500. Les rehauts ont été effectués à l aquarelle et certaines harmonisations à l aide de pastels secs. - Couche de protection : La couche finale de protection, passée sur l ensemble de la couche picturale, a été effectuée avec du paraloïd B72 à 4% dans du xylène. Note : suite à un problème informatique, nous avons perdu une photo (Luc après nettoyage et avant retouche), ainsi que les relevés réalisés in situ des altérations et traitement. Les relevés du présent dossier ont été réalisés d après photo et de mémoire. 7
ANNEXE Intervention d urgence en juillet 2007 Cette intervention a eu pour objectif d assurer le maintien des fragments (support et couche picturale) pendant la durée des travaux de maçonnerie. Il s agissait donc d une intervention d urgence, minimaliste, qui n entrave pas par la suite la conservation-restauration de ces décors. - Consolidation des soulèvements de mortier. Les soulèvements de support qui risquaient de chuter lors des travaux ont été consolidés par injection. de PLMA (CTS) pour les soulèvements de mortier de chaux. d un mélange de carbonate de calcium micronisé et de primal E330 à 5% dans un mélange d eau/éthanol (50/50), le tout avec mise sous pression - Refixage de la couche picturale. Les soulèvements de couche picturale des fragments représentant Marc et Jean ont été refixés avec du primal E 330 à 2,5% dans un mélange eau/éthanol, après dépoussiérage aux pinceaux doux, selon faisabilité. - Mise en place de protections. Les protections devaient répondre à deux objectifs : éviter l accumulation de poussière et le risque de frottements (à cause notamment des zones pulvérulentes) ; empêcher de possibles coulures d eau. Des tasseaux ont été fixés sur les côtés et au-dessus des fragments, pour permettre l accrochage d un polyane (qui a été enroulé sur le tasseau supérieur). Entre la maçonnerie et le tasseau audessus des fragments, mise en place de plâtre encollé pour éviter la pénétration éventuelle d eau. Le polyane a été percé sur toute sa surface pour permettre les échanges d air. 8