Du Centre de Documentation à la cellule de Veille: Histoire d une mutation



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Transcription:

Du Centre de Documentation à la cellule de Veille: Histoire d une mutation 1 Laurence Jacqmin Université Libre de Bruxelles 50 av. F Roosevelt 1050 Bruxelles BNP Paribas Fortis Montagne du Parc 3, 1SD1B 1000 Bruxelles 32 2 565 22 08 laurence.jacqmin@bnpparibasfortis.com Résumé Si la veille fête ses vingt ans dans les sphères académiques, force est de constater que dans le monde de l entreprise, elle en est encore à ses premiers pas. Le manager qui voudrait s y lancer ne manquera pas de conseils et de guides pratiques mais il trouvera plus difficilement des exemples concrets pour l aider à concrétiser son plan, à gagner sa Direction à l intérêt de sa cause, et à éviter les écueils de sa mise en pratique. Voilà toute l ambition de cet article : témoigner d un cas réussi de mutation. Ce retour d expérience commence par en décrire les étapes principales qui s étalent sur une vingtaine d années: 1986 :Automatisation de la diffusion sélective de l information, 1990 : nouveau nom, 1995 : mise en place d un moteur de recherche, 2000 : mise à disposition d un intranet documentaire ; 2007 : veille image. Ensuite, il tente d en identifier les leviers de succès : positionnement stratégique, gestion des compétences et accès différencié à l information. Mots clés : Gestion des connaissances, métier du veilleur, Réseaux sociaux Summary Economic intelligence is about to celebrate its 20th birthday, but we must admit that in the world of the enterprise, it is still learning to walk. The manager who wants to launch an economic intelligence cell will find a lot of advice and guidelines, but it will be more difficult to him to get concrete examples in order to help him to implement his plan, to obtain a go from his Direction and to avoid the traps of his realisation. Here is the only ambition of this article: witnessing a successful case of mutation. The article starts with a description of her main steps over about 20 years: 1986: automation of SDI, 1990 new name, 1995: implementation of a search engine; 2000: set up of an intranet; 2007: e-reputation. Then, the article tries to identify the levers of success: strategic positioning, skills management and differentiated access to information. Keywords: Knowledge management, skills, social networks

2 Du Centre de documentation à la cellule de Veille: Histoire d une mutation Laurence Jacqmin i Université Libre de Bruxelles 50 av. F Roosevelt 1050 Bruxelles BNP Paribas Fortis Montagne du Parc 3, 1SD1B 1000 Bruxelles 32 2 565 22 08 laurence.jacqmin@bnpparibasfortis.com 1. Introduction Si la veille fête ses vingt ans dans les sphères académiques, force est de constater que dans le monde de l entreprise, elle en est encore à ses premiers pas, comme le confirme le baromètre 2008 publié par Digimind et l IAE d Orléans 1. Le manager qui voudrait se lancer ne manquera pas de conseils et de guides pratiques mais il trouvera difficilement des exemples concrets pour l aider à concrétiser son plan, à gagner sa Direction à l intérêt de sa cause, et à éviter les écueils de sa mise en pratique. Voilà toute l ambition de cet article : témoigner d un cas réussi de mutation, en décrire les étapes principales, en identifier les leviers de succès. Chez BNP Paribas Fortis 2, le centre de documentation a été centralisé dans les années 1960. Depuis, tel le serpent, il mue au gré des opportunités technologiques, des évolutions dans l info-monde et de l anticipation des attentes de ses clients. 1 Pratiques de veille des grandes enterprises françaises. Baromètre 2008, mai 2009. Document téléchargeable sur www.digimind.com 2 BNP Paribas Fortis, première banque belge, acquise en 2009 par BNP Paribas. Htpp://www.bnparibasfortis.com

