Intervention de Georges LEWI Que peut apporter le «branding», le marketing de la marque à une entreprise? Satisfaction globale Intérêt du concept Intérêt pratique Qualité des échanges Expert participants Qualité des échanges entre participants 4,2 4,4 4,4 4,5 4,5 Vos évaluations et commentaires : Sujet passionnant et nouveau pour moi. Expert très intéressant. Approche à la fois originale et pratique. Exposé passionnant de Jean Luc en début de séance, malheureusement trop court. Une belle journée APM dont j'ai retiré le maximum. Expert brillant et capable d'exposer des concepts complexes simplement. Instructif et constructif Très bon expert, compétent et intéressant. Réel intérêt pratique. Apports structurés et robustes Je n'ai pas été fasciné par le discours, même si l'expert a rendu son exposé vivant. Tout à fait honnêtement, sur le même thème Dominique aurait largement pu assurer la journée. Même si pas trop concerné au départ, j'ai trouvé durant cette journée de bonnes informations. Etre en accord avec ses rêves et ses valeurs. Globalement satisfaite, néanmoins j'ai trouvé l'après-midi un peu "bordélique". C'est très intéressant de travailler sur des cas concrets mais il n'a pas eu le temps de rebondir sur les exemples pour décrypter le marketing Georges Lewi, mythologue, spécialiste reconnu des marques, possède une double formation : le marketing et les lettres classiques. Un peu d histoire du marketing Le marketing est né il y a environ 120 ans aux USA. Il a inventé la segmentation, l art, pour une même entreprise, de vendre des produits différents à des cibles différentes. Le but du marketing est de rendre la vente superflue. Le marketing a été suffisant jusque dans les années 60 où la communication, la publicité est venue ajouter une fonction de notoriété créée rapidement (avec l événement de la publicité TV. En France le premier spot est arrivé en 1968). C est l art du positionnement : on vend du rêve. Dans les années 90, les experts en marketing se sont aperçus que lorsqu une marque était forte, les consommateurs acceptaient de payer plus cher ses produits ou services. On crée de la valeur pour le consommateur et pour l entreprise. Le branding était né grâce au monde financier! Le branding, c est la stratégie de marque. La communication de marque devenait un investissement. Aujourd hui, la marque est considérée comme un actif stratégique. La marque «Orangina» a été vendue deux fois plus chère que l entreprise. APM Nîmes - CR 20/02/2014 1
Les marques aimées ou détestées Quelles marques aimez-vous? Quelles sont celles que vous n aimez pas, dont vous avez une image négative? Louis Vuitton : «l art de vendre du plastique au prix du cuir» Orange : «un service client détestable, des tarifs qui changent tous les jours» Free : «pression exercée sur les personnes fragiles», mais aussi «baisse des prix, premeirs à faire déplacer des techniciens» Hermès : «l art de la beauté, la créativité, l artisan qui fait bien son travail» Rapha : «concentré sur l essentiel, une gamme de tailles très large, un service client extraordinaire» Patagonia : «une histoire extraordinaire, le rapport poids/puissance d un oiseau comme référence». Google : «ma vie ne serait pas la même sans google». Apple : «réussir à rebondir en permanence» On note que la diversité des réponses montre d emblée qu une marque est un concept recouvrant à la fois la publicité, le produit ou l image que nous nous faisons des gens qui utilisent telle ou telle marque, ou encore l univers dans lequel nous évoluons. Tout compte quand on parle de marque. Une marque a trois fonctions - réduction de l incertitude, c est une fonction transactionnelle qui porte sur la qualité des produits, la marque constitue une sorte de contrat transactionnel au sens où elle ne promet pas le meilleur, mais le plus sûr par rapport au prix - élément identitaire, à travers le choix d une voiture, d un type d hôtel, je m identifie et montre que j appartiens à tel groupe. «Je suis reconnu par ma tribu». - logique aspirationnelle : à quoi est-ce que j aspire? à quelles valeurs est-ce que je m identifie? Les produits de luxe que nous achetons sont «un petit bout de cette poussière d étoiles» à laquelle aspire le client. Cette fonction permet d être en accord avec ses valeurs et ses rêves. Une marque est dotée de 3 significations : transactionnelle, relationnelle, et aspirationnelle. Une marque est gagnante quand elle répond à ces 3 fonctions. Il faut avoir ces trois éléments dans le discours de la marque. Chacun doit choisir une des fonctions en numéro 1 dans son discours. Qu est-ce qu une marque? Une marque se caractérise par : 1) De la sensorialité, à travers des «signes physiques» : - voir : grâce à la couleur, le logo, la forme du produit, etc - écouter : le nom et la musique - toucher : la forme et la texture : par exemple la Pléiade, ou les éditions Actes Sud : leur nom est une vraie prise de position pour montrer que leurs ouvrages ont un contenu et un contenant différents des autres - sentir : sens le plus difficile à manier mais c est celui qui reste le plus longtemps en mémoire ; produit et design olfactifs, comme Malabar, par exemple, qui développe un morceau d histoire collective et personnelle. 2) Du sens : une marque est une transgression, une rupture. Elle ne s impose que si elle est transgressive sur son marché. Si elle ne fait que suivre, elle n est qu un produit. APM Nîmes - CR 20/02/2014 2
