Les alternatives végétales aux ressources fossiles. Concept et enjeu territorial. Première édition



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Les alternatives végétales aux ressources fossiles Concept et enjeu territorial Première édition

Bruno JARRY, Daniel THOMAS, Les alternatives végétales aux ressources fossiles Concept et enjeu territorial Les Entretiens IAR, 15-16 novembre 2011 à Chantilly Editions Pôle de compétitivité IAR, LAON, septembre 2012

Remerciements Nous remercions tout d abord les quarante experts scientifiques et économistes de renommée mondiale ainsi que les dirigeants de grands groupes industriels pour leur participation active aux «Entretiens IAR 2011 Bioraffinerie Internationale». Ces «penseurs» venus du monde entier (Europe, USA, Asie, Amérique Latine) ont partagé leurs connaissances, confronté leurs points de vue et posé un regard attentif sur les évolutions attendues. Ces Entretiens IAR n auraient pas été possibles sans le soutien constant matériel et moral de l Etat et des deux Régions Champagne-Ardenne et Picardie. Ce soutien a été incarné par : - le Préfet de la région Picardie Michel DELPUECH - le Préfet de la région Champagne-Ardenne Michel GUILLOT - le Président du Conseil régional de Picardie Claude GEWERC - le Président du Conseil régional de Champagne-Ardenne Jean- Paul BACHY - le Président de la Fondation Aga Khan, Son Altesse l Aga Khan Dominique DUTARTRE Nous leur en sommes très reconnaissants. Dominique DUTARTRE Président du Pôle IAR Daniel THOMAS Vice-Président du Pôle IAR Daniel THOMAS remerciements / page 03

Sommaire page 03 / page 05 / Remerciements Sommaire page 06 / Le contexte page 08 / page 11 / Le pôle IAR Préface page 12 / Session 1 : Du charbon au pétrole et à la biomasse page 20 / Session 2 : Pas de chimie verte sans plantes page 25 / Session 3 : La bioraffinerie comme outil industriel de production page 32 / page 38 / page 45 / page 48 / Session 4 : Vers une écologie industrielle Session 5 : Les modèles français et européens Conclusions et recommandations L Etat français soutient le développement de la chimie verte page 50 / L innovation vue par la Région Picardie page 52 / L innovation vue par la Région Champagne-Ardenne page 54 / Lexique page 57 / Mentions légales page 58 / Contact IAR sommaire / page 05

Le contexte Le Pôle IAR, soutenu par la région Champagne-Ardenne, la région Picardie et l Etat français en régions, a souhaité approfondir la réflexion sur l essor des bioraffineries sous des angles sociétaux, éthiques, techniques et économiques en proposant un nouveau mode d échanges avec les plus grands experts mondiaux. La première édition des Entretiens IAR - Bioraffinerie Internationale a eu lieu à Chantilly les 15 et 16 novembre 2011. Cet événement a ouvert un cycle de rencontres bisannuelles qui a réuni autour du sujet de la Bioraffinerie, les industriels de plusieurs régions du monde impliqués tout au long de la chaîne de valeur, des chercheurs engagés dans les processus de transformation et des représentants de la Commission européenne et de la haute administration française. L ambition des Entretiens IAR est d élargir les prismes de la pensée pour mieux anticiper les défis à relever et suggérer les clés d une action concertée. Les Entretiens IAR 2011-Bioraffinerie Internationale se sont fixés pour objectif de créer le débat autour de questions stratégiques sur le développement de la bioraffinerie en Europe et particulièrement en France. La mise en perspective de ces enjeux sur la scène internationale a permis de faire émerger des premières recommandations. Ce document de synthèse en fait état. Les Entretiens IAR, 15 et 16 Novembre 2011, Chantilly le contexte / page 06

