La gestion de l eau pose toute

SIG SyGEMe, Système de gestion municipale intégrée du cycle de l'eau Présentation de l'outil, choix de technologie, interfaçage homme-machine, business opportunities et perspectives La gestion de l eau pose toute une série de problématiques en ces jours où sont évoqués sans cesse le dérèglement climatique, la demande croissante en ressources des pays émergents ainsi que les décisions en matière de politique énergétique sur l exploitation de la force hydraulique et la protection des eaux [1]. En Suisse, les disparités géographiques provoquent une différence marquée de disponibilité en eau potable, tant quantitativement que qualitativement. Des collectivités publiques distantes de quelques kilomètres se retrouvent ainsi face à un excès respectivement un manque de ressource hydraulique. Parallèlement, ces collectivités publiques ont le devoir de gérer les différents flux qui desservent les villes (eau potable/eaux usées, gaz naturel, électricité, chauffage à distance, télévision câblée) et donc d assurer la sécurité et la qualité du service aux usagers. Il existe pour chaque domaine des outils spécifiques de gestion mais il n y a toujours pas d instrument centralisé permettant une vision globale pour le pilotage et la gestion des réseaux. Depuis 2007, les experts du Centre de Recherches Energétiques et Municipales (CREM) et de l Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en collaboration avec les sociétés Depth SA, ESRI Suisse SA, SD Ingénierie et SIG ont travaillé au développement d un outil de gestion municipale intégrée pour les réseaux techniques urbains, appliqué dans un premier temps au cycle de l eau (SyGEMe). L objectif principal de ce projet était de développer un nouveau service à destination des collectivités/exploitants de réseaux qui intègre un système de monitoring (mesure des flux en temps réel) et un système expert de gestion de la connaissance autour d un système d information géographique (interface d entrée dans le système). Pour les exploitants, cet outil disponible au travers d une plateforme web doit permettre : - d analyser en continu le fonctionnement de leur réseau ; - de recevoir des alarmes en cas de détection de situation horsnorme ; - de pérenniser leurs connaissances pratiques de gestion des réseaux en ayant accès à un système d information structuré facilitant l enregistrement et l accès aux données et aux expériences métiers. L outil SyGEMe est entré dans sa phase de finition. Le système propose de multiples fonctionnalités qui seront développées dans cet article mais il est possible de citer notamment la documentation et le géoréférencement des objets et des événements du réseau, à savoir les appareils de mesure, les constats et tâches introduite par ou pour les exploitants de réseau, un accès en temps réel aux télémesures, etc. Cet article a pour objectif de présenter en détails l outil SyGEMe, de documenter le choix de technologie, d identifier les opportunités commerciales et d imaginer les perspectives du projet SyGEMe. Introduction En 2005, les glaciers suisses ne renfermaient plus que 45 milliards de mètres cubes d eau. C est 30 milliards de moins qu en 1980. Malgré cette fonte rapide, la Suisse reste le réservoir d eau douce de l Europe occidentale, car, grâce à la barrière des Alpes, les précipitations y sont deux fois plus élevées que la moyenne européenne [2]. F. Kuchlera, G. Cherixa, R. Sauvaina, S. Storellia Centre de Recherches Energétiques et Municipales (CREM), Av. du Grand- St-Bernard 4, CP 256, CH-1920 Martigny D. Lindemann Depth SA, Chemin d Arche 40 B, CH-1870 Monthey, E. Andrey Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), Laboratoire de Systèmes d Information Géographique (LASIG), EPFL ENAC LASIG, Bâtiment GC, Station 18, CH-1015 Lausanne 66 Géomatique Expert - N 70 - Août-Septembre 2009

Une demande en eau croissante et le changement climatique constituent des défis supplémentaires pour la gestion des eaux. Les disparités régionales et les disponibilités inégales représentent un autre challenge dans le cadre de la gestion des eaux alpines. La vue d ensemble, pour les Alpes, selon laquelle il y aurait «trop» d eau en raison de fortes précipitations est contredite dès aujourd hui par le fait que certaines régions du sud des Alpes connaissent désormais un déficit en eau [3]. Les Alpes sont largement connues en tant que «château d eau» de l Europe car le régime hydrologique des Alpes exerce une influence cruciale sur le bilan hydrologique européen, notamment parce que les Alpes sont situées au centre de l Europe [4]. Cependant, du