Matières premières et politiques énergétiques en Asie du Sud-est : entre sécurité humaine, sécurité énergétique, et sécurité militaire

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1 Matières premières et politiques énergétiques en Asie du Sud-est : entre sécurité humaine, sécurité énergétique, et sécurité militaire David Jonathan Gonzalez-Villascan et Sophie Boisseau du Rocher Pour Asia Centre à Sciences Po Mai 2010 étude Asia Centre Conference series 71 boulevard Raspail Paris - France Tel : Fax : contact@centreasia.org siret Introduction générale Ces 30 dernières années la communauté internationale s est fortement mobilisée pour renforcer la capacité des États à subvenir aux besoins de populations de plus en plus importantes (projets de recherche, conférences internationales, traités bi-et multi-latéraux, ou encore création d organismes spécialisés). La conservation des ressources naturelles et son impact sur la qualité de vie de l Homme est un des sujets au centre des débats. Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l augmentation des prix des ressources naturelles (eau, gaz, pétrole, charbon) et de leurs produits dérivés, couplée à la dépendance énergétique des économies en voie de développement, transforme les questions de sécurité énergétique en défis de sécurité humaine (UNDP, 2007). Le PNUD identifie trois conséquences principales sur la capacité des Etats à effectivement remplir leurs engagements en termes d amélioration des Objectifs du Millénaire pour le Développement 1 (Millennium Development Goals, MDGs) : (i) la difficulté de plus en plus répandue parmi les populations les plus défavorisées d accéder aux ressources énergétiques ; 1 (ii) l absence de répartition équitable des richesses produites par l exploitation massive des ressources naturelles d un territoire ; (iii) la difficulté pour les gouvernements de concilier leurs modèles de croissance économique et d industrialisation avec des politiques environnementales contraignantes mais durables. Dans bien des pays d Asie du Sud-est, ces trois aspects vont forcément de paire : le rythme de croissance démographique et la cadence du développement économique ont créé autant de besoins spécifiques que de défis urgents. Trois facteurs principaux semblent donc prédominer dans la façon dont un pays saura tirer tout le potentiel économique d une ressource naturelle donnée : la nature de la ressource elle-même, la capacité matérielle et financière à l exploiter, et sa valeur marchande sur le marché mondial (brute ou modifiée). Certains produits comme le pétrole et le gaz naturel sont faciles à écouler mais vulnérables aux fluctuations ou aux pénuries soudaines (sans parler des complications liées aux changements de contexte géopolitique). Des produits de base comme le riz, en revanche, sont soumis aux variations climatiques, aux changements de politiques agricoles, ou à d implacables contraintes tarifaires.

2 1. Panorama des matières premières en Asie du Sud-est : le triple défi de l autosuffisance, de l accès équitable et de la croissance «verte» Une région riche en ressources naturelles Des onze pays composant l Asie du Sud-est, seule la cité-état de Singapour ne compte aucune ressource naturelle. Sa taille (690 km²) a logiquement poussé le pays à très tôt tirer les avantages de sa localisation (lieu de passage obligatoire des marchandises) et à miser sur les services bancaires et financiers. Les autres pays de la région disposent en revanche de richesses naturelles aussi abondantes que diversifiées ayant largement contribué à définir leurs modèles de développement économique et leurs stratégies d industrialisation. Ces différentes approches découlent directement de la variété des utilisations du sol et des mises en valeur du territoire ; la part de l agriculture dans le PIB de la Malaisie, par exemple, n était que de 10 % en 2007, contre plus de 40 % au Laos et au Myanmar pour la même année. Pareillement, en 2007, près de la moitié du PIB du Brunei provenait de la production du pétrole et du gaz, tandis qu au Viet Nâm, cette part n était que de 5,3 % pour la même année (OECD / Korea Policy Centre, 2009 et ADB, 2009). La diversité de la faune et de la flore en Asie est elle aussi étroitement liée à la variété des sols et des climats. Plus précisément en Asie du Sud-est 2, la forêt tropicale humide prédomine dans les régions à très basse latitude, entraînant de fortes précipitations pendant une grande partie de l année. On y trouve principalement une forêt luxuriante composée de nombreuses espèces d arbres (le teck, le jaquier, l eucalyptus, le chêne, diverses espèces de bambous et de palmiers). Au Nord de l équateur s étend une forêt tropicale plus ouverte, souvent appelée «forêt de mousson». Pratiquement, l ensemble de la région possède d importantes ressources minières, notamment aux Philippines, au Cambodge, au VietNâm, et au Myanmar. Ces ressources en minerai de fer et en lignite (roche fossilifère combustible) viennent s ajouter aux pierres précieuses trouvées en Thaïlande, au Myanmar, et au Cambodge, ainsi qu aux métaux précieux trouvés aux Philippines et en Indonésie (mines d or et d argent). Les autres métaux présents dans la région sont l étain, le tungstène, le cuivre, et le manganèse, tandis que le gypse est présent en Thaïlande et au Myanmar et le phosphate au Viet Nâm et au Cambodge. 2 La définition exacte d une zone géographique et la sélection des pays à inclure ou exclure de cette zone varient bien entendu selon les critères géographiques, topographiques, climatiques, linguistiques, culturels, religieux, politiques, économiques, diplomatiques, et idéologiques que l on choisit de retenir. Par souci de cohérence et de simplicité il a été délibérément choisi de suivre la classification standard utilisée par les Nations Unies dans sa Composition des régions macrogéographiques, des sous-régions géographiques, et des groupements économiques: Brunei Darussalam, le Cambodge, l Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande, le Timor-Leste, et le Viet Nâm ( Eau La relation entre l eau, la pauvreté, et l environnement est complexe en Asie du Sud-est. Alors que l eau a été un facteur crucial dans le développement de la région, sa gestion a toujours posé problème. Diverses techniques de régulation de l eau sont pratiquées de très longue date dans les vallons et les bas-pays de montagne. Mais dans les grandes plaines et les deltas, les agriculteurs ont dû se contenter de l inondation naturelle par les crues, soit en plantant du riz flottant, soit en mettant en culture les terres exondées et les bords des zones de crue (Spencer J. E., 1974). Environ 40 % des terres cultivables de la région sont irriguées, ce qui permet d y produire près de 70 % de la nourriture (ADB, June 2003). Vers la fin du XIXème siècle, des ingénieurs occidentaux ont introduit des systèmes permettant de maîtriser l eau dans les grandes plaines et les deltas. Ces innovations ont certes assuré le contrôle de l eau des basses-terres, mais l ampleur et le coût des conséquences écologiques commencent à peine à se révéler. Entre 1950 et 1995, la disponibilité des ressources en eau par habitant a chuté de près de 55% en Asie du Sud-est (contre près de 70% en Asie Centrale et du Sud et 60% en Asie du Nord). En 2025, la disponibilité en eau par habitant dans la région se situera entre 35 et 15% de moins que le niveau en 1950 (ADB, June 2003). L équilibre écologique de l Asie du Sud-est est largement dépendant de l eau, elle-même essentielle à la survie des habitants des zones majoritairement agricoles. Mais l eau est également un enjeu central pour les populations urbaines de la région : le traitement des eaux usées, l accès à l eau potable, et l approvisionnement de populations en plein essor constituent quelques uns des défis lancés par les limites de la quantité d eau douce sur le continent. Le fait que ces zones irriguées continuent à utiliser l eau de façon inefficace rend encore plus difficile la gestion de la demande exponentielle. Les institutions régionales et les mécanismes nationaux ne sont que très lentement mis en place pour évaluer et gérer la demande, pour réglementer l attribution de l eau entre les divers utilisateurs, ou encore pour optimiser son utilisation. L industrialisation mêlée au développement de mégalopoles et de zones péri-urbaines sans cesse étendues est également responsable de la hausse de la consommation d eau, entraînant des quantités de déchets toujours plus élevées. La demande en eau à usage industriel connaît une forte croissance, tandis que l eau à usage domestique est encore insuffisante malgré de gros investissements dans les systèmes d approvisionnement depuis les années L Indonésie, la Malaisie, les Philippines, et le Viet Nâm sont typiques des pays dont les besoins de consommation d eau augmentent à mesure qu ils grimpent l échelle de l industrialisation. Pendant ce temps, la demande d eau continue d augmenter dans l agriculture, et ce malgré les changements dans la répartition des cultures et l introduction de nouvelles variétés de semences moins exigeantes en eau. La pollution massive de l eau augmente l incidence des maladies aussi bien dans les zones rurales qu en milieu urbain. L eau potable et assainie n est pas toujours disponible, ce qui a un impact direct sur la mortalité des 2

