TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON N 1400918 M. G. M. Thulard Rapporteur M. Stillmunkes Rapporteur public RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Lyon (1 ère chambre) Audience du 14 novembre 2014 Lecture du 27 novembre 2014 28-07 C + -AN Vu la protestation, enregistrée le 31 janvier 2014, présentée pour M. G., r ; M. G. demande au tribunal : 1 ) d annuler l élection du président et des autres membres du bureau de la chambre de commerce et d industrie (CCI) de Lyon en date du 2 décembre 2013 ; 2 ) d enjoindre à la CCI de Lyon de le laisser reprendre ses fonctions de président et exercer les prérogatives qui en découlent ; M. G. soutient : - que sa requête n est pas tardive dès lors que le délai de recours à l encontre des élections des organes exécutifs des chambres de commerce et d industrie est de deux mois ; - que les élections en litige sont entachées de plusieurs vices de procédure ; que, d une part, elles ont été organisées alors que leur tenue avaient été retirée de l ordre du jour le 2 décembre 2013 dans la matinée ; qu en tout état de cause, l ordre du jour complémentaire du 22 novembre 2013 n a pas été approuvé par le président alors en exercice, qui n en a pas même été informé ; que cet ordre du jour a été envoyé par lettre simple ; que, d autre part, la présidence de l assemblée générale du 2 décembre 2013 a été exercée par une autorité incompétente, à savoir la représentante du préfet du Rhône ; - que les agissements du préfet du Rhône, qui ont méconnu le principe d autonomie des établissements publics, ont entaché d illégalité les élections du 2 décembre 2013 ; - qu ils caractérisent par ailleurs un détournement de pouvoir ; - que les opérations électorales en cause ont méconnu l autorité de chose jugée attachée à l ordonnance n 1308180 du juge des référés du tribunal de céans, en date du 30 novembre 2013 ;
N 1400918 2 Vu la proclamation des résultats des élections contestées ; Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2014 et non communiqué, présenté par les consorts X. ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2014, présenté pour la chambre de commerce et d'industrie de Lyon, dont le siège est place de la Bourse à Lyon cedex 2 (69289), par Me Nugue, par lequel elle demande au tribunal de rejeter la protestation de M. G.,et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; La chambre de commerce et d industrie de Lyon fait valoir : - à titre principal : que la protestation de M. G. est irrecevable en raison de sa tardiveté dès lors que s'appliquaient en espèce les délais de recours prévus à l'article D. 2122-2 du code général des collectivités territoriales ; qu'à tout le moins, elle est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative dès lors que la protestation de M. G. n'est pas accompagnée de la décision qu'il entend attaquer ; - à titre subsidiaire : qu'aux termes de l'article R. 711-14 du code de commerce, l'élection de la totalité du bureau doit se tenir lors de l'assemblée générale la plus proche en cas de démission de plus de la moitié de ses membres, sans que cette élection ait à être inscrite à l'ordre du jour ; que cet article impose seulement d'informer de cette élection les membres de l'assemblée générale au plus tard cinq jours avant la réunion de cette assemblée ; que cela a été le cas en l'espèce, M. F., compétent pour ce faire en vertu d'une délégation de signature consentie par le président, les ayant sans ambiguïté informés de cette élection par un courrier en date du 20 novembre 2013 ; que ce courrier a été remis en mains propres à M. G.; qu'en tout état de cause, ce dernier a reçu le 28 novembre 2013 un courrier du préfet du Rhône l'informant de l'élection des membres du bureau lors de la prochaine assemblée générale ; que le non-respect en l'espèce du délai d'information de cinq jours prévu par l'article R. 711-14 du code de commerce a été sans incidence sur les résultats de l'élection et ne saurait donc, en tout état de cause, conduire à son annulation ; qu'en outre, la représentante du préfet ne s'est pas irrégulièrement substituée à M. G. dans la présidence de l'assemblée générale du 2 décembre 2013 ; qu'elle n'a organisé les opérations d'élection du président de la CCI et de son bureau qu'après plusieurs refus de M. G. d'y procéder, lesquels étaient illégaux au regard des dispositions de l'article R. 711-14 du code de commerce ; que les termes du courrier du préfet du Rhône en date du 28 novembre 2013 ne caractérisent pas une méconnaissance du principe d'autonomie des établissements publics ; qu'il en est de même des conditions dans lesquelles est intervenue la représentante du préfet lors de l'assemblée générale du 2 décembre 2013 ; qu'aucun détournement de pouvoir n'est en l'espèce caractérisé ; que les opérations électorales en litige n'ont pas méconnu l'autorité de chose jugée ; qu'enfin, compte tenu des résultats des élections du 2 décembre 2013, à supposer même qu'une irrégularité serait constituée, elle serait demeurée sans incidence sur la sincérité du scrutin ;