Ont participé aux Entretiens IAR 2011 De gauche à droite, de bas en haut. 1 er rang Philippe CHALMIN, Professeur Université Paris-Dauphine, France Yves CHAUVIN, Prix Nobel de Chimie 2005, IFPEN, France Marc VAN MONTAGU, Professeur Gent University, Belgique Dominique DUTARTRE, Président pôle IAR, France Daniel THOMAS, Vice-Président pôle IAR, France Bruno JARRY, Membre de l Académie des Technologies, France Frances ARNOLD, Professeur Caltech, Etats-Unis Jean-Marie LEHN, Prix Nobel de Chimie 1987 Collège de France Marc ROQUETTE, Président Directeur Général, Roquette Frères, France 2 ème rang Thierry STADLER, Directeur Général pôle IAR, France Wim SOETAERT, Professeur InBio.be, Belgique Ajit SAPRE, Research Director Reliance Industries, Inde Chris MALLETT, Corporate Vice-President Cargill, Etats-Unis Christiane LAMBERT, Vice-Présidente FNSEA, France Dehua LIU, Professeur Tsinghua University, Chine Ian HUDSON, President Europe, Middle East & Africa DuPont de Nemours, Suisse Michel BOUCLY, Directeur Général Adjoint, Sofiproteol, France Neftali LOPEZ, Project Development Manager Abengoa Bioenergia Nuevas, Espagne 3 ème rang Antoine SUAU, Agro-économiste FNSEA, France Lars-Peters LINDFORS, Senior Vice-President Technology & Strategy, Neste Oil Oyj Finland Grégoire BERTHE, Directeur Général Céréales Vallée, France John HICKMAN, Director Global University Relations & Life sciences John Deere, Etats-Unis Albrecht SCHAPER, Managing Director Nordzucker, Allemagne Osamu KURAHASHI, Corporate Vice Président, Deputy General Manager Ajinomoto, Japon Peter WALTHER, Senior Vice President BASF, Allemagne Soren Hoed JENSEN, Vice-Président Copersucar, Brésil Denis BABUSIAUX, Professeur Ecole des Mines, Paris, France 4 ème rang Andrew HAGAN, Associate Director World Economic Forum, Suisse Alfredo AGUILAR, Chef de l unité Biotechnologies Direction Générale de la Recherche et de l Innovation, Commission européenne Eric GIRY, Chef du service de la stratégie agroalimentaire et du développement durable DGPAAT, France Jean-François ROUS, Directeur de l Innovation Sofiprotéol, France Pascal BARTHELEMY, Directeur Général Adjoint IFPEN, France Catherine MOLLIERE, Ingénieur Conseil Etudes Industrielles Crédit Agricole, France Etaient également présents : François CARON, Professeur CRHI-Sorbonne, France Philippe DUVAL, Président du Directoire, Tereos, France Ghislain GOSSE, Président Agro-Transfert Ressources et Territoires, France Yves LEMAIRE, Chef de bureau Industries pétrolière et nouveaux produits énergétiques DGEC, France Bernard MARY, Président d Honneur pôle IAR, France Jean-François MINSTER, Vice-Président R&D Total, France Pascal PROT, Président Siclaé, France Anton ROBEK, Senior Vice President Emerging Business Area DSM, Hollande Thierry SOMMELET, Directeur d investissement FSI, France Philippe TILLOUS- BORDE, Directeur Général Sofiprotéol, France Arno VAN DE VEN, Vice-President Strategic Business Development CSM Purac, Hollande le contexte / page 07