3 citadins pauvres, contraints de consacrer une importante part de leurs revenus disponibles aux fournisseurs privés. S approvisionner en eau à boire et à cuisiner reste une tâche ardue dans la plupart des zones rurales, où de nombreux villageois - principalement des femmes et des enfants - sont contraints de marcher plusieurs kilomètres pour trouver de l eau. L emploi et la scolarisation pâtissent donc de cette situation, particulièrement en milieu rural et pauvre, où le cycle de la pauvreté entraîne d inextricables problèmes économiques et sociaux. La sur-exploitation des eaux souterraines est aussi devenue une préoccupation majeure. Une fois polluées, les eaux souterraines sont extrêmement difficiles à purifier à cause de leur inaccessibilité, des énormes volumes à traiter, et de la lenteur des débits. La pollution des eaux souterraines est causée par l agriculture, l urbanisation et l activité industrielle. A Jakarta, Bangkok, et Manille, ce sont surtout les déversements sauvages d effluents liquides et des déchets solides qui ont conduit à des épidémies de choléra, de typhoïde, et d autres maladies d origine hydrique. Dès la fin des années 1970, des normes ont été établies et divers efforts internationaux ont été organisés afin de répondre aux problèmatiques de l eau. Mais cela n a pas suffi à rendre la question prioritaire dans une région où la croissance «à tout prix» constitue encore une priorité. Le principe de «sécurisation» de l eau ne désigne donc pas seulement le besoin de faire face à la diminution physique des réserves en eau. Une définition plus large comprend également les questions d accès à une ressource fondamentale. L accès à l eau soulève la question de la responsabilité des États et du rôle des marchés dans l allocation de l eau (construction d infrastructures adéquates, fixation des prix, réglementation, etc.). Gaz Selon l Agence Internationale pour l Energie (IEA), la dépendance des pays d Asie sur les importations en pétrole ne cesse d augmenter, ce qui met en péril la stabilité de son approvisionnement en sources d énergie. L exploitation et l utilisation du gaz naturel constituent une alternative permettant à la fois d améliorer la sécurité énergétique des pays d Asie du Sud-est tout en diminuant leur dépendance aux fluctuations des prix du pétrole (OECD / IEA, 1996). Développer et renforcer cette alternative est également perçu comme une façon de protéger l environnement car il réduit les besoins en pétrole et en charbon. C est donc sans surprise que l on constate dans la région une multiplication des accords et des projets de réseaux de gazoducs reliant les pays de l ASEAN. L Indonésie, la Malaisie, et le Brunei Darussalam détiennent d importantes parts de gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui a rendu possible d en exporter au Japon, à la Corée, et à Taiwan au cours des 30 dernières années tout en étant en mesure de satisfaire la demande nationale (OECD / IEA, 1999). Le commerce international par gazoduc n est pas très développé (la région ne compte que quelques pipelines internationaux, y compris ceux sur le point d être construits), mais certains pays comme les Philippines, le Viet Nâm, et le Myanmar font la promotion de la production et de l utilisation du gaz. Aux Philippines, par exemple, 504 km de pipelines transportent du gaz du gisement offshore Malampaya à l île de Luzon. En 2002 le gaz alimentait des centrales électriques d une capacité totale de mégwatts (mw), couvrant près de 30% des besoins en électricité du pays pour une vingtaine d années. Au Viet Nâm, plusieurs champs de gaz onshore et offshore continuent d être exploités, notamment le Tien Hai C (près d Hanoi) et les champs de gaz à Bach Ho. Le projet Nâm Con Son, qui a lui seul constitute plus d un tiers des réserves totales de gaz du pays, est essentiel au développement du secteur du gaz au VietNâm. En avril 1999, des protocoles d entente (Memorandum of Understanding) ont été signés entre l Etat vietnâmien et des partenaires publics et privés afin de déterminer le prix du gaz, les modes de transport, et le rôle des organismes gouvernementaux. Au Myanmar, le projet Yadana visant l exportation de gaz offshore vers la Thaïlande par oléoduc s est achevé en 1998, même si l approvisionnement en gaz a été retardé de nombreuses fois pour cause d abscence de turbines adaptées en Thaïlande. Ce retard était dû en partie à la crise économique qui a affecté la région à cette période, ce qui a eu pour effet de ralentir la hausse de la demande d électricité prévue par la Petroleum Authority of Thailand (PTT). Les projets Yadana et Yetagun (achevé en 2000) fournissent à eux deux environ 35 % de l approvisionnement en gaz de la Thaïlande. L Indonésie, quant à elle, a produit kilo tonnes équivalent pétrole (ktep) de gaz naturel en La production de gaz naturel a diminué de 1,0 5% par rapport à 2005, et de 2,51 % par rapport à 2004 (APEC / Asia Pacific Energy Research Centre, March 2009). Près de 54,6 % de la production de gaz naturel en Indonésie a été convertie en GNL en vue d être exportée vers le Japon (62,9 % des exportations), la Corée du Sud (22,7 %), et Taiwan (14,4 %). De plus, en 2006 l Indonésie a exporté 3716 ktep - ou 5,47 % de sa production totale de gaz naturel - vers Singapour et la Malaisie. Globalement, 60 % de la production de gaz naturel de l Indonésie est dédiée à l exportation, la partie restante étant mise à disposition des besoins nationaux. Les grandes réserves indonésiennes de gaz naturel se trouvent à proximité d Arun dans la province d Aceh, autour de Badak dans le Kalimantan de l Est, dans les champs de gaz en Papouasie, et offshore dans les ïles Natuna, et au Nord et à l Est de Java. Le projet GNL le plus récent se situe à Tangguh, en Papouasie, et son exploitation commerciale a été lancée en Le commerce du gaz naturel liquéfié (GNL) devrait augmenter dans les prochaines années, ce qui aura comme effet de pousser les économies asiatiques à développer les installations et les infrastructures nécessaires à son exploitation (vraquiers, terminaux de GNL, etc.). Les perspectives du marché du gaz sont également favorables parce que le gaz naturel comprimé pourrait être amené, à terme, à remplacer l essence des véhicules à moteur ou être utilisé pour le chauffage. Bien entendu, d importants financements seront nécessaires pour développer les réseaux d extraction, de transformation, de stockage, et de transport du GNL. 3

4 Pétrole Selon l IEA, les niveaux de consommation de pétrole tendent à être correlées aux variations de croissance du PIB d une économie. C est pourquoi cette même agence projette une augmentation de la demande mondiale de pétrole de 85 millions de barils par jour (mb/j) en 2007 à 106 mb/j en 2030, soit une augmentation annuelle moyenne de 1% (ADB, June 2009). Par ailleurs, la demande de pétrole va croître plus rapidement dans les pays non-membres de l OCDE avec une augmentation annuelle moyenne de 2,2 %. A elle seule, la consommation de pétrole de la Chine devrait augmenter de 3,5% par an entre 2007 et Globalement, c est le secteur des transports qui représente plus de la moitié de la consommation primaire de pétrole, principalement en raison d une demande accrue pour les carburants des transports routiers. Ainsi, le but commun de se défaire progressivement de l emprise pétrolière des pays du Moyen Orient a mené à ce que des projets de prospection de gisements de pétrole se soient multipliés dans la région, le plus souvent à travers des accords bilatéraux ou grâce à des partenariats privépublic (PPP). Cette démarche porte ses fruits notamment grâce à l assistance technique et institutionnelle en matière de gestion des ressources pétrolières, de développement des champs pétroliers, de raffinage, de transport, de distribution, et d élaboration de la politique tarifaire (APEC / Asia Pacific Energy Research Centre, March 2009). Le soutien actif des entités régionales et multilatérales est également nécessaire pour le soutien du commerce régional. Bien entendu, certaines économies sont mieux placées que d autres pour impulser de telles initiatives. Le Brunei Darussalam, par exemple, est le quatrième plus grand producteur de pétrole en Asie du Sud-est, et représente le dixième plus gros producteur de gaz naturel liquéfié dans le monde. En 2006, l offre totale d énergie primaire du Brunei Darussalam atteignait les kilo tonnes équivalent pétrole (ktep). La production de gaz et de pétrole a été de ktep pour la même année, soit une augmentation de 11,8 % par rapport aux niveaux de production de 2005, dont 83 % ont été exportés vers l Australie, le Japon, la Corée, la Thaïlande, l Indonésie, et l Inde 3. Le gaz naturel représente 82 % de l approvisionnement énergétique total du pays, tandis que le pétrole représente 18 %. Le total des réserves de pétrole brut du Brunei est de 191 millions de mètres cubes (mcm), tandis qu il dispose de 340 milliards de mètres cubes de réserves en gaz naturel. Les perspectives sur le long-terme sont donc jugées excellentes, même si le pays reste encore vulnérable à la volatilité des cours mondiaux ; c est justement pour pallier ces fluctuations que le 9 ème National Development Plan (NDP ) et que le plan de développement «Brunei s Vision 2035» (Wawasan Brunei ) prévoient de diversifier l économie en mettant l accent sur d autres atouts majeurs du pays (industrie pétrochimique, raffinerie et stockage de pétrole, la métalurigie, les énergies renouvelables, le tourisme vert, l aquaculture, la gestion des déchets, la finance 3 Ce n est qu en 2002 que du GNL du Myanmar a été exporté vers l Europe et les Etats-Unis Islamique, et les technologies de communication). L Indonésie a produit ktep de pétrole brut en 2006, dont ktep ont été exportés. Ces exportations ont baissé de 4,96 % par rapport à 2005 et de 22,21 % par rapport à Pour satisfaire les besoins en pétrole du pays, l Indonésie a du importer en ktep de pétrole brut et ktep de produits pétroliers. La grande partie du pétrole indonésien est produite le long des deux plus grands gisements de pétrole de l archipel, les champs pétrolifères de Minas et de Duri dans la province de Riau, sur la côte Est de Sumatra (APEC / Asia Pacific Energy Research