fait d un cloisonnement technique et administratif entre les communes, de grandes disparités sont à constater dans la problématique d adduction d eau potable. Certaines communes disposent de ressources en eau potable en quantité et en qualité alors que d autres, voisines, doivent recourir à des moyens techniques et financiers importants pour garantir un service de qualité et la sécurité d approvisionnement. Dans l optique d améliorer encore le service de distribution d eau potable et de diminuer les coûts associées, les experts du CREM et de l EPFL en collaboration avec différents partenaires industriels travaillent depuis mars 2007 au développement d un outil de gestion municipale intégrée du cycle de l eau (SyGEMe). Ce projet doit permettre une gestion simplifiée des réseaux techniques urbains, mais, dans un premier temps, le concept SyGEMe sera uniquement développé pour le réseau d adduction d eau d une municipalité. Les innovations qui caractérisent ce projet sont principalement : - Un greffage de différentes solutions techniques sur un système Figure 1 - SyGEMe, plateforme de management des réseaux urbains. d informations géographiques. Sont compris dans ces éléments l intégration de données dynamiques télémesurées (niveau, débit, pression, etc.) et d un système expert de gestion de la connaissance ; - La possibilité de gestion évolutive du réseau avec une application web online paramétrable et modulaire plutôt qu un logiciel figé dans le temps et dont la responsabilité de mise à jour est du ressort de l exploitant ; - Une approche centrée sur les services, dans le sens où les moyens mis à disposition pour gérer les réseaux ont été développés de manière à répondre aux besoins des exploitants de réseaux ; - L intégration du génie logiciel avec l utilisation d un système de gestion de la connaissance évolutif et nourri par l expérience des exploitants ; - Une méthode de développement inédite qui concerne tous les aspects du réseau, en alliant les aspects liés : - à une demande des collectivités en matière de gestion de réseaux ; - à l optimisation de fonctionnalités sur la base d une étude d utilisabilité et d interfaçage ; - à l intégration de cas concrets dans le développement de SyGEMe. Pour ce faire, il a fallu tout d abord définir une méthode de structuration des données disponibles ou devant être accessibles au travers de différents services proposés par SyGEMe. Cette première étape visait à fournir aux utilisateurs un produit web interactif dans lequel il est possible de publier, d accéder et de modifier différents types de données provenant de mesures, constats ou situations inhérentes au réseau d adduction d eau. Tous ces éléments sont visualisés dynamiquement sur la base d un service cartographique. Vient se greffer sur cette plateforme un système de gestion de la connaissance. Ce système expert se réfère à une base de constats stockés, de règles de modélisation et d un moteur d inférence qui permet de proposer des tâches aux utilisateurs en fonction des problèmes rencontrés sur le réseau d eau. La gestion de la connaissance se veut évolutive puisqu elle est en tout temps modifiable et paramétrable par les utilisateurs suivant les situations qu ils ont rencontrées précédemment. Le système complet de gestion intégrée peut alors être perçu comme un outil d aide à la décision. Le système a été développé sur une architecture totalement flexible et modulaire de type WSOA (Web Services Oriented Architecture). Elle permet de s adapter aux différents besoins, technologies de développement, types d utilisateurs, et d offrir toute une palette de services via une interface web. Le module d affichage communique avec un service GIS (ArcGIS) pour la cartographie, avec un webservice qui accède à une base de données Géomatique Expert - N 70 - Août-Septembre 2009 67

de type OLAP pour récupérer les télémesures (en temps réel) et un service logique (système expert). Cet article a pour but de présenter en détails l outil SyGEMe, de documenter le choix de technologie, d identifier les opportunités commerciales et d imaginer les perspectives du projet SyGEMe. Interface hommemachine 1. L implémentation de systèmes centrés sur l utilisateur (figure 1) de sorte à pouvoir identifier les utilisateurs et leurs besoins ; 2. La conception de l interface : concepts, métaphores, affichage, techniques d interaction et méthode de développement d applications ; 3. Les méthodes cartographiques et de webmapping. La figure 2 illustre la première notion : Comme mentionné précédemment, l enjeu du projet SyGEMe est de fournir aux exploitants