ECONOMIE D ÉNERGIE DES MOTEURS ÉLECTRIQUES OPTIMISER TEMPS DE FONCTIONNEMENT ET NOMBRE DE DÉMARRAGES Dans l industrie, les moteurs électriques sont partout : de l actionnement des pompes, compresseurs et ventilateurs à l entraînement des machines-outils, bandes transporteuses, enrouleurs et montecharge. Les objectifs poursuivis par cet article sont d une part d aborder l aspect énergétique des moteurs électriques, et d autre part de mettre en évidence les moyens qui permettent de réaliser des économies d énergie dans l industrie. CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE D UN MOTEUR ÉLECTRIQUE Afin de conscientiser les industries à propos de l énergie réellement consommée par un moteur électrique, un petit calcul peut être rapidement effectué. La plaque signalétique, habituellement située sur le couvercle du moteur électrique, indique généralement la puissance nominale du moteur ; correspondant à la puissance mécanique délivrée. En principe, la puissance réellement consommée par le moteur électrique (puissance absorbée) diffère de la puissance nominale. En effet, un rendement doit s appliquer pour établir la conversion. Où (1) P abs = P N / η - P abs = puissance absorbée (consommée) [kw] - P N = puissance nominale (utile) [kw] - η = rendement [-] La fiche signalétique d un moteur électrique n indique généralement pas ce rendement. La puissance absorbée peut toutefois être calculé en tenant compte du cos φ (facteur de puissance). Le cos φ permet le calcul de la puissance réactive consommée (part de courant généré par les équipements inductifs ou capacitifs du moteur). Plus le cos φ est petit (déphasage angulaire important entre la tension et l intensité du courant) pour une puissance nominale donnée, plus grand sera la puissance absorbée par le moteur électrique. En supposant une alimentation triphasée, la formule est la suivante : (2) P abs = I A U N 3 cos φ Pi_F15_MoteursElec_Demarrage_20160119_MV&JBV.docx Page 1 sur 7
Où - I A = courant nominal (absorbé) [A] - U N = tension nominale entre les phases [V] Dans la pratique, n oublions pas que tant le rendement que le cos φ d un moteur se dégrade à charge partielle. Par exemple, le cos φ d un moteur asynchrone à 100% de charge peut être de 0,85 tandis qu il est de 0,73 à 50% de charge. Enfin, la consommation énergétique E d un moteur électrique sur une période T de fonctionnement se calcule par la formule suivante : E [kwh] = P abs [kw] T [h] Exemple : Une plaque signalétique d un moteur électrique asynchrone nous indique : PN = 5,5 kw ; IA = 9,90 ; UN = 400 V (triphasée) et cos ϕ = 0,91 Selon l équation (2), la puissance absorbée est de 6,2 kw Le rendement, dans l équation (1), est par conséquent égal à 88%. Le fonctionnement du moteur électrique pendant 1 heure induit dès lors une consommation énergétique égale à 6,2 kwh, soit environ 0,68 par heure. Figure 1 : Exemple de plaque signalétique COMMENT FAIRE DES ÉCONOMIES SUR SA FACTURE D ÉLECTRICITÉ? Il y a trois possibilités concrètes qui permettent de réaliser des économies sur la consommation d électricité d un moteur : - En minimisant ses pertes: utilisation d un moteur à haut rendement. - En optimisant la régulation du moteur: d autant plus important qu il est régulièrement amené à fonctionner en charge partielle. - En économisant l énergie associée à son fonctionnement: notamment par optimisation des périodes de fonctionnement. Le troisième point énoncé ci-dessus est détaillé dans le cadre du présent article. Optimiser les périodes de fonctionnement Dans l industrie, nombreux sont les équipements de procédé qui peuvent s arrêter plusieurs fois par jour, voire par heure. Les moteurs électriques associés peuvent donc également être arrêtés, pour autant que les contraintes techniques de ces derniers le permettent. Les arrêts, et donc les démarrages, fréquents d un moteur électrique peuvent effectivement l endommager. Le processus de démarrage provoque une contrainte thermique (par effet Joule) au niveau du moteur électrique ; Pi_F15_MoteursElec_Demarrage_20160119_MV&JBV.docx Page 2 sur 7