Centre, March 2009). Les autres régions productrices de pétrole sont: le Sud de Sumatra, on et offshore du Kalimantan de l Est, au large des côtes Nord-Est de Java, Jambi sur la côte Est de Sumatra, et la mer de Natuna. Malgré ces richesses, la production pétrolière de l Indonésie a diminué de façon significative ces dix dernières années. La découverte de pétrole au Cambodge (au large de Sihanoukville) en 2005 par le géant américain Chevron est depuis plusieurs années présentée comme un possible nouvel eldorado énergétique permettant de couvrir, ne serait-ce que partiellement, les besoins énergétiques de certains pays d Asie du Sud-est. Dès 2005, Chevron se montrait très réservé à propos de ses opérations dans la zone, affirmant simplement que des tests d exploration avaient révélé la présence «dispersée» de pétrole et de gaz, et non une concentration dans un champ principal. Cette discrétion, que nombreux ont interprété comme une stratégie commerciale de minimisation visant à ne pas trop attirer l attention des concurrents sur le potentiel des sites cambodgiens, s est mutée en véritable fierté nationale pour certains dirigeants du pays qui voyaient dans cette annonce une possible source de - grands - revenus. En 2008 le Cambodge déclarait publiquement espérer être en mesure de produire du pétrole autour de Le directeur général de la Cambodian National Petroleum Authority (CNPA), Te Duong Dara, se montrait alors très sûr de la capacité du pays à produire du pétrole à partir de 2011, sans pour autant préciser combien d entreprises étaient actuellement engagées dans des opérations d exploration au large des côtes méridionales du Cambodge. Charbon Selon la BAD, le charbon représentera près de 29 % des sources d énergie mondiale en 2030, dont 80 % seront destinés à assouvir les besoins en électricité (ADB, June 2009). La demande en charbon ne cesse d augmenter (notamment en Chine et en Inde, deux pays dotés de réserves abondantes). Contrairement au pétrole et au gaz, le charbon est largement disponible, son acheminement est relativement simple, et les stocks ne sont pas affectés par les variations climatiques. Mais si le charbon semble répondre parfaitement à de nombreuses exigences de sécurité énergétique, il reste un des combustibles les plus polluants en termes de taux d émission de CO2. Les questions environnementales concernent principalement la qualité du charbon luimême, les émissions de gaz à effet de serre, et les modes de combustion du charbon. L extraction du 4

5 charbon est, quant à elle, associée à de nombreux impacts négatifs tels que la pollution par la poussière, la déforestation, et la dégradation des terres. S ajoutent à cela les répercussions sociales sur les populations locales, notamment en termes d expulsions arbitraires et abusives, d élimination inappropriée ou incomplète des déchets produits, ou encore d exploitation de la main d œuvre. La réduction des gaz à effet de serre est une clause fondatrice du mécanisme de développement propre (Clean Development Mechanism) du Protocole de Kyôto 6. Conformément au protocole, les économies développées s engagent collectivement à réduire leurs émissions globales de gaz à effet de serre d au moins 5 % par rapport aux niveaux de 1990 entre 2008 et Certaines économies émergentes refusent que ces mécanismes constituent un frein à leur développement économique. Pour des pays comme l Indonésie, dont les ressources actuelles sont de 50,66 milliards de tonnes de charbon et dont les réserves s élèvent à 7,08 milliards de tonnes, les effets pourraient être très néfastes. Hausse des coûts d extraction, diminution des prix du charbon, et ralentissement de l industrie entière du charbon seraient quelques uns des effets sur le moyen- et long-terme. L Indonésie a en effet produit environ 92,5 millions de tonnes de charbon en 2001 et plus de 100 millions de tonnes l année d après. Environ 70 % du charbon produit par le pays est exporté, et l électricité, l industrie, et les ménages sont les trois plus gros utilisateurs de charbon dans le marché intérieur. A elle seule, l industrie représente environ 70 % de la consommation totale de charbon. Selon l ASEAN Centre for Energy, l Indonésie continuera, dans les années à venir, à tirer profit de ses richesses en charbon, même si celui-ci est principalement du charbon dit «de bas rang» 7 (low-rank coal). Environ 70 % du charbon indonésien est considéré comme de «bas rang», ce qui le rend peu vendable. Ce charbon comporte en effet un faible pouvoir calorifique, des taux élevés d humidité, et une faible teneur en soufre, des caractéristiques qui le rendent difficilement inflammable. Notons toutefois que le marché du charbon de «bas rang» se développe progressivement, au fur et à mesure que se généralisent les technologies permettant soit de transformer le charbon en réduisant son humidité, soit de s en servir tel quel en utilisant des techniques spécifiques. Il s agira pour les décideurs indonésiens de stimuler l exportation du charbon tout en augmentant son utilisation nationale, surtout que le charbon est progressivement devenu un substitut rentable au pétrole, comme l illustrent les hauts niveaux d utilisation du charbon dans les centrales électriques, les usines de ciment, ou l industrie pétrochimique (ASEAN Centre for Energy, 2004). Le secteur pétrolier reste néanmoins le principal secteur énergétique soutenant le développement économique de l Indonésie, et le pays ne cesse d augmenter la taille et la cadence des activités d exploitation des champs pétroliers. Et ce en dépit du fait que ses ressources en pétrole sont assez limitées. Afin de sécuriser son secteur énergétique, l Indonésie devra modifier sa stratégie globale d utilisation d énergie et recentrer ses efforts vers l optimisation du secteur du charbon Or, pour que le pays puisse continuer à développer ce secteur énergétique, il devra financer et développer des projets de recherche et de développement (R&D) sur le secteur encore naissant des technologies de charbon propre (Clean Coal Technology). Ces technologies ont bien évidemment un coût (recherche, projets pilotes, modernisation des installations, cadre institutionnel et normatif, etc.) qui pourrait ralentir leur mise en place. Toujours est-il que la politique énergétique de l Indonésie - du charbon comme des autres ressources naturelles - doit rester cohérente et ne peut, à ce jour, éviter le mouvement de diversification de ses sources d énergie. Selon la BAD, c est justement parce que le secteur du charbon est en pleine expansion en Asie du Sud-est qu il faut saisir l opportunité et faire en sorte que cela se fasse avec un système rigoureux de normes, des engagements de bonnes pratiques, des moyens institutionnels de surveillance, et des technologies propres. trop inégalement réparties (situations géographiques, particularités topographiques, climatiques) Pauvreté et exclusion (pas d accès à l eau, à l électricité, aux richesses créées par les industries étrangères exploitant les ressources) La privation d énergie est une caractéristique inhérente de la pauvreté et un obstacle redoutable à sa résolution. Selon les Nations Unies, la région Asie-Pacifique abrite plus de la moitié de la population mondiale et près des deux tiers de ses pauvres. Alors que la proportion de personnes survivant avec moins d un dollar par jour est tombée de 31 % à 20 % entre 1990 et 2001, le nombre absolu de la population pauvre est resté élevé (679 millions de personnes). La majorité de ces personnes vivent dans des zones rurales qui n ont pas - ou peu - accès à l électricité et ne peuvent intégrer à leur budget quotidien les dépenses en combustibles. Pendant ce temps, l urbanisation fulgurante de la région se poursuit et transfère la pauvreté des communautés rurales vers les agglomérations urbaines. Bien que les pauvres en milieu urbain puissent a priori avoir un meilleur accès aux réseaux électriques, beaucoup continuent de ne pas avoir un accès continu aux autres sources d énergie permettant de se chauffer, de s alimenter, de se déplacer, de s éduquer, ou encore de travailler. Le rapport (du PNUD, 2007) sur l impact de la hausse des prix du pétrole sur la sécurité énergétique des pauvres en Chine, Indonésie et Laos est particulièrement intéressant. Il en ressort que des millions d individus se voient exclus de l accès aux sources d énergie permettant de remplir les besoins de base non pas par manque de ressources naturelles mais par la façon inégale dont les ressources elles-mêmes et les richesses que leur exploitation induit sont distribuées (UNDP, 2007). Les coupures de courant aux Philippines en sont une illustration quotidienne. L échantillon étudié confirme avoir ressenti d importantes hausses dans le prix des produits pétroliers. Jusqu en 2003, ces populations étaient protégées par des mesures gouvernementales de compensation. Plus après. Entre 5

