Les mycotoxines : production et voie de biosynthèse



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République Algérienne Démocratique et Populaire. Département de Biochimie et Biologie Cellulaire et Moléculaire. RHOUATI Amina

Transcription:

E C O L E N A T I O N A VETERINAIRE LE T O U L O U S E INSTITUT NATIONAL POLYTECHNIQUE DE TOULOUSE Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse Laboratoire Bioprocédés et systèmes Microbiens Master 2 Recherche «Elaboration de la Qualité et Sécurité Alimentaire» Les mycotoxines : production et voie de biosynthèse présenté par Nesrine BELKACEM Responsable de stage : Ahmed LEBRIHI Année 2007 2008 1

SOMMAIRE RESUME INTRODUCTION 1. GENERALITE SUR LES MYCOTOXINES 1.1 Qu est ce que les mycotoxines? 1.2 Les différentes mycotoxines rencontrées 1.3 Les champignons producteurs de mycotoxines 1.4 Facteurs influençant la toxinogènése 1.4.1 Facteurs intrinsèques 1.4.2 Facteurs extrinsèques 1.4.3 Facteurs divers 2. OCHRATOXINE A 2.1 Nature de la molécule 2.2 L alimentation vecteur d OTA 2.3 Toxicité d OTA 3. LES CHAMPIGNONS OCHRATOXINOGENES : A. niger, A. ochraceus et A. carbonarius 3.1 A. niger 3.2 A.ochraceus 3.3 A. carbonarius 4. VOIE DE BIOSYNTHESE DES MYCOTOXINES 4.1 Organisation des gènes de la voie de biosynthèse d un polycétone 4.1.1 Organisation d un gène en cluster 4.1.2 Voie de biosynthèse des aflatoxines chez A. flavus 4.1.3 Voie de biosynthèse de l OTA 5. CONCLUSION REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ANNEXES Annexe 1 : Figure 2 Comparaison du cluster d aflatoxine chez A. flavus et celui de stérigmatocystine chez A. nidulans Annexe 2 : Figure 3 Voie hypothétique de biosynthèse de l OTA TABLE DES ILLUSTRATIONS Tableau 1 Effets probables des principales mycotoxines sur l homme Tableau 2 Mycotoxines produites par certains champignons Tableau 3 Différentes formes d ochratoxines Figure 1 Structure de Base et structures analogues de l OTA 1 2 4 4 4 6 7 7 7 9 9 9 11 11 11 12 12 12 13 13 13 14 14 15 5 6 10 10 1

Résumé Les mycotoxines sont des métabolites secondaires produits par des moisissures appartenant principalement au genre Aspergillus, Penicillium et Fusarium. Elles sont produites sur une large variété de denrées alimentaires et leur élaboration dépend de plusieurs facteurs intrinsèques et extrinsèques comme le type d'espèces, la température etc., qui peuvent influencer sur la toxinogénicité de ces espèces fongiques. L'ochratoxine A (OTA) appartient à la famille des polycétoacide et plus précisément au groupe des ochratoxines. Cette mycotoxine contamine plusieurs plantes incluant les céréales, le café, les cacahuètes, la bière, le vin mais aussi les produits carnés et le lait. L ochratoxine est toxique pour l homme et les animaux et reçoit une attention particulière à cause de ses propriétés néphrotoxiques, carcinogène, tératogène et immunosuppressive. Parmi les diverses espèces appartenant au genre Aspergillus et secrétant de l OTA, on distingue A. niger, A. ochraceus et A. carbonarius. Chez ces espèces, la production de ces métabolites est sous contrôle de cluster regroupant tous les gènes de la voie de biosynthèse. Cependant, connaissant l'organisation de ces gènes, certaines voies de biosynthèse ne sont pas encore complètement établies comme celle de l ochratoxine A. 1