2. Les étapes de la mutation 3 2.1. Automatisation de la DSI (diffusion sélective de l information) Nous ferons commencer notre histoire lorsque le Centre de documentation acquiert le système Filenet, dans le courant des années 1980. A cette époque la diffusion de l information est plutôt «DUI» que DSI c est-à-dire universelle, sans distinction, ce qui génère gaspillage : des montagnes de papier, et inefficacité : temps perdu par les destinataires à trier l information reçue pour en extraire les éléments utiles. Le système Filenet, a permis de rendre la diffusion sélective. Les clients peuvent définir leurs centres d intérêt. Ceux-ci sont traduits selon le thésaurus et seuls les documents pertinents leur sont envoyés. 8 à 10 documentalistes réalisent le résumé et l indexation des documents 24 heures plus tard (pour les articles de presse quotidienne), le client reçoit l information, sous forme de copie papier. 7000 pages sont ainsi imprimées tous les jours. Ce tableau pourra sembler quelque peu suranné au lecteur actuel, il n en est pas moins perçu à l époque comme un service «à la pointe». 2.2 Changement de nom Dans la décennie qui suit, le positionnement du centre de documentation évolue. Il devient la centrale d achat en matière d information, ce qui permet de réaliser des gains d échelle importants pour l entreprise mais aussi d augmenter la visibilité du service qui devient un incontournable pour accéder à l information externe. 20 daily 1500 periodicals Internet Books & studies Files 3000 DB 70CD BIS Profiles & dossiers Access via internal network (CD-BD-Internet) Subscriptions Circuits Orders Library 3000 books DB-BIS Excalibur 0403-00-# Figure 1. Business Information Services

4 Il change aussi de nom (voir figure 1) : «Business Information Services» (BIS). Pas si anecdotique que cela : la focalisation passe du document à l information et de l archivage au support du «core business». Le service se met à produire de l information digérée, synthétisée à l usage de différents profils de clients : commerciaux dans le réseau d agence en contact direct avec la clientèle, chargés de compte pour les moyennes et grandes entreprises, panorama sectoriels. 2.3 Moteur de recherche En 1995, le service acquiert le système Excalibur (qui deviendra plus tard Retrievalware 3 ), moteur d indexation automatique et de recherche floue. L objectif principal de cette évolution technologique est de libérer les documentalistes de la tache d indexation pour concentrer le capital intellectuel du service sur les activités de production d information. Dans le même temps, la base de données documentaire est rendue accessible sur le poste de travail. Le temps des consoles propriétaire est révolu. Ceci permet d augmenter la productivité du service mais aussi d ouvrir l accès en dehors des murs du service. 300 gros utilisateurs sont formés et peuvent lire leur profil à l écran ou faire leurs recherches dans la base de données (voir figure 2). Figure 2. interface de recherche 3 Aujourd hui le service s appuie sur la plateforme Verity.

5 2.4 Intranet documentaire Alerté par le développement du web et les attentes de plus en plus pressantes des utilisateurs d un accès direct et rapide à l information, BIS entame une nouvelle mutation à l aube des années 2000 en portant sa base de données sur l intranet de l entreprise en combinaison avec des agents de recherche qui distribuent l information (lien vers les documents) dans les boîtes aux lettres des clients. Figure 3. Personnalisation du profil En 6 mois, BISNet a séduit 8000 utilisateurs qui peuvent définir et modifier leur profil sur un écran très simple (voir figure 3) et rechercher en plein texte dans la base de données historique de 300.000 documents. Avec plus d un million de consultation par mois, BISNet vole la vedette au menu du restaurant d entreprise, pourtant classique numéro un au hit parade des pages consultées!

6 Profiles Clients 1800 1600 9000 8000 1400 7000 1200 6000 1000 5000 800 4000 600 3000 400 2000 200 0 01/ 00 02/00 03/00 04/00 05/00 06/00 07/ 00 08/00 1000 0 01/00 02/00 03/00 04/00 05/00 06/00 07/00 08/00 0403-00-# Figure 4. Statistiques de consultation BISNet 2.5 Veille documentaire et veille image En parallèle à BISNet, outil généraliste, s est peu à peu imposé le besoin d un suivi plus pointu pour des groupes d experts : clients de la salle des marchés, sites web des concurrents, et plus récemment, dans le contexte de crise du secteur financier, réseaux sociaux et sources informelles. Les approches manuelles, «artisanales» ayant assez rapidement montré leurs limites, BIS est en train de mettre en place une plateforme de veille pour couvrir ces besoins. BIS compte aujourd hui 17 collaborateurs, qui ont la caractéristique commune d être très matinaux. En effet, le travail de consolidation, filtrage et contrôle de qualité commence dès 5 heures du matin. L information peut ainsi être diffusée dès 9 heures du matin. Ces clients principaux sont : la Direction Générale et les Directions départementales, la salle des marchés, la Communication. Les problématiques de veille couvertes par le dispositif sont naturellement déterminées par ces clients, c est-à-dire non pas tant l innovation (préoccupation typique du département marketing), que la réputation, les parts de marché, la connaissance des clients clés, fournisseurs stratégiques et concurrents. Du côté des sources, la presse reste le premier fournisseur d information. Les aggrégateurs offrent maintenant des outils performants non seulement pour affiner la sélection mais pour personnaliser le lay out, et le rubriquage. L intranet et les boîtes aux lettres électroniques sont les canaux naturels de diffusion de l information, qui ressemble de plus en plus à un flux continu.