de réseau un outil leur permettant d en faciliter la gestion. Les objectifs principaux assignés au système consistent à pérenniser l expérience acquise par les exploitants, diminuer le temps de réponse suite à une avarie du système et optimiser la maintenance «prédictive» de l infrastructure réseau. Les étapes de structuration des données et d analyse des processus de gestion des réseaux d eau ont permis de consolider le réseau de services (fonctionnalités) à développer. Le système intègre la documentation et le géoréférencement des objets et des événements. Aux objets usuels L approche centrée sur l utilisateur est la plus souhaitable pour le développement et la conception graphique d applications métier, compte tenu du fait que les utilisateurs finaux sont généralement constitués d experts dans leur domaine, et sont en outre les plus à même de tester et évaluer les systèmes développés à leur intention. SyGEMe se base sur une telle approche. En outre la différence entre l application SIG standard et la webapplication mérite d être relevée, au sens où la web-application ne requiert pas les connaissances d un expert en SIG. En effet, la carte y est l élément central d interaction, et il semblerait que, pour des utilisateurs récemment introduits aux SIG, l interaction avec des cartes numériques soit également nouvelle ; or la conception graphique de cartes est fortement sujette à la perception humaine, d où l importance de l interface de l application. Le développement de systèmes relativement aux grandes lignes de l Interaction Homme-Machine (IHM) implique la participation de l utilisateur final à presque tous les stades du projet, l ultime objectif étant la réduction des efforts cognitifs engagés par celui-ci. On peut par ailleurs citer parmi les éléments centraux sur lesquels sont fondés les théories de l IHM : Figure 2 : Vue de l implémentation selon une logique centrée sur l utilisateur. Les spécifications des requis de l utilisateur sont non seulement une liste de fonctionnalités souhaitées, mais contiennent également des réflexions quant à la conception graphique et aux technologies impliquées lors du développement. Ces spécifications ont été introduites à la base du projet SyGEMe, conformément à la logique décrite ci-dessus. L implémentation à proprement parler se fonde sur des prototypes d application, lesquels devraient être testés et évalués dans l étape suivante. La non validation d un prototype donne naissance à une nouvelle boucle d analyse des besoins de l utilisateur. SyGEMe : l outil composant le système physique d adduction d eau, on distingue ici les attributs et les événements liés aux flux, à savoir d une part les capteurs (appareils de mesure), et d autre part les constats et les tâches à l origine des variations de flux (réglages, fuites ). La fenêtre principale de navigation de l outil se présente comme dans la figure 3. L écran est divisé en deux parties qui sont, d une part, un menu dédié aux constats, tâches, télémesures et gestion des processus, et, d autre part, la base géographique de SyGEMe, à savoir une cartographie dynamique avec gestion multicouches du réseau. Un onglet sur la droite de l écran est prévu pour l affichage de différentes couches. Celles-ci peuvent être obligatoires comme les constats, les tâches, le réseau d adduction, les points d eau, le fond cartographique, ou facultatives comme des modèles numéri- 68 Géomatique Expert - N 70 - Août-Septembre 2009

ques de terrain (MNT), un plan de zone, le cadastre, etc. en fonction de leur disponibilité chez le client souscripteur de SyGEMe. En outre, selon les besoins des futurs clients SyGEMe, le menu peut-être adapté et/ou complété. Le client qui utilise SyGEMe accède à toute une série d attributs des objets du réseau. En effet, sur la plateforme internet en ligne, différentes couches contiennent les objets géographiques dont les détails peuvent être consultés. Il s agit entre autres des attributs des conduites du réseau (diamètre, année d installation ), des vannes, de réservoirs (dimensions ), des attributs des zones (PAZ), etc. Ces informations sont centralisées dans une base de données et disponibles en tous temps (en fonction de la disponibilité des données de la commune). Le menu principal comporte deux onglets «Navigation» et «Gestion des processus». Le premier est relatif aux constats, tâches et télémesures. Par défaut, les tâches et constats sont listés chronologiquement dans leur menu déroulant respectif. Il est possible de les trier selon plusieurs critères comme la date de création, la date de fin, le statut, l