PRÉCAUTIONS D'UTILISATION ET DE MANIPULATION DES PESTICIDES ET DES RÉACTIFS CHIMIQUES 3 John R. Cox 1 Natural Resources Institute, University of Greenwich at Medway, Central Avenue, Chatham Maritime, Kent ME4 4TB, Royaume-Uni. INTRODUCTION Les chapitres de ce manuel traitent des techniques utilisées pour évaluer l'impact des pesticides sur la faune sauvage et les autres composantes de l'environnement, et ils mentionnent l'utilisation de diverses substances chimiques pour nettoyer le matériel d'échantillonnage ou pour conserver les échantillons recueillis. Il faut garder à l'esprit que la plupart de ces pesticides et un grand nombre de ces substances chimiques sont des produits dangereux qui doivent être traités comme tels. Ce chapitre fournit des conseils élémentaires sur les propriétés d'une liste de substances chimiques (Tableau 3.1) sur les procédures à respecter pour une utilisation sûre, et aussi sur la manipulation soit des pesticides eux-mêmes soit des matériaux contaminés. Certains de ces réactifs sont utilisés seuls ou en mélange pour préparer des réactifs portant un nom, par ex. le liquide de Gilson. Lorsqu on manipule ces substances chimiques (ou d'autres produits), il faut toujours porter une blouse de laboratoire, une combinaison ou d'autres vêtements de protection et ne pas manger, fumer ni boire pendant l opération. Tableau 3.1 Produits chimiques autres que les pesticides dont l'emploi est suggéré dans ce manuel Solvants Acides Réactifs généraux Éthanol Nitrique Chlorure de mercure Acétone Acétique Formol (solution de formaldéhyde) Xylène Picrique Lactophénol Méthanol Glycérol Gel de silice Liquide de Gilson SOLVANTS L'éthanol, le méthanol, l'acétone et le xylène sont tous des produits inflammables et doivent être tenus éloignés de flammes nues ou d'autres sources d'ignition à la vapeur. Ne fumez pas lorsque vous manipulez ces produits. Les vapeurs émanant de ces solvants peuvent être nocives et ne doivent pas être inhalées. Les opérations dans lesquelles interviennent des solvants doivent se dérouler dans des zones bien aérées ou à l'extérieur. Il est à noter que l'utilisation du xylène requiert des précautions particulières car c'est une substance potentiellement cancérigène. Il faut éviter de renverser ces produits sur la peau et porter des gants résistants aux solvants (en caoutchouc nitrile) lorsqu'on les manipule. Le xylène est particulièrement nocif quand il est absorbé par la peau et toutes les zones touchées doivent être immédiatement lavées à fond au savon et à l'eau. Si des émanations de solvants atteignent les yeux, ou si les yeux reçoivent des éclaboussures de solvants, rincez bien avec de l'eau. En cas d'éclaboussure, consultez un médecin. 1 Adresse: 42 Boughton Lane, Maidstone, Kent ME15 9QP, R-U. john_coxuk@btopenworld.com
90 J. C o x AVERTISSEMENT L'éthanol et le méthanol ont des propriétés toxiques notoires et, sous leur forme concentrée, ils peuvent être particulièrement nocifs. Conservez l'éthanol et le méthanol sous clé pour empêcher tout mésusage. LES ACIDES L acide acétique et l acide nitrique sont des liquides: l'acide acétique glacial en principe est pur à plus de 99 %; l'acide nitrique concentré l est en principe à 68-72%. Tous deux sont des substances corrosives qui peuvent provoquer des brûlures sur la peau; utilisez toujours des gants résistants à l'acide (caoutchouc nitrile) lorsque vous manipulez ces produits. Les yeux sont particulièrement vulnérables s'ils reçoivent des éclaboussures; il faut porter des lunettes de protection dans la mesure du possible. L'acide picrique est un solide, qui doit être conservé humide en toutes circonstances; sec, il peut devenir explosif. La solution d'acide picrique est également corrosive et nocive pour les yeux, et elle passe à travers la peau qui l'absorbe. Portez toujours des gants de caoutchouc nitrile lorsque vous manipulez cette substance et portez aussi des lunettes de protection ou des lunettes à coques. Quels que soient les acides, la peau atteinte doit être immédiatement rincée à fond à l'eau. Les vêtements touchés doivent être ôtés et trempés dans l'eau. Les émanations d'acide acétique et d acide nitrique sont irritantes et si le système respiratoire y est exposé, il peut en résulter des lésions; n'utilisez ces produits que dans une zone bien aérée ou à l'extérieur. En cas d'ingestion par inadvertance, boire de l'eau en abondance et consulter un médecin immédiatement. L'acide renversé sur les plans de travail doit être soigneusement traité à grande eau; son mélange à du sable ou de la terre peut également aider à le contenir. Lorsque de grandes quantités d'acide sont renversées, on peut les neutraliser en y ajoutant du carbonate de sodium en poudre solide. Lors des préparations de solutions d'acide dilué, ajoutez toujours l'acide à l'eau, jamais l'eau à l'acide. LES RÉACTIFS GÉNÉRAUX La solution de formaldéhyde La solution