6 2002 et 2005, par exemple, les carburants de cuisine ont augmenté de 171 %, les frais de transport de 120 %, l électricité de 67 %. Dans l ensemble, cette hausse des prix pousse les ménages à réduire leur consommation en produits pétroliers et à couper d autres domaines de dépenses dans leurs budgets quotidiens (alimentation, soins médicaux, etc.). Les ménages ruraux ne peuvent s éclairer de façon régulière, et la hausse des coûts de transport les isolent des services essentiels dont ils ne disposent pas dans leurs villages. Au fur et à mesure des augmentations, la plupart des gouvernements de la région ont dû choisir entre prudence fiscale et équité sociale. Le rapport entre pauvreté et utilisation/distribution des ressources naturelles est donc fondamental pour comprendre les échecs et les réussites de développement dans la région, d autant plus qu il est doublement paradoxal. Premier paradoxe, les populations les plus pauvres de la région sont prises dans un cercle vicieux où l état même de pauvreté les prive de l énergie dont ils ont besoin pour se sortir de la pauvreté. Deuxième paradoxe, les populations privées d énergies de base vivent très souvent dans des pays riches en ressources énergétiques et dépensiers en termes de construction d infrastructures énergétiques (centrales, rafineries, puits d extraction, gazéoducs, etc.). Si le coût des ressources énergétiques continue d augmenter (comme c est le cas depuis plusieurs années), non seulement le cercle vicieux se perpétuera, mais il détériorera les conditions de vie des gens ayant résussi à sortir de l extrême pauvreté (petits commerçants, enseignants, employés, paysans, etc.). Après la crise asiatique de 1997, le gouvernement indonésien a accordé d importantes subventions pour le marché intérieur des combustibles au détail (qui représentait en 2000, 5,5 % du PIB). En 2002, cependant, l Etat a introduit un système d ajustement automatique des prix, ce qui permet à Pertamina, principale entreprise pétrolière d Etat, de réinitialiser tous les mois les prix des produits pétroliers domestiques (sauf le kérosène). Pour protéger les plus pauvres de ces hausses, le gouvernement utilise une partie des économies résultant de la réduction des subventions pour mettre en place des pogrammes d éradication de la pauvreté, de développement rural, d éducation, et de santé. L Indonésie vise à étendre l accès à l électricité à 90% de la population d ici 2020 à travers des programmes d initiative locale et des nouveaux modes de financement. Au Laos, les prix au détail des produits pétroliers reflètent généralement l évolution des prix à l importation. Mais un certain contrôle des prix existe grâce au système fiscal, aux droits de douane, et à l ajustement des prix pour chaque province selon les coûts spécifiques des transports publics. Les prix de l essence et du diesel au détail y ont pratiquement doublé entre 2003 et 2006, ce qui a poussé l Etat à maintenir les prix du diesel environ 15 % inférieurs aux prix de l essence, à réglementer les prix de l électricité, et à réduire les coûts de transports. Globalement, les grandes différences entre les augmentations officielles des prix de carburant et les prix effectivement payés par les populations les plus pauvres en Indonésie, aux Philippines, au Cambodge ou au Laos indiquent l existence d un marché noir de l énergie. Plus particulèrement dans les zones rurales isolées où les intermédiaires ressentent moins la supervision des autorités et où l approvisionnement n est jamais fiable. La plupart des spécialistes et des organismes internationaux s accordent à dire que l accès à des services énergétiques modernes et fiables va de paire avec les efforts de développement humain, lui-même un élément essentiel de la croissance économique. Or, l accès à l énergie n a pas été identifié comme un des Objectifs de Développement du Millénaire des Nations Unies, alors que l on s aperçoit qu une grande part de ces objectifs ne peut être satisfaite sans garantie de la part du secteur énergétique. La hausse des prix des carburants et des produits pétroliers tels que les engrais peut aggraver les mécanismes d inflation, renforcer des contextes de récession, ou faire augmenter le chômage (ADB, June 2009). Les réductions drastiques ou les suppressions complètes de subventions sur le carburant se traduisent par des prix de plus en plus élevés pour les «input» agricoles, les transports vers les lieux de travail et les marchés, des revenus revus à la baisse, et l élimination de l épargne. et difficilement renouvelables (de plus en plus de demande, épuisement des gisements/forêts, transferts de nouvelles technologies vertes, etc.). Une consommation effrénée aux conséquences multiples et durables (déforestation, pollution) Selon l IEA, la demande totale mondiale d énergie sera de 17,0 milliards de tonnes équivalent pétrole (tep) en 2030, tendance d autant plus préoccupante si l on considère qu en cette même année 87 % de la consommation d énergie mondiale viendra des pays en dehors de la zone OCDE. Pour l instant, la consommation d énergie par habitant en Asie du Sud-est est faible par rapport à d autres parties du monde. Mais au fur et à mesure que la région dispose des moyens techniques et financiers d étendre l approvisionnement énergétique à ses 560 millions d habitants, le défi énergétique deviendra inéluctable. Au cours des 30 dernières années, en effet, la consommation d énergie en Asie du Sud-est a considérablement augmenté, une tendance qui devrait se poursuivre au fur et à mesure de la croissance démographique, économique, et industrielle des pays de la région. Selon la BAD (June 2009), la demande énergétique asiatique devrait doubler entre 2006 et 2030, un rythme que l approvisionnement énergétique de la région, essentiellement basé sur les combustibles fossiles, ne sera pas en mesure de suivre. Une grande partie de l augmentation de la consommation d énergie par le secteur des transports par exemple vient de la région Asie- Pacifique, dont le modèle de développement économique dépend du transport des marchandises. 6

7 Habitants de la région : les premières victimes des conséquences des changements climatiques Les émissions de gaz à effet de serre augmentent proportionnellement à l intensification de la demande énergétique asiatique. Comme pour le reste de la planète, l augmentation de la température atmosphérique et d autres dérèglements climatiques affectent l Asie du Sudest, mais les conséquences les plus graves sont sans aucun doute ressenties par les pays les plus pauvres de la région. C est justement cette vulnérabilité inégalement répartie qui transforme les questions de sécurité énergétique (jusqu ici considérées comme une extension des stratégies de croissance économique), en défis de sécurité climatique, eux-mêmes liés à la sécurité humaine. Le Protocole de Kyoto, effectivement appliqué en février 2005, a clairement défini le cadre de mécanismes coopératifs permettant de remplir les engagements pris presque dix ans plus tôt. En juillet 2005 le sommet G8+5 (Gleneagles Summit 8 ) a impulsé le mouvement en poussant les institutions financières internationales à développer un plan de financement permettant de concilier énergies propres et croissance économique. Plus récemment, en janvier 2006, l Australie, l Inde, le Japon, la Chine, la Corée du Sud, et les Etats-Unis ont formé le Partenariat Asie- Pacifique sur le Développement Propre et le Climat (Asia- Pacific Partnership on Clean Development and Climate 9 ) visant à utiliser les partenariats publi-privé (PPP) pour développer des technologies énergétiques plus propres et plus puissantes. Bien entendu, l incommensurable quantité de mesures nationales, de programmes bilatéraux, de comités régionaux, et de traités multilatéraux montre que les gouvernements d Asie du Sud-est comme ailleurs prenent la menace climatique très au sérieux. Selon la BAD (2008), les niveaux de concentration atmosphérique en CO2 sont en constante augmentation. Plus concrètement et plus spécifiquement en Asie du Sud-est, les dérèglements climatiques seront multiples et profonds. Depuis les hauts plateaux de l Himalaya jusqu aux riches forêts tropicales, de nombreux écosystèmes sont vulnérables et certains seront affectés de manière irréversible. Quelques uns de ces effets sont : l intensification des tempêtes tropicales, le prolongement des vagues de températures extrêmes, les sécheresses, l élévation du niveau de la mer et la montée des eaux, les inondations et les incendies de fôret plus fréquentes, la baisse des rendements des cultures, la dégénération de la biodiversité, la dégradation des habitats, les catastrophes naturelles, sans parler des réactions en chaîne que tous ces phénomènes peuvent entraîner lorsque combinés les uns avec les autres. La seule possibilité que ces manifestations puissent se multiplier et le simple fait qu elles soient le produit des activités humaines devraient renforcer la détermination des gouvernements à revoir les systèmes d exploitation des ressources naturelles et à repenser les modèles de croissance économique (ADB, June 2009). 8 ntentmdk: ~pagepk: ~pipk:437376~thesitep K:4607,00.html. 9 Diversification des sources d énergie et utilisation d énergies propres : une nécessité environnementale et un enjeu socio- économique Alors que les sources d énergie renouvelables comme le vent, l eau, et la lumière du soleil sont abondantes, des contraintes techniques et économiques entravent encore leur utilisation dans les pays en voie de développement. Les énergies renouvelables nécessitent un investissement dans des infrastructures adéquates et ne sont pas toujours adaptées aux zones qui ne disposent pas des équipements de stockage d énergie nécessaires. L énergie solaire, qui par définition dépend des conditions météorologiques et s interrompt la nuit, a un potentiel de production électrique limité et les cellules solaires photovoltaïques de stockage sont encore chères à construire, à installer, et à entretenir. Les turbinnes éoliennes, quant à elles, sont limitées par une fourchette spécifique de puissance et de vitesse du vent. Il existe de en plus de technologies permettant un développement écologiquement viable en passant par des énergies plus propres et renouvelables. Or aujourd hui le problème n est plus tant quelle technologie utiliser, mais plutôt comment la financer afin de la rendre accessible et abordable au plus grand nombre (Asian Development Bank / Foundation for Development Cooperation, April 2008). De nombreux projets aussi variés qu innovants sont bel et bien mis en place un peu partout en Asie, mais les connaissances acquises sont soit trop précises (un