Les origines du Concile Vatican II Intro Qu est-ce qu un concile? Que veut dire l expression «concile œcuménique»? Pourquoi un tel rassemblement? Nous allons aborder ce dimanche ces différentes questions autour d un événement qui causa une surprise dans l opinion publique mais qui s inscrit dans la vie de l Eglise depuis de nombreux siècles. 1. Définition Le mot latin concilium (cum, ensemble et calare, appeler) évoque l idée d une convocation. C est l équivalent du mot grec ekklesia avec lequel il a une racine commune, kalo, appeler. Certains voient dans l Assemblée de Jérusalem décrite dans Actes 15, 5-21 la tenue du tout premier concile de l histoire de l Eglise. Dès le IIe siècle, les évêques confrontés à des difficultés théologiques et liturgiques se retrouvent dans des réunions appelées «synodes» (action de se réunir, faire route ensemble). 2. Les conciles œcuméniques Ils concernent les évêques du monde entier, c est-à-dire de toutes les Eglises bordant alors la mer Méditerranée. Ils sont convoqués par l évêque de Rome (le Pape) qui envoie un légat ou par un empereur mais c est le Pape qui décide in fine de sa validité et donc de son application. Les actes de ces conciles revêtent un caractère d infaillibilité quand ils définissent une vérité de foi. Les conciles œcuméniques sont au nombre de 8 : 1
Ils se déroulent principalement dans 4 villes : Nicée, Constantinople, Ephèse et Chalcédoine toutes situées en Asie Mineure. - Le premier d entre eux se réunit à Nicée en 325 : le Verbe, Fils de Dieu, vrai dieu né du vrai dieu, est déclaré consubstantiel au Père (de même nature que lui). - Le deuxième se déroule à Constantinople en 381 : l Esprit Saint est reconnu comme Seigneur, il donne la vie, il procède du Père et reçoit avec le Père et le Fils, même adoration et même gloire. - Le troisième se tient à Ephèse en 431 : le Verbe de Dieu s est incarné en Jésus le Christ en qui résident les deux natures divine et humaine. Marie est déclarée «Theotokos» (Mère de Dieu). - Le quatrième se situe à Chalcédoine en 451 : une seule personne en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme. Les deux natures demeurent en lui sans confusion ni changement, sans division ni séparation. - Les deux conciles qui suivent réaffirment les bases des premiers avec quelques précisions sur la liberté du Christ - Le septième, Nicée II en 787, précise que la vénération de l icône s adresse à la personne représentée et non à l image. L adoration n est due qu à Dieu seul. - Le dernier se déroule en deux temps (Constantinople IV et V) et porte sur une question disciplinaire. Loin de dégager l unanimité, ces rassemblements sont le théâtre de joutes oratoires, de controverses, de polémiques. Certaines Eglises refusent les dogmes définis et vont jusqu à la rupture, d autres s agrègent à un ensemble qui demeure fragile. On considère que les huit premiers conciles sont communs à l Orient et l Occident. La plupart des chrétiens reconnaissent que les quatre premiers établissent les bases de la foi en Jésus Christ. 3. Les conciles du IIe millénaire Ils ne sont considérés comme œcuméniques que par l Eglise catholique. Latran, Lyon, Vienne, Constance, Bâle-Florence, Trente accueillent des rassemblements guidés par un souci disciplinaire (clergé, évêques, schisme d Occident plusieurs papes exerçant la fonction), l organisation administrative de l Eglise, et en réponse à la Réforme protestante (Trente). 2
Vatican II, suite du premier Concile tenu en 1869-1870 (interrompu par la guerre francoprussienne) est le 21 e de l histoire de l Eglise. 4. Le monde de l après-guerre Après la Seconde guerre mondiale, le monde est marqué par des mutations profondes telles que la décolonisation, la croissance économique, les progrès techniques dans l industrie, la médecine, les transports. Sous le pontificat de Pie XII, l Eglise considère les pays de mission comme des Eglises à part entière et facilite l émergence d un clergé local jusqu au plus haut niveau. Grâce à l encyclique Fidei Donum, des prêtres et des laïcs sont mis pour un temps limité à disposition de diocèses nécessiteux dans un rapport de parité égale. Ces initiatives stimulent la recherche en théologie de la mission. On assiste également à un renouveau biblique, un renouveau patristique (collection «Sources chrétiennes» lancée par H. de Lubac et J. Daniélou), un renouveau théologique qui consiste à s affranchir de la néoscholastique et à tenir compte des sources et de l impact de l histoire dans la proclamation du mystère du salut en fidélité à la Tradition. Avec les mouvements de l Action Catholique naît et se développe une théologie du laïcat. Parallèlement à cela, le pape réaffirme l autorité du magistère à l égard des théologiens. Pie XII, usant de l infaillibilité définie par le Premier Concile du Vatican promulgue le dogme de l Assomption de la Vierge (1 er novembre 1950). La liturgie n échappe pas à ce mouvement de renouveau. Le latin restant la langue officielle de la liturgie, on édite des missels en deux langues, on pousse les fidèles à se rassembler au détriment de pratiques de piété individuelles, la Vigile Pascale est rétablie. Des lieux de formation se créent, des revues spécialisées apparaissent. L œcuménisme et le dialogue inter religieux se développent. La communauté de Taizé, la prière pour l unité des chrétiens, la fondation des amitiés judéo-chrétiennes et la création du C.O.E. font leur chemin dans les mentalités. 