Introduction La contamination des aliments par des substances toxiques produites par des champignons est un phénomène connu de longue date. En effet, dés le moyen-âge furent décrits les effets hallucinogènes produits par l ingestion d un parasite du seigle, l ergot du seigle ou Claviceps purpurea. De nos jours, on sait que le «Feu de Saint Antoine» est attribuable à certains alcaloïdes produits par l ergot de seigle. Enfin, au début des années 60, la caractérisation des aflatoxines sera le point de départ de recherches systématiques sur les mycotoxines et leurs effets. Le fait que les aflatoxines se soient avérées être les plus puissants cancérigènes naturels ne sera pas étranger à ce soudain intérêt. Depuis cette date la liste des moisissures reconnues aptes à produire des toxines ne cesse de s allonger. Les mycotoxines sont des métabolites secondaires toxiques (ochratoxine A, aflatoxines, fumonisines, trichothécènes, etc.) produits par de nombreux champignons microscopiques (Aspergillus, Penicillium, Fusarium, etc.) sur une large variété de denrées alimentaire avant, pendant et après récolte. Elles sont susceptibles d être présentes dans de très nombreux aliments d origine végétale, mais aussi dans les produits d origine animale (aflatoxine M1 dans le lait, ochratoxine A dans les viandes), ceci d autant plus que les mycotoxines sont très résistantes aux conditions de process et d utilisation des aliments (cuisson, etc.). Elles ont selon le cas des effets immunodépresseurs, hémorragiques, hépatotoxiques, néphrotoxiques, neurotoxiques, oestrogéniques ainsi que, à plus long terme et pour certaines, des effets mutagènes et cancérigènes. On peut retenir les aflatoxines pour leurs effets mutagènes et cancérigènes, les trichothécènes (vomitoxine, T2-toxine) pour leur extrême toxicité aiguë, leurs effets nécrosants pour la peau ou les muqueuses, l ochratoxine A à l origine de néphropathies, la zéaralénone pour ses effets oestrogéniques et les fumonisines pour leurs effets cancérigènes. Bien entendu cette liste n est pas exhaustive ni même complète. Si le risque infectieux ou parasitaire est bien compris, le risque associé à la présence naturelle de toxines ou de leurs métabolites au sein de l alimentation humaine ou animale n'est pas très bien identifié. Afin de limiter le risque mycotoxique dans les produits alimentaires, plusieurs pays ont établi des normes fixant la quantité maximale de mycotoxine tolérée dans chaque produit. Cela va dans le sens des consommateurs qui sont de plus en plus exigeants vis-à-vis d une meilleure qualité sanitaire pour tous les produits qu ils consomment. 2

Il est donc très important pour les industriels du domaine agroalimentaire de développer des stratégies efficaces pour limiter l occurrence des mycotoxines dans leurs produits. Il s agit d une part de limiter la contamination des produits par les moisissures à tous les stades de la chaîne de production (culture au champ, récolte, stockage, transformation, ) et d autre part de détecter la plus précocement possible les mycotoxines dans les matières premières avant que ces dernières ne soient transformées en produit final. Actuellement, les méthodes couramment utilisées permettent de quantifier directement les mycotoxines. Ces techniques restent relativement onéreuses et ne permettent donc pas la mise en œuvre de plan d échantillonnage contenant plusieurs centaines voire milliers d échantillons à analyser. En plus, quand la mycotoxine est détectée, il est trop tard car il n existe pas de procédés fiables permettant de retirer la mycotoxine sans dénaturer le produit. Une stratégie de prévention de la contamination par les mycotoxines est donc exigée. Pour cela, il est indispensable de comprendre la voie de biosynthèse de ces mycotoxines ainsi que les facteurs qui influencent leur production et de mettre au point des techniques spécifiques, rapides et peu onéreuses pour quantifier rapidement les champignons toxinogènes. Dans ce présent travail, une première partie sera consacrée aux différentes mycotoxines rencontrées ainsi qu aux facteurs influençant leur production par les champignons mycotoxinogènes. Certaines généralités sur l ochratoxine A seront présentées dans une seconde partie puis, une troisièmes partie concernera les champignons ochratoxinogènes. Enfin, une dernière partie présentera l organisation des gènes et la voie de biosynthèse de certains polycétones. 3

