L Eglise Saint-Lambert de Soumagne. Sylvia FAGARD Soumagne 2012



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Transcription:

L Eglise Saint-Lambert de Soumagne Sylvia FAGARD Soumagne 2012 Commune de Soumagne Maison communale, avenue de la Coopération, 38 à 4630 SOUMAGNE T. 04 377 97 97 - www.soumagne.be - commune@soumagne.be

Ce texte a été rédigé par Sylvia FAGARD à l occasion de l exposition organisée dans le cadre des Journées du Patrimoine 2012. Il a été édité et imprimé par l Administration communale de Soumagne.

L église Saint-Lambert de Soumagne, sa construction, sa reconstruction, ses restaurations au fil des siècles L église actuelle de Soumagne date de 1686. Elle est dédiée à saint Lambert, dont une statue orne la niche dans la façade de la tour. La date de 1686 qui s inscrit à l aide d ancrages sur les façades nord, ouest et sud, indique vraisemblablement l année d achèvement des travaux. Avant la construction de ce bâtiment, une église antérieure existait déjà. Les archives de l Evêché nous fournissent quelques renseignements quand à la gestion de cette église (vente de l un ou l autre terrain pour procéder à des réparations par exemple), mais nous n avons aucune donnée quant à l aspect de celle-ci. Quelques vestiges (et sans aucune certitude ) seraient les bancs de style gothique datés du 15 ème siècle (présents dans le chœur de l église), les Niche au-dessus du porche d entrée abritant la statue de saint Lambert confessionnaux et la chaire de vérité, de style Louis XIII et les moellons du haut soubassement de la nef. Dans les archives plus anciennes, on retrouve la trace d un édifice religieux à Solmania (étymologiquement l ancien nom de Soumagne) à la fin du 9 ème siècle. Il s agit d un extrait des Miraculi sancti Remacli (manuscrit écrit par les moines de Stavelot aux 9 ème et 10 ème siècles, relatant la vie de saint Remacle) : vers 888, les moines de Stavelot, fuyant les invasions des Normands, se réfugient à l abbaye de Chèvremont, emportant les reliques de saint Remacle. Lorsque le danger est écarté, les moines reprennent le chemin de leur abbaye, passant par Soumagne pour abriter les reliques du saint dans un temple. Blason de l abbé A. Defraine au-dessus de la porte d entrée primitive (mur sud) C est sous l abbatiat d Ambroise Defraine que l église actuelle a été érigée. Son blason se retrouve à plusieurs endroits, notamment audessus de la porte d entrée primitive qui donnait accès à l église par le collatéral sud. Malheureusement, déjà en 1694, ce bâtiment est en grande partie détruit par un incendie. La restauration de l église est terminée en 1705. L entrée de l église se fait alors par le portail actuel, portail cintré en pierre calcaire. 1

C est également de ce moment que date le fameux plafond armorié. En 1708 sont ajoutées les chapelles latérales, aux encoignures de la tour carrée. Au milieu du 19 ème siècle, des travaux de restauration sont commandités. Dix-huit bancs fermés sont construits et mis en location pour financer divers travaux d entretien. A ce moment, les plafonds des bas-côtés sont recouverts de nouvelles armoiries. Le pavement date de 1854. C est probablement lors de ces travaux que disparurent de nombreuses pierres tombales. La combinaison de trois couleurs de marbre et la disposition si particulière des dalles produisent un effet optique, une impression d escalier qui conduit au chœur. Sous le pastorat du curé Henri Xhaard (1896-1906), la tour carrée et les chapelles latérales sont rehaussées. La tour est coiffée d une flèche octogonale sous l autorité de l architecte Monseur d Ayeneux. C est de ce moment que datent l horloge et les cloches. Un fronton en pierre est ajouté au portail occidental. Pavement de l église Le 9 août 1914, un obus troue un des murs de l église. Tous les vitraux sont endommagés et remplacés. Un panneau du plafond rappelle ce triste épisode. Lors de la seconde Guerre mondiale, par contre, les dégâts sont moindres. L église est classée par un Arrêté royal en 1934. Carte postale ancienne (+/- 1900), avant les transformations du début du 20 ème siècle 2