village, une zone particulière), soit peu ou pas consolidées (les réussites en restent au stade d étude de cas ou de projet pilote). En Indonésie, par exemple, l ASEAN Centre for Energy dénombrait en 2004 très peu d études se penchant sur le potentiel économique et énergétique du méthane produit à partir du charbon, Coal Bed Methane (CBM, ou grisou) alors qu il constitue une alternative extrêmement viable tant en termes d approvisionnement (plus de 337 trillion cubic feet dans les bassins de charbon à Java et à Sulawesi) qu en termes de distribution et de polyvalence énergétique. Les zones riches en charbon sont déjà surexploitées, et d autres, comme les zones au Sud de Sumatra et au Sud-Ouest de Kalimantan, ne disposent pas des infrastructures nécessaires à l extraction du CBM. Des entités gouvernementales de l énergie ont certes menés des études et des projets pilotes (Lemigas, Balitbang ESDM, Directorate General of Oil and Gas, Directorate General of Geology and Mineral Resources, Agency for the Assessment and Application of Technology), mais les limites en termes de budget et de technologie ne permettent pas d envisager une extraction à grande échelle. En Thaïlande, c est surtout la voie de l inter-connection avec les ressources étrangères qui est privilégiée (APEC / Asia Pacific Energy Research Centre, March 2009). Depuis 2005, les investissements prennent la forme de réseaux d acheminement du pétrole brut et du gaz naturel à partir de sources voisines. La signature en janvier 2010 du Natural Gas Sale Agreement (GSA 10 ), par exemple, fournira la Thaïlande directement à partir du champ de gaz M9 au Myanmar Thailand-signed-multi-billion-dollar-natural-gas-sale. 7

8 Au Viet Nâm, les réponses aux questions de sécurité énergétique et de développement d énergies alternatives se focalisent plutôt sur la capacité de trouver et d exploiter des sources de pétrole et de gaz naturel à l intérieur des frontières du pays. En avril 2006, le National Energy Efficiency Programme est approuvé pour la période Les objectifs globaux du programme sont de renforcer les capacités d efficience énergétique de l Etat, de développer un véritable plan national d économies d énergies, et de généraliser le besoin de protéger l environnement. A terme, l utilisation d énergies propres et renouvelables devrait devenir systématique dans les secteurs de l indutrie, du BTP, et des transports, ce qui devrait permettre au pays d économiser de 3 à 5% de la consommation totale d énergie entre 2006 et 2010 et de 5 à 8 % entre 2011 et Les biocarburants suscitent un intérêt croissant en Asie du Sud-est. Ils peuvent en effet servir à stimuler le développement rural, créer des emplois et réduire la facture énergétique. Mais la faible demande ne suffit pas encore à inciter les agriculteurs à en produire plutôt que des aliments, un mouvement qui pourrait créer de graves pénuries alimentaires s il venait à être suivi massivement et soudainement. En outre, la production de biocarburants à partir de matières premières consomme énormément d énergie (pour l agriculture, les transports, la conversion au produit final, la production d engrais, de pesticides, et d herbicides), ce qui rend le solde énergétique net quelque peu déficitaire. Les énergies renouvelables offrent un grand potentiel pour les populations rurales et pauvres d Asie, en particulier à celles qui ne sont pas reliées aux réseaux électriques. Elles permettraient à ces populations d améliorer leurs conditions de vie tout en générant de nouvelles sources de revenus (nouveaux emplois, nouveaux secteurs économiques, petites et moyennes entreprises, reconversion de parcelles agricoles, manufacture de technologies du secteur renouvelable, etc.). Mais pour l instant leur introduction ne peut être que progressive et ciblée, ne serait-ce que parce que les coûts initiaux sont encore très élevés, nécessitent des méthodes de financement novatrices, et requièrent un soutien volontariste de la part des gouvernements. 2. Enjeux sécuritaires et territoriaux des politiques énergétiques d Asie du Sud-est : des conflits locaux à l entente (coopération, compromis?) régionale forcée (no choice but to work together) Les climatologues soulignent qu il est possible d établir une distinction préliminaire entre les catastrophes à «impact soudain» telles que les tsunâmis, les tremblements de terre, et les catastrophes à «impact durable» telles que les famines, les sécheresses, ou le processus de changement climatique actuel. Tous les désastres ont des conséquences à la fois politiques et économiques. Qu il s agisse des politiques de distribution et d exploitation des ressources naturelles, des droits des minorités, du mode de répartition des richesses, du degré de proximité des élites dirigeantes avec la population, des rouages financiers et commerciaux, des procédés électoraux, tous ces éléments jouent un rôle direct ou indirect sur la façon dont une population sera plus ou moins vulnérable (la sécurité des biens et des personnes, la protection contre toute menace extérieure, la continuité dans l approvisionnement alimentaire, l accès garanti au logement et au revenu, le flux continu de l information, et le soutien nécessaire pour subsister ou survivre de façon non-interrompue). En ce sens, les désastres, qu ils soient «naturels» ou partiellement causés par l homme, créent des «situations de stress collectif» (collective stress situations) et constituent des menaces à la sécurité humaine (Barton, 1969). Le changement climatique entraînera des événements météorologiques extrêmes et augmentera le nombre de «réfugiés climatiques» à tel point que la capacité de gouvernance de nombreux pays risque d être dépassée. Ainsi l un des enjeux du changement climatique est l aggravation d anciennes tensions ou le déclenchement de nouveaux conflits. Quatre points climatiques sont identifiées comme sources potentielles de conflit : (i) la dégradation des eaux douces, (ii) le déclin de la production alimentaire, (iii) l augmentation des tempêtes et des inondations (iv) et les migrations causées par les catastrophes et pressions environnementales. Les États et les sociétés les plus vulnérables à ces évènements sont ceux en transition politique, aux économies fragiles ou instables, et à fortes densités démographiques. Les pays qui se trouvent déjà en conflit violent ou ceux qui ont connu des conflits violents dans le passé récent seront également vulnérables à de nouveaux conflits directement liés aux défis climatiques. En Asie du Sud-est, où nous avons vu l importance des matières premières et de leur utilisation, les risques et les enjeux sécuritaires pourraient être amenés à se multiplier. Les rancoeurs régionales mêlées à des revendications identitaires et/ou économiques pourraient basculer au mieux en alliances stratégiques et compromis diplomatiques précaires, au pire en insurrections et luttes armées ou en conflits territoriaux. Et la région n est pas protégée de ce type de tensions. Nous examinerons ici trois exemples où l accès aux matières premières ou l utilisation des ressources naturelles ont mené à des conflits diplomatiques et sécuritaires aux niveaux régional et international. Il s agit de trois études de cas illustrant trois niveaux différents de la façon dont la sécurité énergétique peut faire basculer le secteur énergétique dans le champ de la défense nationale. 8

9 D abord l exemple de l exploitation du pétrole dans la province d Aceh qui a mené l Etat indonésien à privilégier la voie armée afin de consolider les revenus et les investissements émanant de la zone. Dans un tout autre registre, le cas des tensions bilatérales entre Singapour et la Malaisie qui émanent principalement de la question de l approvisionnement et de la gestion de l eau. Ces tensions (surtout politiques, économiques, et diplomatiques), ne sont évidemment pas exclusives à ces deux pays, mais elles illustrent parfaitement la façon dont le contrôle d une source aussi vitale que l eau peut mener à des tensions frontalières suivies d âpres négociations ; l existence même du risque s alimente de la possibilité que la Malaisie puisse décider de priver Singapour de son approvisionnement en eau. Enfin, le cas du conflit territorial et multilatéral autour des îles Spratley et Paracel, vaste territoire à énorme potentiel énergétique en mer de Chine. Ce conflit historique implique 6 Etats différents et illustre parfaitement la façon dont les questions d accès aux ressources naturelles (estimées ou avérées) poussent les Etats à invoquer tour à tour la présence historique, la souveraineté territoriale, le droit maritime, et les prérogatives économiques. Le fait que les revendications se chevauchent et s enchevêtrent depuis très longtemps, couplé au fait que les pays concernés préfèrent négocier l un avec l autre plutôt que de façon concertée, ne laisse pas présager d une résolution dans un avenir proche. Matières premières et territorialité : conflits locaux, hydro-diplomatie, et sécurité maritime Le pétrole à Aceh : des revendications économiques au conflit civil Avant de se pencher sur la façon dont la région d Aceh a basculé d une revendication purement économique à un conflit armé confus et sanglant, il convient de brièvement présenter le contexte de la région. Bien souvent l intérêt qu on porte à cette zone au Nord de l ïle indonésienne de Sumatra semble commencer par l idée que l on se fait de sa singulière grandeur passée et de la spécificité que l on prête à l identité du peuple Acehnais. Or l histoire d Aceh est faite de bouleversements émanant de conflits liés aux luttes de suprématie entre grandes puissances portuaires, des divergences et des convergences d intérêts entre les nombreux acteurs du commerce maritime, des résistances face aux envahisseurs