N 1400918 3 Vu l'intervention volontaire en défense, enregistrée le 23 avril 2014, présenté par le préfet du Rhône par lequel il demande au tribunal de rejeter la protestation de M. G. ; Le préfet soutient : - que le président d'une CCI étant, en application de l'article R. 711-13 du code de commerce, également membre de son bureau, il y avait lieu en l'espèce, compte tenu de la démission de neuf membres du bureau, de procéder à l'élection d'un nouveau président lors de l'assemblée générale du 2 décembre 2013 ; que l'ordre du jour joint à la convocation à cette assemblée générale, qui mentionnait comme point "élection des membres du bureau", a permis d'informer utilement les membres de l'assemblée générale de cette élection du président dans les délais réglementaires ; que cet ordre du jour a été déterminé par une autorité compétente ; - que l'intervention de sa représentante n'a été justifiée que par plusieurs refus illégaux et réitérés de M. G. de faire procéder à l'élection du président de la CCI ; qu'en tant qu'autorité de tutelle, sa représentante était alors fondée à organiser cette élection ; que, pour ce motif, aucune atteinte au principe d'autonomie des établissements publics n'est en l'espèce caractérisée ; - que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de commerce ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2014 : - le rapport de M. Thulard, premier conseiller ; - les conclusions de M. Stillmunkes, rapporteur public ; - les observations de Me Sermier, pour M. G., de Me Nugue pour la chambre de commerce et d industrie de Lyon, et de Mme Buyssou, pour le préfet du Rhône ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 novembre 2014, présentée pour la chambre de commerce et d industrie de Lyon par Me Nugue ; 1. Considérant que, par la présente protestation, M. G. demande au tribunal d annuler l élection du président et des autres membres du bureau de la chambre de commerce et d industrie (CCI) de Lyon, à l issue du scrutin organisé le 2 décembre 2013 consécutivement à la démission de neuf des dix membres du bureau ; Sur les fins de non recevoir opposées à la demande de M. G. : 2. Considérant, en premier lieu, que l article R. 412-1 du code de justice administrative prévoit que «la requête doit, à peine d irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée» ; que, toutefois, ce motif d irrecevabilité ne peut être opposé à une requête contestant le résultat d opérations électorales ;
N 1400918 4 3. Considérant, en second lieu, que les dispositions des articles L. 713-1 et suivants et R. 713-1 et suivants du code de commerce, qui déterminent les conditions dans lesquelles les membres des chambres de commerce et d industrie sont élus, n ont fixé aucune règle spéciale concernant le contentieux de l élection du président et du bureau de la chambre ; que si, aux termes de l article L. 713-17 du code de commerce : «Les recours contre les élections des délégués consulaires et des membres des chambres de commerce et d industrie sont portés devant le tribunal administratif comme en matière d élections municipales», ces dispositions ne concernent que les élections des membres des chambres de commerce et d industrie et celles des délégués consulaires, à l exclusion de celles du bureau et du président de la chambre de commerce et d industrie ; que, par suite, en l absence de tout délai spécial prévu pour déférer au juge administratif les élections du bureau et du président de la chambre de commerce et d industrie, les membres de la chambre ayant participé à cette élection sont recevables à saisir le tribunal administratif dans le délai général de deux mois courant à compter du jour de l élection contestée ; 4. Considérant que la protestation formée par M.., alors président de la chambre de commerce et d industrie de Lyon, contre l élection de son successeur et des autres membres du bureau de ladite chambre, a été enregistrée au greffe du tribunal de céans le 31 janvier 2014, soit dans un délai de deux mois à compter du 2 décembre 2013, date du scrutin dont les résultats sont contestés ; 5. Considérant qu il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la chambre de commerce et d industrie de Lyon à la protestation de M. G. doivent être écartées ; Sur le bien-fondé de la protestation de M. G. : 6. Considérant que, lors de l assemblée générale convoquée le 2 décembre 2013, après avoir demandé à plusieurs reprises à M. G., en sa qualité de président de la chambre de commerce et d industrie de Lyon, de procéder aux opérations électorales portant désignation de son successeur et des autres membres du bureau de cette chambre et avoir essuyé des refus réitérés de sa part, la représentante du préfet du Rhône, présente en sa qualité d autorité de tutelle de l organisme consulaire, s est substituée à lui ; qu elle a ainsi présidé l assemblée générale jusqu à ce que soit proclamé comme nouveau président M. Emmanuel I., lequel a, par la suite, fait procéder à l élection des autres membres du bureau ; 7. Considérant qu aux termes de l article L. 712-1 du code de commerce relatif notamment aux pouvoirs du président de la chambre de commerce et d industrie, ce dernier préside l assemblée générale ; que le règlement intérieur de la chambre de commerce et d industrie de Lyon dispose en son article 24 qu il exerce seul la police de l assemblée générale ; que l article R. 711-4 du même code prévoit que : «Entre deux renouvellements, il est pourvu, lors de l'assemblée générale