Pouvons-nous dire quelque chose sur Dieu? Le Credo : concepts qui enferment ou fenêtre sur l invisible?

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Transcription:

Pouvons-nous dire quelque chose sur Dieu? Le Credo : concepts qui enferment ou fenêtre sur l invisible? Le cycle de conférences, proposé sur notre paroisse, correspond à une habitude multiséculaire de l Église. Il s agit de faire des catéchèses mystagogiques, après Pâques, pour permettre aux néophytes, ces nouveaux baptisés de la Vigile, de s approprier le Mystère de la Foi. Ces deux notions de mystère et de néophytes nous permettent de faire le lien avec les catéchèses précédentes. Le mystère : Le terme de mystère ne qualifie pas quelque chose d incompréhensible. Ce terme vient du grec et désigne celui qui est initié. Ainsi, dans les religions sectaires, une hiérarchie humaine s appuie sur une connaissance qui est révélée petit à petit aux initiés, qui doivent passer des épreuves ou donner des gages d obéissance aux grands maîtres, pour pouvoir progresser. Ce terme a été purifié et christianisé par la suite. C est ainsi que lorsque nous parlons d un mystère, nous parlons d une vérité de foi qui nous dépasse infiniment mais qui se dévoile à nous au fur et à mesure de notre progression spirituelle. C est pourquoi, quand après l élévation, au cours de la messe, le prêtre (mais sans doute que cela devrait être dit par le diacre) proclame : Il est grand le Mystère de la foi, le peuple répond : nous proclamons ta mort Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la Gloire. Il y a bien une réponse de toute l assemblée qui dit le mystère : à la fois la connaissance de ce qui nous sauve et en même temps le rappel que cela dépasse infiniment notre compréhension personnelle ; et du reste c est bien pour cela que la réponse est dite en cœur par toute l assemblée. (Au passage : il ne s agit pas de marmonner une rengaine, mais de dire avec force ce qui nous sauve de la mort. Un peu plus de tonus ferait du bien, il s agit tout de même de notre Salut!).

Retenons surtout le point principal : le mystère ne nous est pas inconnu, puisqu il est accessible à tous. A tous, ou presque Les néophytes : Les conférences mystagogiques étaient autrefois données aux néophytes après Pâques, c est à dire après le baptême des catéchumènes. Les catéchèses leur étaient alors faites pour leur expliquer le Mystère de la foi auquel ils avaient enfin pleinement part. La fine pointe de cette remarque préliminaire, c est que les catéchèses mystagogiques sont une explicitation de la foi. En effet la Foi est un don de Dieu ; c est une vertu théologale, nous disent les théologiens du Moyen-âge. Ce terme est un peu barbare, c est à dire qu il ne vient pas du grec ou de l hébreu. La vertu est une habitude qui nous fait agir selon une certaine puissance en nous menant vers le Bien. Cette vertu est théologale car il s agit d un don que Dieu nous fait et qui n a nécessité de notre part aucun effort. Pour prendre un exemple simple : pour avoir de la tempérance de façon habituelle, nous devons nous imposer des efforts de retenue, pour arriver en définitive à ne pas nous emporter à la moindre contrariété ; mais sans effort nous n avons que peu de chance d y arriver. Pour les vertus théologales, il n en est pas de même : d un seul coup de par notre baptême, nous recevons la foi en Dieu, c est à-dire une confiance pleine et entière en Dieu. Si vous avez vu le regard d un néophyte après son baptême, vous avez compris, et vu, que la foi est un don de Dieu. Il n en reste pas moins vrai que comme tout don que nous recevons, il nous faut le développer, l utiliser et l augmenter comme un talent, sans le cacher sous son lit pour ne pas le perdre. Le cardinal Lustiger nous donne un bon exemple de ce don de la foi que nous recevons gratuitement mais que nous devons développer : dans son livre le don de Dieu, il nous dit qu après sa conversion au catholicisme, alors qu il était devenu séminariste et qu il allait être ordonné diacre, il a fait un pèlerinage à Jérusalem. Et il a eu comme une interrogation sur sa foi : croyait-il? Il n en savait plus rien. C est alors qu au Saint Sépulcre, il s est penché sur la pierre du tombeau, il a posé sa tête longuement et il s est dit : soit cette pierre est la pierre du tombeau de la résurrection, soit tout cela est faux et alors je n ai rien à faire ici, cela n a pas de sens d être prêtre ni d être chrétien. Et il est resté là longuement ; et il ne s est rien passé, nous dit-il, rien, aucun appel, rien! Puis il