L église de Soumagne, église sans transept Plan de l église L église est composée, de l ouest vers l est, d une tour carrée, flanquée de 2 chapelles polygonales, d un corps central (3 nefs à 4 travées), d un chœur à 5 pans et, finalement, d une sacristie. Cette église est donc, étonnement, sans transept. Cette structure actuelle résulte donc de plusieurs remaniements, depuis sa construction en 1686. Les murs de la construction sont en briques sur haut soubassement en moellons de grès ; les décors (portail, chaînes, montants et linteaux des baies, cordons et corniche) sont en calcaire et les toitures en ardoises naturelles. La tour carrée est coiffée (depuis son rehaussement en 1900) d une haute flèche octogonale, la nef d une toiture à deux pans, le chœur et la sacristie sont coiffés d une toiture à 5 pans. Sous la toiture de la nef et du chœur, la corniche est décorée d une frise dentée sur gouttes. Les chapelles polygonales (rehaussées en même temps que la tour) sont couvertes, quant à elles, d une toiture bombée et brisée. L accès à l édifice se fait par le portail cintré à claveaux passants un-sur-deux saillants, daté de 1705 (lors des travaux après l incendie). Un fronton surbaissé, posé sur modillons et couronné d une croix a été ajouté lors des travaux de 1900. Les hautes baies du bâtiment principal sont en plein cintre déchargées par rouleaux de briques, à clé saillante et claveaux passants, sur montants harpés et chanfreinés. Un cordon plat en prolonge les seuils. Des oculi illuminent la partie haute des chapelles latérales. Porte primitive, sur le mur sud de l église Une porte basse à linteau à crossettes (aujourd hui murée, mais toujours visible sur le mur sud) est l entrée primitive de l édifice. Le linteau est surmonté d un blason entre montants de pierre, frappé aux armoiries de l abbé Ambroise Defraisne de Beaurepart, représentant un frêne. Sa devise, «Candide et Recte» était sans doute inscrite sur le bandeau sous le frêne, mais elle est aujourd hui effacée. 3

Trois autels ornent le chœur et les nefs latérales Tous trois de facture identique, de style Louis XIII, il semble que les autels aient décoré l église dès sa reconstruction après l incendie de 1694, contrairement à d autres éléments du décor, acquis plus tardivement. Lors de la restauration de l église du milieu du 19 ème siècle, les devants des trois autels ont été modifiés. Le maître-autel Au fond du chœur se dresse le maître-autel. Deux colonnes cannelées en marbre veiné soutiennent, aux deux extrémités, la table du maître-autel. Entre ces colonnes semble émerger un sarcophage en marbre blanc (peint en trompe-l œil). Il est décoré de palmes qui s entrecroisent, symbole du martyr, rappelant la mort de saint Lambert, patron de l église. Ce devant d autel date du milieu du 19 ème siècle. Prédelle incrustée de reliques, surplombant la table du maître-autel sculpté et doré de style Louis XIII. Sur cette prédelle repose le tabernacle, saint des saints de l église. Il est orné des attributs de la Foi, de l Espérance et de la Charité. Il est couronné du Pélican symbolique. Sur la porte (en bois entièrement sculpté et doré) est symbolisé le sacrifice divin : le Christ debout donne son sang par une plaie au sein, un ange agenouillé le recueille dans un calice et, plus haut, des anges emportent une croix vers les cieux. Deux anges adorateurs sont disposés de part et d autre du tabernacle. Au-dessus, une prédelle court tout le long de la table de l autel. Dans cette prédelle s incrustent huit reliques, mais qu on ne sait à qui attribuer. Les encadrements de ces reliquaires sont reliés entre eux par des rinceaux en bois Derrière l autel, s élève le retable à peinture de Tabernacle du maître-autel style Louis XIV. Le centre est occupé par un tableau (huile sur toile) représentant la descente de croix, attribué à l école liégeoise (présence d angelots sculptés à la manière liégeoise du 18 ème siècle). Au bas de ce tableau se trouvent deux reliquaires. 4