de formaldéhyde (formol) contient généralement 37 à 41% de formaldéhyde et 11-14% de méthanol. C'est une solution inflammable dont la vapeur est irritante pour les yeux et le système respiratoire.tout produit renversé sur la peau doit être traité à l'eau courante; si les yeux sont atteints par des émanations, il faut les rincer à l'eau. La solution de formaldéhyde doit être utilisée dans une zone bien aérée. Attention à ne pas inhaler de vapeurs directement. Elle est également cancérigène et par conséquent, il faut prendre toutes les précautions possibles lorsqu'on l'utilise. En cas d'ingestion de cette solution, il faut boire de grandes quantités d'eau et consulter un médecin. C'est une solution irritante pour la peau, sur laquelle elle a un effet durcissant. Il faut donc porter des gants résistants aux solvants (caoutchouc nitrile) lorsqu'on en manipule. Le liquide de Gilson Le liquide de Gilson est composé de 100 ml d'éthanol à 80%, de 880 ml d'eau distillée, de 15 ml d acide nitrique à 80%, de 18 ml d'acide acétique glacial et de 20 g de chlorure de mercure. Il faut faire attention lorsque l'on prépare ce réactif, car il est corrosif, toxique et irritant; les propriétés de chacune des substances chimiques qui entrent dans sa préparation sont abordées dans une autre partie de ce chapitre.
P r é c a u t i o n s d ' u t i l i s a t i o n e t d e m a n i p u l a t i o n d e s p e s t i c i d e s e t d e s r é a c t i f s c h i m i q u e s 91 Le chlorure de mercure Les sels de mercure sont un poison et doivent être traités avec la plus grande précaution. Il faut éviter la contamination de la peau et des yeux, et les endroits atteints doivent être immédiatement rincés à l'eau courante. On veillera à éviter de respirer la fine poussière qui se dégage du produit sec. En cas d'ingestion de solution de sel de mercure, il faut boire de grandes quantités d'eau et consulter un médecin de toute urgence. Dans la mesure du possible, on s'abstiendra de se débarrasser des déchets solides du produit sur le terrain, par exemple en les enfouissant; l'élimination des déchets de mercure et de sels de mercure doit toujours être confiée à des entreprises agréées. Le gel de silice Le gel de silice est d'une manipulation relativement sûre mais pas avec des mains mouillées; il faut toujours éviter aussi d'en inhaler de la poussière. Le port d'un masque facial est recommandé. Le glycérol Le glycérol est un composé relativement inoffensif mais comme pour toutes les substances chimiques, on veillera à éviter le contact avec la peau ou l'ingestion de cette substance. Le lactophénol Le lactophénol est un composé toxique qui doit être manipulé avec d'infinies précautions. Utilisez-le dans une zone bien aérée et portez des gants jetables lorsque vous manipulez ce produit. LES VÊTEMENTS DE PROTECTION Généralités Dans l'introduction de ce chapitre, nous avons insisté sur le fait que lors de la manipulation des substances chimiques figurant dans la liste, le port d'une blouse de laboratoire, d'une combinaison ou d'autres vêtements de protection était de rigueur. Des gants résistants aux solvants et à l'acide (des gants de caoutchouc nitrile peuvent servir pour les deux types de produits) sont également recommandés pour la manipulation de ces substances. On utilise parfois des masques faciaux mais il faut se souvenir que la plupart ne sont guère que des masques antipoussières ou antiparticules (Figure 3.1); ils n'ont pas grand effet pour empêcher l'inhalation de solvants ou de vapeurs d'acide. Pour assurer une protection contre les solvants ou les émanations des pesticides, il faut porter des masques filtrants spéciaux ou des masques à gaz (Figure 3.2); Figure 3.1: Masque facial
92 J. C o x Figure 3.2: Masque à gaz Mais les normes ou les références des modèles de masque diffèrent selon les fabricants et il n'est pas facile de donner des recommandations spécifiques. La plupart des fournisseurs ont des catalogues détaillés avec des listes de masques bien particuliers destinés à des usages précis, où l'on trouvera les renseignements nécessaires. En l'absence de catalogues, ces entreprises devraient normalement fournir les informations recherchées par téléphone/fax. Les pesticides Au cours d'exercices de suivi écotoxicologue, il se peut qu'il faille procéder à un échantillonnage dans des zones qui viennent juste d'être traitées ou sur lesquelles une pulvérisation est en cours; dans ce cas, il faudra décider du moment où on pourra à nouveau pénétrer dans la zone. Il s'agira de l'intervalle de temps qui devrait s'écouler entre l'application et la pénétration dans la zone traitée et le laps de temps pendant lequel le plus gros des dépôts de pesticide sur la culture est absorbé, ou bien n'est plus retenu à la surface des végétaux. Le moment d accès autorisé ne doit pas être confondu avec l'intervalle de récolte, période entre le moment de l'application