Rapport d expertise : Morzine (74) avis sur le zonage de l aléa chute de blocs rocheux dans la vallée des Ardoisières Cadre de l expertise : BRGM/RP-59808-FR Avril 2011 Appuis aux administrations Appuis à la police de l eau Date de réalisation de l expertise : 22 mars 2011 Localisation géographique du sujet de l expertise : Morzine (74) Auteur BRGM : O. Renault Demandeur : Direction Départementale des Territoires de la Haute-Savoie
L original du rapport muni des signatures des Vérificateurs et Approbateurs est disponible aux Archives du BRGM. Le système de management de la qualité du BRGM est certifié AFAQ ISO 9001:2008. Ce rapport est le produit d une expertise institutionnelle qui engage la responsabilité civile du BRGM. Ce document a été vérifié et approuvé par : Approbateur : Nom : Mathon C. Date : 05 avril 2011 Vérificateur : Nom : Siméon Y. Date : 06 avril 2011 Le système de management de la qualité du BRGM est certifié AFAQ ISO 9001:2008. Mots clés : expertise appuis aux administrations éboulement chutes de blocs carrières souterraines ardoisières - falaise risque naturel Morzine Haute-Savoie Rhône-Alpes. En bibliographie, ce rapport sera cité de la façon suivante : Renault O. (2011) Morzine (74) avis sur le zonage de l aléa «chutes de blocs rocheux» dans la vallée des ardoisières - Rapport final. Rapport BRGM/RP-59808-FR, 23 p., 15 ill., 2 ann. BRGM, 2011, ce document ne peut être reproduit en totalité ou en partie sans l autorisation expresse du BRGM. 2 Im 002
Synthèse Contexte : Date de la formulation de la demande d expertise au BRGM : 1 er mars 2011 Demandeur : Direction Départementale des territoires de la Haute-Savoie Nature de l expertise / question posée : Qualification de l aléa «écroulement en masse» dans la vallée des ardoisières et en particulier dans le secteur des «Prodains». Situation du sujet : commune de Morzine, vallée des Ardoisières. Date de visite : visite sur place le 22 mars 2011. Nature de l intervention du BRGM : visite de terrain, analyse du rapport du bureau d études Tissières, évaluation des risques. Résumé de la problématique : Dans le cadre de la révision du PPR de Morzine dans la vallée des Ardoisières, une étude des «dangers» de «mouvement de terrain» a été réalisée par le bureau d études Suisse Tissières. La Direction Départementale des territoires de la Haute-Savoie s interroge sur la manière de prendre en compte le zonage des périmètres de «danger» proposé par le bureau d études, notamment du point de vue du phénomène «écroulement en masse». Cette interrogation porte en particulier sur le lieu-dit «les Prodains» au niveau duquel un bâtiment se trouve partiellement inclus dans un périmètre de «danger» élevé d éboulement. Avis du BRGM : La vallée des ardoisières est concernée par la présence de nombreuses anciennes cavités d exploitation de l ardoise qui ont été creusées principalement au 19 ème et 20 ème siècle à la base de la falaise sommitale qui domine la rive droite de la Dranse de Sous-le-Saix. Ces ouvrages ont localement engendré un dépilage du pied de falaise sur des superficies étendues avec pour conséquence, une sollicitation mécanique trop élevée des appuis restants (piliers, stots, piédroits) du fait des contraintes engendrées par le recouvrement rocheux (plus de 200 m par endroits). Ce phénomène est très probablement à l origine d éboulements en grande masse qui se sont produits en 1873 et en 2000-2002 et il semblait (d après des observations réalisées en 2005 dans le cadre de l inventaire des cavités de la Haute-Savoie) tout prêt de se reproduire au droit d une série d ardoisières situées au-dessus du hameau des Crêts (courrier d avertissement envoyé en Mairie en juillet 2005). La production de blocs risquant d être potentiellement très massive, il existe pour le hameau des Crêts, un risque à court terme d être atteint par de très gros blocs. A la lecture du rapport du bureau d études Tissières, le risque d écroulement en masse imputable aux anciennes ardoisières ne semble pas avoir été pris en compte comme phénomène initiateur