importance, l auteur etc. Ces tâches et constats peuvent faire l objet d un filtrage sélectif afin de limiter le nombre d objets affichés dans le menu. Cet outil peut aussi aider à faire une recherche d un événement. Le deuxième onglet sera expliqué plus loin (cf. Gestion des processus). En cliquant sur un événement, la cartographie est automatiquement centrée sur l objet référencé géographiquement. Géoréférencement et agendement de l ensemble des constats : une fiche de saisie pour les constats est proposée à l exploitant qui y entre les informations de manière structurée. L utilisateur choisit Figure 3 - SyGEMe, vue de l outil en ligne. où il place l événement sur la carte et peut y lier un objet du réseau (conduite, réservoir etc.). Cette saisie est réalisée automatiquement par la solution SyGEMe en cas de constat d alarme lié à une télémesure. Le constat est ainsi programmé (tel un rendezvous) et aisément accessible par l exploitant qui peut être alerté lors de l émission d un nouveau constat. En cliquant sur le constat ainsi créé sur la carte, les attributs du constat et ceux de l objet lié sont affichés sur leur fenêtre respective. Géoréférencement et planification de l ensemble des tâches : comme pour les constats, des tâches peuvent être créées. L utilisateur entre les données dans une fiche de saisie et doit assigner la tâche à un exploitant ou autre utilisateur de SyGEMe. La tâche est planifiée et aisément accessible par l exploitant qui est alerté avant son échéance. Il doit valider la tâche et à son échéance, il l édite et la caractérise comme étant «réalisée» ou «abandonnée» ou la reporte à plus tard. Parallèlement, le système expert (SE) peut aussi créer automatiquement des tâches. Lorsqu un incident ou événement est détecté (par télémesure par exemple), le SE édite un enchainement de constats et de tâches qui peuvent être assignées à un ou plusieurs utilisateurs. Ces cas de figure demandent à être remplis par l exploitant en fonction des différentes situations hors norme qu il rencontre sur le terrain afin que ces processus lui soient proposé par la suite. Le troisième bouton du menu concerne les télémesures. En cliquant sur un groupe de mesures présent sur la carte, une fenêtre s ouvre et indique tous les objets trouvés sur les différentes couches au point indiqué. En cliquant sur le groupe de mesures, les attributs de l objet sont affichés dans une nouvelle fenêtre et la carte est automatiquement recentrée sur le groupe de mesures. Lorsque le bouton «Afficher télémesures» est pressé, une fenêtre supplémentaire est ouverte. Il est dès lors possible de sélectionner les différentes courbes à afficher (possibilité d afficher plusieurs courbes dans le même graphe). L interface offre plusieurs fonctionnalités comme le déplacement de la courbe dans le temps, le zoom sur la courbe, l affichage à différentes granularités, le choix d un intervalle de temps ainsi que la couleur de la courbe. L une des particularités de SyGEMe et de lier les constats aux objets du réseau et les afficher sur le Géomatique Expert - N 70 - Août-Septembre 2009 69

graphe des télémesures. De cette manière, en cliquant sur le constat du graphe, les attributs sont affichés dans une fenêtre dédiée, la carte est recentrée sur l objet et il devient possible d expliquer des variations de mesures en fonction de l événement constaté et inversément. D un point de vue pratique, une collectivité qui souscrit à SyGEMe reçoit un compte d accès à la plateforme d administration en ligne. La personne en charge de SyGEMe pourra dès lors créer des comptes d utilisateurs pour les différents acteurs du réseau, à savoir les exploitants, les décideurs politiques ou autres. Chaque utilisateur aura une configuration propre, une certaine quantité de droits et d accès à des fonctionnalités. De plus, l administrateur pourra créer des groupes d utilisateurs qui seront concernés par certains types d événements survenus sur le réseau. Outre sa fonctionnalité d agir comme chef d orchestre entre les différents composants, il officiera également comme outil d aide à la décision en proposant un ensemble de solutions fondé sur l historique des tâches précédemment effectuées pour résoudre un même problème. Les utilisateurs conserveront ainsi constamment la main sur les actions qu ils souhaitent définitivement entreprendre. Sync Flow est un système expert qui offre les outils nécessaires à : - l exécution des tâches ; - la synchronisation des ressources assignées à ces tâches ; - la récolte des connaissances sur les diverses activités d une organisation. Figure 4 : SyGEMe, modélisation