Le pôle IAR Industries & Agro-Ressources : la bioraffinerie, opportunité de développement industriel pour les territoires La démarche du pôle IAR s appuie sur un modèle de bioraffinerie territorialisée où agriculture et industrie sont intimement liées. Son but est de valoriser de façon optimale tous les composants des végétaux afin de proposer une large gamme de produits biosourcés se substituant aux matières fossiles non renouvelables ou apportant de nouvelles fonctionnalités, pour alimenter de multiples marchés. Le pôle IAR ambitionne ainsi de devenir la référence européenne pour les valorisations des agro-ressources à l horizon 2015. Rapidement, trois défis majeurs pour la planète doivent être relevés : défi alimentaire, défi climatique, défi énergétique. Une des clés de réponse réside dans l adaptation et la mobilisation des agro-ressources en faveur d alternatives renouvelables. Passer du carbone fossile au carbone vert est devenu une nécessité. Grâce au pôle IAR, placé au cœur de la chimie du végétal et des biotechnologies industrielles, cela devient une réalité. Dans ce contexte, le pôle IAR a pour objectif de favoriser l innovation végétale, au profit d applications industrielles concrètes. Le point de départ est la biomasse végétale. La finalité est de concevoir autrement les produits et matériaux biosourcés de demain, nécessaires à la fabrication de biens de la vie courante. Les projets du pôle IAR s appuient sur le modèle de la bioraffinerie, ou raffinerie du végétal, qui s inscrit dans une démarche où usages non alimentaires et alimentaires des agroressources se côtoient et se complètent. Elle permet ainsi de développer les produits de base de notre alimentation, mais également de produire des biomolécules, des agromatériaux, des bioénergies. Le pôle IAR, moteur de la compétitivité des entreprises et des territoires Le pôle IAR compte plus de 200 adhérents qui représentent l ensemble de la filière : producteurs de biomasse, agroindustriels, chimistes, clients finaux (BTP, transport, cosmétiques, aliments santé, plasturgie ). Tous sont engagés dans le développement de technologies et de produits substituant des matières premières d origine pétrolière par des productions végétales agricoles, forestières et algales. Le pôle IAR est soutenu par l Etat et les deux Régions dont il est issu: la Champagne- Ardenne et la Picardie. Avec cet ancrage régional, le pôle IAR dispose d un écosystème unique pour développer les bioraffineries et les nouvelles générations de produits biosourcés : des surfaces agricoles importantes facilitant la maîtrise des approvisionnements, la présence d acteurs industriels de premier rang, des politiques régionales volontaristes, des infrastructures de recherche et d innovation impliquées depuis longtemps sur ces sujets et de grands programmes structurants. Le pôle IAR / page 08

Fort de sa vocation mondiale, le pôle IAR génère des partenariats entre ses adhérents et des acteurs étrangers, démarche indispensable pour une reconnaissance internationale et l ouverture à de nouveaux marchés. Passer du concept au produit industrialisable De l idée au développement, en passant par la recherche de financements, le pôle soutient les porteurs de projets quelle que soit leur taille. Il leur donne les moyens de développer et de tester de nouvelles technologies et de nouveaux produits. Le pôle IAR permet à ces mêmes entreprises, d unir leurs forces au travers de partenariats opérationnels basés sur la complémentarité des savoir-faire, des technologies ou des stratégies de croissance. Il favorise le dialogue et les synergies entre les acteurs de la formation, de la recherche et de l innovation tout au long de la chaîne de valeur. La démarche du pôle IAR est motivée par le respect d un développement durable. Evaluer objectivement l empreinte écologique, déterminer le cycle de vie d un produit, constituent un choix que le Pôle privilégie pour proposer des solutions responsables. La contribution du pôle à la bioéconomie est aujourd hui une réalité en termes d avancées scientifiques, de création d emplois, d efficacité énergétique et environnementale mais aussi et surtout, de valorisation des ressources locales au profit des territoires de production. Le pôle IAR / page 09