des évènements majeurs observés par le passé. D une manière générale, l aléa «écroulement rocheux» - en particulier l aléa de rupture - de la vallée des ardoisières est à reprendre en intégrant le rôle déstabilisateur des cavités (dénombrement exhaustif, repérage des superficies excavées, analyse géomécanique, etc.) Il ne semble pas toutefois que la falaise située au-dessus du hameau des Prodains, ait été concernée par une exploitation intensive de l ardoise, ce qui limiterait a priori le risque d éboulement en grande masse (vérifications de terrain complémentaires nécessaires). Dans ces conditions, la mise en œuvre d un ouvrage de protection pour le bâtiment placé en périmètre de Im 002 3
danger élevé semble possible, par l intermédiaire d un merlon apte à intercepter des éléments isolés mais potentiellement de grande taille (au moins 20 m 3 ). En ce qui concerne les ardoisières des Crêts, il est fortement recommandé de prendre des mesures rapides d évaluation fine des risques puis de sauvegarde (établissement des scenarii de rupture et de propagation, suivi des désordres, définition de solutions de mise en sécurité). 4 Im 002
Sommaire 1. Contexte... 7 2. Description du site/état des connaissances... 7 3. Observations de terrain... 10 3.1. AU DROIT DU LIEU-DIT «LES PRODAINS»... 10 3.2. AU DROIT DU LIEU-DIT «LES AVINIERES LE REQUAT LES CRETS»... 16 4. Synthèse du rapport du bureau d études Tissières... 20 4.1. CONDITIONS DE RUPTURE... 20 4.2. CONDITIONS DE PROPAGATION... 21 4.3. DEFINITION DES PERIMETRES DE DANGERS... 21 5. Avis du BRGM... 22 Annexe 1- localisation des éboulements historiques (d après Tissières)... 25 Annexe 2- copie du courrier adressé à la Mairie de Morzine, le 18 juillet 2005... 27 Illustrations Illustration 1 : Plan de situation sur le SCAN 25 IGN avec report des ardoisières recensées dans la base BDcavités... 7 Illustration 2 : Extrait de la carte géologique n 844 à 1/50 000 de Mens... 8 Illustration 3 : cicatrice des deux éboulements historiques dans la vallée des ardoisières (photo BRGM)... 9 Illustration 4: Les Prodains - Report des observations de terrain réalisées le 22 mars 2011 sur la carte de dangers... 11 Illustration 5 : Les Prodains - l aile du bâtiment classé en périmètre de danger élevé (photo BRGM)... 12 Illustration 6 : Les Prodains - Terrain plat parsemé de blocs au-dessus du talus situé derrière le bâtiment en zone de danger élevé (photo BRGM)... 13 Illustration 7 : Rive droite du vallon de Séraussaix - entrée d une ardoisière en bordure de l éboulement de 1873 (photo BRGM)... 14 Im 002 5
Illustration 8 : Rive droite du vallon de Séraussaix - aperçu de la dégradation de l ardoisière précédente avec risque d éboulement du recouvrement (photo BRGM)... 14 Illustration 9 : inspection de la falaise des Prodains à la jumelle (photo BRGM)... 15 Illustration 10 : Bloc de 250 m 3 instable en rive gauche du vallon de la Séraussaix (photo BRGM)15 Illustration 11 : cavité de petite taille en rive gauche du vallon de la Séraussaix (photo BRGM)... 16 Illustration 12 : Les Prodains - Blocs anciens, proche des habitations en rive droite de la Dranse (photo BRGM)... 16 Illustration 13 : Niveau d ardoisières en très mauvais état, susceptibles de générer un éboulement en très grande masse au-dessus du hameau des Crêts (photos BRGM)... 17 Illustration 14 : Gros blocs anciens près d une maison au lieu-dit «le Requat» (photo BRGM)... 18 Illustration 15: Les Crêts, le Requat, les Avinières - Report des observations de terrain sur la carte de dangers... 19 6 Im 002