s est relevé et il a décidé de croire, d accepter cette foi qu il avait reçue à son baptême ; et, nous dit-il, plus jamais de toute sa vie il n a douté. Dans les moments les plus difficiles de son ministère, dans les moments où il s est retrouvé face à l horreur des restes des camps d extermination, il n a pas douté que Dieu était Dieu et qu Il s était révélé en Jésus-Christ. Après cette courte reprise des deux conférences que nous avons eues sur l acte de foi et sur la possibilité de perdre la foi, il nous est proposé aujourd hui de réfléchir sur notre capacité à dire quelque chose de Dieu et de savoir si le Credo est formé d affirmations qui nous limiteraient. Ces questions, si elles sont liées, puisqu elles ont pour même et unique réponse la révélation du Dieu Vivant et Vrai, sont en réalité deux façons de nous approcher d une même réalité. C est pourquoi nous analyserons successivement ces deux points. Peut-on dire quelque chose de Dieu? Dans les universités de théologie, il était habituel de commencer toute étude sérieuse par un traité sur Dieu. Ce cours premier était alors confié, en général, au doyen de la faculté, qui était considéré comme étant le seul digne de parler d un tel sujet : comment un homme pourrait-il se mettre en face de Dieu pour dire l Ineffable, pour parler de Celui dont le nom n était prononcé qu une seule fois par an par le grand Prêtre? Seul, celui qui pendant des années avait scruté le mystère, pouvait avoir le droit de balbutier quelques mots définitifs à ces jeunes étudiants. Agnosticisme des modernes Et puis les temps ont changé. Les hommes n ont plus cherché Dieu, Ils n ont plus cherché son existence, ils se sont mis à chercher l homme qui cherchait Dieu. Ils ont cru que les temps étaient modernes, que les temps étaient nouveaux

et que les temps anciens avaient disparu : ces temps où il était possible de penser que Dieu était là, là à côté de nous, là avec nous, là pour nous. Une distance a été mise entre Dieu et l homme, entre le temps d aujourd hui et celui des croulants qui avaient une foi de charbonnier et comprenaient que Dieu agissait dans le temps et l histoire. Entre ces deux temps, celui où on disait Dieu et l autre, dit moderne, une rupture est advenue. C est ainsi qu il est proposé aujourd hui dans les universités de théologie de faire de la théologie fondamentale. Dans celle-ci il est étudié comment la notion de Dieu existe ; il va être de bon ton de voir pourquoi telle ou telle civilisation comporte telle ou telle pratique religieuse ou rituelle. Mais de la présence de Dieu il n est plus question directement. Il s agit de faire de la théologie sans théophanie. Cette attitude, qui est la plus couramment partagée aujourd hui, est en fait un véritable agnosticisme. Car au fond, ce qu affirment nos théologiens modernes, c est qu en définitive il n est pas possible de dire sérieusement quelque chose de Dieu car nous ne savons pas qui est Dieu. Tout au plus acceptera-t-on de poser l existence de Dieu, comme en astrophysique on parle des trous noirs de l univers, ces ténèbres insondables que l on pose comme présents, car sans cela les représentations toutes humaines de l univers n auraient pas l apparence de la rationalité. C est ainsi qu aujourd hui c est sur la personne du Christ que notre regard se porte le plus généralement quand nous voulons dire quelque chose de Dieu. Mais, comme pour se justifier de cette bravoure de vouloir dire quelque chose sur Dieu, le plus généralement c est sur l humanité du Christ que nous nous arrêtons, cherchant à voir comment son humanité est remarquable, en dehors même de la manifestation de sa divinité, laissant ainsi souvent de côté les miracles qu Il réalise. Limites des capacités de la créature Il est vrai aussi que si Dieu est Dieu, si nous en acceptons le concept, nous devons dire que Dieu, qui est Créateur, est au-delà de la création, et donc qu Il ne doit pas être réduit par la créature aux limites de son être de créature. C est pourquoi l homme doit accepter, comme présupposé, qu Il ne peut atteindre

