Journées des droits de l homme Mantoue, Italie. les droits de l homme sont des droits! 28 mai 2004, 18h



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Transcription:

1 Font foi les propos effectivement tenus Original : allemand Journées des droits de l homme Mantoue, Italie Mainstreaming des droits de l homme : les droits de l homme sont des droits! Wolfgang Amadeus Bruelhart Chef de la section Politique des droits de l homme, département fédéral des Affaires étrangères, Berne 28 mai 2004, 18h

2 Mainstreaming des droits de l homme Les droits de l homme sont des droits! Mesdames, Messieurs, Tous ceux ou presque qui défendent les droits de l homme dans l exercice de leurs fonctions ou en leur simple qualité de citoyens se heurtent à des résistances. Ils passent pour des gêneurs parce qu ils posent des questions de fond, s interrogent sur des façons de faire établies. Ou alors on les voit comme des idéalistes bien intentionnés (particulièrement dans les pays démocratiques). En maints endroits, ils sont même poursuivis, torturés, tués. Beaucoup des gens, même chez nous, ont l impression qu en défendant les droits de l homme, c est une cause éthique que l on soutient. Au sein de l État, des ONG, voire du corps social, il faut donc que les défenseurs des droits de l homme le proclament haut et clair : les droits de l homme ne sont pas une éthique, ce sont des droits! Des droits reconnus en droit international! Des droits dont n importe qui peut se prévaloir, en recourant le cas échéant aux mécanismes de recours en place. Tout un chacun les possède, il suffit d appartenir à l espèce humaine. «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.» : ainsi commence la Déclaration universelle des droits de l homme, adoptée par l Assemblée générale des Nations unies en 1948, et sur laquelle se fondent aujourd hui encore de nombreux traités internationaux sur les droits de l homme. M. Kofi Annan, le Secrétaire général des Nations unies, a déclaré en 1997, à l occasion de la Journée des droits de l homme : «Les droits de l homme tirent leur force de leur universalité, grâce à laquelle il n est pas de frontière, d obstacle ou d ennemi qui puisse leur barrer la route.» Tout récemment, le philosophe Robert Spaemann soulignait dans un article de fond de la revue Cicero qu il n est pas innocent de parler de droits fondamentaux plutôt que de valeurs fondamentales. Quand un pouvoir étatique se réclame de valeurs supérieures pour interdire ou imposer quelque chose sans qu il existe de règle correspondante dans la loi, tous les voyants d alerte devraient passer au rouge. x x x

3 Les droits de l homme sont universels : ils s appliquent à tous, partout, dans le monde entier, dans tous les domaines de la vie. Ils ont donc une dimension transversale. Dans l approche fondée sur le respect des droits, il n y a pas de nuances : une situation ne peut être que licite ou illicite. C est ainsi que procède la pensée normative, elle ne connaît pas d exception, simplement des dérogations. (Une remarque entre parenthèses : la recherche politique de la paix, elle, repose sur une appréciation de l équilibre des pouvoirs, des besoins et des occasions du moment. Elle ne découle pas de normes universelles, mais se coule dans une situation unique, contingente. Ce qui ne veut aucunement dire que nous qui travaillons à promouvoir la paix n avons pas à respecter les droits humains fondamentaux ni à les faire respecter, aussi peu conventionnelles, voire étranges que soient les solutions que nous imaginons. Je referme ma parenthèse.) Dans sa politique extérieure, la Suisse ne justifie pas sa défense des droits de l homme par des principes éthiques : elle adopte une approche fondée sur les droits (rights based approach). Elle intervient lorsqu elle estime qu il y a viol d une convention internationale, du droit coutumier ou du droit international humanitaire. Cette approche nous rend crédibles aux yeux de nos partenaires et sur les forums multinationaux. Le DFAE a ainsi convoqué au début du mois de mai les ambassadeurs des États- Unis et de Grande-Bretagne au ministère des Affaires étrangères. Elle leur a fait part de ses inquiétudes et leur a rappelé leur obligation de se conformer aux dispositions des conventions de Genève, en particulier en ce qui concerne les prisonniers de guerre. Dépositaire de ce texte, la Suisse se doit en effet de veiller à ce qu il soit respecté. x x x Mesdames et Messieurs, Il est bien difficile de donner une représentation visuelle des droits de l homme. Pour beaucoup de gens, ils ne deviennent «visibles» que : - lorsqu il en va directement de l intégrité physique de personnes, par exemple du fait de tortures ou d une famine ; - ou quand soi-même ou des proches sont menacés dans leurs droits humains.