étrangers, des revirements des rapports et des équilibres de force, et des phases successives dans la construction d un Etat post-colonial et «moderne». C est cette dimension de mémoire collective menant à des images de soi et à des attitudes bien précises, produisant une identité construite puis revendiquée, qui permettra de mieux comprendre les enjeux derrière les revendications économiques liées à l exploitation du pétrole dans la zone (Gonzalez-Villascan, 2007). Aceh, communément décrit comme le berceau du premier Sultanat de l archipel indonésien (le Sultanat de Pasai), s imposa dès la fin du XIIIème siècle (1282) sur une zone jusque là à prédominance Hindouiste et Animiste. L expansion de l Islam en Asie du Sud-est est sans aucun doute intimement liée aux activités commerciales entre marchands étrangers et sultanats dirigés par des gouvernants habiles en affaires princières, militaires, et commerciales (contrôler Aceh, c est contrôler un lieu de passage obligatoire entre la Chine, l Inde, et l Europe). Les nombreuses luttes pour la maîtrise du commerce fluvial entre les Cités-Etats du Nord de Sumatra permettront à Aceh d établir sa suprématie sur la région à partir de 1520, et son expansion sera alors fulgurante : en moins de vingt ans, Aceh dominera les côtes Nord, Est, et Ouest de Sumatra, monopolisant le négoce du camphre, de l or de Barus, et du poivre de TikuIl. Au début du XIXème siècle, se dessine ce qui sera une longue dispute entre compagnies commerciales anglaises et hollandaises pour déterminer qui détiendra l autorité sur les ports stratégiques du Nord de Sumatra. En 1871, est signé un accord entre les deux parties où les Hollandais gardent leur prise sur Aceh, tandis que les Anglais prennent Malacca. Comme toute entreprise coloniale de l époque, la tactique est de s emparer des principales villes portuaires et de s assurer la confiance et les faveurs de la noblesse indigène en redistribuant les terres, les capitaux, et les privilèges.toutefois, les étrangers (commerçants chinois, coolies indiens, et patrons hollandais) monopolisent progressivement les différentes étapes de l exportation d épices et d autres produits locaux. C est un système de distribution commerciale qui reste très enrichissant, mais de moins en moins pour les nobles locaux. La fin de la présence hollandaise à Batavia ne marquera pas directement la fin des politiques hollandaises. En 1942, arrivent les Japonais qui conserveront cette façon de diriger en cooptant les seigneurs provinciaux. Aceh soutiendra la guerre d indépendance dans l optique que la région disposera en échange d un haut degré d autonomie lorsque sera mise en place une structure fédérale peu contraignante et plus flexible. Or, en 1949, lors de l indépendance, Aceh est unilatéralement rattachée à la province administrative de Nord Sumatra, décision marquée l arrivée massive de nouveaux cadres et administrateurs Javanais. Même si en 1949 l Indonésie prend initialement la voie du modèle fédéraliste, dès 1950 le pays est restructuré en 10 provinces avec Aceh absorbé dans la province de Sumatra du Nord (Sumatera Utara). Cette décision arbitraire mènera le gouverneur d Aceh, Teungku Daud Beureueh, à rejoindre en septembre 1953 la rébellion Darul Islam (Terre d Islam) et à déclarer l indépendance de l Etat Fédéré d Aceh (Negara Bahagian Aceh). Cette rébellion durera près de dix ans à Aceh, mais le mouvement s essoufflera au début des années 1960 car en 1959 l Etat indonésien accorde à Aceh le statut administratif «spécial», lui offrant autonomie en matières religieuses, éducatives, et culturelles. Ce bref aperçu de l histoire politique et économique de la région fait apparaître combien la résistance d Aceh face aux puissances externes a toujours découlé, d une façon ou d une autre, des questions de contrôle et de distribution des ressources naturelles. En somme, le contrôle des voix de commerce et d échange aurait toujours été à l origine des luttes acehnaises. C est ainsi qu en 1971, lorsque s implantent de nouvelles industries pétrolières et gazifières au Nord de Sumatra et qu il devient de plus en plus clair qu aucun Acehnais 9

10 ne profitera des richesses produites par ces activités, que né le Gerakan Aceh Merdeka (GAM, ou Mouvement pour un Aceh Libre). Et si la lutte s est intensifiée et étendue grâce au rassemblement de la population autour du GAM, c est surtout à cause de la façon dont l exploitation massive des ressources naturelles d Aceh a été menée (gestion strictement centralisée et intervention d agents exclusivement étrangers). Entre 1975 et les années 1980, Aceh passe du statut de région à l apport économique limité à celle ayant le plus de potentiel pour le développement du pays. Le «Boom LNG» vient de la découverte et de l exploitation de Gaz Naturel Liquide (Liquid Natural Gas) ainsi que de pétrole dans la proximité des villes de Lhokseumawe et Lhoksukon. Aceh devient l une des principales sources de revenu pour l Etat central, et l un des plus grands centres d exportation du pays. Or, les bénéfices du Boom n ont profité qu à une poignée d acteurs (l Etat central ou les entreprises étrangères installées à Aceh) et les capitaux des entreprises présentes à Aceh ne font que transiter par la province. Selon la loi sur l équilibre financier entre le centre et les régions (UU n , Perimbangan Keuangan Pusat dan Daerah 11 ), 70 % des dividendes provenant de l exploitation de gaz sont perçus par le gouvernement et 30 % sont reversés à la région productrice : l extrême pauvreté des habitants d Aceh montre que ce n est pas le cas. L impressionnant développement économique que connaît l ensemble de l Indonésie dans les années 1980 est accueilli avec ambivalence à Aceh, où ne cesse de croître le sentiment d injustice et d inéquité. Non seulement les Acehnais sont complètement exclus des richesses provenant de leur propre territoire, mais en plus le chômage dans la zone n a pas diminué malgré le potentiel de création d emplois ; tout le travail a été attribué soit à des Indonésiens venus d autres régions (notamment Java), soit à des étrangers. De plus, les petits fermiers ont été expropriés sans compensation, et très vite se fait sentir un manque d infrastructures pour accueillir les Acehnais déplacés et la main d oeuvre étrangère récemment arrivée. Ce sentiment constant de domination et de prédation économique entretient chez les Acehnais l idée de reprendre la lutte pour l indépendance : tous ces éléments légitiment et crédibilisent le GAM dans ses revendications. Il faut ajouter comme facteur de ralliement derrière le GAM la revendication et la défense de la vision proprement acehnaise de l Islam et les exactions barbares de l armée indonésienne contre la population civile d Aceh. A Aceh, l armée indonésienne est très visible. Officiellement, l armée indonésienne était chargée de minimiser toute menace à la stabilité de la région afin de ne pas faire fuir les investissements étrangers. Mais il s agissait surtout de protéger coûte que coûte les installations de production et d exploitation pétrolière et leur personnel. D où la mise en place de milliers de troupes à Aceh alors qu à l époque le GAM n est constitué que d une poignée de rebelles. Il en ressort que dans leur tentative de sécuriser et de stabiliser la zone pour assurer la croissance économique, l armée indonésienne, par ses pratiques, est arrivée à y réaliser exactement l inverse. Les assassinats, les enlèvements, les tortures, les viols, les déplacements forcés de population, les marchés noirs, et les disparitions deviennent des pratiques courantes pendant les opérations militaires 11 de grande envergure : l Opération Filet Rouge (Operasi Jaringan Merah), par exemple, transforme Aceh en une Zone d Opération Militaire (Daerah Operasi Militer, ou DOM) et laisse des traces indélébiles au sein de la société acehnaise est le moment où l on passe d une méthode de réconciliation basée sur un rapprochement plus ou moins négocié à une approche purement militaire ; au nom de la sécurité nationale, on accorde à l armée indonésienne la possibilité d utiliser tout moyen pour se débarrasser du GAM. Très vite, l armée ne reculera devant rien et se mettra à brûler les maisons, à procéder à des descentes nocturnes, à fouiller et piller les villages, à des arrestations arbitraires, et aux exécutions sommaires et publiques. L étude du cas d Aceh illustre bien la façon dont un système de politiques énergétiques, économiques, et industrielles peut facilement dévier vers un enjeu sécuritaire et militaire. Bien entendu, une relation causale directe et à sens unique ne peut être établie entre la création d un mouvement séparatiste armé et l ambition des politiques économiques d une région. Mais un contexte de richesse et d abondance mal ou pas du tout réparties peut accentuer les rancoeurs et les sentiments d injustice, au point d accélérer l adhésion de ceux qui se sentent exclus de toute forme d expression institutionnelle à une forme de revendication commune. Dans le cas précis d Aceh, c est le nouveau statut de la zone comme potentiel financier et économique qui en a fait un lieu de confrontation économique et politique, puis, au fur et à mesure que la violence a escaladé, militaire.. Il a fallu attendre une médiation étrangère pleine de rebondissements 12 et le tsunâmi du 26 décembre 2004 (attention médiatique, déploiement d ONGs étrangères, et arrivée de quantités massives de dons) pour qu un processus de paix puisse mettre fin au conflit. La reconstruction de la région ne pouvait avoir lieu sans la démilitarisation de la zone, et cette concession a progressivement mené à l autonomie politique des Acehnais. L International Crisis Group (March 2009) souligne que même si le GAM a rendu les armes pour se dédier à gérer la vie politique et civile de la province, tout n est pas parfait dans la zone (élections peu transparentes, tensions religieuses, méfiance envers les administrations et les institutions) 13. L eau entre Singapour et la Malaisie : le fragile équilibre de l hydro-diplomatie Les problèmes d accès à l eau peuvent aussi déclencher des conflits entre pays. De nombreux conflits ont déjà montré qu il était possible d assoiffer un pays voisin en le privant de son approvisionnement en eau. Le risque de conflit étant plus fort si la nation la plus vulnérable au niveau hydrique (pays en aval) est également la plus puissante au niveau militaire et est régulièrement paniquée à l idée que son approvisionnement en eau puisse un jour être menacé: c est le cas de Singapour. Nous l avons vu plus haut, Singapour est une petite Cité- Etat de 690 km² complétement dépourvue de ressources naturelles. Puissance économique et industrielle de la