Préface Le pôle IAR a organisé les 15 et 16 Novembre 2011, dans le cadre de ses activités internationales, la première édition des Entretiens IAR centrée sur le thème très actuel de la Bioraffinerie. Cette réunion a regroupé quarante experts scientifiques et économistes de renommée internationale ainsi que des dirigeants de grands groupes industriels venus du monde entier (Europe, USA, Asie, Amérique latine). Ils ont partagé leurs connaissances, confronté leurs points de vue et envisagé l avenir de ce nouveau secteur industriel en pleine évolution. L innovation est un des leviers essentiels du développement de nos sociétés. Toutefois, dans bien des cas, pour passer du concept innovant à la réalisation factuelle une collaboration étroite est nécessaire, qui fait intervenir les industriels, les gouvernements et la société civile. Il faut reconnaitre que ces questions ne peuvent pas être résolues seulement par l industrie ou le gouvernement ; l action doit intervenir à un niveau plus large et plus holistique. Ces questions ne sont pas entièrement nouvelles et l histoire de l innovation tout au long du XIXème siècle nous en donne de nombreux exemples. La rencontre fructueuse entre le monde des savants et celui des industriels n a pu aboutir que dans le cas où une demande sociétale forte préexistait à la construction des usines, rendant de ce fait possible la création des marchés et par conséquent la réussite objective de cette innovation. Le cas de la Bioraffinerie, concept nouveau issu de la rencontre du développement spectaculaire des sciences de la vie au cours des 20 dernières années et d une industrie de la transformation de la matière première végétale en place depuis le demi-siècle précédent, rentre parfaitement dans le cadre de cette constatation. A la croisée de ces deux courants, la protection du climat, le maintien de l environnement, la production d énergie sont quelques uns des domaines pour lesquels la Bioraffinerie pourrait apporter des solutions. La demande sociétale pour la préservation de la planète, longtemps masquée, apparait depuis quelques années au grand jour. Mais les challenges techniques, commerciaux et stratégiques sont tels qu ils nécessitent la collaboration de tous pour atteindre ces objectifs. L innovation collaborative entre plusieurs partenaires devient de plus en plus nécessaire. Les sujets et les technologies, de plus en plus complexes et coûteux, ne permettent plus leur résolution par une seule compagnie, parfois même par une seule industrie. Les gouvernements, en tant que représentants de la société civile, sont demandeurs d innovation industrielle et de solutions, demandes qu ils adressent à l industrie dans son ensemble. Se crée alors une nouvelle dynamique, à charge pour l industrie d agir comme un ensemble, de façon collaborative, pour résoudre cette demande d innovation d une façon noncompétitive comme de vrais citoyens d une entreprise globale. De ces deux jours de discussions intenses est né ce petit livre qui tente d en extraire les points importants. Yves CHAUVIN Prix Nobel de Chimie 2005 Jean-Marie LEHN Prix Nobel de Chimie 1987 préface / page 11

Session 1 Du charbon au pétrole et à la biomasse Trois grandes étapes ont marqué l histoire de l industrie chimique depuis le début du XIX e siècle. La première, qui dure jusqu en 1880, voit l invention puis le développement de la chimie organique qui utilise successivement des matières premières d origine végétale puis du charbon. Vient ensuite le développement de la chimie physique suivi de près par celui de la pétrochimie. Enfin, les vingt dernières années voient l essor de la biotechnologie industrielle à partir de la biomasse. Ces développements découlent de trois sources principales d innovation qui apparaissent au cours de ces différentes périodes : la perception des besoins des utilisateurs, la recomposition des savoirs et l adaptation des entreprises. L écoute et les besoins des utilisateurs Au cours de ces 150 ans, l industrie chimique donnera naissance à de nombreux produits répondant, au moment de leur mise en marché, à des besoins particuliers ; ces produits sont devenus aujourd hui des objets quotidiens. Notons par exemple, dans les années 1900, les travaux de James Swinburne 1 et de Léo Baekeland 2 à l origine de l invention de la bakélite utilisée notamment pour la réalisation d ustensiles de cuisine. Au milieu du XX ème siècle, la course à la légèreté, utile en aéronautique ou dans l automobile, a stimulé le développement des matériaux composites. C est ainsi qu en 1989, une étude de l ANVAR (Agence nationale de valorisation de la recherche) constatait que «pour chaque problème technologique, le matériau adéquat peut être fabriqué». L innovation permet donc de répondre à une attente clairement exprimée, en créant une ligne de produits substituant parfois certains objets existants ou engendrant des fonctions et des modes de vie nouveaux. Mais en réalité, les attentes du consommateur ne font que refléter les idéologies de la société. Site industriel de Tereos 1 James Swinburne (1858-1958) était un ingénieur électricien et un fabricant britannique. Il a souvent été appelé le «père des plastiques britanniques.» 2 Leo Baekland (1863-1944) était un chimiste américain d origine belge. Il est à l origine de la mise au point de la bakélite qui fera entrer le monde dans l ère des matières plastiques. session 1 / page 12