Dieu par ses propres forces, par sa propre intelligence, et que tout ce qu il pourra en dire en définitive est infiniment moins vrai que ce que Dieu est réellement, selon la définition de ce qu est l analogie en théologie. Il en découle dès lors que ce n est pas l homme qui peut dire quelque chose de Dieu mais c est Dieu qui peut se dire à l homme. Nous devons accepter de nous mettre à l écoute de Dieu pour pouvoir dire qui Il est. Révélation de Dieu La question dès lors qui se pose, de façon légitime, est de savoir si dans ces conditions c est réellement nous qui disons quelque chose de Dieu et si c est réellement Dieu qui se manifeste quand nous rencontrons une manifestation que nous pensons être théophanique. Nous en revenons à notre point de départ qui est celui de la foi. Nous ne pouvons dire quelque chose de Dieu que parce que nous acceptons, dans la foi, qu Il se manifeste à nous, qu Il est donc près de nous et que nous pouvons Le trouver dans le temps et l histoire, Le trouver qui se manifeste à nous en se mettant à notre niveau de créature limitée. L histoire Cette histoire de la rencontre de Dieu avec l homme, avec toute l humanité, nous croyons qu elle commence avec l histoire d Abraham. C est à ce moment là que Dieu commence à se dire dans une histoire qui va perdurer. Si nous pouvons dire quelque chose de Dieu, c est tout d abord parce que nous le voyons agir dans un peuple qu Il va guider de façon toute particulière. L histoire du peuple hébreu, nous ne l étudions pas sociologiquement ou psychanalytiquement ; ce qui nous intéresse en elle est de voir comment Dieu agit, comment Il se fait connaître à travers ses œuvres et sa présence au milieu de ce peuple particulier. Mais, nous le savons, notre compréhension de ces faits est partielle, partielle parce que transmise par des mots humains et par des concepts ne pouvant rendre compte de l infini de Dieu. Ces limites inhérentes à notre humanité, en dehors de l aspect peccamineux de nos recherches individuelles, s observent quand nous scrutons les écritures. Il n est par rare en effet que des compréhensions complémentaires existent pour

un même texte. Ceci montre que devant Dieu qui se révèle, les qualités de chacun sont utiles pour comprendre ce qui nous dépasse individuellement. L homme capax dei Le deuxième point important, c est que l homme est capable de Dieu. Nous affirmons dans la foi que Dieu est amené de se mettre à notre niveau pour se faire connaître ; plus encore Il souhaite se faire connaître, car Il en prend l initiative. Cette affirmation, qui se comprend en lisant l Ancien Testament, impose de dire que Celui qui se manifeste, Celui qui prend l initiative de se dire dans l histoire d Israël, est bien Dieu. Cette affirmation est en dehors de l interrogation actuelle de nos contemporains, car, nous l avons dit, aujourd hui il n est plus question de dire la présence de Dieu à côté de nous. La difficulté réelle qui existe, c est de dire que le Christ est Dieu, car un homme qui est passible ne correspond pas à ce qu est Dieu, ce que nous concevons comme étant Dieu. C est le problème de Saül, avant de devenir Paul. Dieu est créateur et principe de toute chose, Il est infini, Il est irréductible à autre chose et c est pourquoi Il doit correspondre aux universaux de Bon, de Vrai et de Beau. Dans l histoire du peuple hébreu, Dieu se fait connaître et Il éduque son peuple pour qu il puisse vivre avec Lui au milieu de Lui. C est un point important, Dieu ne pouvait faire comprendre à Abraham qui Il était car Abraham ne pouvait le concevoir. C est pourquoi il existe dans l histoire d Israël toute une éducation pour permettre au peuple de Dieu de comprendre qui est Dieu. Cette éducation est aussi la nôtre, et si à travers l histoire du peuple hébreu nous voyons Dieu qui petit à petit se manifeste, nous y voyons aussi notre propre histoire. L Ancien Testament nous montre qu en se mettant à Son écoute, et en suivant ses préceptes, nous devenons capables de comprendre qui est Dieu. En définitive, nous pouvons dire quelque chose de Dieu en nous mettant à Son écoute et ceci nécessite de découvrir qu Il nous parle. Pour le savoir, Il nous faut Le voir à travers ses manifestations et dans la foi : C est bien Lui qui nous parle.