Les autels latéraux Du même style Louis XIII que l autel majeur, les deux autels latéraux sont, comme nous l avons dit, de facture identique, bien que, naturellement, plus simples et moins imposants. Ils ont tous deux été érigés en 1720, comme le monument funéraire accolé au mur sud. L autel du bas-côté nord est consacré à la Vierge Marie, alors que celui dominant le bas-côté sud est aujourd hui dédié à saint Lambert. Chacun est composé d une table d autel, posée sur un soubassement en bois marbré. Le tabernacle est fermé par une porte en bois sculptée de motifs de pampres (tiges de vigne) et épis. Autel latéral dédié à la Vierge Marie Surplombant celui-ci, un retable à niches, entouré de colonnes et fronton à pots-à-feu (vase en pierre surmonté d une flamme, très souvent utilisé dans le style baroque) abrite la statue de la Vierge et celle de saint Lambert. Au centre du fronton est repris le monogramme du saint honoré. C est seulement depuis 1921 que la statue de saint Lambert occupe cet emplacement. En effet, avant cette date, la statue de saint Pierre (installée au milieu de la nef latérale droite) occupait le retable de cet autel. Saint Pierre, saint funéraire qui accompagne les morts, protège les défunts et possède les clés du paradis, était, très logiquement, installé au sud de l église, tout à côté du cimetière tandis que saint Lambert, le patron de l église, devait occuper le maître-autel, comme en atteste la décoration du devant d autel. Pourquoi un tel changement a-t-il eu lieu? Le monument funéraire de la famille de Charneux-Résimont A côté de l autel dédié à saint Lambert se trouve le monument funéraire de la famille Charneux-Résimont. Pierre-Ernest de Charneux, décédé en 1708, et son épouse Marie-Béatrice Masset de Résimont, décédée en 1718, y reposent. Ce monument a été érigé par leur fils, le chanoine Pierre-Ernest de Charneux en 1720. En marbre taillé et poli, blanc et noir, il est surmonté d un fronton portant les armoiries et la devise de la famille «Recte et Fortiter». 5

Les bancs de communion Les bancs de communion se prolongent devant les autels latéraux. Ils sont composés de six panneaux de chêne reliant la table et la plinthe. Entre ces panneaux, des balustres en cuivre, d allure baroque, sont réparties par groupes de cinq, quatre et trois, donnant aux bancs un rythme varié. Les boiseries ont été marbrées en deux tons, brun et blanc. Les lambris du chœur, datés du 18 ème siècle, viennent de la collégiale Saint-Pierre de Liège Sous la domination française (au début du 19 ème siècle), beaucoup d églises ont été pillées, leur mobilier saisi et vendu par les autorités. C est ainsi que le mobilier, les objets sacrés, les œuvres d art, etc. de la collégiale Saint-Pierre de Liège (comme en atteste un procès-verbal d expertise des commissaires français datés de 1799) ont été, pour la plupart, vendus à divers adjudicataires, pour des sommes dérisoires. Les boiseries et les quatre tableaux qui ornaient le chœur de la collégiale ont alors été acquis par l Eglise de Soumagne. Ces boiseries sont de facture typique de la production liégeoise de cette période, entre 1741 et 1760, de style Régence. Elles sont composées de portes, panneaux et pilastres, formant lambris dans le chœur de l église, jusqu à hauteur des fenêtres. De part et d autre du maître-autel, deux portes sont couronnées de frontons dorés où apparaît l œil de Dieu. Le panneau central de chaque porte est décoré selon la tradition : les insignes et attributs épiscopaux - crosse, mitre, cierge, lampe de sanctuaire - se retrouvent du côté gauche (remarque : il s agit de la porte qui, à la collègiale Saint- Pierre de Liège, donnait accès à la demeure du Prince-Evêque) tandis que les symboles et instruments du Saint-Sacrifice - épis, pampres de vigne, ciboire, croix, chandelier, missel et encensoir - se retrouvent du côté droit (porte qui donne accès à la sacristie). Au-delà des portes, divers panneaux présentent les emblèmes et symboles relatifs à saint Pierre et à la papauté, ainsi que des épisodes de la vie de saint Hubert (comme la collégiale de Liège avait été fondée par saint Panneau illustrant la consécration épiscopale de saint Hubert 6