Du charbon au pétrole et à la biomasse En effet, la majorité des inventeurs a souvent affirmé sa volonté de créer une société nouvelle. Ainsi, le mouvement hygiéniste du XIX ème siècle a, à son époque, amélioré les conditions de vie avec notamment la création à Paris d un réseau de distribution d eau, suivi du tout-à-l égout et du traitement des eaux. Une tendance prolongée par le mouvement écologiste dès le XIX ème siècle. On constate alors que l innovation en chimie est bien le résultat d un aller-retour entre l écoute des consommateurs, les attentes de la société et donc la mise sur le marché de produits innovants qui entraîneront de nouveaux besoins et attentes. François Caron, Professeur au Centre de Recherche en Histoire de l Innovation-Sorbonne Le besoin des consommateurs peut être suscité par la découverte technologique et l innovation.» Recomposition des savoirs Parallèlement, la science pousse ses différents acteurs à construire, malgré quelques désaccords, une relation de coopération, elle-même force d innovation. Le développement de l industrie des polymères illustre parfaitement ces processus d innovation de la chimie dans l entre-deux-guerres. Les relations entre chercheurs industriels et scientifiques n ont en effet pas toujours été cordiales, chacun ayant sa propre vision de l évolution à suivre. La découverte des macromolécules, par exemple, crée des controverses scientifiques d ordre purement théorique et méthodologique. Ainsi, chez DuPont, la mise au point du procédé de polycondensation, à l origine de l invention du nylon, entraîne des tensions entre les chercheurs. Ces derniers ont des avis divergents sur ce qu il convient de faire : continuer la recherche fondamentale ou accélérer le transfert des données vers la conception de nouveaux produits. Dans un deuxième temps, une recherche à caractère applicatif et expérimental va se développer. Elle porte à la fois sur la découverte de nouvelles molécules, leurs modes de fabrication et leur réponse aux attentes des utilisateurs. C est ainsi qu apparaissent des filières, résultat d une approche dite réciproque, entre ingénieurs concepteurs et applicateurs. Ces filières sont alors à l origine de découvertes reconnues aujourd hui comme les bases de l industrie des polymères. Après la seconde guerre mondiale, les trois grands intermédiaires, éthylène, propylène et benzène, favorisent le développement d une gamme de nouveaux matériaux, résultat d une recherche qui associe la mise au point des procédés aux applications des produits. Ce modèle de développement a connu de nombreuses formes, variant entre un système américain plus centralisé, fondé sur des unités de recherche intégrant les deux types de savoirs et celui de l Allemagne, plus décentralisé et fondé sur la division du travail entre le chimiste et l ingénieur. session 1 / page 13