Ce point étant examiné, nous pouvons maintenant aborder le deuxième temps de cette catéchèse mystagogique : le Credo, concepts qui enferment ou fenêtre sur l invisible? Le Credo : concepts qui enferment ou fenêtre sur l invisible? Comme nous venons de le voir, si nous pouvons dire quelque chose de Dieu, c est parce que Dieu nous dit quelque chose de Lui et qu Il veut se faire connaître. Nous avons vu aussi que si nous pouvons dire quelque chose de Dieu, c est parce qu Il nous éduque pour être capables de Le rencontrer et de Le connaître. Dès lors, la question de la signification du Credo ne peut se poser en dehors de Dieu et de sa révélation divine. Si le Credo dit ce qu est Dieu, c est parce que Dieu nous a dit qui Il était. Le Ciel pleinement ouvert Tout d abord il nous faut comprendre qu il n existe de Credo qu après la venue historique du Christ. En effet, le Christ est Dieu et Il ne s est fait connaître que quand les temps étaient accomplis, c est à dire quand l homme était enfin capable de le recevoir en pleine liberté. Ce qui veut dire qu il était nécessaire que l homme n ait plus peur de Lui et soit capable de ne pas désespérer après L avoir rejeté jusqu au bout, c est à dire après L avoir mis à mort. Il était nécessaire aussi qu il y eut un homme pour attendre la résurrection. Cet homme, à dire vrai, ce fut une femme, Marie, qui était restée debout au pied de la Croix. Mais si le credo n arrive qu après la mort et la résurrection du Christ, c est aussi parce qu après cela, la Révélation de Dieu était achevée ; il n y a plus rien à attendre de nouveau, il n y a plus qu à discerner de façon toujours plus fine la révélation de Dieu.

Ainsi le Credo ne dit rien qui ne soit déjà dans la Bible. C est un paradoxe, tout se trouve dans la Bible et pourtant nous avons besoin du Credo comme d un guide. Le Credo dit en vérité notre foi qui est un don de Dieu. Ce que le Credo explicite, c est ce en quoi nous croyons, il nous dit le don que nous avons reçu. Dieu qui se donne Ce texte, cette prière devrait-on dire de façon plus précise, nous dit donc le don de la foi. Mais comme Dieu se donne lui-même, le Credo est l expression de ce qu est Dieu. Ainsi, dans le symbole des apôtres, il y a douze affirmations. Mais si vous regardez la façon dont il est construit, vous voyez qu il est formé tout d abord par une triple affirmation : Je crois en Dieu le Père, en Dieu le Fils et en Dieu Esprit Saint. Le Credo est le don de Dieu, de ce Dieu en trois personnes. Ce que le Credo dit de Dieu n enferme pas les personnes divines dans un agir fini ou dans une définition définitive. Le Credo dit d abord le Père et reprend ce qu est un Dieu infini, éternel, mais il n épuise pas le concept de Dieu. Le credo nous le donne comme une personne qui est Père, et nous savons qu une personne n est pas réductible à des concepts, à des définitions ou des images aussi justes soient-elles, nous le savons pour nous-mêmes à travers nos recherches plus ou moins heureuses de rencontres vraies avec notre entourage le plus proche. Concernant le Fils, vous l avez entendu dans la première conférence, ce qui est dit dans le Credo est la réalité, la concrétude, de l incarnation, de la rencontre de Dieu avec l homme dans l humanité qui est la nôtre. Les quelques affirmations qui sont dans le Symbole nous disent l insaisissable : ce que l homme n avait jamais conçu et qui est arrivé au milieu de nous et nous permet de comprendre que Dieu veut nous rencontrer pour nous mener au-delà des limites de la création actuelle, qui est limitée par le temps, l espace et le péché. Sur la personne de l Esprit Saint, vous l avez sans doute observé, le Symbole n explicite pas beaucoup ce point. S il ne dit rien d autre que la divinité de la troisième personne de la Trinité, c est parce qu il nous reste à La découvrir. L Esprit Saint, nous dit l Écriture, est comme le vent : nul ne sait d où il vient ni où il va. Cependant, et cela est intéressant à noter, le credo de Nicée Constantinople nous en dit un peu plus. Ceci peut nous faire comprendre que le Credo est une explicitation qui nous fait connaître Dieu, et cette connaissance,