1. Généralités sur les mycotoxines 1.1 Qu est ce que les mycotoxines? Le terme mycotoxine vient du mot grec «mycos» qui signifie champignon et du latin «toxicum» qui signifie poison. Il désigne des métabolites secondaires élaborés par des moisissures appartenant principalement au genre Aspergillus, Penicillium et Fusarium. Naturellement présentes dans l air ambiant, le sol et sur les cultures [52], les mycotoxines sont considérées comme faisant partie des contaminants alimentaires les plus significatifs en termes d impact sur la santé publique, la sécurité alimentaire et l économie de certains pays [42],[38]. Elles sont produites sur une large variété de denrées alimentaires avant, pendant et après la récolte. Elles affectent de nombreux produits agricoles dont les céréales, les fruits secs, les noix, les grains de café, les raisins et graines oléagineuses [13]. La contamination fongique des plantes et la synthèse de toxines dépendent d un certains nombre de conditions environnementales : états sanitaire de la plante précédent une récolte, conditions météorologiques, techniques de récolte, délais et conditions hydro-thermiques avant la stabilisation pour une bonne conservation. 1.2 Les différentes mycotoxines rencontrées Les moisissures sont des champignons microscopiques filamenteux ubiquitaires [38] qui peuvent élaborer des composés naturels : les mycotoxines, qui exercent un pouvoir toxique réel pour le consommateur (l Homme ou l animal). Les mycotoxines sont produits par de nombreuses espèces de moisissures et n ont pas de rôle évident pour la biologie du microorganisme. Leurs structures chimiques est très diversifiée, ce qui explique leurs effets biologiques différents : cancérigène, mutagène, tératogène, oestrogénique, neurotoxique, ou immunosuppressif. Plusieurs milliers de molécules toxiques ont été identifiées chez les champignons mais seule une vingtaine de familles posséderait des caractéristiques toxiques préoccupants pour l humain (tableau 1) ou l animale [7]. En effet, les aliments sont fréquemment contaminés par plusieurs moisissures capables de produire chacune plusieurs toxines. En raison de leurs effets toxiques et de leurs propriétés synergiques, les mycotoxines présentent un grave risque pour les consommateurs de ces produits contaminés [52]. 4

Tableau 1 Effets probables des principales mycotoxines sur l homme Aflatoxine Cancérigène: Cancer du foie et des voies biliaires, cancer broncho-pulmonaire et bronchique (B1) Mutagène : Anomalie de la synthèse des enzymes de réparation de l ADN (B1) Ochratoxine A Cancérigène: Cancer du rein Mutagène : Anomalie de la synthèse des enzymes de réparation de l ADN Immunosuppresseur Néphrotoxique : Néphropathie endémique (Balkans), néphropathie interstitielle chronique (Maghreb) Patuline Immunosuppresseur : Diminution du nombre de lymphocytes du sang (lymphopénie) si intoxication chronique Neurotoxique : Troubles nerveux (action antiacétylcholinestérase) Fumonisine Cancérigène : Association avec des cancers de l œsophage, notamment chez les femmes (Afrique du Sud), et du foie (Chine) Trichotécène Mutagène : Anomalie de la synthèse des enzymes de réparation de l ADN (toxine T2) Immunodépresseur : Altération de la phagocytose, inhibition de la synthèse proteique (Toxine T2 et Désoxynivalénole) Respiratoire : Pneumopathie interstitielle desquamative Aleucie (Union Soviétique, Europe Centrale, Etats-Unis, Finlande Chine) Zéaralénone Oestrogènique : Puberté précoce et gynécomastie (Porto-Rico) Trémorgène Respiratoires : Alvéolites allergiques Citréoviridine Neurotoxiques : Paralysie des extrémités, convulsion, mort par arrêt respiratoire Acide Respiratoires : Alvéolites allergiques aspergillique Fusarine C Mutagène : Anomalie de la synthèse des enzymes de réparation de l ADN Gliotoxine Immunosuppresseur : Mortalité des lymphocytes Fusarochromanone Malformations osseuses chez les adolescents (Chine) La même toxine peut être élaborée par diverses espèces fongiques mais pas obligatoirement par toutes les souches appartenant à une même espèce. Les mycotoxines appartiennent à différentes catégories : (i) les polyacétates : aflatoxines, citrinines, ochratoxines, patuline, zéaralénone, fumonisine. (ii) les terpènes : tricothécènes (sesqui), toxine T-2, verrucarine, roridines, fusarénone, trémorgènes (di), désoxynivalénol, diacétoxyscirpénol. (iii) peptides : ergotamine, tryptoquivaline, acide aspergillique, acide cyclopiazonique, slaframine. (iv) dicéto-pipérazines : gliotoxine, roquefortine, sporidesmine [45], [46], [40]. 5

