LA RELIURE, PATRIMOINE ARTISTIQUE ET TECHNIQUE Du 1 er au 17 septembre 2016 À L Alpha - Médiathèque de GrandAngoulême www.lalpha.org 1 rue Coulomb tél. 05 45 94 56 00 facebook.com/alphagrandangouleme
HISTOIRE DE LA RELIURE Pour conserver les rouleaux, on utilisait un étui, un vase de bois ou de pierre chez les Grecs. La reliure constitue une protection du livre contre les agressions extérieures. Son histoire est aussi vieille que celle des livres, les premiers se nommaient les «codex», = plusieurs feuilles de parchemin pliées en 4. À la fin de l époque greco-romaine, on trouve le «ligator» chargé de réunir les cahiers en parchemin par une couture et de les protéger entre 2 planchettes de bois. Ligator devient lieur puis relieur (entre le II e et VI e siècles de notre ère). La reliure est, en outre, un ornement pour le livre. À ce titre, le travail du relieur est considéré comme un art : il respecte les proportions, l ornementation, les matériaux employés et s accordent avec le genre du livre. Les premiers livres imprimés sortent à plusieurs centaines d exemplaires. Ils ne peuvent être écoulés dans la ville qui les a vu naître, ils sont donc expédiés en de multiples lieux de vente. Ils voyagent «en blanc», c est-à-dire en feuilles, et sont reliés sur le lieu de vente soit en parchemin soit en cuir. Reliure des incunables (= livres imprimés de la naissance de l imprimerie à 1 500) et des imprimés du XVI e siècle. Peu différente de celle des manuscrits. Elle s allège peu à peu. Le dos en cuir est marqué par des nerfs saillants dépourvu de titre. Les plats sont constitués par des ais (= planchettes) de bois recouverts de cuir. Lors de l utilisation du parchemin, le dos est non collé aux cahiers et long. Encyclopedie de Diderot et d Alembert «Recueil des planches sur les sciences et les arts mécaniques avec leurs explications» de 1771.
Les plats sont souples, non renforcés de carton, souvent plus larges que les feuillets. À la gouttière, ils forment des rabats qui enferment le livre. Les lanières sur lesquelles les cahiers sont cousus sont enlacées dans le parchemin, au niveau du mors. Les tranches peuvent présenter les mots du titre tracés à l encre. Réminiscence du classement des livres à plat dans les bibliothèques. À partir du XVII e siècle On peut distinguer trois catégories de reliure : La reliure de librairie, reliure exécutée en nombre, peu de modèles, commandée par le libraire, La reliure d amateur, reliure de qualité exécutée à la commande d un particulier, Les reliures à grand décor. LES ÉLÉMENTS DE LA RELIURE Les plats : plaques de bois au XV e et début XVI e recouvertes de métal, ivoire, cuir... Plus tard, le bois est remplacé par des feuilles de papier collées, par puis du carton. Le dos maintient le corps de l ouvrage entre les deux plats. Il évolue avec l histoire. Dès l époque romaine, on décore la couverture qui recouvre les plats. À l époque byzantine, on fait appel à l orfèvrerie pour orner les plats. Cette pratique perdure jusqu à la Renaissance. Schéma de la reliure d un ouvrage Chasse Tranche (de tête) Gouttière Garde blanche Garde de couleur Tranchefile Coin Angle de coiffe Coiffe Dos Pièce de titre Plat Nerf Entre nerf Mors Tranche (de queue)
DÉCOR DES RELIURES Au Moyen-Age Sur les plats en cuir : clous en métal plus ou moins précieux pour renforcer les angles (= cornières). Pour garantir du frottement, on les munit de gros clous de cuivre saillants (= boulons). Le centre du plat peut être décoré de plaques d émail, pierres précieuses ou semi-précieuses. Pour maintenir le livre fermé : fermoirs en métal au nombre de deux ou quatre ou liens de peau d animaux. On renforce les angles avec des coins en métal. Les reliures de parchemin sont en général dépourvues de décor. Elles furent fabriquées du Moyen-Age à l époque moderne. Au XVIII e siècle le parchemin peut être posé sur des cartons, les plats sont rigides ; le