1. Contexte Dans le cadre de la ligne d appui aux administrations, la Direction Départementale des Territoires de la Haute-Savoie a demandé au BRGM Service Géologique Régional Rhône-Alpes, de procéder à une évaluation de l aléa «écroulement en masse» dans le secteur des «Prodains» situé au bout de la vallée des Ardoisières à Morzine. En effet, dans le cadre de la révision du PPR, la commune a mandaté le bureau d études Suisse «Tissières» afin d évaluer les risques d éboulement. La DDT s interroge sur la manière de prendre compte le zonage du bureau d études en termes de gestion de l urbanisme existant en particulier dans le secteur des Prodains où un immeuble est partiellement situé en zone de «danger» élevé. Le présent rapport s appuie sur une visite de terrain effectuée le 22 mars 2011 et sur l analyse du rapport du bureau d études Tissières. 2. Description du site/état des connaissances Illustration 1 : Plan de situation sur le SCAN 25 IGN avec report des ardoisières recensées dans la base BDcavités La vallée des ardoisières est une vallée longue d environ 5 km, située à l Est du bourg de Morzine. Son fond est occupé par une succession de hameaux desservis par une route (RD 338). Le hameau «Les Prodains» est situé au bout de cette route : on y trouve plusieurs maisons traditionnelles, des logements, quelques commerces ainsi que des départs de remontées mécaniques dont un téléphérique vers la station de ski d Avoriaz. Im 002 7
D après la carte géologique n 655 à 1/50 000 de Samoëns - Pas de Morgins, le versant situé en rive droite de la vallée des Ardoisières est constitué dans sa partie inférieure par les schistes ardoisiers du Callovo-Oxfordien (S) dont l épaisseur est évaluée entre 200 et 300 m. Cette formation occupe un terrain partiellement recouvert par la forêt dont la déclivité est comprise entre 20 et 45. Du fait du léger pendage vers l ouest, les schistes affleurent plus largement dans la partie est de la vallée. Ils sont néanmoins en grande partie recouverts par une formation ébouleuse (Ez). Les schistes ardoisiers sont surmontés par une immense falaise d au moins 200 m de haut constituée de brèches et de calcaires à silexites du Kimméridgien-Néocomien (Bs). La géométrie de la falaise, assez régulière dans l ensemble, est ponctuée de quelques accidents transverses NO/SE qui expliquent des creux dans sa morphologie. Le fond de vallée est rempli de dépôts glaciaires datant du Quaternaire (Gy) parcourus une rivière : la Dranse de sous-le-saix. La vallée est exploitée pour l ardoise depuis le moyen-âge par l intermédiaire de galeries souterraines creusées dans les calcaires en plaque situés à la base de la brèche supérieure (donc à la base de la falaise sommitale). La commercialisation de ces ardoises n'aurait vraiment débuté que vers la fin du 18 ème siècle, et l'exploitation est passée d'une extraction superficielle en nez de rocher au creusement de galeries suivant le banc ardoisier vers le cœur de la montagne. Les mineurs, paysans l'été, y travaillaient de novembre à avril. L'activité a progressé tout au long du 19 ème siècle, atteignant 70 ardoisières et employant jusqu'à 250 personnes, avant de décliner à partir de 1930 devant l'arrivée de nouveaux matériaux de couverture. Quatre carrières sont encore en activité de nos jours. Illustration 2 : Extrait de la carte géologique n 655 à 1/50 000 de Samoëns - Pas de Morgins Certaines de ces anciennes carrières (29 au total) ont été répertoriées dans le cadre de l inventaire des cavités souterraines de Haute-Savoie (www.bdcavites.net, cf. illustration 1) mais il est évident que ce dénombrement n est pas exhaustif tant du point de vue du nombre de cavités que de l appréciation des superficies sous-cavées qui peuvent varier considérablement. De par leur situation en pied de falaise, les ardoisières de Morzine ont été à l origine d éboulements en très grande masse dans la vallée. La localisation de ces éboulements est donnée en annexe 1. En mai 1873, un éboulement supérieur à 100 000 m 3 tue deux personnes et ensevelit plusieurs chalets dans le hameau des Lens. Il est important de remarquer que l emprise de l éboulement a largement dépassé la Dranse (et l actuelle RD 338) pour remonter sur le versant opposé. 8 Im 002
Le 8 mai 2000, un éboulement de 120 000 m 3 (2 x 60 000 m 3 à quelques heures d intervalles) a totalement enseveli la forêt au-dessus des Avinières. Les blocs n auraient pas franchi la Dranse. Le 24 juin 2002, un autre éboulement de 30 000 à 50 000 m 3 se produit au niveau de la falaise du Saix-Avant entre les lieux-dits «les Avinières» et «En Ly». Quelques blocs de plusieurs dizaines de m 3 ont traversé la Dranse. Illustration 3 : cicatrice des deux éboulements historiques dans la vallée des ardoisières (photo BRGM) Im 002 9