de processus métier. Gestion des processus : le second onglet du menu principal concerne la gestion des processus. La réalisation ou l abandon d une tâche peut amener l exploitant à éditer un nouveau constat ou une nouvelle tâche. Quand certains événements sont redondants, il est possible de lier les constats et les tâches entre elles afin de créer des chaînes d événements (appelées «Processus»). Ces processus sont alors considérés par le système expert comme des expériences et serviront à l avenir pour l édition de tâches proposées. En fonction des besoins, les tâches, constats et mêmes les processus peuvent être ajoutés ou supprimés dans un nouveau processus. Tout comme les fonctionnalités des constats et des tâches, les processus peuvent être triés et filtrés selon plusieurs critères. Le système expert Sync flow Par définition, un système expert est un outil capable de reproduire les mécanismes cognitifs d un expert, dans un domaine particulier. Le système expert SyGEMe se basera ainsi sur les trois composants habituels, à savoir : - une base de faits stockant l ensemble des constats et tâches sous-jacentes ; - une base de règles modélisant un ensemble de cas d utilisation propre au comportement d un réseau d adduction d eau ; - un moteur d inférence apte à appliquer les règles saisies en vue de produire des constats et de proposer aux utilisateurs des tâches potentielles pour solutionner le problème rencontré. À la différence d un système de réseau neuronal pouvant apprendre de lui-même, le système expert mis en œuvre pour ce projet ne se substituera ni à l expérience ni aux connaissances des utilisateurs. Ces services logiques s occupent de l ensemble de la gestion événementielle (utilisateur et/ou automatique) liée aux processus métiers. Ceux-ci font appel aux «géoservices» offerts par ArcGIS Server, ainsi qu aux contenus des cubes OLAP (On-line Analytical Processing) des «services de télémesures» et à la base de connaissances. Les événements générés par le client et/ou automatiquement par les «services logiques» sont donc analysés, puis mis en forme par ces derniers pour un retour adéquat au client. Les mises à jour automatiques des données du système (ex : transfert des fichiers plats vers le cube OLAP) et l analyse des télémesures (ex : création d alarme) se font donc aussi par le biais de workflows spécifiques. Ces services logiques sont composés d un service de gestion des utilisateurs (Service User), d un service de gestion des workflows et des définitions d objets (Service Catalogue) et d un Service de gestion des événements (Service Event). Les interactions entre le système expert et les utilisateurs sont définies par des processus informatiques nommés workflows. Ces processus sont construits par des ingénieurs hydrauliciens qui 70 Géomatique Expert - N 70 - Août-Septembre 2009

les modélisent selon les pratiques métier des exploitants du réseau. Cette modélisation passe par une succession de séances réunissant les différents professionnels des pratiques métiers à modéliser. Au terme de ces séances, les intégrateurs prennent le relais et implémentent les processus à l aide d outils de développement graphiques et les publient sur le système expert. La technologie SyGEMe Figure 5 : SyGEMe, développement graphique des processus métiers. L architecture de SyGEMe est de type WSOA (Web Services Oriented Architecture), architecture orientée services implémentée avec des web services. Le choix d une telle structure provient de la flexibilité qu elle sous-tend, en raison de son architecture modulaire, ce qui permet un haut potentiel évolutif, et un haut degré de réutilisation (par exemple : adaptation à d autres types de réseaux). L interopérabilité, au sens des fonctionnalités transversales qu elle permet, ainsi que la facilité de diffusion, par le biais du média Internet, font d un tel type d architecture un choix intéressant pour répondre aux exigences du projet SyGEMe. La construction d une structure système type SOA implique la gestion d une série de couches de normes et de protocoles spécifiques. Sont utilisés dans le cadre de SyGEMe : - WSDL : langage de description des interfaces des services (Web Services Description Language) ; - SOAP : protocole d invocation de services (Simple Object Access Protocol) ; - XML : langage du format des données échangées (extensible Markup Language) ; - REST : architecture de diffusion de donnée (Representational State Transfer) ; - HTTP et TCP/IP : protocoles de transport des données. Dans une architecture SOA, l ensemble des agents (fournisseurs de services et