parchemin n est alors que le matériau de couvrure et peut recevoir un décor analogue à celui des reliures en cuir. Reliure des incunables (= livres imprimés de la naissance de l imprimerie à 1500) et des imprimés du XVI e siècle. Le décor est appliqué à froid, sans or. La reliure estampée à froid est utilisée jusqu à la fin de la première moitié du XVI e siècle. Estamper à froid (= imprimer en relief au moyen d une matrice gravée en creux) avec des motifs de fleurs, animaux, symboles divers Si l impression est en relief, on l appelle «gaufrure». Ce type de décor est dit «monastique» car il fut exécuté à l origine dans les monastères. On abandonne parfois les petits fers pour utiliser des plaques. Le décor apparait alors en brun (sous l effet de la chaleur du fer apposé sur la reliure préalablement humidifiée) La technique de la dorure s introduit d abord pour des reliures de luxe (on interpose entre le fer préalablement chauffé et le cuir une mince pellicule d or). Elle devient plus courante en avançant dans le XVI e siècle avec l utilisation de filets ou de petits fers. Les fleurons frappés d abord en or plein sont à partir de la seconde moitié du XVI e azurés (striés de lignes obliques). Certaines reliures de luxe sont faites de pièces de maroquin de diverses couleurs ajustées suivant les besoins du dessin et cernées de filets dorés. On les appelle reliures mosaïquées. On utilise pour des reliures moins riches des grandes plaques et des écoinçons imprimés en or sur le cuir. Pour des reliures soignées, les tranches peuvent être dorées et parfois même ciselées. Reliure estampée à froid Sigebert de Gembloux : Chronicon ab anno 381 ad 1113. - Paris : Henri Estienne, 1513.
Au XVII e siècle Les plats sont généralement sans décor, mais le possesseur pouvait faire pousser ses armes au centre. Le dos à nerfs, peut être très orné. Le deuxième entre-nerfs comporte une mention de titre poussée lettre à lettre directement sur le cuir. Le troisième peut porter une indication de tomaison. Les autres entre-nerfs sont décorés au centre d un fleuron (forme d un losange, d une palmette, d un bouquet stylisé) et dans les angles de petites volutes. On rencontre aussi un décor constitué par la juxtaposition d éléments de volutes très serrés, appelée décor «grotesque» À partir de cette époque, les tranches sont peintes en rouge, parfois jaune. Pour des reliures soignées, elles sont dorées, les chasses ornées à la roulette d une dentelle étroite, les coupes peuvent aussi être décorées. Les gardes, au début du siècle, sont de papier blanc. Plus tard, on colle au contre plat du papier jaspé dit «au peigne». Au XVIII e siècle Les reliures de luxe sont en maroquin parfois traité, pour parvenir au maroquin à long grain. Pour les reliures mosaïquées, on applique des pièces de maroquin aminci sur certains éléments du décor. À la fin du siècle, le veau peut être teinté pour revêtir l aspect d une planche sciée (= veau raciné). Les dos sont fréquemment plats, les compartiments sont alors délimités par des faux nerfs. Les gardes sont faites de papier marbré ou à tortillons, parfois de papier doré. Les reliures de luxe peuvent être doublées de maroquin ou de soie moirée. Vers 1750, sur les reliures de luxe, apparaissent de grandes bordures couvertes de rinceaux de feuillages stylisés (= reliure à la dentelle). Les grands relieurs signent leurs productions, sur le plat, dans le compartiment de queue du dos, ou sur une étiquette imprimée collée sur la page de garde ou au bas du titre. FAÇONNAGE DES CAHIERS POUR UN LIVRE Lorsque l on plie les feuilles de papier pour les imprimer cela détermine le format du livre : In-2 ou in-folio la feuille est pliée en deux on obtient 2 feuillets ou 4 pages par un cahier. In-4 la feuille est pliée 2 fois on obtient 4 feuillets ou 8 pages par un cahier. In-8 la feuille est pliée 3 fois on obtient 8 feuillets ou 16 pages par un cahier.