3. Observations de terrain 3.1. AU DROIT DU LIEU-DIT «LES PRODAINS» Le bâtiment placé partiellement en périmètre de danger élevé d éboulement par le bureau d études Tissières est situé à proximité de la gare du téléphérique montant à la station d Avoriaz (Cf.Illustration 5). Il s agit de l aile d un bâtiment de plusieurs étages adossé à un talus de déblai haut de 6 m environ. En amont du talus vers l altitude d environ 1175 m NGF, le terrain naturel est relativement plat sur quelques mètres, recouvert de forêt et parsemé de gros blocs partiellement enterrés, certains de plusieurs dizaines de m 3 (Cf.Illustration 6). A mesure que l on progresse dans le versant, la pente se redresse rapidement pour atteindre 20 puis 40 voire 45 en pied de falaise (altitude approximative : 1400 m NGF). Plus on monte dans le versant, plus les blocs d éboulis sont petits. En progressant vers l Est, on atteint avec difficulté l axe du vallon de la Séraussaix où l on retrouve un chemin. Plusieurs anciennes ardoisières sont repérées de part et d autre du vallon entre les altitudes de 1400 m NGF et 1470 m NGF à l aplomb de la falaise supérieure ou au droit de vires. en rive droite du vallon, on rencontre une succession d ardoisières très rapprochées les unes des autres au pied de la falaise sommitale, l une d entre elles, située en bordure de l éboulement de 1873 rentrant profondément dans la falaise. Celle-ci est en très mauvais état : chutes de plaques de toit, effort de compression sur le mur de soutien en pierres sèches (Cf.Illustration 7et Illustration 8). Ces ardoisières ne surplombent pas les Prodains ; en rive gauche du vallon, on observe quelques petites exploitations de petite taille (30 40 m 2 ) sur 300 mètres environ, puis plus rien. Ces exploitations sont distantes entre elles de quelques dizaines de mètres et ne rentrent pas profondément en cavage (Cf. Illustration 11). L exploitation de l ardoise ne semble pas avoir concerné massivement ce secteur de la falaise, ainsi que celui situé audessus du hameau des Prodains. En redescendant sur le lieu-dit, on remarque la présence de très gros blocs anciens en rive droite de la Dranse, certains sont très proches des habitations (Cf. Illustration 12). A 30 mètres à l ouest du bâtiment placé en périmètre de danger élevé, un piège à blocs a été mis en place derrière un chalet (classé en périmètre de danger moyen). L observation à la jumelle de la falaise située à l aplomb des Prodains, ne révèle pas de signes inquiétants d éboulement en très grande masse. On note cependant la présence d une cicatrice d arrachement ainsi que plusieurs surplombs et une autre masse instable probablement de plusieurs centaines de m 3 (Cf. Illustration 9 et Illustration 10). L examen à la jumelle ne semble pas non plus révéler la présence d une exploitation à grande échelle de l ardoise en pied de falaise. Ce point reste cependant à vérifier par une inspection plus poussée du pied de falaise, côté est. 10 Im 002
Im 002 11 Illustration 4: Les Prodains - Report des observations de terrain réalisées le 22 mars 2011 sur la carte de dangers
Illustration 5 : Les Prodains - l aile du bâtiment classé en périmètre de danger élevé (photo BRGM) 12 Im 002
Illustration 6 : Les Prodains - Terrain plat parsemé de blocs au-dessus du talus situé derrière le bâtiment en zone de danger élevé (photo BRGM) Im 002 13
Illustration 7 : Rive droite du vallon de Séraussaix - entrée d une ardoisière en bordure de l éboulement de 1873 (photo BRGM) Illustration 8 : Rive droite du vallon de Séraussaix - aperçu de la dégradation de l ardoisière précédente avec risque d éboulement du recouvrement (photo BRGM) 14 Im 002
Illustration 9 : inspection de la falaise des Prodains à la jumelle (photo BRGM) Illustration 10 : Bloc de 250 m 3 instable en rive gauche du vallon de la Séraussaix (photo BRGM) Im 002 15