11 région, le pays consommait en 2006 environ 1,36 milliards de litres d eau par jour. Or, une grande partie de cette eau est importée de Malaisie (Etat de Johor). La question de l approvisionnement en eau de Singapour a constitué, pendant longtemps, un sujet de discorde récurrent dans les relations politiques et diplomatiques entre la Malaisie et Singapour. A chaque fois que les relations bilatérales se sont tendues, la menace de couper l approvisionnement en eau planait ; lorsque par exemple Singapour est accusé de ne pas être sensible aux équilibres ethniques et religieux de Malaisie, lorsque la Malaisie poite du doigt l imparable concurrence économique de Singapour, ou encore lorsque font surface les discordes d utilisation de l espace aérien. Ce contexte fait que Singapour a toujours fait de cette dépendance (réelle ou perçue) l une des priorités de ses programmes de défense militaire. Les forces armées de la Cité-Etat sont prêtes à intervenir de l autre côté du Causeway en cas d une interruption soudaine de l approvisionnement en eau, même si l on s aperçoit aujourd hui que la menace réelle est largement exagérée. En effet, le gouvernement malaisien n a jamais été en mesure de totalement couper l approvisionnement en eau à Singapour, et la Malaisie a depuis toujours eu la ferme intention d observer les accords de 1961 et de 1962 (Lee Poh Onn, 2003). Deux accords signés en 1961 (Tebrau and Scudai Water Agreement) et 1962 (Johor River Water Agreement), lorsque Singapour était encore une colonie autonome britannique, définissent le mode et le prix de transfert permanent d eau de Johor à Singapour jusqu en 2011 et L accord de 1961 permet à Singapour de recevoir 86 millions de gallons d eau par jour (mgd) des réservoirs Pontien et Gunung Pulai et des rivières Tebrau et Skudai, tandis que l accord de 1962 permet jusqu à 250 mgd d eau de la rivière Johore. Au total, ces accords permettent à Singapour d extraire 250,4 mgd, soit 1,55 millions de m³ par jour à travers trois grands pipelines traversant le «causeway» de 2 km qui relie les deux pays. En août 1965, lors de l indépendance de Singapour, la Loi de séparation (Separation Act) stipule à propos de l eau que le nouveau gouvernement de Singapour ne pourra remettre en cause les termes et les conditions des accords sur l eau, selon lesquels Singapour reverse à la Malaisie (le gouvernement de l Etat de Johor) 3 cents (0,03 Ringgits) pour chaque gallons tirés des sources. En retour, le gouvernement de Johor paie à Singapour 50 cents (0,50 Ringgits) par 1000 litres d eau traitée. Chacun des deux accords contient également une disposition qui permet un ré-examen des prix de l eau dans les 25 ans à venir, en fonction de l évolution des pouvoirs d achat, des dévaluations de la monnaie, des variations des coûts de main d œuvre, de l énergie, et des matériaux utilisés. Ainsi, toute augmentation pour une des parties se répercute par une augmentation similaire pour l autre partie. En juin 1988, un mémorandum d entente sur l eau et de gaz a été signé entre les Premiers ministres Lee Kuan Yew et Mahathir Mohamad afin que Singapour puisse construire d autres réservoirs et qu il puisse en extraire plus que ce qui avait été préalablement fixé sur les 100 prochaines années. L approvisionnement durable et continu en eau a donc été un principe fondateur du jeune Etat. Depuis, l eau est plutôt utilisée comme facteur déterminant dans toute instance de négociation bilatérale, souvent en faveur de la Malaisie. En septembre 2001, par exemple, les deux Premiers ministres ont tenté de régler plusieurs points de discorde avec une série d accords transversaux. Si les points sur l utilisation de l espace aérien de la Malaisie par Singapour, la localisation des structures de douanes et de quarantaine le long de la frontière, ou la construction d un pont pour remplacer le Causeway ont été vite resolus, la question d une renégociation des prix de l eau a été beaucoup moins consensuelle. La Malaisie a proposé une augmentation à 0.60 cents de Ringgit par gallons, tandis que Singapour était prêt à aller jusqu à 0.45 cents de Ringgit par gallons au vu des concessions qui avaient déjà été faites sur les autres points de l accord. La discorde provient essentiellement de la façon de déterminer l augmentation du prix de l eau, et non pas sur le fait que le prix puisse ou ne puisse pas augmenter. Ce qui a commencé comme un exercice en négociation de prix s est progressivement muté en affrontement diplomatique. En 2001 la Malaisie a declaré vouloir augmenter les prix de l eau pour 2002, et que cette augmentation pourrait être rétroactive (jusqu en 1986). Singapour, entre temps, cherche surtout à ce que son approvisionnement soit assuré jusqu en 2061, voire au-delà, le temps que sa technologie NEWater et ses reserves lui permettent d être complètement autonome. Depuis les tous premiers essais de traitement et de réutilisation de l eau en 1974, jusqu à l ouverture de centrales de traitement en 2002, Singapour devient moins dépendant de la Malaisie et arrive à «démilitariser» cette question. Après plusieurs années d impasses, Singapour a mis au point un nouveau plan pour accroître sa sécurité et son autosuffisance en eau. De lourds investissements ont permis l application des technologies de pointe en termes d urbanisme et de traitement afin d arriver à une gestion toujours plus efficace de l eau, notamment en matière de dessalement et de réutilisation des eaux usées et dans la gestion des bassins versants. Singapour a très rapidement été en mesure de négocier avec la Malaisie en lui montrant que sa gestion des eaux usées et des eaux de pluie, couplée à un encadrement institutionnel rigoureux, créent des alternatives viables à l eau malaisienne (Torjada, June 2006). La désalinisation de l eau joue un rôle essentiel dans le processus de sécurisation des sources d eau. À la fin de 2005, l usine de dessalement Tuas a été ouverte pour un coût de 119 millions de dollars. Conçue et construite par la société locale Hyflux, l usine utilise le procédé d osmose inverse pour extraire l eau douce de l eau saumâtre ou salée. Le coût de l eau dessalée au cours de sa première année d exploitation est de 0.78 dollar singapourien par mètre cube. L offre est également accrue grâce à la collecte, le traitement, et la réutilisation des eaux usées. Avec un territoire couvert à 100% par le réseau d égouts, toutes les eaux usées du pays sont collectées et traitées. Singapour est probablement l un des rares pays où l eau est réutilisée après un traitement ultra-sophistiqué utilisant des membranes de filtrage et des rayons ultraviolets de désinfection. La «NEWater» ainsi produite est ensuite principalement fournie aux clients industriels et commerciaux qui l utilisent dans leurs usines. 11

12 La «NEWater» est totalement potable et dépasse même les critères de potabilité définis par l Organisation Mondiale de la Santé (WHO). Mais elle n est pas encore commercialisée comme eau potable principalement à cause de la barrière psychologique des consommateurs à boire de l eau d égout traitée. A ce jour, quatre usines produisent la NEWater (Bedok, Kranji, Ulu Pandan, et Seletar). Le prix de la NEWater pour sa première année de distribution a été de 0.30 dollar singapourien par m3, nettement moins que le coût de l eau dessalée. Sur le plan institutionnel, le Public Utilities Board (PUB) gère actuellement tout le cycle de l eau de Singapour, et non seulement la gestion de l eau potable, de l électricité, et du gaz comme c était le cas avant En avril 2001, les missions d assainissement et de drainage ont été transférées au PUB, ce qui a permis de développer et de mettre en œuvre une politique globale de protection et d expansion des sources d eau, de gestion des eaux pluviales, de dessalement, de gestion de la demande, de gestion des bassins hydrographiques, de l externalisation du secteur privé, ou encore des programmes de sensibilisation du public. Le pays est aujourd hui plein de systèmes d égouts spécifiques à la collecte des eaux usées ainsi que de de canaux spécifiques à la collecte des eaux de pluie afin de faciliter les processus d acheminement et de traitement des eaux à grande échelle. Selon des spécialistes comme Long (October 2001), la question de la sécurité en eau ne se pose plus à Singapour. Si une coupure brusque et unilatérale venait à être executée d ici la fin 2010, les réserves en eau et les centrales de traitement des eaux permettraient à Singapour de ne pas avoir à négocier avec la Malaisie, et encore moins d avoir besoin de recourir à la force. Si l on ajoute à cela la possibilité de se référer à d autres Etats pour l achat d eau brute et le rationnement par industrie ou par habitant qui pourrait être mis en place, Singapour pourrait déjà être complètement débarassé de cette menace permanente de la part de son voisin. L