1.3 Champignons producteurs de mycotoxines L élaboration des mycotoxines par certains champignons toxinogènes peut se faire à tous stades de la chaîne alimentaire depuis le champ jusqu au produit fini. Celles-ci peuvent survenir au champ (avant récolte), lors du transport, pendant la transformation ou au cours de toutes ces périodes. Les mycotoxines peuvent être présentent alors que l agent responsable a disparu, soit du fait de l évolution de microflore, soit du fait de traitements technologiques. En effet, lorsqu elles sont produites dans les matières alimentaires, leurs décontamination est très difficile, par conséquent, ces molécules ne sont pas détruites au cours d un stockage prolongé et sont souvent résistants aux traitements thermiques ou chimiques [28], [7]. Toutefois, la présence de champignons ne signifie pas nécessairement l élaboration de mycotoxines, mais qu un potentiel de production existe. Cependant, plusieurs facteurs d ordre biologique, physique et chimique conditionnent la mycotoxinogénèse [13]. La nature et la quantité des mycotoxines produites dépendent des espèces fongiques, des conditions écologiques (tableau 2) et de la stabilité de ces toxines dans les milieux alimentaires. Tableau 2 Mycotoxines produites par certains champignons Mycotoxines Moisissures Conditions favorables Aflatoxine B1, B2, G1 et G2 A. parasiticus, A. flavus Climats tropicaux et subtropicaux Ochratoxines A, B, C A. ochraceus, A. carbonarius, P. verrucosum, P. nordicum Climats frais et tempérés Zéaralénone Fusarium roseum, Fusarium sp. Moisisssures ubiquistes Vomitoxine, Nivalenol, Fusarenone, Toxine T2, Diacetoxyscirpenol F. tricinctum, Fusarium sp. Moisissures ubiquistes Fumonisine F. moniliforme, F. proliferatum, Climates tempérés et Fusarium sp. climates chauds Citrinine P. citrinum, Monascus ruber Climats tempérés Patuline P. patulum, Byssochlamys nivea Traumatisme, défaut d aérobiose Acide penicillique A. ochraceus, P. cyclopium, P. puberulum Climats frais Moniliformine F. proliferatum, F. subglutinans Moisissures ubiquistes Acide cyclopiazonique A. flavus Souvent en association aux aflatoxines 6

1.4 Facteurs influençant la toxinogénèse 1.4.1 Facteurs intrinsèques Les mycotoxines sont essentiellement élaborées par des espèces appartenant aux genres Aspergillus, Fusarium et Penicillium. Certaines mycotoxines peuvent être produites par plusieurs espèces appartenant à des genres différents. Par exemple l ochratoxine A (OTA) est produite par Penicillium nordicum, P. verrucosum [36], Aspergillus ochraceus [47] et A. carbonarius. De même, une espèce peut élaborer plusieurs mycotoxines. Par exemple l acide penicillique et l OTA sont produits par A. ochraceus. Cependant certaines mycotoxines sont étroitement liées à certaines espèces fongiques : aflatoxines (A. flavus et A. parasiticus), sporidesmines [14]. Au sein d une même espèce réputée toxinogène, toutes les souches n ont cependant pas cette propriété. Le type et la quantité de mycotoxine dépendent des espèces qui les produisent [26]. Elles différent dans leur caractère morphologique, génétique et dans leur place écologique [10]. Les champignons toxinogènes peuvent être classés en deux groupes principaux [11]: (i) les champignons de champs qui contaminent les produits agricoles avant et pendant la récolte, principalement Fusarium et Alternaria mais aussi des Aspergillus dans le cas des raisins. ; (ii) les champignons de stockage (par exemple Penicillium et Aspergillus) qui tendent à contaminer les denrées alimentaires pendant le stockage. 1.4.2 Facteurs extrinsèques a) Disponibilité en eau (AW) La disponibilité en eau a une influence déterminante sur le développement du champignon ainsi que sur sa production de mycotoxines, notamment dans les denrées peu hydratées comme les céréales, les grains de cafés [7]. Dans ce cas, la toxinogénèse semble proportionnelle à l activité de l eau. La plupart des moisissures préfèrent une Aw entre 0.85 et 0.99 pour leur développement. L Aw minimale permettant le développement de la plupart des champignons contaminant les céréales est de 0.7. Certaines moisissures xérophiles (A. flavus ou P. restrictis) peuvent se développer dans les fruits secs, le lait en poudre, les confitures, les charcuteries sèches dont l Aw est moindre [30], [5]. Généralement les espèces d Aspergillus et de Penicillium sont des contaminants typiques des céréales au stockage tandis que les espèces de Fusarium préfèrent le milieu dont l Aw est plus élevée [37]. 7