Illustration 11 : cavité de petite taille en rive gauche du vallon de la Séraussaix (photo BRGM) Illustration 12 : Les Prodains - Blocs anciens, proche des habitations en rive droite de la Dranse (photo BRGM) 3.2. AU DROIT DU LIEU-DIT «LES AVINIERES LE REQUAT LES CRETS» Ce secteur n a pas fait l objet d une analyse de détail dans la mesure où la question posée par la DDT concernait essentiellement le secteur des Prodains. Néanmoins, dans le cadre de l inventaire départemental des cavités souterraines de la Haute-Savoie, le BRGM avait été amené à reconnaître ce secteur et à pénétrer dans certaines ardoisières, au cours du mois de juillet 2005. Suite à cette visite, un courrier d avertissement avait été adressé à Monsieur le Maire 16 Im 002
de Morzine au sujet de risques d éboulement à très court terme et en grande masse du recouvrement épais jusqu à 200 m présent au-dessus de la série d ardoisières situées au-dessus du lieu-dit «les Crêts». Le document, repris en annexe 2, soulignait la présence d une fissuration mécanique généralisée des appuis des ardoisières (piliers, piédroits, bourrage en pierres maçonnées) qui sapent le pied de falaise sur une superficie très étendue et pour certaines sur une profondeur de l ordre de 300m. Cette situation faisait craindre un éboulement en grande masse (à l instar de celui des Avinières en 2000-2002) voire comparable à celui de 1873 (inconnu du BRGM à l époque), les mêmes causes étant susceptibles de produire les mêmes effets. Il était indiqué dans le courrier que le hameau des crêts pouvait être potentiellement concerné par l éboulement en grande masse ainsi que la RD 338. On peut d ailleurs remarquer la présence de deux gros blocs anciens (dépassant la centaine de m 3 ) partiellement enterrés au milieu du hameau (peut-être d origine glaciaire?) ainsi que plus amont le long de la RD 338 au niveau du lieu-dit «Le Requat». Illustration 13 : Niveau d ardoisières en très mauvais état, susceptibles de générer un éboulement en très grande masse au-dessus du hameau des Crêts (photos BRGM) Im 002 17
Illustration 14 : Gros blocs anciens près d une maison au lieu-dit «le Requat» (photo BRGM) 18 Im 002
Im 002 19 Illustration 15: Les Crêts, le Requat, les Avinières - Report des observations de terrain sur la carte de dangers
4. Synthèse du rapport du bureau d études Tissières Le bureau d études Tissières a entre autres, étudié les risques de chutes de pierres/blocs en rive droite de la vallée des Ardoisières ; il procède à la définition de l aléa et de la dangerosité selon la méthodologie Matterock : L aléa correspond à une instabilité reconnue spatialement, caractérisée par un mécanisme de rupture, un degré de dangerosité, la taille du compartiment rocheux mobilisable et celles des blocs le constituant ; Le degré de dangerosité qualifie la probabilité pour qu une masse rocheuse se mobilise. Trois types d aléa sont définis : Des aléas diffus correspondant à des chutes de pierres blocs/isolés en rive droite de la Dranse ; Des aléas ponctuels dont le volume est compris entre 10 et 6 000 m 3 ; Des aléas ponctuels de dangerosité très faible et de volume > 2000 m 3. 4.1. CONDITIONS DE RUPTURE Pour des raisons d objectif assigné à la mission et de temps imparti, l analyse des conditions de rupture de Tissières n est reprise ici que pour les secteurs des Prodains, du Requat, des Avinières et des Crêts. Ce sont en effet les quatres secteurs que nous avons en partie reconnus sur le terrain en 2005 et en 2011. Pour la falaise des Prodains, douze aléas diffus de dangerosité faible à élevée dont la blocométrie est comprise entre 0,5 et 2 m 3, ont été repérés. Deux aléas ponctuels d un volume de 5 000 m 3 ont également été identifiés mais leur dangerosité est jugée très faible. Pour la falaise du Requat et des Avinières, onze aléas diffus de dangerosité faible à élevée dont la blocométrie est comprise entre 0,5 et 5 m 3, ont été repérés. Sept aléas ponctuels d un volume compris entre 300 et 7 000 m 3 dont la dangerosité est jugée faible à moyenne ont également été identifiés Enfin trois aléas d un volume compris entre 2000 et 3200 m 3 mais de dangerosité très faible ont également été identifiés. Pour la falaise des Crêts, sept aléas diffus de dangerosité faible à moyenne dont la blocométrie est comprise entre 0,5 et 5 m 3, ont été repérés. Quatre aléas ponctuels d un volume compris entre 10 et 20 m 3 dont la dangerosité est jugée moyenne, ont également été identifiés. Enfin trois aléas d un volume compris entre 2000 et 6000 m 3 mais de dangerosité très faible ont également été identifiés. 20 Im 002