LES MATÉRIAUX UTILISÉS POUR L HABILLAGE Matière de recouvrement : tissu, velours, satin, damas, drap de soie, étoffes brodées, parchemin, cuir. Le parchemin, perdant sa fonction de support à l écriture, est largement utilisé par les relieurs. Il contribue au renforcement des dos des ouvrages en formant les «claies», puis, à couvrir tout le volume. Il est peu couteux et solide. On réutilisa des feuilles d anciens actes devenus caducs ou des manuscrits médiévaux liturgiques ou juridiques. On pouvait gratter la surface pour en effacer ne serait-ce que sommairement le contenu du texte et réutiliser le support. On appelle alors ce support un palimpseste. Ces reliures sont courantes dès l apparition de l imprimerie et ne subissent guère de modifications au cours des siècles suivants. Il peut donc être délicat d avancer une date de fabrication. Les cuirs Au XV e et début du XVI e siècles, en Europe occidentale, on utilise en général, de la peau de veau brun. En Europe centrale et dans les pays germaniques on emploie fréquemment la peau de truie jusqu au début du XVII e. Pour des reliures de luxe, on recouvre les plats de maroquin (= peau de chèvre tannée en Orient) teint en rouge ou en vert (olive) ou en jaune (citron). Au XVII e siècle, on utilise pour le recouvrement la basane (peau de mouton) ou le veau de teinte brune, parfois jaspé ou tacheté. Au XVIII e siècle, les reliures de luxe sont en maroquin parfois traité pour parvenir au maroquin à long grain. Pour les reliures mosaïquées, on applique des pièces de maroquin aminci sur certains éléments du décor. À la fin du siècle, le veau peut être teinté pour revêtir l aspect d une planche sciée (= veau raciné). LE PAPIER La fabrication du papier à la main Le papier apparait en Chine au II e siècle de notre ère. La technique pour fabriquer le papier consiste à isoler la fibre de cellulose d une matière fibreuse végétale, préalablement humidifiée, pour en faire une pâte. Puis de cette pâte extraire l eau et reconstituer un enchevêtrement de fibres pour obtenir le papier. On utilise du chiffon de coton. Les étapes de fabrication Traitement de la chiffe : elle est découpée, transférée au pourrissoir et trempée. Elle fermente pendant une vingtaine de jours, puis est traitée au «dérompoir» où elle est hachée. Préparation de la pâte : le produit obtenu par l étape précédente est battu dans des cuves de pierre, où de l eau circule, au moyen de maillets
Encyclopedie de Diderot et d Alembert «Recueil des planches sur les sciences et les arts mécaniques avec leurs explications» de 1771. Cette pâte est portée dans une nouvelle cuve. Elle est chauffée et puisée au moyen de «formes» (= châssis de bois rectangulaires dont les grands côtés sont reliés par des fils de laiton) : les «pontuseaux». Ils sont traversés par des fils plus fins et plus serrés perpendiculairement : les «vergeures». Le fabricant peut fixer sur le treillis métallique un dessin fait de fil de laiton qui constitue le «filigrane» (= sorte de signature du moulin). On fait écouler l eau en inclinant la forme. On retourne la feuille sur un «feutre», la couvre d un autre feutre. On renouvelle ainsi l opération avec les feuilles suivantes jusqu à environ 144 feuilles. On place l ensemble sous une forte presse qui en exprime l eau au bout d une douzaine d heures les feuilles sont séparées, puis replacées avec des feutres sous presse à plusieurs reprises. On étend ensuite les feuilles pour les faire sécher. Une fois sèches les feuilles sont encollées dans un baquet de colle chaude afin de perdre leur porosité. Nouveau passage sous presse, puis étendu feuille à feuille. Le papier est plié et mis en main (paquet de 25 feuilles.)..
«Quiconque aime les livres aime les voir ainsi bien habillés, comme parés pour entrer dans la durée.» Jacqueline de Romilly, Le geste et la parole des métiers d art, 2004. Tous nos remerciements aux archives départementales de la Charente, à la bibliothèque de Cognac pour le prêt d ouvrages et à Hélène de Bellaigue, conservateur honoraire de la bibliothèque de Bordeaux pour la rédaction des textes. Service communication GrandAngoulême - juillet 2016 - Visuel de la couverture : Fotolia / Ne pas jeter sur la voie publique.