4 Commentant les photos prises dans la prison d'abou Ghraib, Thomas Isler écrivait récemment dans l hebdomadaire SonntagsZeitung : Mais : «Une photo possède une force inégalée». Mais : «La photo interpelle, mais cela ne dit rien de sa vérité. En soi, elle ne véhicule même pas un message clair. Ce n est que dans son contexte verbal qu elle prend un sens» (Joachim Günther, Neue Zürcher Zeitung, 15.5.04). Avez-vous déjà souffert, ou vu des gens dans votre entourage souffrir de violations des droits de l homme? Vous êtes-vous déjà demandé ce que les droits de l homme représentent dans votre quotidien ou dans celui des autres? Pour des femmes qui assument des tâches exigeantes tout en gagnant moins que des hommes qui fournissent le même travail? Pour près de 300 000 enfants de sept à dix-sept ans enrôlés comme soldats par des groupes rebelles et des forces gouvernementales en Afrique, en Asie ou en Amérique latine? L interdiction de la discrimination, le droit à un salaire égal pour un travail équivalent, l interdiction de l esclavage ou les droits généraux de l enfant : tout cela, ce sont des droits de l homme. Je ne veux pas simplement dire des valeurs morales, mais bien des droits, des droits internationaux, comme je l indiquais au début. Des droits que chaque citoyen, chaque citoyenne peut revendiquer comme siens. Pourtant, Mesdames et Messieurs, ces droits, bien des êtres humains ne sont pas en mesure de les revendiquer : parce qu ils ne les connaissent pas ; parce qu ils n en ont pas les moyens ; parce que l État les en empêche. Cela se produit partout dans le monde. D une part, il faut absolument sensibiliser aux droits de l homme les agents de l État (par exemple les fonctionnaires, les policiers, les soldats, les directeurs de prison), car ce sont eux qui exercent la puissance de l État.

5 D autre part, il est important d informer les femmes et les hommes, les enfants et les adolescents, les partenaires sociaux et la société civile en général de leurs droits et de la façon de les faire valoir. L ONU en avait bien conscience en lançant sa décennie pour l éducation aux droits de l homme (1995-2004) et en mettant ainsi en place un cadre de longue durée à l échelle internationale. Dès 1993, à la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l homme, les membres de l Organisation ont été invités à préparer des plans d action nationaux sur les droits de l homme définissant des mesures de promotion des droits de l homme et d amélioration de leur protection. La Suisse répondant notamment à cet appel international a décidé de favoriser cette prise de conscience des droits de l homme au sein de l État, mais aussi de la population : c est ce que l on appelle le mainstreaming des droits de l homme. Au sein de l administration fédérale, un groupe de travail, que coordonne la section Politique des droits de l homme du département fédéral des Affaires étrangères (DFAE), prépare actuellement un modèle général assorti de propositions concrètes. Qu entendons-nous par mainstreaming des droits de l homme? C est pour nous une façon méthodique d intégrer systématiquement la dimension «droits de l homme» dans divers domaines et à divers niveaux de nos activités, à l intérieur de nos frontières comme dans notre politique extérieure. Les droits de l homme doivent s insérer dans les procédures, les modes de travail et les programmes actuels aussi bien que dans les nouveaux projets et plans. Il faut donc susciter chez le personnel fédéral une prise de conscience ample et durable. Généraliser la conscience des droits de l homme dans les écoles, les gymnases et les écoles professionnelles ainsi que parmi la population implique une stratégie sur la durée, à long terme, d information, d explication et de sensibilisation. Le mainstreaming n est pas un état, c est un processus. Il consiste à faire en sorte que tous les acteurs de l État prennent en considération les droits de l homme dans toutes leurs activités et leurs décisions courantes : c est ce que recouvre la notion de «mainstream».