utilisateurs de services) doivent avoir en commun la manière d invoquer (SOAP) et de décrire les données (WSDL et XML). Les composants principaux de l architecture système de type SOA sont l application cliente, de type Silverlight pour le premier tiers, les différents services web et ArcGIS pour le second tiers, ainsi que des SGBD Oracle et Access pour le troisième. Figure 6 : SyGEMe, architecture système. L application cliente L interface SyGEMe, proposée à l utilisateur via le navigateur web est en charge des interactions homme-machine, permettant de consulter les données géographiques et attributives (plan de zone, éléments de réseau, etc.), d annoncer des événements, de consulter la liste des tâches à effectuer et de consulter les données télémétriques, ceci couplé à une navigation graphique du réseau. Développée à l aide de la technologie cliente Microsoft Silverlight, l application SyGEMe bénéficie de nombreux avantages offerts par cette technologie tels que le Géomatique Expert - N 70 - Août-Septembre 2009 71

permettant de gérer les utilisateurs et le catalogue des workflows ; - Dans le cadre du projet SyGEMe, une base de données OLAP et un service web ont été réalisés pour le stockage et pour l accès aux télémesures. «Business opportunities» Figure 7 : SyGEMe, structure et fonctionnement. développement orienté objet, la mise en place de Design Pattern, l affichage vectoriel ainsi que d une haute interactivité avec l utilisateur. SyGEMe tire partie de la toute nouvelle API d ESRI permettant l affichage et le contrôle cartographique dans une application du type Silverlight. Celle-ci communique aux mapservices diffusés par ArcGIS serveur via une interface REST. Les services web - Le service télémesure : ce service permet à un client d obtenir les séries de données obtenues des capteurs en place sur le réseau. Ce service accède aux données stockées par un cube OLAP permettant d obtenir un grand nombre de données en fonction de leur dimension, notamment temporelle. Ce cube est alimenté de manière régulière avec les mesures provenant d un serveur FTP publiant les données mesurées ; - Le service GIS : se basant sur une diffusion REST, le serveur ArcGIS permet la publication des map et GeoProcessing services offrant respectivement l aperçu graphique du réseau ainsi que la possibilité d effectuer divers tâches sur le modèle de données (stocké dans un SGBD Access). Ces services sont consommés par le contrôle cartographique Silverlight d ESRI de l application cliente, permettant l affichage du réseau dans l application ; - Le service SyGEMe : ce service.net a été mis en place pour permettre l accès au modèle de donnée via une connexion ODBC. Cet accès permet des informations non-cartographiques, ainsi que la création, l édition et la suppression de données du modèle. Le système expert : Sync Flow L architecture de Sync Flow est elle aussi de type WSOA (Web Services Oriented Architecture), ce qui lui permet de rester totalement indépendant des applications et des outils métiers qu il doit orchestrer. Il est implémenté avec des technologies standard de Microsoft (Visual Studio 2008,.NET Framework, Workflow Foundation et Silverlight). Sync Flow est implémenté sous la forme d une base de données divisée en cinq modèles de données (> 40 tables) : - Un service Windows dans lequel les workflows (processus métiers) sont exécutés ; - Trois services web SOAP (Utilisateur, Catalogue, et Evénement) ; - Un back-office accessible depuis un navigateur Internet (http://www. sygeme.ch/syncflowadministrator/ SYNCFLOWAdministrator.aspx) Pour les collectivités publiques, la maîtrise des systèmes d adduction et de distribution d eau représente un intérêt évident. En effet : - un réseau d eau constitue un investissement (enfoui) important estimé à plus de 5 000 euros par habitant ; - la disponibilité en quantité et en qualité des ressources en eau constitue une préoccupation mondiale ; - un réseau d eau se détériore de façon naturelle (vieillissement) ou du fait d actions humaines (travaux, trafic, incidents) ; - les critères de performance d un réseau sont multiples (mécanique, hydraulique) et les mécanismes de détérioration sont nombreux (matériaux, environnement, géométrie, exploitation) ; - l information consignée est fragmentaire, les infrastructures et leurs environnements sont souvent mal connues, les plans à disposition incomplets. Le suivi en temps réel des flux est peu valorisé, les appareils de mesure des quantités et des qualités des ressources ne sont pas légion et leur mise en œuvre nécessite des moyens importants ; - Les moyens à disposition sont limités. Les recettes des services des eaux ne financent souvent que l exploitation et pas le renouvellement des infrastructures. La ressource en eau n est pas valorisée économiquement, c est-à-dire qu on ne fait payer que son coût et non pas sa valeur. Les compétences techniques (multiples) ne sont souvent pas disponibles localement. 72 Géomatique Expert - N 70 - Août-Septembre 2009