4.2. CONDITIONS DE PROPAGATION Les conditions de propagation ont été établies à l aide du logiciel PIR 3D et d un modèle numérique de terrain extrait d une photogrammétrie (courbes de niveau tous les 5 m). PIR 3D fournit une analyse trajectographique en 3 D mais il ne permet pas de modéliser les éboulements en masse. Le volume des blocs simulés correspond aux observations en falaise et dans la vallée. Les aléas (de rupture) de dangerosité faible ne sont pas pris en compte. Le calcul a été réalisé en deux temps : Calcul déterministe pour caler les caractéristiques de sol avec les propagations réellement observées par le passé (10 000 blocs lâchés) ; Calcul déterministe et probabiliste pour définir les probabilités d atteinte élevée, moyenne faible : 200 et 2000 lâchés de blocs en mode déterministe ; 2000 et 10 000 blocs lâchés en mode probabiliste. La limite de propagation de 200 blocs en mode déterministe correspond à la limite de probabilité d atteinte élevée. La limite de propagation de 2000 blocs en mode déterministe ou probabiliste, selon les cas, correspond à la limite de probabilité d atteinte «moyenne». La limite de propagation de 10 000 blocs en mode déterministe, correspond à la limite de probabilité d atteinte «faible» : pas de blocs au-delà de cette limite. 4.3. DEFINITION DES PERIMETRES DE DANGERS. Les périmètres de dangers sont obtenus pour chaque aléa de rupture identifié par combinaison des limites de propagation (fort, moyen, faible) représentant l occurrence d un phénomène avec les classes d énergie calculés par PIR3D représentant son intensité. Les classes d énergie sont fixées à 300 et 30 kj. Comme il s agit d une superposition multicritères (sur ARCGIS) de l aléa de rupture, de propagation statistique et d intensité énergétique des blocs, il est difficile de qualifier de manière simple les périmètres de dangers obtenus. Un danger élevé correspond peu ou prou à une probabilité d atteinte élevée et à une intensité élevée (>300 kj). Sur le terrain, il correspond en général à la rive droite de la Dranse de sous le Saix. Le danger moyen concerne en règle générale la plaine alluviale, tandis que le danger faible comprend le pied du versant nord de la vallée des Ardoisières. Son extension correspond à la limite de propagation de l éboulement de 1873. Im 002 21
5. Avis du BRGM Il semble manifeste que le bureau d études Tissières n a pas intégré le rôle déterminant de l instabilité des ardoisières dans la production d éboulements en grande masse, phénomène observé deux fois dans la vallée avec des conséquences catastrophiques en 1873. Ces ardoisières sont présentes tout le long de la rive droite de la Dranse au pied de la grande falaise sommitale. Dans certains secteurs (Les Crêts, Le Requat, Les Avinières, les Ly, ), ces ouvrages ont engendré un dépilage très important du pied de falaise et sont à l origine de contraintes trop élevées sur les appuis restants (piliers, stots, piédroits), en rapport avec la forte épaisseur de leur recouvrement (200 m au moins). Dès lors, il suffit qu une ou plusieurs discontinuités dans le recouvrement rejouent mécaniquement pour que celui-ci s écroule, totalement ou en partie. Ce phénomène est très probablement à l origine des éboulements en grande masse de 1873 et 2000-2002 et il semblait (d après nos observations en 2005) tout prêt de se reproduire au droit d une série d ardoisières situées au-dessus du hameau des Crêts. La production de blocs risquant d être potentiellement très