Hubert pour y honorer saint Pierre, il est logique que les sculpteurs qui en rénovèrent la décoration au 18 ème siècle associent ces 2 saints personnages). Du côté nord (en partant de la nef, vers le chœur) : - Conversion de saint Hubert - Supplice de saint Pierre - Saint Pierre prêcheur d hommes Du côté sud : - Consécration épiscopale de saint Hubert par le pape Serge - Primauté de saint Pierre et des pouvoirs papaux - Saint Pierre pêcheur Les pilastres formées par les boiseries aux angles du chœur et des autels latéraux portent des statues engaînées : à gauche celle de saint Charles Borromée, à droite celle de saint Jean Népomucène, tous deux figures majeures de la Contre-Réforme. Un des panneaux relatifs à la vie de saint Pierre porte la signature de Lagasse, sculpteur dont on ne connaît que cette œuvre. Les panneaux consacrés à la conversion et à la consécration de saint Hubert sont signés de Guillaume Evrard, dernier sculpteur attitré des Princes-Evêques de Liège, tout comme les statues engainées dans les pilastres. Les stalles, vestiges de l église primitive? Les stalles qui s alignent de part et d autre du chœur datent du 15 ème siècle. De style gothique, elles ont peut-être été récupérées de l église primitive lors de la construction en 1686, mais aucun document ne vient étayer cette hypothèse. Les stalles surplombées d un tableau attribué à J. Latour Les tableaux, composés par Jean Latour en 1754, viennent aussi de la collégiale de Liège Les stalles sont surmontées de deux grands tableaux de Jean Latour (1719-1782), peintre liégeois. Il composa quatre grandes toiles pour la collégiale Saint-Pierre de Liège, tableaux qui retraçaient la vie du saint. Ces quatre tableaux ont été acquis par l Eglise de Soumagne en même temps que les boiseries. Selon les archives, nous savons que deux tableaux étaient en mauvais état On n en sait malheureusement pas plus sur ce qu ils sont advenus. 7

Ces tableaux de 1754, de style baroque, représentent également des épisodes de la vie de saint Pierre : le reniement de saint Pierre (à gauche) et la résurrection de Tabitha à Joppé (à droite). Le Lutrin, cadeau de l abbé de Beaurepart Ce lutrin, en laiton fondu et ciselé, de style Louis XIV, est composé d un globe terrestre sur lequel est reprise la devise de l abbé Defraine : «Candide et recte». Sur ce globe, un ange et un arbre soutiennent le pupitre, tandis que deux autres anges portent une mitre, symbole des hautes fonctions de l abbé. Le socle est en marbre noir avec moulures en marbre blanc. Datant de la seconde moitié du 17 ème siècle, il a probablement été offert par l abbé de Beaurepart à l église de Soumagne lors de son inauguration en 1686. Ce lutrin a son pendant, plus petit, à l église Saint- Sébastien d Olne. Il vient de la chapelle de Froidheid (Saint-Hadelin) aujourd hui démolie, qui dépendait, au 17 ème siècle, de la paroisse de Soumagne. Lutrin portant la devise de l abbé A. Defraine Les confessionnaux et la chaire de vérité suscitent quelques questions Les confessionnaux Les deux confessionnaux, de facture identique, sont de style Louis XIII, style daté de 1610 à 1661, caractérisé par l utilisation de colonnes torses, de lourdes guirlandes, d angelots, Réalisé en chêne, le corps des confessionnaux est décoré de 4 atlantes et de torsades, surplombé d un fronton et d un cartouche de part et d autre de celuici. Le fronton du confessionnal de droite porte les monogrammes du Christ (front et cartouche de gauche) et de Marie (cartouche de droite). 8