6 J aimerais en donner quelques exemples, tirés des activités relevant de notre politique extérieure et de notre politique économique extérieure. - Il convient de tenir compte de la dimension des droits de l homme dans la conception des processus et des accords de paix (mémoire collective, programmes sur les droits de l homme pour l après-conflit, monitorage des droits de l homme, restauration de l État de droit). La qualité et la stabilité dans le temps d un accord de paix dépendent notamment de la façon dont il intègre les droits de l homme. - Les droits de l homme ont aussi une place dans la coopération au développement. De graves violations des droits de l homme peuvent déclencher des conflits et compromettre le résultat de longues années de coopération au développement. De plus, on pense actuellement que les droits de l homme, la pauvreté et le développement durable sont étroitement liés. - La politique économique extérieure doit également prendre en compte les droits de l homme. Les investisseurs sont attirés par la stabilité, à laquelle contribue pour une bonne part le respect des droits de l homme. Le mainstreaming des droits de l homme à l échelon du gouvernement et de l administration exige que les hauts responsables et les cadres y croient et y travaillent. Ils peuvent avoir une influence notable sur le déroulement et l enracinement durable de ce processus méthodique en jouant un rôle de modèle et de coach, mais aussi en faisant preuve de courage civique et en prévoyant de claires sanctions. Comme l écrit le journaliste Roger de Weck, un gouvernement qui manque lui-même de rigueur dans l observation des droits de l homme aura de la difficulté à imposer des limites à sa police, à son armée et à ses agents. Notre projet de modèle général contient quelques idées sur lesquelles j aimerais revenir. La nomination de préposés aux droits de l homme au sein des sept ministères de la Confédération : ils joueraient un rôle central en surveillant l impact de l action gouvernementale en termes de droits de l homme, en intégrant les droits de l homme dans les procédures de travail, les directives et l activité quotidienne, et en facilitant d une manière générale la coordination entre les départements sur les questions touchant aux droits de l homme.

7 Actions de formation : il convient d élargir et de généraliser les actions de formation existantes sur les droits de l homme parmi les fonctionnaires. Il doit s agir de sensibilisation, d acquisition de connaissances, mais aussi d un travail pratique en prise directe sur l activité professionnelle quotidienne. Exemples - Cycle de conférences sur la protection internationale des droits de l homme au ministère des Affaires étrangères - Module de trois heures «Présentation des droits de l homme» (qu'est-ce qu une violation des droits de l homme?) à l intention de tous les fonctionnaires Instruments et information : en préparant des instruments pratiques destinés au travail quotidien, on contribuera à mieux faire respecter les droits de l homme. Exemples - Manuel contenant des exemples de la vie quotidienne. Il doit être publié pour la Journée internationale des droits de l homme, le 10 décembre. Il faut aussi mentionner la création d une institution nationale chargée des droits de l homme en Suisse. Elle assurerait une utile fonction de trait d union entre les administrations de l État (Confédération, cantons et communes), la société civile et divers groupes concernés (ONG). Enfin, on ne saurait oublier l importance de l éducation aux droits de l homme à tous les degrés du parcours scolaire. Le ministère suisse des Affaires étrangères a préparé une vidéo sur l engagement de la Suisse et de la société civile contre la torture. Dans la perspective du 26 juin 2004, Journée internationale contre la torture, elle sera diffusée parmi les gymnases, et donnera lieu à des discussions avec les élèves sur ce thème malheureusement d une brûlante actualité.