le courant de démarrage pouvant s élever jusqu à 10 fois le courant nominal. L échauffement provoqué par le démarrage va mettre un certain temps à se résorber (dépendant entre autre de l intensité du courant de démarrage). L arrêt périodique d un moteur électrique peut donc être envisagé pour autant que la contrainte thermique associée soit tolérable ; contrainte physiquement représenté par la température maximale admissible sur les enroulements du moteur. Une température excessive à ce niveau porte en effet à conséquence sur la durée de vie du moteur. En d autres termes, il est nécessaire de planifier les arrêts d un moteur électrique de sorte qu ils soient suffisamment espacés l un de l autre Classes d isolation La norme CEI 85 définit les classes d isolation et réglemente les échauffements et températures maximales que les moteurs électriques doivent pouvoir supporter. Voici les valeurs extraites sur les classes les plus couramment rencontrées : ΔT T max Classe B 80 C 130 C Classe F 105 C 155 C Classe H 125 C 180 C Pour une classe d isolation donnée, la température maximale, T max, est la somme de l échauffement admissible (ΔT), et de la température ambiante maximum, qui est généralement indiquée sur la plaque signalétique du moteur (40 C), à laquelle est ajoutée une marge thermique. Source : https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_179768/fr/classe-d-isolation-et-echauffement-des-machines On constate donc qu un moteur de classe H sera moins sensible à des démarrages plus fréquents qu un même moteur au même mode de démarrage mais dont la classe d isolation est la B (ou la F). Pi_F15_MoteursElec_Demarrage_20160119_MV&JBV.docx Page 3 sur 7
Exemple : La plaque signalétique de la Figure 1 nous indique que le moteur électrique est dans la classe d isolation F, c està-dire que le bobinage du moteur doit rester sous les 155 C (105+40+10) pour avoir une durée de vie optimale d à peu près 20.000 heures. Nombre de démarrages En principe, les documents techniques du moteur électrique indiquent le nombre maximum de démarrages séquentiels admissible. La nouvelle séquence de démarrage peut avoir lieu lorsque le moteur a refroidi jusqu à la température admissible de fonctionnement, voire jusqu à la température ambiante (démarrage à froid). Bien souvent, un ventilateur externe est joint au moteur afin d accélérer le processus de refroidissement En pratique, le nombre de démarrages consécutifs autorisés pour un moteur électrique dépend du type et de la conception du moteur (mode de démarrage) mais également des caractéristiques de la charge (courbe de couple en fonction de la vitesse de rotation). Des démarrages répétés avec une charge trop importante peuvent effectivement provoquer une augmentation de la température de manière anormale. En règle générale, le nombre maximum de démarrages pour un moteur électrique classique est de 1000 par an, ce qui représente environ 1 arrêt toutes les 9 heures pour 1 moteur fonctionnant en continu. Un système de comptage peut être installé afin de contrôler le nombre de démarrages. Par ailleurs, pour évaluer soi-même la faisabilité d un arrêt/démarrage, il sera nécessaire de vérifier préalablement par sonde thermique la température des enroulements du moteur afin de voir si cette température est suffisamment basse pour que le moteur supporte la contrainte thermique du démarrage. Modes de démarrage Comme dit précédemment, les sollicitations thermiques d un moteur dépendent avant tout de son mode de démarrage. Le démarrage direct est, par exemple, ce qu on considère de plus simple mais dont les pointes de courant au démarrage sont de l ordre de 5 à 10 fois le courant nominal. Un démarrage étoile-triangle permet quant à lui de limiter le courant de démarrage aux environs de 2 à 3 fois le courant nominal. Le choix du démarreur est essentiel pour permettre une augmentation du nombre de démarrages consécutifs autorisé. Ci-dessous sont brièvement décrits les modes les plus couramment rencontrés : - Démarrage direct : Le moteur est directement alimenté sous sa tension nominale. Il s en suit un appel de courant et un couple relativement élevé. - Démarrage par couplage étoile triangle : Sous cette configuration, le moteur démarre sous une tension réduite, avec pour conséquence une intensité du courant et un couple de démarrage réduits dans un rapport de 3 par rapport aux caractéristiques de démarrage direct du moteur. - Démarrage de moteurs à enroulements partagés : Ce type de démarrage est propre aux moteurs à enroulements partagés ; constitué d un enroulement statorique dédoublé en deux Pi_F15_MoteursElec_Demarrage_20160119_MV&JBV.docx Page 4 sur 7