Sur le fronton du confessionnal de gauche figurent les armoiries de Michel Lecomte (qui se retrouvent sur un caisson du plafond) et un millésime, «1700». Le cartouche à droite porte les armoiries de la famille Fortemps de Loneux ; celui à gauche n a, à ce jour, pu être identifié. Notons que ces deux cartouches semblent plus anciens que celui du fronton. Confessionnal surplombé des armoiries de Michel Lecomte La Chaire de vérité Fronton du confessionnal portant les armoiries du Michel Lecomte De forme hexagonale, la cuve est décorée, sur 4 faces, de cartouches (32 x 25 cm) avec les bustes des Pères de l Eglise : saint Grégoire, saint Augustin, saint Ambroise et saint Jérôme, entourés de sculptures tourmentées et de têtes d anges. La porte et la rampe sont également décorées avec des têtes d angelots. Le dossier reliant l abat-voix à la cuve porte une croix et des volutes. L abat-voix est décoré de la Colombe du Saint-Esprit peinte, entourée des rayons de Gloire. Elle est construite en chêne peint, partiellement doré. La date reprise sur le fronton du confessionnal et le style Louis XIII sont discordants. Selon M. Koemoth, cela pourrait s expliquer par le fait que ces confessionnaux appartenaient déjà à l église primitive, qu ils aient été repris lors de la nouvelle construction en 1686, puis restaurés après l incendie de 1694. Michel Lecomte serait alors le donateur qui a permis la restauration des confessionnaux. Rappelons que l incendie a détruit la partie centrale de l église, essentiellement à hauteur de l étage. Il se peut donc que le mobilier des bas-côtés ait été quelque peu épargné. Chaire de vérité de style Louis XIII Du même style Louis XIII que les confessionnaux, la datation de la chaire de vérité pose la même question. Existait-elle déjà dans l église primitive? 9

La statuaire Les statues qui ornent les nefs latérales Posées sur des consoles avec cartouche de style Louis XIII, six statues ornent les bas-côtés de l église. Datées du 3 ème quart du 18 ème siècle, en bois peint en blanc, partiellement doré, cinq de ces statues, d une hauteur de +/- 200 cm, sont de style baroque, caractéristiques de l école liégeoise de cette époque. Saint Roch et saint Paul surtout ont la physionomie et la dynamique qui caractérisent les œuvres d Evrard. La statue représentant saint Pierre est en stuc peint. Celle-ci, plus tardive (milieu du 19 ème siècle), est l œuvre de J. Debra de Verviers (qui réalisa également en 1855 la Vierge à l enfant (autel latéral nord) et le haut-relief qui décore l autel du baptistère. Saint Pierre, statue plus tardive Sur le côté nord, les trois saints représentés sont : Saint Norbert de Xanten, fondateur, au début du 12 ème siècle, de l ordre monastique des Prémontrés, Saint Antoine de Padoue, qui, tout comme Norbert, fut un homme particu-lièrement actif pour le triomphe de l Eucharistie contre les hérésies et Saint Herman de Cologne, disciple de Norbert, réputé pour sa dévotion à la Vierge, tenant, dans son bras gauche, l enfant Jésus et à la main droite un lys symbolisant la pureté. Saint Norbert de Xanten Il semble que ces trois statues forment un ensemble, Antoine et Herman, représentés dans une attitude similaire, étant les pendants de Norbert, en place d honneur. Dandoy suppose que les deux statues latérales ont été inversées ultérieurement, lors de travaux de restauration peut-être, et que, si elles réintégraient leur place initiale, le groupe des trois statues apparaîtrait comme un ensemble conçu par un seul sculpteur, ou en tout cas par un seul atelier. Dandoy va même jusqu à attribuer ces statues à Franck, sculpteur liégeois, élève d Evrard. Pour appuyer ses dires, il fait le rapprochement avec les statues de l église de Cerexhe, dont Franck est l auteur avéré. 10