8 M. Élie Wiesel, prix Nobel de la paix, a soumis la proposition suivante lors d un entretien avec l hebdomadaire Neue Zürcher Zeitung am Sonntag le 25 avril 2004, dans la perspective de la Conférence de Berlin sur l antisémitisme : l Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE) devrait publier dans toutes les langues un livre pour enfants. Un ouvrage simple, de 60 à 80 pages, leur montrant ce que peut faire la haine. D autres livres suivraient, pour les adolescents. Une même page serait lue le même jour dans toutes les écoles de l UE, et une discussion aurait lieu sur les dangers de la haine sur tout ce qui se passe ou s est passé de la Tchétchénie au Rwanda. Si un projet de ce type peut sortir d une Conférence, elle n aura pas été inutile, a-t-il observé. Mesdames et Messieurs, Comment sensibiliser la population à ses propres droits, les droits de l homme? Par exemple, certes, en organisant des Journées des droits de l homme, comme celles de Mantoue. Je félicite les organisateurs de cette utile action de mainstreaming : ils se sont efforcés d associer le grand public à cet engagement en faveur des droits de l homme. J ajouterai que les organisations non gouvernementales ont elles aussi un rôle important à jouer dans la sensibilisation aux droits de l homme. Il est par ailleurs possible de sensibiliser en faisant en sorte que les droits de l homme acquièrent une image, ou en mettant les droits de l homme en images. - Par le cinéma : nous soutenons par exemple le Festival du film sur les droits humains de Genève, un programme spécial «droits de l homme» aux festivals de Locarno et de Sarajevo. - Par les beaux-arts : la Suisse a organisé à Genève, au Palais des Nations, pendant la 60 e Session de la Commission des droits de l homme des Nations unies, une exposition intitulée «être : les droits de l homme à travers l art».

9 - Par la photographie et le texte : les photographies de sévices infligés à des prisonniers irakiens par des soldats américains ont modifié les termes du débat sur la torture. Il y a quelques semaines seulement, quelques membres de la classe politique et des médias se demandaient dans quelle mesure la torture était admissible dans la guerre contre la terreur. La Suisse a fait valoir encore tout dernièrement à la 60 e Session de la Commission des droits de l homme des Nations unies que les droits de l homme sont inaliénables, c est-à-dire non négociables. L interdiction de la torture ne souffre aucune exception, même pas dans la lutte contre le terrorisme. Il a malheureusement fallu ces photos pour replacer la discussion sur son véritable terrain : les droits de l homme sont inaliénables et indivisibles! - L administrateur de l exposition «être» et le professeur Walter Kälin de l université de Berne publient cette année un ouvrage intitulé The Face of Human Rights. À propos de ce problème des images utilisées pour sensibiliser la population, ils écrivent : «La pénurie d images est flagrante dès lors qu il s agit de dépeindre les droits de l homme leur respect comme leur violation. En même temps, le flot d images mettant en scène une violence patente nous donne un sentiment de satiété cynique. Cet ouvrage constate l injustice en images, il fait réagir son lecteur, suscite en lui des sentiments de tristesse, de colère, d empathie. Mais il contient aussi des images de normalité, dans un monde libre vivant à l heure humaine. (Vous allez voir maintenant pendant quelques minutes des photos tirées de ce projet : photos de Lars Müller et du professeur Kälin, non commentées.) Le mainstreaming est utile de multiples façons : il renforce la cohérence de l action politique intérieure et extérieure d un pays en ce qui concerne les droits de l homme ; il consolide la prévention du racisme et de la discrimination ; il permet de mieux aborder les dilemmes et conflits d objectifs ; il développe le courage civique.

10 Le mainstreaming se traduit par une prise de conscience des droits de l homme : la conscience que les droits de l homme ont valeur universelle, que ce ne sont pas simplement des valeurs ou des idées morales. Car il faut que chaque femme, chaque homme connaisse ses droits et apprécie l importance des droits de l homme dans sa vie quotidienne, personnelle comme professionnelle.