la plus proche et au plus tard dans les deux mois suivant la démission du membre du bureau, au remplacement de tout membre du bureau dont le siège est devenu vacant, même si ce point n'a pas été inscrit à l'ordre du jour de cette assemblée, sous réserve d'une information préalable des membres de l'assemblée générale au plus tard cinq jours avant la tenue de la réunion de cette assemblée. En cas de vacance de la moitié des postes, le bureau est réélu dans sa totalité. - Si l'ensemble du bureau de la chambre de commerce et d'industrie territoriale ou de la chambre de commerce et d'industrie départementale d'ile-de-france a démissionné, l'autorité de tutelle assure l'expédition des affaires courantes jusqu'à l'élection d'un nouveau bureau.» ; que l article L. 712-9 de ce code prévoit que «( ) - Lorsque les circonstances compromettent le fonctionnement d'un établissement, l'autorité
N 1400918 5 compétente peut prononcer la suspension de ses instances et nommer une commission provisoire.» ; 8. Considérant, ainsi qu il a été dit au point 1, que, par un courrier du 19 novembre 2013, neuf des dix membres du bureau de la chambre de commerce et d industrie de Lyon ont présenté leur démission ; qu en application des dispositions précitées, compte tenu de la vacance de plus de la moitié des postes, il était alors nécessaire de procéder à la réelection du bureau dans sa totalité ; 9. Considérant que M. G., alors président de la chambre de commerce et d industrie de Lyon, ne figurant pas au nombre des membres démissionnaires, les dispositions précitées de l article R. 711-4 du code de commerce prévoyant que le préfet de département, autorité de tutelle des chambres de commerce et d industrie territoriales, assure l expédition des affaires courantes jusqu à l élection d un nouveau bureau si l ensemble du bureau a démissionné, ne trouvaient pas à s appliquer en l espèce ; que, dès lors, et en vertu de l article L. 712-1 du code de commerce, l organisation de l élection des membres du bureau consécutivement à la démission de plus de la moitié de ses membres relevait de la compétence du président en exercice de la chambre de commerce et d industrie de Lyon ; 10. Considérant que la chambre de commerce et d industrie de Lyon, ainsi que le préfet du Rhône, soutiennent dans la présente instance, qu en refusant de faire procéder à l élection du président et des autres membres du bureau le 2 décembre 2013, M. G. aurait méconnu les dispositions de l article R. 711-14 du code de commerce, lesquelles le plaçaient en situation de compétence liée pour procéder à la réélection de la totalité du bureau à l assemblée générale la plus proche, soit celle du 2 décembre 2013, d ores et déjà convoquée, sous réserve que les membres de l assemblée générale aient été informés au plus tard cinq jours avant la tenue de la réunion de cette assemblée, ce qui a été fait en l espèce ; que, toutefois, même dans l hypothèse où le préfet estime que des circonstances compromettent le fonctionnement d une chambre de commerce et d industrie, son pouvoir de tutelle l autorise seulement, aux termes des dispositions précitées de l article L. 712-9 du code de commerce, à suspendre ses instances et à nommer une commission provisoire, mais ne lui permettent pas de se substituer d office à elles ; 11. Considérant que, dans ces conditions, dès lors que la représentante du préfet du Rhône était en l espèce sans qualité pour présider l assemblée générale du 2 décembre 2013, la réunion de cette assemblée s est tenue dans des conditions irrégulières ; 12. Considérant qu il résulte de tout ce qui précède qu il y a lieu pour ce motif, et sans qu il soit besoin d apprécier l incidence éventuelle du vice de procédure retenu sur l issue du scrutin, d annuler l élection du président et des autres membres du bureau de la chambre de commerce et d industrie de Lyon en date du 2 décembre 2013 ; Sur les conclusions à fin d injonction : 13. Considérant qu aux termes de l article L. 911-1 du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution.» ;
N 1400918 6 14. Considérant que le présent jugement a nécessairement pour effet de faire recouvrer à M. G. les fonctions de président de la CCI de Lyon qu il occupait antérieurement aux élections du 2 décembre 2013 dont il prononce l annulation ; qu ainsi, ledit jugement n implique pas que la CCI prenne une mesure d exécution visant à autoriser M. G. à reprendre ses fonctions et à en exercer les prérogatives ; que, par suite, les conclusions à fin d injonction présentées par ce dernier sur le fondement des dispositions précitées ne peuvent qu être rejetées ; Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens : 15. Considérant que les dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la chambre de commerce et d industrie de Lyon soit mise à la charge de M. G., qui n est pas la partie perdante dans la présente instance ; D E C I D E : Article 1 er : L élection du président et des autres membres du bureau de la chambre de commerce et d industrie (CCI) de Lyon en date du 2 décembre 2013 est annulée. Article 2 : Le surplus des conclusions de la protestation de M. G. est rejeté. Article 3 : Les conclusions de la chambre de commerce et d industrie de Lyon au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.