5. Préparatifs Au cours du XXe siècle il a déjà été question de terminer Vatican I. le but était d actualiser le Code de droit canonique de 1917 et de réfuter les thèses modernistes. La personnalité du Pape Jean XXIII ne retient pas l attention des observateurs. Il passe, on le sait, pour un pape de transition. Cependant, la décision de convoquer un concile lui apparaît comme inévitable. C est donc le 25 janvier 1959, lors de la cérémonie de clôture de la semaine de prière pour l unité des chrétiens à St-Paul-hors-les-Murs qu il annonce aux 18 cardinaux qui l accompagnent un triple projet : 3
-Tenue d un concile œcuménique -Réunion d un synode pour le diocèse de Rome -Révision du code de droit canonique latin et promulgation de celui des orientaux catholiques Le Pape est essentiellement guidé par la perspective de l œcuménisme et aussi par les visées pastorales d un tel projet. Il consulte les évêques du monde entier dont les réponses vont orienter le travail des commissions préparatoires. Le pape lui-même souhaite l ouverture au monde moderne («l aggiornamento»), le refus de lancer les anathèmes, le rapprochement de l Eglise avec ceux qui en sont loin et enfin le lien entre pastorale et doctrine. Onze commissions et trois secrétariats vont travailler à la phase préparatoire dans le plus grand secret. Les textes sont soumis à la commission centrale qui les transmet au Pape. Celui-ci adresse neuf schémas aux pères conciliaires qui se répartissent le travail en quatre sessions. Le 11 octobre 1962 dans la basilique St-Pierre de Rome se réunissent les évêques, des observateurs non catholiques, des experts et des auditeurs. En tout 10 000 personnes dont 2100 évêques (400 se sont vu refuser leur visa) demandent l aide de l Esprit Saint pour guider leur recherche et leurs échanges. Le Pape préside cette cérémonie. Il ne sait pas le temps que prendra le concile mais il sait qu un cancer ne lui permettra pas de conclure le deuxième concile du Vatican. 6. Déroulement des sessions Neuf schémas ont été adressés aux Pères : ils portent sur les sources de la Révélation, la conservation de la pureté et du dépôt de la foi, l ordre moral chrétien, la chasteté le mariage la famille et la virginité, la sainte liturgie, les moyens de communications sociales, l unité de l Eglise puis en novembre 1962 : l Eglise et la Vierge Marie. Le concile s organise en commissions, en congrégation générale et en session publique. Pour adopter un texte la majorité des deux tiers est requise car un concile doit toujours tendre à l unanimité. La langue est le latin, ce qui n est pas sans poser problème. Le Pape Jean XXIII meurt le 3 juin 1963. Le 21 juin, le cardinal Montini est élu pape au deuxième jour du conclave. Prenant le nom de Paul VI, il annonce officiellement la poursuite du concile. 4
En tout quatre sessions sont nécessaires, chaque année, à l automne, de 1962 à 1965. Quatre constitutions, neuf décrets, trois déclarations et des messages sont publiés de décembre 1963 à décembre 1965. Retenons les titres des quatre constitutions qui sont des textes doctrinaux : Lumen gentium, l Eglise Dei verbum, la Révélation divine Sacrosanctum concilium, la liturgie Gaudium et spes, l Eglise dans le monde de ce temps Les neuf décrets sont des textes d ordre pratique et d application concrète qui concernent le clergé, les religieux, l apostolat des laïcs, l œcuménisme, les moyens de communication. Les trois déclarations sont des textes adressés à tous les hommes qui portent sur la liberté religieuse et le dialogue avec les religions non chrétiennes. Conclusion Dans sa lettre apostolique qui saluait le nouveau millénaire (Novo millenio ineunte), le Pape Jean-Paul II nous rappelle que le concile Vatican II est une référence qui a donné à notre Eglise des orientations capables de la renouveler dans la fidélité à l Esprit du Christ. «A mesure que passent les années, ces textes ne perdent rien de leur valeur ni de leur éclat. Il est nécessaire qu ils soient lus de manière appropriée, qu ils soient connus et assimilés, comme des textes qualifiés et normatifs du Magistère, à l intérieur de la Tradition de l Eglise. Alors que le Jubilé est achevé, je sens plus que jamais le devoir d indiquer le Concile comme la grande grâce dont l Eglise a bénéficié au XXe siècle : il nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence.» 5