L adaptation des entreprises Dans les deux cas, il s agissait d exploiter la complémentarité entre les sciences pures et les sciences de l ingénieur. Qualifié d intégration verticale, ce modèle atteint son apogée dans les années 1950 et 1960. C est ainsi qu un partage des compétences s installe entre les grandes entreprises et les PME. Les premières orientent leurs recherches vers les produits de base et les procédés, tandis que les secondes s orientent vers les applications et la conception du produit final. Le phénomène de forte concentration des entreprises n est pas exclusivement dû au coût croissant de la recherche. Il résulte aussi du gigantisme des installations et donc de la nécessité des importants investissements correspondants entraînés par l émergence de la pétrochimie dans les années 1920, une pétrochimie qui se développera essentiellement après la seconde guerre mondiale. On observe d ailleurs des stratégies de développement différentes selon les pays, les initiatives des sociétés pétrolières étant déterminantes en France, et celles des sociétés chimiques prédominantes en Angleterre et aux USA. En Allemagne, le développement de la pétrochimie entraîne une coopération entre les entreprises chimiques et pétrolières, ce qui fut le cas pour BASF et Bayer, ou le résultat d un développement interne dans le cas de Hoeschst. Ce n est qu après l explosion de la pétrochimie, entre 1957 et 1965, que les chimistes européens prennent le risque de dépendre de sources d énergie et de matières premières importées, suivant ainsi une stratégie basée sur la recherche de la compétitivité. À partir des années 1970, le passage de la carbo à la pétrochimie facilite l intégration de la transformation des matières premières vers les intermédiaires chimiques au sein d entreprises de grande taille à structure oligopolistique. Dix ans plus tard, l émergence d une chimie basée sur la science fondamentale, et plus particulièrement sur la connaissance des matériaux, entraîne la création de produits et procédés répondant aux besoins des industries de pointe comme l aéronautique. Et un nouveau modèle fondé sur la recherche collective organisée en réseau, reliée à la recherche interne des entreprises, se met en place. C est dans ce cadre général que se sont développées les biotechnologies. De petites ou moyennes entreprises innovantes se sont créées, souvent par essaimage, et ont été intégrées dans des réseaux de recherche pluridisciplinaire. Certaines d entre elles ont été absorbées par les grandes entreprises. D autres parviennent à survivre et entretiennent avec les grandes entreprises des relations de partenariat. La biomasse, une nouvelle matière première Alors que nous entrons dans le XXI ème siècle, l industrie du pétrole doit faire face à des transformations majeures. Pour certains, elle doit anticiper une restriction de la production des carburants d origine fossile dans une période de forte augmentation de la demande. D autres, comme le groupe Total, sont persuadés que les réserves de pétrole seront encore disponibles au cours des 70 prochaines années. Reste cependant le problème de l augmentation des coûts de l extraction du pétrole qui renchérit son prix. Diversifier les sources des matières premières prend alors toute son importance. Que ce soit le charbon ou la biomasse, les matières premières nouvelles deviennent donc un passage nécessaire voire obligatoire. Simultanément, l industrie se doit de développer des procédés énergétiquement plus efficaces et des produits aux cycles de vie plus longs. Les produits présents sur le marché doivent donc être améliorés et de nouveaux doivent être inventés, privilégiant session 1 / page 14

Qu est-ce que la biomasse? La biomasse est composée : des produits, déchets et résidus provenant de l agriculture, y compris les substances végétales et animales, des produits, déchets et résidus provenant de la sylviculture et des industries connexes, des déchets et résidus végétaux de l industrie. La biomasse est principalement utilisée pour produire de l énergie dans trois utilisations spécifiques : les biocarburants pour le transport, le chauffage domestique, la production industrielle d électricité et de chaleur. Mais elle l est aussi dans la fabrication de produits biosourcés. ces nouvelles matières premières, tout en s adaptant à leur utilisation. Mais pour mener à bien cette mutation dans un système économiquement viable, il est nécessaire de prendre en compte l origine de ces nouvelles matières premières. Issues largement des récoltes vivrières, elles sont encore produites et principalement utilisées pour l alimentation. Leur économie est donc très différente de celle du pétrole. En effet, le pétrole, présent dans le sol, est une source d énergie disponible en très larges quantités. Dans le cas de la biomasse, les circuits d approvisionnement et de distribution sont entièrement différents. Pourtant, c est bien la création et le développement de ces circuits qui décideront du succès ou de l échec des produits biosourcés. Cette différence de système économique s affiche en particulier dans les prix. Si l on compare, par exemple, le prix du blé à la tonne et celui du pétrole à la tonne, le pétrole était 6 à 7 fois moins cher que le blé en 1950, en 2011 il est 3 fois plus cher! Une grande partie du prix du pétrole sert à payer des taxes, et donc à abonder le budget des Etats, que ce soit dans les pays producteurs ou consommateurs. Dans le cas des bioproduits, c est exactement l inverse : une large fraction des coûts sert à acheter la biomasse que de nombreuses subventions aident à produire. Reste que si la technologie se développe au même rythme que ces dix dernières années, on peut raisonnablement espérer que les coûts de transformation de cette biomasse iront en diminuant. Des investissements passés à valoriser Etablir un nouveau système économique ne signifie pas rejeter les systèmes existants. Bien au contraire, il s agit de s appuyer sur les installations existantes et les faire évoluer. Les grands groupes chimiques ont lourdement investi dans la mise au point de leurs procédés session 1 / page 15