3. Les leviers du changement 7 3.1 Positionnement Une des conditions indispensable dans ce trajet de mutation fut de faire évoluer le positionnement du centre de documentation. D intermédiaire obligé, de «gardien du temple du savoir» il est devenu cartographe. Il se définit aujourd hui comme un facilitateur. Il dresse la carte, trace les chemins mais c est l utilisateur final qui se promène et récolte lui-même les informations. Le documentaliste se mue en expert en gestion des flux d information : développer une vue globale des contenus, de la circulation des connaissances ; construire une ontologie propre à l entreprise, conseiller en matière de formalisation, de centralisation, de structuration d information. Même si son port d attache reste la veille et la mise à disposition d information externe, sa compétence peut déborder du cadre strict de la mission documentaire. 3.2 Compétences Il va sans dire qu un tel positionnement s accompagne d une évolution des profils de compétence. Tout le monde n est pas appelé à devenir veilleur. Le veilleur est bien entendu un spécialiste des sources : il sait interroger les serveurs de bases de données dans des langages documentaires sophistiqués mais aussi maîtriser les astuces et les pièges des moteurs de recherche sur la toile. A la maîtrise de la complexité des sources, le veilleur adjoint des capacités d analyse, de mise en rapport d information, de conjonction de signaux faibles, impliquant une connaissance du domaine sur lequel porte la veille. Enfin, il déploie des talents de synthèse et de communication adaptée aux publics cibles. Un subtil équilibre de curiosité et de discrétion, de rigueur et de sérendipité («serendipity», un mot inventé en 1754 par le philosophe anglais Sir Horatio WALPOLE pour désigner l art de favoriser le hasard pour trouver les bonnes informations), de réactivité et de recul. Chez BIS, cela s est concrètement traduit par une diversification des profils : de l alimentation de la base de données (découpage électronique, téléchargement de documents, classement, ) à la veille proprement dite, en passant par la sélection et l étiquetage des sources. On peut regretter l absence de cadre formateur pour accompagner cette évolution. Les documentalistes livrés à eux-mêmes, ont appris «sur le tas». La sélection vers l un ou l autre profil s est opérée sur le terrain, tout en travaillant, par essai et erreurs, sans reconnaissance formelle de la progression. Les descriptions de fonction n explicitent pas les divers niveaux de compétence. 3.3 Accès différencié à l information Le principe de base qui a guidé la mise en place de BISNet est la personnalisation diversifiée: l information pertinente à la bonne personne au moment opportun. Lorsque l on ouvre l accès à une collection d information, l utilisateur risque vite de perdre son chemin et face à une marée d information, rebrousser chemin. C est ici que le rôle de «cartographe» est crucial : baliser l accès à l information en se plaçant du point de vue de l utilisateur, ou devrait-on dire des utilisateurs, car chaque utilisateur a un bagage et une attente spécifique. Tout l art consiste donc à moduler en fonction des groupes ou individus cibles. C est ce que BISNet offre de 3 façons différentes :

8 3.3.1 Profils : du S au XL Les agents sont définis au niveau individuel : chaque employé peut définir son profil et l adapter aussi souvent qu il le souhaite en fonction de ses besoins. Il adapte le flux d information à ses dossiers en cours. BISNet offre aussi la possibilité de créer des profils collectifs, pour un groupe cible partageant des fonctions similaires, des spécialités communes (par exemple : les spécialistes en fiscalité, les répondants ressources humaines dans les départements; ). L idée sous-jacente est que les personnes qui travaillent dans le même domaine ont besoin d un même noyau d information. Ce noyau est déterminé de manière collaborative avec le groupe cible et un «infopackage» est créé pour ce groupe. Le point fort du système est sa souplesse qui offre une grande réactivité : d un jour à l autre un nouvel infopackage peut être mis à disposition en fonction de l actualité, d un «hype» ou d une crise à relayer. Figure 5. Infopackages