La bonne maîtrise des réseaux d adduction et de distribution d eau potable, de même que la gestion efficiente des ressources en eau, nécessitent de disposer d outils performants et intégrés. Dans un premier temps, il est en effet nécessaire d acquérir des informations pertinentes sur les réseaux et les ressources. Il s'agit tout d abord de mesurer, au moyen de capteurs répartis en plusieurs points stratégiques du réseau, les flux qui parcourent le système et de disposer d un maximum d informations descriptives (à jour) des équipements et des infrastructures, issues des plans et des rapports techniques. Cette première étape de récolte de données, fiables et récentes, doit ensuite permettre une analyse et une interprétation de ces dernières. Le gestionnaire est à même de comprendre les caractéristiques des équipements et des flux placés sous sa responsabilité. Cette compréhension des phénomènes passe notamment par l'examen des données acquises, en évaluant le degré d'efficacité du réseau en termes de capacité, et par l'identification des points défaillants. sensibiliser et de les inciter à agir, ensemble, de façon concertée et coordonnée. Dans ce sens, un outil de maîtrise du système d adduction et de distribution d eau doit pouvoir servir trois niveaux d information distincts : - Le décisionnel : l élu municipal est porteur de la vision, et, à ce titre, il doit être à même de décider. Pour ce faire il doit disposer de bilans et de statistiques sur l évolution des indicateurs et de calculs permettant d appréhender les impacts liés aux différents projets ; - L expert : l ingénieur est porteur de la stratégie, il doit pouvoir comprendre et analyser. Le monitoring des flux et les calculs de réseaux servent cet objectif ; Chacun des niveaux d information requiert son lot de service que la solution SyGEMe est en voie d offrir (la gestion des constats et des tâches, l historique des événements, le suivi des débits, la gestion des alarmes ). Le développement de webservices sur une base SyGEMe permet d envisager d autres services plus spécifiques tels que le dimensionnement des réseaux, la minimisation des pompages, la détermination des potentialités de turbinage, les géostatistiques, etc. SyGEMe offre donc une solution intégrée pour les décideurs, les experts et les gestionnaires de réseaux ainsi que des opportunités de services pour les intégrateurs de système d information géographiques. Les opportunités d affaires sont donc de trois types : - la prestation «services SyGEMe» est proposée aux gestionnaires de réseau via les webservices ; Dans un troisième temps, la connaissance acquise par le gestionnaire grâce à l analyse des données à disposition doit lui permettre soit de faciliter ses prises de décision, soit d agir. L'action peut alors prendre trois modalités : immédiate (gestion en temps réel), légèrement différée (maintenance), différée (planification). Enfin, l exploitant ayant participé à tout ce processus peut et doit transmettre l'information acquise, désormais mieux maîtrisée (maintien du degré d'efficacité d'équipements), à d'autres acteurs directement ou indirectement concernés afin de les former et les Figure 8 : SyGEMe, écosystème et opportunité commerciale. - L opérateur : le technicien est confronté à l exploitation, il doit agir. La surveillance des flux et la gestion des événements et des processus opérationnels l assistent dans cette tâche. - la prestation «intégration SyGEMe» est proposée via un mandat passé entre le gestionnaire de réseau et un prestataire en systèmes d information ; - la prestation «gestion SyGEMe» est proposée via un mandat passé entre le gestionnaire de réseau et un bureau d ingénieurs compétents dans le domaine de l adduction et de la distribution d eau. Elle porte sur l assistance à la gestion du système d adduction et de distribution d eau. Géomatique Expert - N 70 - Août-Septembre 2009 73