française Roquette Frères a développé un procédé qui permet de la réaliser en une seule étape par fermentation à partir du glucose. Ce développement a nécessité un important investissement en recherche et développement, mais la transition d un procédé à l autre peut être rapidement effectuée pour peu que le coût du procédé et de la matière première devienne compétitif avec celui du procédé conventionnel. Autre exemple, celui du propanediol, autrefois produit par synthèse chimique par la société DuPont de Nemours. Ce produit est utilisé dans la cosmétique et comme intermédiaire pour la production de fibres pour moquettes. Après 10 ans de collaboration avec la société de biotechnologie américaine Genencor, aujourd hui intégrée dans le groupe américain, DuPont a développé le microorganisme capable de réaliser cette synthèse à partir du glucose, lui-même extrait de la biomasse. Il est donc aujourd hui fabriqué de façon rentable par fermentation à partir du glucose. Une première usine a été construite en 2004 dont l augmentation de capacité est actuellement en cours. issus de la pétrochimie, des investissements qui, par conséquent, ne peuvent pas être abandonnés avant les dix ou vingt années à venir. De nouveaux investissements en R&D dans les domaines couverts par les bioraffineries et les biotechnologies sont indispensables. Ils doivent être réalisés en recherchant un équilibre entre valeur économique et impact environnemental. Certains ont déjà été lancés, d autres continueront. Deux exemples illustrent ce fait. Celui de la méthionine, un acide aminé utilisé dans le secteur de la nutrition animale. Sa synthèse chimique conventionnelle est actuellement réalisée en cinq étapes à partir du propylène. En partenariat avec l entreprise française de biotechnologie Metex, la société Un marché en devenir Avec 7 milliards d individus sur notre planète, nous utilisons chaque année une fois et demie nos ressources, une situation qui ne pourra durer éternellement. Réduire la pollution devient un impératif incontournable. La chimie verte et les biotechnologies ne résoudront pas entièrement cette problématique, mais elles aideront à en pallier quelques effets avec des matières premières renouvelables permettant la synthèse de produits biodégradables. Les 27 états membres européens ont décidé que, d ici à 2020, 10% des carburants automobiles seraient fabriqués à partir de matières premières d origine renouvelable. Ils montrent ainsi l exemple. session 1 / page 16

Jean-François Minster, Vice-Président Recherche et Développement chez Total Nous ne devons pas nous limiter à remplacer les produits existants, mais devons créer de nouvelles familles de produits.» Plusieurs années seront sans doute nécessaires pour voir réellement émerger cette chimie verte. En effet, les transitions d aujourd hui sont différentes de celles du passé qui s inscrivaient dans des périodes de croissance. Il est clair que le développement des plastiques biodégradables, par exemple, n est pas tiré par la demande des consommateurs mais uniquement proposé par l offre technologique, d où des difficultés à s imposer depuis vingt ans. Ce type de scénario est connu. En 1970-80, années du grand boom des polymères, les consommateurs ne connaissaient pas les produits de notre quotidien actuel. Pourtant la nouveauté attire encore et toujours, preuve en est le succès récent des produits comme les i-pad ou les tablettes de lecture. Cependant, l attrait de la nouveauté a ses limites et, entre deux mêmes produits, personne n est prêt à payer plus cher pour le produit vert. Les seuls produits qui se maintiendront sur le marché seront ceux offrant des propriétés supérieures à celles d un produit d origine fossile, si possible meilleur marché! Doit-on pour autant laisser le consommateur décider de ce qu il veut? Le philosophe Jean- Jacques Rousseau affirmait qu il est «très bien d être libre et de réussir à rester libre, mais c est parfois utile d être forcé à rester libre». Et par conséquent il est utile de conserver des forces marketing. Les résultats obtenus par Steve Jobs, le créateur d Apple, en sont un parfait exemple. Il avait l habitude de dire «je veux que cela arrive et soit un succès». Nul ne mettra en doute sa réussite. Le rôle des gouvernements Laisser le développement des biotechnologies aux seules forces du marché ne suffira donc pas. Pour le grand public, un bioproduit est identique au produit comparable fabriqué à partir de matière première d origine fossile. Toutefois, à ce jour, le coût de production du premier est supérieur à celui du second. D où l importance du soutien des gouvernements qui doivent encourager le développement de ces nouveaux produits, notamment en favorisant leur émergence. Dans une économie stagnante, comme c est le cas en Europe, l innovation spontanée est peu présente et doit donc être stimulée. La faible demande en biocarburant, par exemple, a poussé les gouvernements à les imposer sous forme d une substitution partielle aux carburants d origine fossile. C est la raison du changement de nom du «Commissariat Européen à la Recherche» en «Commissariat à la Recherche et à l Innovation». Les objectifs donnés à ce Commissariat aussi ont été modifiés, conférant une part plus importante aux questions liées aux changements sociétaux. Ceci a des implications non seulement sur la façon dont la recherche est menée mais aussi sur les décisions politiques prises. De la même façon, en Allemagne, au Ministère de la science et de la technologie, la biotechnologie est déjà traitée dans une unité baptisée «Bio-économie». Christopher Mallett, Vice-Président Corporate chez Cargill Personne n est prêt à payer un coût supplémentaire pour un produit vert.» session 1 / page 17