b) Température Les moisissures peuvent se développer entre 0 et 35 C. Certaines espèces sont capables de se développer à des températures extrêmes : Cladosporium herbarum peut se développer à des températures inférieures à 0 C et A. flavus ou A. fumigatus jusqu à 60 C [5]. En général, la température optimale de toxinogénèse est voisine de la température optimale de croissance. Pour d autres toxines, telles que la zéaralénone élaborée par F. roseum, la température optimale de toxinogénèse est généralement inférieure à celle de la croissance, respectivement 15 et 25 C environ. Parfois l apparition de mycotoxines dans les conditions naturelles est favorisée par des températures relativement basses, au voisinage de la température minimale de croissance : de l ordre de 1 à 4 C pour les trichothécènes produites par F. tricinctum. c) Composition gazeuse La plupart des moisissures sont aérobies. La réduction de la pression partielle en oxygène et surtout l accroissement de la teneur en CO2 ont un effet dépresseur important sur la toxinogénèse. La production d aflatoxines dans l arachide, modérément réduite entre 21 et 5% d O2, est pratiquement inhibée lorsque la proportion en O2 est inférieure à 1%. L augmentation de la teneur en CO2 (20%), surtout si elle est associée à une réduction en oxygène, provoque une chute importante de la production d aflatoxines [30]. Après conservation dans une atmosphère confinée, dans laquelle les moisissures peuvent plus ou moins se développer, la remise à l air libre ou la ventilation provoque rapidement une intense toxinogénèse. d) Nature du substrat du milieu La toxiogénèse des moisissures en comparaison à leur croissance dépend beaucoup de la composition chimique de la denrée sur laquelle elles se développent. Sur une denrée alimentaire, on trouve souvent une espèce dominante donc ses toxines. Par exemple, P. verrucosum est le producteur principal d OTA dans les céréales tandis que P. nordicum contamine souvent les produits riches en protéines, des produits fermentés à base de viande, de fromages [32]. Ainsi, les céréales sont, toutes conditions égales par ailleurs, beaucoup plus propices à la toxinogénèse que le soja, le colza et les protéines d origines animales (saucisson, jambon). 8

1.4.3 Facteurs divers Les fourrages et les céréales sont naturellement en contact avec des spores fongiques avant, pendant et après la récolte, durant le transport et le stockage. Les rongeurs, oiseaux, insectes et acariens interviennent dans le processus de contamination en provoquant des lésions physiques dans les tissus végétaux qui favorisent la pénétration des spores [29]. La contamination d arachide, de coton, de maïs par A. flavus ou les aflatoxines avant la récolte est souvent liée à l attaque par les insectes. Dans le stockage, les échantillons de grain hébergeant des charançons révèlent en général une population fongique importante et parfois des mycotoxines (aflatoxine B1, ochratoxines A, citrinine dans le maïs ou l orge). Des micro-organismes dit «de concurrence» peuvent affecter la production de mycotoxines sur les produits agricoles. Ils peuvent augmenter ou gêner la formation des mycotoxines en changeant les conditions environnementales les rendants défavorables pour la production de mycotoxines ou en produisant des composés inhibiteurs [26]. Les intéractions avec d autres microorganismes peuvent également être différentes dans les différentes conditions environnementales [33], [8]. Plusieurs facteurs additionnels peuvent influencer la production des mycotoxines dans le champ. Ils peut s agir des pratiques agricoles comme le labourage et la rotation de récolte [31], les fongicides utilisés [35], la variété de la plante [15] et les différences géographiques [28]. 2. Ochratoxine A 2.1 Nature de la molécule L Ochratoxine A a été isolée pour la première fois en 1965, par un groupe de chercheur Sud-Africain à partir d un isolat d Aspergillus ochraceus. Elle est constituée d une molécule de 3-méthyl-5-chloro-8-hydroxy-3,4 dihydroisocoumarine liée par une liaison peptidique, au niveau de son groupement carboxyle en C7, au groupement amine de la L-βphénylalanine [20]. L ochratoxine A appartient à la famille des polycétoacides et plus précisément au groupe des ochratoxines. Ce groupe comprend une structure générale qui peut en fonction des groupements R donner en plus de l OTA différents analogues de structures (tableau 3, figure 1). 9

Tableau 3 Différentes formes d ochratoxines Figure 1 Structure de Base et structures analogues de l OTA [3]. 10