La Vierge à l Enfant et saint Lambert, mis à l honneur sur les autels des bas-côtés La statue de saint Lambert (autel latéral sud) date de 1720, au moment de la construction des autels. Par contre, celle de la Vierge est plus tardive, du milieu du 19 ème siècle. Comme la statue de saint Pierre, elle est due à J. Debra. Statue de saint Lambert ornant l autel latéral (côté sud) Dans le porche, sainte Barbe et saint Léonard Dans le porche se trouvent les statues de sainte Barbe, patronne des mineurs, et de saint Léonard, que l on invoquait pour éviter les épidémies du bétail. Ces deux statues, assez modernes et de facture quelconque, rappellent le passé économique de la région, lié tant à la mine qu à l élevage. Sainte Barbe Le buste de saint Lambert Ce buste, en bois peint en blanc et or, qui se trouve actuellement près de l autel dédié à Sainte Marie, date aussi du début du 18 ème siècle. Il faut noter que cette situation n est certainement pas celle d origine Buste de saint Lambert 11

La chapelle latérale abritant le baptistère date de 1708. Elle a été décorée d un autel-retable lors de la restauration de l église en 1852-1855 C est l archidiacre de Liège qui, en 1698, à la suite d une visite dans l église fraîchement reconstruite, ordonne aux paroissiens de Soumagne de construire un baptistère. Celui-ci fut ajouté dans l une des chapelles polygonales latérales (celle à droite de la tour), construites en 1708. C est lors de la restauration du milieu du 19 ème siècle que l autel a été installé. Il s agit d un autel-retable de style Louis XIV, couronné d un fronton où sont représentés les instruments de la Passion ; lui-même surplombé d un cartouche portant les armoiries de la famille Mottart (attribuées à tort à l abbé A. Defraisne). Autel du baptistère Le retable est garni d un stuc en haut-relief représentant le baptême du Christ. Il est aussi l œuvre du sculpteur J. Debras, qui l exécuta en 1855. Les fonds baptismaux La cuve est constituée d une vasque en marbre de Saint-Remy, supportée par un pied polygonal reposant luimême sur un soubassement de marbres de diverses espèces disposés en losange. Le tout est surmonté d un couvercle en laiton. Il date du 18 ème siècle. A gauche de la porte, une porte d armoire murale de style Louis XIII, portant les rinceaux très fouillés caractéristiques de ce style, a peutêtre été récupérée de l église primitive. 12 Fonds baptismaux en marbre de Saint-Rémy

Le plafond de caissons armoriés, ou comment rendre hommage à de généreux donateurs C est lors de la restauration de l église après l incendie de 1694, que le plafond de l église a été doté des caissons armoriés. Ceux des deux bas-côtés ont été recouverts de nouvelles armoiries lors de la restauration de 1852. Tous ces panneaux rendent hommage aux personnes qui ont aidé financièrement parlant - à la restauration de l église. Au total, 215 caissons ornent le plafond. Celui-ci se compose d une longue partie horizontale qui couvre la nef principale (52 panneaux armoriés et 3 compositions) et qui continue, sur le même plan, dans le chœur (24 panneaux avec blasons ou motifs floraux et 1 composition). Des panneaux placés obliquement (19 dans le chœur et 32 dans la nef) font le tour du chœur et, dans la nef, relient ce plafond central aux plafonds des bas-côtés (48 panneaux avec blasons). Partie centrale du plafond armorié Les panneaux du plafond du chœur (1700-1701) ont été les premiers peints. Ils portent les blasons d abbés, de curés et de chanoines. Ceux de la nef centrale (1705-1706) sont dédiés à des magistrats et des notables du pays. Les panneaux obliques du chœur et de la nef centrale (1707) sont ornés d une effigie de saint, patron du donateur, accompagnée du blason de celui-ci. Les trois grands panneaux centraux de la nef et celui du chœur (1708-1709) portent une composition dédiée à la Sainte Vierge : l Annonciation, la Visitation, la Présentation au Temple et l Assomption. Dans le chœur, 4 panneaux du plafond et 5 panneaux obliques sont décorés simplement de motifs floraux. Il faut noter que les panneaux des bas-côtés, recouverts en 1852, sont parfois fantaisistes. Ils seraient dus à un certain Bernard Rigo, peintre à Engis, ainsi qu en atteste un des panneaux du bas-côté nord. Comme lors de la reconstruction de 1700, c était une façon de rendre hommage aux donateurs qui aidèrent à la restauration, mais sans connaître les subtilités de l héraldique. 13