qui est déjà donnée dans la Bible, peut grandir. Je ne doute pas que l évangélisation des peuples d Afrique et d Asie nous permettra un jour d expliciter notre compréhension de ce que sont les personnes divines et qu un jour un concile ajoutera une explicitation sur ce que sont les personnes divines. Enfin le Credo nous dit que l Église est un don de Dieu. Comme le dit le concile Vatican II, elle est le peuple de Dieu, le Temple de l Esprit et le Corps du Christ. Elle est donc présence de Dieu avec les hommes. Les affirmations sur l Église disent donc toujours ce don de Dieu et la façon que nous avons de vivre avec et par les personnes divines. La réception de la vérité Le Credo est un texte inspiré, c est à dire un texte qui nous est transmis par Dieu. Il n a pas le statut de Parole de Dieu mais il est à respecter avec une grande ferveur. Ce texte a été défini par l ensemble de l Église qui est habitée par Dieu et qui discerne l œuvre de Dieu. C est l Église toute entière, qui après avoir examiné comment elle vivait avec Dieu dans la prière, a cherché à dire le don quelle avait reçu. C est ainsi par exemple que le Credo de Nicée Constantinople n est pas un traité de dogmatique élaboré par les théologiens les plus talentueux du moment. Le Credo de Nicée-Constantinople est le fruit tout d abord de la prière du peuple de Dieu, qui, par l intermédiaire de ses évêques, exprime la vie de l Église toute entière. Nous devons recevoir le Credo à la lumière ce que nous dit saint Paul : quand Dieu a commencé à se révéler il nous a donné la Loi, mais depuis il nous a donné la grâce et la liberté des enfants de Dieu pour Le connaître. En effet Dieu nous a envoyé l Esprit Saint qui est répandu dans nos cœurs et qui nous permet de Le reconnaître et d approfondir notre connaissance de ce qu Il est. C est l Esprit Saint qui inspire l Église dans ses définitions dogmatiques, et c est le même Esprit Saint qui inspire tout chrétien dans la compréhension de ces définitions.

Une fenêtre ou une porte? Alors doit-on dire que le Credo nous enferme, si nous voulons vivre de Dieu, le connaître le chercher? Notre réponse est négative. Le credo est le don de la foi qui est don de Dieu et qui nous donne d avoir confiance en Lui. Le Credo est donc cette prière que Dieu, qui est Père, Fils et Saint Esprit, nous donne pour nous appuyer sur Lui. C est ce chant de l humanité toute entière qui veut vivre de Dieu, qui veut dire à Dieu sa confiance et sa joie. C est cette affirmation de l homme juste qui scrute avec toute son intelligence et sa foi Celui qui le rend libre et heureux de vouloir vivre éternellement. C est ainsi que nous devons sans doute dire que plus qu une fenêtre, le Credo est cette porte qui nous ouvre à la rencontre de Dieu.