Si certaines politiques économiques passées (subventions, droits de douane) ont créé des distorsions sur les marchés et doivent être amendées, de nouvelles, définies au cas par cas, peuvent être positives et incitatives. Ainsi, au niveau européen, les programmes de recherche ont aidé le développement des biotechnologies avec un budget de plusieurs centaines de millions d euros dans la période 2007-2011. La Commission européenne a récemment présenté au Conseil européen une communication sur la «bio-économie» qui inclut bien sûr la biotechnologie en l introduisant dans une série de mesures beaucoup plus générales que la seule recherche, destinées à favoriser son développement économique. Une nouvelle organisation des sociétés Mais les biotechnologies ne verront le jour qu à condition qu un nouveau paradigme soit mis en place. Il concernera aussi bien les matières premières et les procédés de production que les modèles économiques. Ce nouveau paradigme passera par une évolution du système global : approvisionnement, production et distribution doivent s organiser selon les structures des différentes sociétés tout en s adaptant aux infrastructures existantes. Ce changement passe non seulement par l intégration de petites sociétés innovantes dans de grands groupes, mais également par le développement de petites entreprises qui proposent des modèles économiques entièrement nouveaux. De l université à l industrie Frances Arnold, Professeur à Caltech (California Institute of Technology) En tant que professeur d engineering au California Institute of Technology, plus connu sous le nom de Caltech, Frances Arnold s intéresse aux applications de la biologie génétique et synthétique dans les industries chimiques et pétrolières. Parallèlement, elle est consultante pour la société Gevo qu elle a elle-même créée en 2005. «Si l on veut progresser, il faut démontrer que toute technologie s applique également hors des laboratoires. C est pourquoi nous avons créé Gevo, une société spécialisée dans les hydrocarbures renouvelables destinés aux industries chimiques et pétrolières. Le but était de prouver que ce que nous développions en laboratoire pouvait être utile aux industries chimiques. Au début des années 2000, le besoin en énergie renouvelable se fait déjà sentir. Le prix du pétrole croît alors au même rythme que la technologie. Un réel besoin et la mise au point d une technologie qui pouvait répondre à cette demande nous persuadèrent de démarrer industriellement. Aujourd hui située dans le Colorado, Gevo emploie un peu plus de 100 personnes. Après le rachat d une usine d éthanol d une capacité de 570 000 tonnes (18 millions gallons), une unité de production d alcool isobutylique est en cours de construction dans le Minnesota. Une unité de production d isobutyle est prévue pour l année 2012 et la construction d une unité d alcool isobutylique est prévue dans le Dakota du Sud dans les années à venir. Aujourd hui, il est nécessaire de se diversifier et de produire différents produits en utilisant tout ce qu il est possible d utiliser dans une plante. Ces raffineries de petite échelle permettent de concrétiser rapidement de nouvelles idées. La société Gevo s est construite dans un contexte favorable, attirant ainsi de nombreux investisseurs.» session 1 / page 18