Prenons le cas de Bic : avant Bic, le briquet était un objet de luxe. Bic a donné de nouvelles normes au marché. Mais Bic se demandait où aller après avoir donné tant de bic de toutes sortes, et s est posé la question suivante : quel est notre métier? Du stylo pas cher, jetable. Leur expert du moment leur a demandé de choisir entre stylo et jetable, ce qui était beaucoup plus compliqué! Ils ont travaillé sur le positionnement de leur marque et il en est sorti ces 3 adjectifs : Pratique, jetable et pas cher. Georges Lewi souligne qu il vaut toujours mieux travailler à partir d adjectifs, plus concrets, plutôt que de noms. Mais il faut reconnaître que ce fut un succès pour l ensemble de leurs produits, à l exception du parfum : acheter du parfum dans un café n est pas grisant! Quant à Swatch, quelques mots sur ce qui a présidé à sa création : le marché de l horlogerie suisse s effondrait face à celui de l Asie du Sud-Est. Swatch, «Swiss watch», s est créé sur le concept de qualité (durée de vie d au moins 5 ans) allié à un look «jeune» et un prix 100 fois moins cher que les montres suisses traditionnelle. Ils ont donné au marché de nouvelles normes. La transgression peut prendre plusieurs formes : - L innovation par la création: Coco Chanel ou Yves Saint-Laurent par exemple - La technologie : Moulinex ou Citroën - Le marketing : prenons le cas de Tati et du Sel de Guérande ; il s agit dans ces 2 cas d un vrai positionnement de marque, avec transgression sur le pricing ; la logique de pricing est possible dans les 2 sens - D ordre socio-culturel : Calvin Klein a remarqué d une part que la société était de plus en plus unisexe et d autre part qu il fallait «déghettoïser» les banlieues ; il a créé des produits unisexes, moins chers, plus simples présentés par des mannequins au look et au discours plus proches de ceux des banlieues, du style : «J ai tout raté dans ma vie, mais je vaux quelque chose». Il a un peu baissé les prix sans sortir ses produits de ses circuits de distribution. Tous les 3, 5, 7 ans, une marque doit revenir à la case départ de la transgression, pour ne pas rentrer dans une logique de produits (le buffet campagnard qu avaient lancé les hôtels Campanile il y a quelques années était à l époque une vraie innovation ; aujourd hui, c est vraiment devenu «banal»). Trout et Ries, deux américains ont créé le concept de «positionning» : si vous n êtes pas le premier dans l esprit de vos clients, c est que vous n avez pas de positionnement, donc pas de marque. C est la grande différence entre le marketing produits et le marketing de marque. Il ne s agit pas d être forcément le plus gros et/ou le moins cher, mais le premier dans n importe quel domaine, sur la couleur orange par exemple. On confond trop souvent notoriété et marque ; ce n est pas parce qu un nom est connu que ça fait marque ; il ne fait marque que si c est le premier dans l esprit du client. Quand on parle de la marque, on raconte une histoire : c est la différence entre le marque et le produit. Une marque est un repère mental (dans la tête des gens) sur un marché. Il faut passer du produit à l idée et être le seul sur le marché. Un site internet marche quand il décrit les engagements de la marque, la manière dont l entreprise fait son travail. Le marketing aujourd hui Une marque pour tous n est une marque pour personne. Est-ce que je m intéresse au produit (au cola) ou à la personne qui a soif? Autrement dit: comment passer du produit au «category management», c est à dire à la réponse à un besoin ou à une attente? Par exemple, pour Coca-Cola qui est une marque de spécialiste, l extension n est pas possible. Mais si Coca- Cola Cie s intéresse à celui qui a soif, alors l entreprise est obligée d être multi-marques. APM Nîmes - CR 20/02/2014 3
Il existe 3 âges essentiels de rencontre avec la marque : - 5-7 ans, entrée à la grande école qui correspond au moment où se construit l identité ; cette cible se renouvelle dans les marques de la petite enfance et fait elle-même la transgression - 15 ans : marques adolescentes (les petites sœurs n aiment pas ce qu aiment les grandes sœurs) - 30 ans : les marques adultes et la projection «pour la vie». Les marques sont dans une logique de renouvellement de 5 à 7 ans (alors qu en B to B, on est plutôt sur une génération). La marque est un repère sur un marché qui s appuie sur des valeurs tangibles et des valeurs intangibles. Le défi est le même pour l entreprise et le consommateur, mais les objectifs sont différents. Pour l émetteur, la marque est la somme des parts de marché et de la valeur ajoutée : vendre plus et plus cher ; sinon, on n est pas sur une logique de marque. La marque est le dernier épisode de la bataille entre producteur et distributeur ; c est une logique pour contrer les distributeurs, logique de bataille. Pour cela la marque doit être attributive, c