du traitement et celui auquel la plante qui a été cultivée peut être manipulée et consommée en toute sécurité. Ces périodes d accès autorisé peuvent être spécifiées par le fabricant du produit, mais dans la plupart des cas, elles vont de 1 à 3 jours. En pratique, la durée de cette période dépend de nombreux paramètres, comme la nature et la toxicité du produit, son taux d'application, les conditions météorologiques et la nature de la culture traitée. S'il est nécessaire de pénétrer dans une zone traitée avant la fin de la date limite définie par la période d accès autorisé, il faut alors porter des vêtements de protection appropriés. Leur type dépendra de la toxicité et du mode d'action du pesticide appliqué. Dans certains cas, une combinaison et des gants pourront suffire, et dans d'autres cas, une protection pour la tête, le visage et les voies respiratoires pourra être essentielle. Les informations sur l'étiquette des produits indiquent généralement le niveau de protection requis. Dans les pays tropicaux, le port de ces vêtements peut être déplaisant en raison de la chaleur. L'emploi de tenues en coton fabriquées selon le modèle du GIFAP (aujourd'hui CropLife International) est recommandé, sauf lorsque ces vêtements risquent de devenir particulièrement mouillés (dans ce cas, le produit de traitement passera à travers et trempera la peau) et il faudra alors porter des tenues du type Tyvek (figure 3.3). Lorsque l'on porte des vêtements de protection, il faut aussi mettre des bottes en caoutchouc avec les pantalons recouvrant les bottes, et non l'inverse, comme on le voit parfois. N.B.: dans le doute, et si l'on n'a pas facilement accès aux conseils d'un professionnel, il faut toujours faire preuve de prudence et porter plutôt davantage de vêtements de protection que trop peu.
Précautions d'utilisation et de manipulation des pesticides et des réactifs chimiques 93 Figure 3.3: Personnel de suivi d'une application de traitement et d écotoxicologie, portant des combinaisons Tyvek en coton et s'apprêtant à travailler dans une zone récemment traitée Nettoyage et entretien des vêtements de protection Les vêtements de protection portés sur le terrain nécessitent des lavages réguliers pour réduire l'accumulation des résidus susceptibles d'entraîner une contamination par transmission ou, dans des cas extrêmes, une contamination corporelle et éventuellement des maladies. De plus, le contrôle fréquent et l'entretien des vêtements de protection est indispensable à une protection des individus. Il est recommandé d'instaurer une routine et de prévoir que les différents éléments de la tenue de protection qui peuvent se laver sans équipements spéciaux (par ex. les bottes, les gants, les protections pour le visage, etc.) soient nettoyés avant de quitter le site d'échantillonnage et qu'on se débarrasse des eaux de rinçage sur ce site. Un opérateur qui travaille à un échantillonnage ne pourra sous aucun prétexte être admis à bord d'un véhicule sans avoir d abord ôté sa combinaison, ses bottes et ses gants. Une fois enlevées, les combinaisons portées doivent être mises dans un sac en plastique pour empêcher toute contamination du véhicule. En outre, il est conseillé que les articles éventuellement contaminés que l'on s'apprête à jeter soient endommagés ou détruits pour éviter que d'autres personnes soient tentées de les prendre pour les utiliser elles-mêmes ou que des enfants les trouvent et s'amusent avec. Tenues/combinaisons en coton Les tenues en coton doivent être lavées à l'eau chaude contenant un détergent puissant, puis rincées à l'eau claire. Dans les cas où l on soupçonne le niveau de contamination d'être élevé, il faut répéter ce lavage à l'eau chaude et au détergent. La personne chargée de cette lessive devra porter des gants nitriles pendant le lavage. Les eaux usées devront de préférence être jetées dans un trou creusé à 30-40 cm de profondeur et éloigné de cours d'eau ou de puits. À noter: les tenues Tyvek sont destinées à être jetées et doivent être détruites après usage. Dans certains cas, en fonction du degré de contamination et de la nature du pesticide, il sera possible de remettre la tenue encore une ou deux fois. Mais lors de l'échantillonnage sur le terrain, on aura porté la tenue en pénétrant dans une zone récemment traitée et lorsque les résidus du produit seront à leur niveau maximum. Par conséquent, il existe un risque important de contamination croisée des échantillons et malgré les coûts que cela suppose, il est recommandé pour l'échantillonnage sur le terrain de porter une nouvelle tenue à chaque fois, obligatoire en tout cas lors des inspections des différentes zones d'échantillonnage. On éliminera les tenues contaminées en les brûlant dans un feu ardent; on se tiendra à distance des flammes et on veillera à ne pas respirer les émanations produites par le feu (porter si possible un masque à gaz).