2.2 L alimentation vecteur d OTA Si l air et les matériaux de construction infestés par des spores et des champignons sont des vecteurs de contamination très grave chez l Homme et les animaux, l alimentation reste néanmoins, la voie de contamination essentielle aux mycotoxines. L ochratoxine A est une mycotoxine qui contamine différentes productions de plantes, incluant les céréales, le café, les cacahuètes, la bière, le vin, les épices et les jus de fruits [48] mais elle peut toucher aussi la viande de proc et de volaille [25] ainsi que le lait [39]. Selon les données Européenne, les céréales sont manifestement les principales sources d exposition à l OTA pour l homme par le régime alimentaire. L OTA se formerait préférentiellement sur les aliments plutôt acides. Les concentrations en OTA retrouvées dans les aliments sont très variables et allant de quelques ng/kg jusqu'à plusieurs dizaines de mg/kg [23], [25]. Les moisissures produisant l OTA, peuvent également produire d autres toxines ou cohabiter avec d autres moisissures produisant des toxines différentes comme la citrinine produite par des Penicillia [24] ou des aflatoxines produites par Aspergillus flavus. 2.3 Toxicité d OTA L OTA est une mycotoxine toxique pour l homme et les animaux. Elle reçoit une attention particulière à cause de ses propriétés nephrotoxiques, carcinogène, tératogenic et immunosuppressive [12]. OTA se produit dans les céréales et la nourriture à base céréale et a été associé à la néphropathie porcine à travers une alimentation contaminée [24]. L exposition Humaine se fait soit par consommation directe des produits contaminés ou indirectement, par consommation de viande ou a dérivé des produits d'animaux qui ont été nourris avec des aliments contenant l OTA. OTA a été associé classiquement, bien que d'une manière peu concluante, à plusieurs problèmes sanitaires humains tels que la néphropathie endémique des Balkans NEB et récemment à des désordres rénaux en Egypte et Tunisie [12]. 3. Les champignons ochratoxinogènes : A. niger, A. ochraceus et A. carbonarius L ochratoxine A est élaborée par des moisissures appartenant principalement au genre Aspergillus, Penicillium et Fusarium. Parmi les différentes espèces appartenant au genre Aspergillus et secrétant cette mycotoxine on distingue Aspergillus niger, A. ochraceus et A. carbonarius. 11

3.1 A. niger Les Aspergillus sp. sont des microorganismes cosmopolites. Ils ont une valeur économique très importante vue leur capacité à produire divers métabolites intéressants pour l homme mais sont également très dangereux par leur capacité à produire des métabolites toxiques Au sein du genre Aspergillus, la section «Nigri» ou «Black aspergilli» présente la taxonomie la plus conflictuelle malgré tous les efforts fournis pour mieux l élucider. Cette section est très importante vue l ochratoxigénicité qui a été récemment attribuée à certains de ses représentants, A. niger et A. carbonarius [1], [50] prouvé comme contaminant majeurs de certaines denrées tropicales et subtropicales tels que les raisins et dérivés [54]. Ils ont ainsi contracté la mauvaise réputation d organismes potentiellement destructeurs, malgré leur grande et ancienne importance économique et industrielle dans le genre Aspergillus liée à leurs potentiels producteurs de métabolites utiles pour l homme (acide gras et enzymes hydrolytiques) [9]. 3.2 A. ochraceus A. ochraceus est largement répondu dans l environnement. Ce champignon a été fréquemment isolé à partir des végétaux en décomposition. A. ochraceus est principalement responsable de la pourriture des semences et des graines. Il peut produire plusieurs métabolites secondaires dont les mycotoxines comme les ochratoxines, l acide pénicillique, la viomelleine, la xanthomegnine ou bien des herbicides comme la melleine, l hydroxymelleine. Il contamine plusieurs produits agricoles comme les céréales, le café, les épices, les cacahuètes et le maïs [22], [51]. A. ochraceus est considéré comme la principale espèce productrice d ochratoxines A dans les climats chauds. 3.3 A. carbonarius A carbonarius est l espèce la plus distincte au sein de la section Nigri. C est un contaminant majeur de certaines denrées tropicales et subtropicales tels que le raisin et ses dérivés [54]. Dans cette filière, le risque de contamination en OTA commence sur le terrain. Quelques espèces de Black Aspergilli sont décrites comme étant capables de produire de l OTA, notamment l agrégat A. niger et A. carbonarius [1], [44]. Ces espèces sont déjà présentent à la vigne et ont la capacité de produire dans les baies une pourriture appelée pourriture d Aspergillus. 12