est à dire avoir un cœur de cible : une marque pour tout le monde est une marque pour personne. Avec cette cible, la marque va partager une histoire. C est la grande différence entre marketing et marque. La fonction narrative d une marque Un produit, c est de la commercialisation Une marque c est de la narration. La marque a une fonction narrative ; elle raconte une histoire avec personnages ; il faut qu elle soit vraisemblable, même si elle n est pas vraie (la vérité n est pas le sujet). En Europe, les marques sont pour la plupart anciennes ; ce sont des marques de production, avec des histoires qui se sont transmises ; ceci est un phénomène que découvrent les Etats-Unis. Il y a deux écoles : - l Américaine qui parle de brand equity, valeur au sens financier du terme d abord - L école européenne, qui se préoccupe de l identité de marque («brand identity»): quelle histoire raconte-t-on? Le but est de faire rapprocher ces 2 écoles : en quoi cette histoire permet-elle de créer de la valeur? Quand on raconte une histoire, c est toujours selon le même schéma : Le schéma est le suivant : - problème à résoudre - un début de rationalisation se met en place - arrive une dégradation, due à l agresseur - à laquelle le héros apporte une amélioration. Emetteur narrateur destinataire Sujet : héros Ariel Adjuvant (enzyme) aide du héros objet action positionnement opposant (saleté) Ce schéma, tel le récit de Blanche-Neige ou de Zorro, est celui de notre enfance. Il est «ancré» en nous. La mythologie considère la continuité de la pensée, ses invariants, plutôt que ses ruptures. APM Nîmes - CR 20/02/2014 4
Il y a un héros, son entreprise et son mythe héroïque. Il y a une action héroïque à faire. Il y a un salaud ou un fléau. Il y a un adjuvant, une baguette magique qui est une aide concrète au héros (Bernardo et Tornado). Cela signifie que dès que vous racontez votre histoire, le public le décode inconsciemment de cette façon.. Dès qu une marque oublie son adjuvant, qu elle oublie de montrer en quoi elle réussit, elle «se casse la figure» L adjuvant répond à une logique de label, qui rassure et apporte une caution en termes de qualité, savoir-faire ou tradition. Il faut bâtir un schéma narratif différenciant et crédible. Ariel a inventé les enzymes gloutons (on les voit) qui mangent la saleté (le salaud). Steve Jobs est la baguette magique de Apple. Darty a inventé le «contrat de confiance» comme adjuvant ; cette expression, contrat de confiance, est un oxymore ( tout comme un merveilleux malheur de Cyrulnik, la fracture sociale de Chirac ou la force tranquille de Mitterrand ); elle est paradoxale au sens où un contrat exclut la confiance et réciproquement. Il s agit donc de regarder l histoire et travailler sur l oxymore, voie de la métaphore ou de l analogie. Dans cette logique de marque, il faut beaucoup de rigueur et de pragmatisme. Exemple d opposants : vaincre la solitude, la vieillesse, l ignorance, la laideur «L être humain est «composé» de 23 paires de chromosomes et de 23 paires de mythèmes.» Sur un site internet, l internaute cherche l essentiel. L esthétique est souvent jugée envahissante. Il faut absolument avoir une rubrique «qui sommes-nous?». Que peut apporter le branding à une entreprise? La connaissance grâce au travail régulier sur la notoriété qualifiée (notoriété attribuée à la bonne catégorie de produits) et ciblée.(en B to B) La reconnaissance : faire attribuer des «vertus» à une marque quelque soir le domaine. La valeur pour l entreprise : les produits et services d une marque se valorise entre 5 et 35% par rapport aux produits «sans marque» ou perçus comme plus «standards» La fierté interne : Il est plus valorisant de travailler pour une marque que pour une entreprise inconnue. La valeur de la marque, véritable capital cessible : une marque se valorise comme un autre actif et sa valeur doit régulièrement être «vérifiée». Travaux pratiques (extraits des conclusions) OREKA Sud Clubvert Bambouseraie Le héros DEM Plus Clubvert Le parc L opposant La complexité, les Le bronzer idiot La nature ennuyeuse incertitudes L adjuvant Jean Luc Le Mas lui-même Le panda La promesse L assurance du meilleur scénario de démantèlement Un tourisme authentique dans un environnement d exception, chargé d histoire Pour toute la famille, le jardin extraordinaire, où l on s amuse et on apprend Bibliographie de Georges LEWI : APM Nîmes - CR 20/02/2014 5
Ouvrage de fond (dont est issue la présentation APM) «BRANDING MANAGEMENT : LA MARQUE de l IDEE à L ACTION» (PEARSON 2012. 3 ème édition.). Ouvrage très complet sur la gestion des marques. Autres ouvrages disponibles: MEMENTO PRATIQUE DU BRANDING. (Pearson) MYTHOLOGIE des MARQUES : les marques font leur Storytelling. (Pearson 2009) (comment raconter l histoire d une marque) «Les défis du capitalisme coopératif : ce que les paysans nous apprennent de l économie» (Pearson 2009). L Europe, une mauvaise marque? (Vuibert 2007) «Les Nouveaux Bovary ; génération facebook, l illusion de vivre autrement». (Pearson 2012) Georges LEWI : lewi.georges@gmail.com 06 08 04 08 46 Blog : www.mythologicorp.com APM Nîmes - CR 20/02/2014 6