enroulements parallèles avec six ou douze bornes sorties. Ce type de moteur équivaut à deux «demi-moteurs» d égale puissance. Au démarrage, un seul «demi-moteur» est couplé en direct sur la tension du réseau, ce qui réduit l intensité du courant de démarrage et le couple d un facteur deux. - Démarrage par résistances statoriques : Le moteur est alimenté sous tension réduite au démarrage par l insertion de résistances en série avec les enroulements statoriques. Lorsque la vitesse s est stabilisée, les résistances sont éliminées et le moteur est couplé directement sur le réseau. - Démarrage par autotransformateur : Le moteur est alimenté sous une tension réduite par l intermédiaire d un autotransformateur ; lequel est mis hors circuit en fin de démarrage. - Démarrage des moteurs à bagues (démarreurs rotoriques) : Un moteur à bagues est constitué d enroulements rotoriques court-circuités, et ne peut donc pas démarrer en direct (sinon il provoquerait des pointes de courant inadmissibles). Le stator est alimenté sous la pleine tension du réseau, et des tronçons de résistances sur le rotor sont court-circuités successivement. - Démarrage progressif électronique (soft starter): Ce type de démarrage est basé sur le principe du gradateur de puissance (contrôle de la puissance par l électronique). Le démarrage peut dès lors être effectué par accroissement progressif de la tension aux bornes du moteur. L accélération du moteur est dès lors progressif et sans à-coup, de sorte que celui-ci ne consomme que le courant minimum pour atteindre le régime à pleine vitesse. - Démarrage par convertisseur de fréquence : Ce type de démarrage est un cas particulier de soft starter (variateur électronique). Il fournit, à partir d un réseau alternatif à fréquence fixe, une alimentation alternative triphasée de fréquence variable. Comme on peut s en apercevoir, certains modes de démarrages sont spécifiques à la technologie du moteur (ex. démarrage des moteurs à bagues et démarrage de moteurs à enroulements partagés) et ne peuvent par conséquent pas être modifiés. Par contre, le mode de démarrage d un moteur «standard» peut en principe être remplacé dans l optique d atténuer l intensité du courant de démarrage sur un moteur électrique et dès lors diminuer les contraintes thermiques. Pour ce type de moteur, c est la technologie du démarrage par convertisseur de puissance qui est de loin la plus répandue. Pi_F15_MoteursElec_Demarrage_20160119_MV&JBV.docx Page 5 sur 7
Figure 2 : Tableau récapitulatif des différents modes de démarrage des moteurs triphasés (Source : Schneider Electric) Exemple de calcul de gain en énergie : Soit une ligne de procédé industriel composé de 8 moteurs électriques identiques dont la plaque signalétique est représentée à la Figure 1. En considérant que la ligne fonctionne 220 jours par an de 7h30 à 16h30 avec une pause de 9h00 à 9h20, une pause de midi de 12h00 à 12h30, et enfin une dernière pause de 14h30 à 14h40 (1 heure de pause au total). Les moteurs électriques associés à la ligne de production sont uniquement arrêtés en fin de journée après 16h30. Quelle est l économie réalisable par jour sur la facture d électricité en arrêtant les moteurs électriques aux moments opportuns (durant les pauses)? Considérant un prix de l électricité égale à 0,112 /kwh (incluant les taxes) et que le moteur à vide consomme 1,8 kw. Alors, le gain annuel sur la facture d électricité pour l arrêt des 8 moteurs électriques aux moments des pauses est calculé comme suit : 8 1,8 [kwh/jour] 0,112 [ /kwh] 220 [jours/an] = 355 /an Ce calcul considère que les contraintes thermiques associées aux démarrages des moteurs électriques après les pauses n impactent pas leur durée de vie. Autrement dit que l on a vérifié que la fréquence des arrêts du moteur correspondait à ce qui était recommandé dans la fiche technique ou que l on a vérifié par sonde thermique que la température avant l arrêt était admissible. Maxime Venturelli, Janvier 2016 Pi_F15_MoteursElec_Demarrage_20160119_MV&JBV.docx Page 6 sur 7
Référence : - Cahier technique : Les moteurs, http://energie.wallonie.be/fr/moteurs.html?idc=8042 - Schneider Electric : Guide des Solutions d Automatisme, http://www2.schneider- electric.com/documents/automation-control/pdf/guide_des_solutions_automatisme_2008- FR_web.pdf - L efficacité des moteurs, http://www.pirotech.be/publications-electricite/ - Puissance, efficacité et rendement des moteurs électriques, http://www.pirotech.be/publications-electricite/ Pi_F15_MoteursElec_Demarrage_20160119_MV&JBV.docx Page 7 sur 7