Parmi les espèces de ce groupe, A. carbonarius présente le potentiel ochratoxinogènique le plus élevé [17]. Récemment, il a été montré que A carbonarius pourrait être responsable de la production d OTA dans les raisins [38], [49]. Dans le café, la contamination en OTA se développe surtout durant les opérations post-récolte. Aucune espèces de Penicillium (P. verrucosum et P. nordicum) responsable de la production d OTA dans les céréales n ont été isolées dans le café. En revanche trois espèces d Aspergillus peuvent jouer un rôle important dans le café : A. ochraceus, A. niger et A. carbonarius. Bien que A. niger a été trouvé comme l espèce dominante dans le café (68-83 %), seule un faible pourcentage d isolats (3%) est capable de produire de l OTA dans les conditions de laboratoire. A l inverse, malgré une fréquence de la présence plus faible d A. carbonarius (6%), le pourcentage des isolats producteurs d OTA est très grand (77%) [6], [34], [43]. Ceci prouve, qu en plus de A. ochraceus, A. carbonarius est aussi responsable de la production d OTA dans le café. 4. Voie de biosynthèse des mycotoxines Les divers mycotoxines rencontrées, présentent des origines chimiques très diverses correspondant à la différence de leurs voies de biosynthèse. 4.1 Organisation des gènes de la voie de biosynthèse d un polycétone 4.1.1 Organisation d un gène en cluster L adaptation d un organisme aux conditions environnementales nécessite la coopération de plusieurs gènes qui contribuent à sa survie. Dans une chaine métabolique, le produit d une réaction enzymatique doit être très rapidement repris par l enzyme suivant afin d assurer une vitesse correcte de formation du produit final et d éviter d être détruit par des réactions parasites possibles. Il existe donc une nécessité d assemblage enzymatique sous forme complexe ou cluster enzymatique. Si les gènes sont fortement liés, ils pourront former des unités. Les gènes catalysant des métabolites secondaires sont en général organisés en cluster. Plusieurs clusters de polycétones sont identifiés chez les bactéries ainsi que chez les champignons. Chez les champignons, plusieurs clusters codant pour des polycétones sont étudiés. Il s agit surtout du cluster de la biosynthèse d aflatoxines et celui de l ovastatine chez A. flavus et A. terreus respectivement. La production de ces métabolites est sous contrôle des clusters qui regroupent tous les gènes (ou presque) de la voie de biosynthèse de la molécule. 13

4.1.2 Voie de biosynthèse des Aflatoxines chez A. flavus Les aflatoxines, un groupe de polycétones dérivé de furanocoumarine produit par de nombreuses espèces du genre Aspergillus comme A. flavus et A. parasiticus. Elles sont parmi les mycotoxines connues les plus toxiques et carcinogéniques. Au moins 16 structures d aflatoxines et leurs analogues sont caractérisées mais seulement 4 sont des aflatoxines majeures, AFB1, AFB2, AFG1, et AFG2, contaminant des produits agricoles et posant des problèmes pour la santé humaine. La biosynthèse des aflatoxines débute par la conversion des malonyl-coa en un polycétone noranthrone (annexe 1) par deux acides gras synthases (Fas-1 et Fas-2) et une PKS (PksA). La conversion de la noranthrone en acide norsolorinique (NOR), le premier intermédiaire stable, est probablement assurée par la monooxygenase CypA et la dehydrogenase NorB [4]. Le NOR peut être ensuite transformé en averantine (AVN) par dehydrogenase Nor-1 ou NorA. Quelques étapes de conversion de AVR en versicolorine B (VERB) ne sont pas encore établies. Cette conversion est probablement catalysée par les enzymes CypX, MoxY et AvfA. La versicolorine A est transformée en demethylsterigmatocystine (DMST) par une ketoreductase Ver1 et une cytochrome P450 monooxygenase VerA. L étape finale est la conversion d O-methyl-sterigmatocystine (OMST) ou dihydro-o-methylsterigmatocystine (DHOMST) en aflatoxines B1, B2, G1 et G2 en présence de l enzyme NADPH-dependant monooxygenase OrdA. Récemment quelques nouveaux gènes dont le rôle dans la production d aflatoxines n a pas encore été confirmé ont été isolés dans le cluster des aflatoxines [53]. 4.1.3 Voie de biosynthèse de l OTA En dépit du fait que l OTA est une mycotoxine importante, sa voie de biosynthèse n est pas, jusqu à ce jour, encore complètement établie. Cependant, des expériences en utilisant les précurseurs marqués 14 C et 13 C ont montré que la partie de phénylalanine provient de la voie des shikimates et la partie dihydroisocoumarine de la voie des pentaketides. En 1979, Huff et Hamilton proposent une voie hypothétique de biosynthèse dans laquelle la melleine et l hydroxymelleine seraient probablement des précurseurs de l OTA. Cependant, des résultats plus récents [16] rendent cette hypothèse ambiguë et selon eux la melleine ne jouerait pas un rôle dans la voie de biosynthèse de l OTA. 14