Synthèse et perspectives L enjeu du projet SyGEMe était de concevoir et de développer un outil innovant de géosurveillance et de gestion de la connaissance, destiné au marché des exploitants de réseaux d adduction d eau. Ce projet de recherche appliquée et de développement a été principalement financé par l agence suisse pour la promotion de l innovation (CTI) et par les différents partenaires industriels qui se sont investis dans le projet : ESRI Suisse SA ; SD Ingénierie SA ; SIG ; Depth SA. D un point de vue institutionnel, le projet était porté par le Laboratoire des systèmes d information géographique (Lasig) de l École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en collaboration avec le Centre de recherches énergétiques et municipales (CREM) de Martigny et avec l appui de l incubateur Cimark de l État du Valais. C est l innovation qui était l élément porteur du projet SyGEMe, et l élément moteur du financement de l agence pour la promotion de l innovation (CTI). Cette innovation se situe dans deux éléments fondamentaux : - Offrir aux utilisateurs une plateforme unique et intégrée, donnant accès à un système d information géographique (SIG), à des données de télémesures dynamiques et à un système expert de gestion de la connaissance ; Références - Fournir sur cette plateforme un système expert qui permette, d une part, de faciliter la gestion des réseaux d adduction d eau en analysant automatiquement leurs comportements, et d autre part, de pérenniser les compétences des exploitants, notamment dans les petites communes. Tant du point de vue des partenaires institutionnels qu industriels, le projet est une réussite dans sa globalité. En effet, après plus de trente mois de travaux, le prototype SyGEMe est fonctionnel et accessible en ligne pour le premier client pilote, Sinergy SA (autrefois Services industriels de la Ville de Martigny). Le défi que représentait la mise en œuvre des fonctionnalités innovantes élaborées a impliqué de nombreux choix, notamment en termes d options technologiques. La série de décisions qui ont fait suite aux évolutions des technologies utilisées ont été prises avec comme principaux critères : l utilisation de technologies innovantes et à haut potentiel évolutif ; la prise en compte des compétences logicielles des partenaires industriels, la minimisation des travaux de maintenance une fois l outil commercialisé. Cette suite de décisions et de changements architecturaux a permis, à terme, de disposer d un outil laissant prévoir de bonnes chances de succès commercial. [1] OFEN, Office fédéral de l énergie, Suisse : Plan d action pour les énergies renouvelables, Fiche d information 6, 2008. [2] Bruno Schädler, Division Hydrologie, OFEV, Office fédéral de l environnement, Suisse : Dossier au fil de l eau, Environnement Avril 2006. [3] Convention alpine, Italie : L eau dans les Alpes, Communiqué de presse : Sécheresse ou Crue?, 2 e Rapport sur l état des Alpes, 2009. [4] Convention alpine, Italie : L eau et la gestion des ressources hydriques : rapport sur l état des Alpes, Signaux alpins Édition spéciale 2 2009. Néanmoins, les différentes phases de renouvellement et de modification du code ont entraîné un retard de calendrier qui a contraint l équipe projet à ne développer qu une partie des services élaborés dans le cahier des charges. De plus, ce retard s est directement répercuté sur les phases de test, puisque l outil n as pas été testé en profondeur par un exploitant de réseau. Toutefois, le prototype à disposition, de même que le solide cahier des charges qui a été rédigé suite à plus de douze mois d analyse des besoins, laissent présager de perspectives intéressantes pour SyGEMe, tant du point de vue recherche et développement que du point de vue commercial : - Une première étude de marché a montré un très vif intérêt de la part des exploitants de réseaux d adduction d eau des collectivités de taille moyennes (plus de dix entretiens ont été conduits) ; - Le nombre de services élaborés pour le cahier des charges du projet montre qu il existe un important potentiel de développement pour SyGEMe, dont l architecture à été conçue de manière à faciliter l implémentation de nouveaux services, standard ou à la carte ; - Enfin, le processus de gestion de l information qui repose sur un géoréférencement et une fixation dans le temps des différents événements relatifs à un projet, la mesure en temps réel des différents flux inhérent à ce même projet, et la mise à disposition d un système expert de gestion de la connaissance, ouvre le champ d application de SyGEMe. Non seulement toutes les industries de réseau (électricité, cours d eau, réseau de gaz, etc.) peuvent être concernées, mais aussi tous les types de projets territoriaux qui nécessitent un suivi des informations (aménagement du territoire, transport, projet d agglomération, etc.). 74 Géomatique Expert - N 70 - Août-Septembre 2009