Il faut encore citer un écusson du bas-côté nord. Il représente une coupole de fort d où jaillit un obus et porte la mention «1914 tempore belli casu factum adverso me reparavit Hubertus Dethier» (Au cours de la guerre, ayant été brisé par un malheureux accident, Hubert Dethier me répara). Caisson remplacé après la 1 ère guerre Les vitraux sont récents. Les anciens ont tous été détruits lors de la Première Guerre mondiale Vitrail dont le médaillon central est décoré d un Christ en croix Les huit vitraux de la nef sont posés en 1922. Ils sont réalisés par Joseph Osterrath de Tilff. Trois vitraux sont décorés par un médaillon central reprenant les bustes de saint Remacle, de saint Martin de Tours et du Christ avec un soldat en prière au pied de la croix. Les cinq autres sont décorés du portait de personnes mortes pendant la Guerre. L orgue, l instrument indispensable d une église C est en 1757 que Henri Müseler construit un premier orgue à l église de Soumagne, sous le patronat du curé de Ghéquier. Il est situé en tribune, en face du chœur. En 1886, la fabrique d Eglise sollicite l intervention du gouvernement pour l achat d un nouvel orgue, mais la demande est refusée. C est finalement en 1890 que le Conseil communal approuve un devis des facteurs d orgues William Pereboom et Jan Leyser. Ce devis prévoit la Orgue de l église 14

conservation et l élargissement du buffet d origine, la réutilisation d une partie de la tuyauterie et la construction d une nouvelle soufflerie, de nouveaux sommiers et d une nouvelle mécanique. Il s agit d un orgue à 2 claviers et 19 jeux avec Bombarde et 16 en pédale. La façade et les côtés du buffet, élargi en son centre en 1890, sont en chêne, les panneaux latéraux prolongeant le buffet à l arrière (pour cacher la pédale) sont en sapin. Le tout est recouvert d un enduit imitant le chêne. La tuyauterie date de 1890. Les tuyaux sont en dents au biseau. La façade des tuyaux est en étoffe recouverte de peinture argentée (sauf les écussons). Façade et tuyauterie de l orgue 15

Le parc Eugène Ysaÿe, ancien cimetière devenu jardin public Mur d enceinte du parc Eugène Ysaÿe L ancien cimetière accolé à l église est aménagé depuis 1976 en jardin public, le Parc Eugène Ysaÿe, en hommage au célèbre violoniste liégeois. Lors des travaux de restauration de ce parc, une vingtaine de croix funéraires - toutes datées de la 1 ère moitié du 17 ème siècle, récupérées du cimetière - ont été insérées dans le mur d enceinte. Au centre du parc se dresse une croix commémorative de 1857 (haut. : 4 m), également classée en 1986. Elle est posée sur un haut socle en pierre calcaire décoré du symbole de la Mort. Au chevet de l église se trouve encore le caveau de la famille Varlet-Romsée, à laquelle est dédié un des vitraux qui illuminent la nef. Croix commémorative au centre du parc 16

Bibliographie Patrimoine monumental de Belgique, Wallonie, vol. 8, arrondissement de Liège, t. 2 Liège, Mardaga, 1980 DANDOY, A.- L église de Soumagne, dans B.S.R., «Le Vieux Liège», 112-113, t. V s.l., 1956 HANS, H.- Histoire de la paroisse de Soumagne Verviers, 1958 BOLLY, J.- Répertoire photographique du mobilier des sanctuaires de Belgique, Province de Liège, Canton de Fléron Bruxelles, 1980 MAIRLOT, E.- Inventaire thématique des orgues de Wallonie, vol. 5 Province de Liège, t.8 arrondissement de Liège CICB, Namur, 1998 FAGARD, S.- Soumagne, histoire et histoires Centre culturel de Soumagne, Soumagne, 2002 Institut royal du Patrimoine artistique www.kirkipa.be 17