L étape centrale de la voie de biosynthèse de la partie isocoumarine de l OTA consiste à la condensation décarboxylative d une unité acétate et de 4 unités malonate grâce à une polycétone synthase (PKS). Le squelette subit ensuite des réactions de cyclisation, aromatisation, méthylation, oxydation et chlorination [40]. Une fois formée, la chaine de polykétide est modifiée par la formation d un noyau lactone (synthèse de la melleine) et par l addition d un groupe carboxylique (synthèse d ochratoxine). Plus tard, l atome de chlore est incorporé par l action d une chloroperoxidase (synthèse d Ota). Finalement, l ochratoxine A synthase catalyse l enchainement d Ota à la phénylalanine (annexe 2). Chaque champignon peut avoir quelques dizaines de polycétones synthases, qui sont des enzymes clé de la voie de biosynthèse des métabolismes secondaires. Récemment, une partie du gène des polycétones synthases impliqué dans voie de biosynthèse de l OTA chez A. ochraceus a été décrite par Ali [2] et Nafees et al. (soumis) ainsi que par Dobson [19]. Il s agit, respectivement, des polycétones synthases AoKS1 et AoLC 35-12, cependant leur rôle dans la voie de biosynthèse n est pas encore défini. Selon les études menées par Karolewiez et Geisen [21] réalisées sur l espèce P. nordicum, la polycétone synthase otpkspn code pour le domaine d une ketoacyl synthétase et une acyltransférase, ce qui est typique pour les polycétones synthases fongiques. D après leurs résultats, il existe probablement une corrélation entre l expression du gène otpkspn et la production d ochratoxine A chez P. nordicum dans les milieux propices à la formation d OTA où un haut niveau d expression de gène est observé. 5. Conclusion Les mycotoxines sont des métabolites secondaires produits par des moisissures appartenant principalement au genre Aspergillus, Penicillium et Fusarium. Elles sont produites sur une large variété de denrées alimentaires et leurs production dépend d un certain nombre de conditions environnementales. Parmi les centaines de mycotoxines identifiées, seule une vingtaine posséderait des caractéristiques toxiques préoccupant pour l humain. Parmi ce panel, on distingue l ochratoxine A. L OTA est une molécule produite par différentes espèces fongiques des genres Aspergillus et Penicillium. Cette molécule est très stable et persistante et est très toxique pour l homme et pour les animaux. L OTA est produite principalement par des champignons ochratoxinogènes comme A. niger, A. ochraceus et A. carbonarius cependant, sa voie de biosynthèse n est toujours pas bien définie. Jusqu à présent, un nombre très restreint d études a été réalisé sur la voie de 15

biosynthèse de l OTA chez A. ochraceus et A. carbonarius où quelques gènes de polycétones synthases ont été identifiés sans pour autant connaître leurs rôle dans la formation de ce métabolite. Dans le cadre de ce stage, Aspergillus carbonarius à été choisi comme modèle d étude afin de caractériser certains gènes de la voie de biosynthèse de l ochratoxine A. Ce champignon est un contaminant majeur de certaines denrées tropicales et subtropicales tels que le raisin et ses dérivés et a un potentiel ochratoxinogènique le plus élevé parmi les espèces du genre Aspergillus. Une meilleure connaissance des enzymes impliquées dans les mécanismes moléculaires de la formation de l OTA chez A. carbonarius est un des moyens de lutte contre la formation de cette mycotoxine dans les diverses denrées alimentaires contaminée par celle-ci. 16

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ANNEXE 1 Figure 2 Comparaison du cluster d aflatoxine (AF) chez A. flavus (A) et celui de stérigmatocystine (ST) chez A. nidulans (B). les fléches indiquent le sens de transcription du gène. Les gènes homologues entre clusters sont numérotés par le même chiffre. Les étapes de biosynthèse sont schématisées par (C). AVN : averantine, HAVN : 5 - hydroxyaveratine, AVNN : averufanine, VHA : versiconal hemiacetal acetate, VAL : versiconal, DHDMST : dihydrodemethylstegmatocystine, DHOMST : dihrydro-, OMST : O-methylsterigmatocystine [4]. 22

ANNEXE 2 Acetyl CoA + Malonate Polyketide synthase Shikimic Acid Mellein Phenylalanine Ochratoxin β Chloroperoxidase Ochratoxin A synthase Ochratoxin α Ochratoxin A Figure 3 Voie hypothétique de biosynthèse de l OTA [18]. 23