3.3.2 Taxonomie «haute couture» Lors du passage de Filenet vers Excalibur, c est-à-dire d un environnement documentaire basé sur les métadonnées vers le plein texte, la question s est posée de l utilité de maintenir le thésaurus de 10.000 termes. L approche choisie fut d abord pragmatique : Le thésaurus a été simplifié (uniquement relations verticales) et réduit à ses trois niveaux supérieurs dans l arborescence. Il est utilisé pour capter les concepts et thèmes génériques pour lesquels le plein texte est source de bruit. Une indexation manuelle rapide (1 minute par document) complète la sélection à partir du contenu du document. C est aussi ce mini thésaurus qui guide les utilisateurs dans la définition de leurs profils. La taxonomie qui en résulte (on ne peut plus vraiment parler de thésaurus) est évolutive, sans contrainte d exhaustivité, ni de cohérence dans la profondeur des branches. L émergence d un nouveau besoin chez les utilisateurs, d un nouveau concept suffit à l étendre. 9 Figure 6. Exemple de minithésaurus pour le thème «banque» 3.3.3 Interfaces sur mesure L architecture de BISNet se base sur une distinction entre «knowledge worker» et utilisateur occasionnel. Leur besoin ne se différencie pas tant en terme de contenu que de mode d accès à l information. Le premier, grand consommateur, cherche un environnement précis, sophistiqué et est prêt à investir du temps pour se former. Pour le second, rapidité et simplicité sont les maîtres mots. Pour satisfaire ces 2 besoins, nous avons conçu 2 modes d accès à l information.

3.4 L émergence des réseaux sociaux 10 Sur fond de crise financière s est cristallisée la perte de confiance dans les canaux d information autorisés, de plus en plus perçus comme manipulés, voire corrompus. Qui écouter? Beaucoup pensent : «De préférence ceux qui partagent mes intérêts». Il n en fallait pas plus aux réseaux sociaux jusqu alors concentrés sur les loisirs pour émerger dans la sphère économique. Les entreprises ont à leur tour perçu que leur image pouvait se construire ou se détruire sur des canaux informels nouveaux. Elles ont vite compris le partir à tirer de ces sources. Chez BNP Paribas Fortis, le web était sous surveillance depuis quelques années, mais de façon artisanale et ciblée : image de l entreprise sur les sites de presse, analyse des sites des concurrents, Dans le contexte de l intégration dans le groupe BNP Paribas, conscient du rôle joué par les médias dans la perception du public vis-à-vis des acteurs financiers, BIS a décidé de se doter d outils pour monitorer l évolution de son image et de celle de ses concurrents. La plateforme Lexis-Nexis Analytics a été paramétrée pour analyser l image de la marque et de ses produits dans les sources de presse en ligne, et les principaux réseaux sociaux. Ces données sont visualisées dans un dashboard dont les figures 7 et 8 illustrent quelques écrans. Figure 7. Extraits du Dashboard E-reputation : Ton par produit

11 Figure 8. Extraits du Dashboard E-reputation : benchmark concurrents 4. Conclusion La tradition d innovation des technologies et d anticipation des attentes, présente chez BIS dès les débuts et entretenue par sa Direction, a tout naturellement mené à la veille comme seule approche adéquate, structurelle face à l explosion quantitative des sources d information et leur hétérogénéité croissante. Sa mise en place implique une stratégie convergente en matière de positionnement, de gestion des compétences et d évolution des outils. i Biographie Après un master en Philologie romane, Laurence Jacqmin s est spécialisée en Science de l Information à l Université Libre de Bruxelles. Dans ce département, elle a mené des recherches en traitement automatique du langage naturel et en traduction automatique. Après avoir dirigé le «Business Information Services», qui fait le sujet de cet article, elle a pris la responsabilité de la gestion des systèmes et des risques opérationnels pour le département Facility de BNP Paribas Fortis auquel BIS appartient. Soucieuse d alimenter sa discipline académique par une fertilisation croisée avec la pratique en entreprise, elle dispense un cours de Veille dans le cadre du Master en Science et Technologie de l Information et de la Communication à l Université Libre de Bruxelles.