94 J. C o x Gants En dehors des cas les plus extrêmes où l'on s'attend à des niveaux élevés de contamination et où il faut porter des gants de travail, les personnes participant à l'échantillonnage dans des zones contaminées par des pesticides porteront généralement des gants jetables (latex ou nitrile).après usage, on les enfermera dans un sac et on les rapportera à la base de travail pour procéder correctement à leur élimination (en les enfouissant ou en les brûlant). Pour minimiser le risque encouru par d'autres personnes, il est recommandé de laver les gants jetables à l'eau et au détergent avant de les ôter et de les découper pour que personne ne puisse les réutiliser. Il faut également nettoyer les gants de travail à l'eau et au détergent avant de quitter le site d'échantillonnage et jeter les eaux usées dans un trou peu profond qu'on recouvrira de terre. Bottes en caoutchouc Les bottes en caoutchouc doivent être ôtées, lavées à l'eau et au détergent et nettoyées à la brosse avant de quitter le site d'échantillonnage (cela empêche que des produits circulent de la zone traitée au véhicule, etc.). On jettera les eaux usées sur le site d'échantillonnage; pour cela, creuser un petit trou, y verser l'eau et recouvrir de terre. On vérifiera que les bottes ne sont pas endommagées après les avoir nettoyées; des déchirures ou des trous peuvent être des voies de contamination pour les pieds et il faut remplacer les bottes qui sont en mauvais état. Masques faciaux Les masques faciaux jetables (contre la poussière et les émanations légères, selon le modèle) doivent être considérés comme à usage unique et ne doivent pas être réutilisés. On éliminera le masque en le brûlant ou en l'enfouissant après l'avoir coupé en deux. Si on porte un écran facial, il faudra le laver à l'eau et au détergent avant de quitter le site et jeter les eaux usées dans un trou peu profond (voir plus haut). Masques à gaz Si l'on doit porter des masques à gaz, il faudra ôter les cartouches et laver le masque à l'eau et au détergent puis le rincer à l'eau claire avant de laisser le site. La durée de vie des cartouches du masque sera spécifiée (par ex. x heures - consulter la documentation du fabricant fournie avec le produit). Si la date limite est atteinte, la cartouche devra être jetée et remplacée si le lendemain le masque à gaz s'impose sur un autre site. Les cartouches ouvertes ont une durée de vie réduite et elles doivent être changées régulièrement même lorsqu elles n ont pas été utilisées. La meilleure façon de procéder est d ouvrir et d insérer une cartouche dans le masque juste avant de s'en servir. Les cartouches usagées doivent être rapportées à la base pour y être convenablement éliminées; dans le cas où l'on ne dispose pas des dispositifs appropriés, on peut les enfouir dans un trou d'au moins 50 cm de profondeur. POUR EN SAVOIR PLUS GIFAP/CropLife International Guidelines and Technical Monographs. Disponibles auprès de CropLife International, Avenue Louise 143 B-1050 Bruxelles. On peut se procurer une liste de guides et de monographies par courrier, par courrier électronique (info@gcpf.org) ou en se rendant sur la page du site CropLife International (www.gcpf.org). Les fabricants fournissent des fiches de données sur la sécurité des produits avec tous les produits chimiques, qu'il faut lire et retenir pour s'y référer par la suite. http://www.quickfds.com