massive, il existe pour le hameau des Crêts, un risque sérieux d être atteint par de très gros blocs. Au vu des instabilités annoncées par le Bureau d études Tissières dans son rapport pour le secteur des Crêts, ce risque d écroulement en masse ne semble pas avoir été mis en évidence. D une manière générale, la définition de l aléa chute de blocs rocheux en rive droite de la vallée passe, à notre avis, par un dénombrement préalable aussi exhaustif que possible des ardoisières abandonnées. Il est nécessaire d effectuer ces recherches d abord dans les archives (communales, départementales) où il reste peut-être des traces de ces exploitations, puis sur le terrain en répertoriant et en inspectant systématiquement tous les ouvrages dans les moyens du possible en fonction de l instabilité constatée. Les surfaces exploitées en cavage doivent être évaluées dans la mesure du possible car elles conditionnent directement le volume potentiel d un éboulement et donc l intensité de l aléa de rupture. En première analyse, il semble que l activité extractive se soit surtout développée en aval des Prodains dans les secteurs d En Ly, Les Avinières, le Requat, les Crêts, les Udrezans. Les falaises situées au-dessus des Prodains ont semblent-ils, été moins concernées par l exploitation de l ardoise, ce qui limiterait le risque d éboulement en grande masse. A cet aléa induit par les ardoisières s ajoute un aléa «chutes de blocs» dû à l évolution naturelle du front de la falaise par l intermédiaire des discontinuités qui y sont présentes : c est cet aléa qui a été évalué par le bureau d études Tissières. Ce travail est bien entendu nécessaire mais il n est pas suffisant pour qualifier l aléa chute de blocs dans la vallée des ardoisières, sauf peut-être dans le secteur des Prodains où les exploitations semblent moins nombreuses, voire absentes. Nous émettons quelques réserves quant à blocométrie retenue par le bureau d études Tissières dont les reconnaissances, bien que complétées par un vol en hélicoptère, ont pour partie été réalisées à distance compte tenu du risque constant de chute de blocs lors de leur intervention. A titre d exemple, la blocométrie maximale annoncée aux Prodains est de 2 m 3 alors que sur le terrain, nous avons constaté la présence de blocs anciens dépassant 10 m 3. On notera que l éboulement des Avinières a produit des blocs dépassant la centaine de m 3. La présence d un aléa fort en rive droite de la Dranse semble justifiée dans la mesure où celle-ciconstitue le champ de propagation principal des blocs isolés en provenance de la falaise. Cette 22 Im 002
hypothèse semble correcte au Prodains du fait du faible nombre probable d ardoisières, mais il importe de compléter cette analyse par des vérifications plus détaillées dans le versant. Si cette situation se confirme, l hypothèse de protéger le bâtiment en L placé en danger élevé est techniquement possible (merlon dimensionné pour arrêter des blocs de 20 m 3 minimum). Ailleurs, les risques d éboulement en grande masse liés aux ardoisières doivent être évalués et pourraient dans certains cas, conduire à repousser la limite de l aléa fort au-delà de la Dranse du fait du grand nombre de blocs potentiellement produits et de la cinétique particulière de ce type de désordres (Cf. éboulement de 1873 où il y a eu un effet de masse). Concernant les ardoisières des Crêts, nous ne pouvons que réitérer notre recommandation de mise en œuvre de mesures urgentes pour protéger les personnes et les biens : mise en place de mesures de suivi des déplacements, reconnaissance topographique des cavités et analyse des désordres, établissement de scenarii de rupture et de propagation, définition d une solution de réduction des risques (minage, merlon, voire expropriation ). Im 002 23
Annexe 1- localisation des éboulements historiques (d après Tissières) Im 002 25
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Annexe 2- copie du courrier adressé à la Mairie de Morzine, le 18 juillet 2005 Im 002 27
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