étude de cas de Singapour est importante pour l avenir de la gestion des eaux urbaines en Asie. Au cours des 10 dernières années, l un des points les plus controversés à propos de l eau a été le rôle du secteur privé dans la gestion de l eau. Les débats et les sessions de discussion ayant eu lieu aux derniers World Water Forum 14 ont montré que les avis sur cette question sont très divergents. Indépendamment des mérites ou des inconvénients de toute implication du secteur privé dans la gestion des resources naturelles, il convient de noter que le secteur privé approvisionne actuellement entre 4 et 7% (les estimations varient beaucoup) des consommateurs urbains dans les pays en développement. Ainsi, une question à la fois fondamentale et urgente est de savoir comment rendre les sociétés publiques ou para-publiques efficaces afin qu elles puissent apporter un service abordable, équitable, et continu. En ce sens, le cas de Singapour est très intéressant Spratley et Paracel, les îles et les gisements de la discorde en mer de Chine Les îles Spratley et Paracel sont constituées d au moins petites îles coralliennes inhabitées d une superficie totale d environ 5 km². Elles se situent approximativement aux deux tiers de la distance séparant le Viet Nâm des Philippines, séparées du plateau continental de la Chine et de Taïwan par une tranchée de mètres vers le Nord. Aucune terre n y est cultivable, et aucune n abrite d habitants indigènes. Et pourtant la Chine, Taïwan, et le Viet Nâm revendiquent la zone toute entière, tandis que les Philippines, la Malaisie, et le Brunei Darussalam en réclament quelques parties. Tous ces pays à part le Brunei occupent quelques uns des îlots afin d appuyer leur droit de souveraineté sur le territoire (Cossa, March 1998). Le Brunei réclame le territoire car il constituerait une extension de son littoral tout le long de son plateau continental. La Chine affirme que le territoire était déjà utilisé par les pêcheurs chinois pendant le règne de la dynastie Han (206 avant JC à 220 après J.-C.) et que le traité de 1887 avec la France divisant le Golfe de Tonkin lui accorde toutes les îles se trouvant en mer de Chine méridionale (South China Sea). La revendication de la Malaisie se base sur l étendue de son plateau continental qui incluerait toutess les îles et tous les atolls au Sud et à l Est des îles Spratley. Pour les Philippines, la proximité des îles Kalayaan à ses frontières et le fait qu elles aient été longtemps considérées res nullius (sans propriétaire) légitime l appropriation du territoire. Selon Taïwan, l ensemble des îles lui revient de droit naturel du fait de la proximité historique et physique. Le Viet Nâm, quant à lui, soutient que toutes les îles lui ont été léguées par la France au moment de l indépendance. L enjeu fondamental derrière ces contradictions semble donc être lié à une question de souveraineté. Pour les Philippines, cet enjeu de souveraineté prend une dimension sécuritaire, car les îles seraient nécessaires à la protection de ses frontières. Les tensions liées à l obtention de la garde de ces îles, finalement peu utiles en soi, comportent donc d autres motivations. Il s agit pour les pays d utiliser le territoire pour étendre leurs zones économiques exclusives (EEZ), ce qui, en droit maritime, accorde la souveraineté en matière d exploration, d exploitation, de conservation, et de gestion des ressources naturelles, des eaux surjacentes, des fonds marins et de leur sous-sol. Cela revient surtout à pouvoir mener d autres activités tendant à l exploitation de la zone à des fins économiques (production d énergie à partir de l eau, des courants, des vents, et de toute autre forme de matière première). Cet espace représente un énorme potentiel en matière de gisements de pétrole, de gaz, et de ressources minérales. Surtout dans le cas du pétrole, les multiples revendications sont davantage basées sur les futures découvertes plutôt que sur les réserves réelles ou connues. Les premiers sondages montrant que la zone pourrait être riche en pétrole remontent à 1968, quand les autorités chinoises estimaient leur potentiel à 17,7 milliards de tonnes de brut. En mars 1976, la première compagnie pétrolière philippine découvrit un gisement pétrolier au large de l île de Palawan (île de mer de Chine méridionale appartenant aux Philippines), dont les champs pétrolifères fournissent 15% 12

13 de la consommation annuelle de pétrole aux Philippines. Stratégiquement parlant, les îles Spratley sont également très proches des voies maritimes les plus fréquentées au monde. En effet, dans les années 1980 au moins 270 navires de commerce empruntaient chaque jour les mers du Sud de la Chine. Aujourd hui, c est plus de la moitié du tonnage de pétrole transporté par mer qui y transite, chiffre en augmentation constante avec la croissance de la consommation chinoise de pétrole. Ce trafic est ainsi trois fois plus important que celui passant par le canal de Suez et cinq fois plus que celui du canal de PaNâma (Cossa, March 1998). Qui plus est, les Spratley forment une excellente base d observation des manœuvres de la flotte américaine. Autrement dit, c est pratiquement toute la croissance économique ainsi qu une part essentielle de la sécurité militaire de la région qui se retrouverait entre les mains de celle ou celui qui arrivera à mettre les mains sur le territoire. Mais comment se saisir de ce espace stratégique? Et si s en saisir est trop compliqué, comment empêcher les autres de le faire? Des accrochages opposant les flottes militaires des différents pays revendiquant les îles Spratley ont régulièrment lieu. En 1974, une courte bataille navale opposa la Chine au Viet Nâm du Sud, qui y perdit le contrôle des Paracel. Cet affrontement fut motivé par l attribution par Saïgon d autorisations de prospection à des compagnies pétrolières occidentales. En 1977, les Philippines tentèrent de s emparer du point le plus élevé de l archipel des Spratley, l île d Itu Aba, et des groupes d îles tenus par Taïwan. Repoussées d Itu Aba, les forces armées des Philippines obtinrent néanmoins les îles aux alentours. En 1978, la Chine reprit la plupart de ces îles et annexa en plus six îlots dans la région contrôlée par le Viet Nâm. En 1984, le Brunei établit une zone de pêche exclusive incluant les récifs Louisa (occupés par la Chine), mais ne les a jamais officiellement revendiqués. En 1988, la Chine et le Viet Nâm s affrontèrent pour la possession des récifs Johnson. La marine chinoise coula les navires venus soutenir une opération vienâmienne de débarquement. En 1991, la Chine et le Viet Nâm autorisent les forages d exploration pétrolière. Un des contrats est signé en mai entre Crestone Energy (compagnie pétrolière américaine) et la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC). Cette autorisation concernait une zone de 25,15 km² autour des Spratley et est prolongée en Or l extension concernait des zones revendiquées par le Viet Nâm et dans lesquelles PetroViet Nâm et ConocoPhilipps Viet Nâm Exploration & Production avaient été autorisées à prospecter en Ceci poussa à une nouvelle confrontation diplomatique, chacune des parties exigeant à l autre d annuler ses contrats. Une autre escalade est survenue début 1995 quand les Philippines découvrent des constructions militaires chinoises sur les récifs Mischief, à 240 km de l île de Palawan. Le gouvernement philippin protesta officiellement, et la marine philippine arrêta 62 pêcheurs chinois sur le banc de Lawak. Une semaine plus tard, le président philippin Fidel Ramos obtint, de la part de renseignements militaires, la confirmation que les structures chinoises étaient bien militaires, et ne servaient pas à pêcher. En 1996 l ASEAN fut mandatée comme intermédiaire entre la Chine et les pays d Asie du Sud-est revendiquant le territoire, ce qui aboutit à l engagement de s informer mutuellement de tout mouvement militaire dans les zones disputées et à ne pas édifier de nouvelles constructions sur les archipels. Cet accord fut rapidement violé par la Chine et la Malaisie : sept navires chinois jetèrent l ancre dans les récifs de Panganiban en invocant des réparations à effectuer après une forte tempête, tandis que la Malaisie dressa une structure sur Investigator Shoal et sur le récif Rizal (située dans la EEZ des Philippine). Les Philippines protestèrent, demandèrent le démantèlement des structures, et augmentèrent les patrouilles navales à Kalayaan. Au vu du nombre des Etats concernés, de la taille des enjeux énergétiques et financiers, et de l asymétrie du rapport de forces (principalement la capacité militaire de la Chine par rapport aux autres pays), il n est pas étonnant que certains perçoivent les îles Spratley et Paracel comme une zone susceptible de provoquer une guerre. La politique chinoise des «petits pas» (annexion progressive et discrète de petites îles), par exemple, a été interprétée comme une provocation par la plupart des pays d Asie du Sud-est. Au tournant de 2000 la Chine a accéléré sa stratégie «d émergence pacifique» (peaceful rise 15 ) et se montre beaucoup moins agressive au sujet des îles Spratley et Paracel. En 2002 elle a même été jusqu à conclure un accord empêchant tout différend sur ces territoires d être résolu par la force. La Declaration on the Conduct of Parties in the South China Sea 16, bien qu elle n établisse pas de code formel de conduite, sert à encadrer les différends en rappellant que les lois internationales en vigueur et la coopération économique doivent orienter les rapports des pays de la région (Swanström, 2006). Pour qu un mécanisme d entente puisse réellement émerger encore faudrait-il que l ASEAN puisse s exprimer d une seule voix. Car en plus du fait que 4 pays membres d ASEAN revendiquent le même territoire, l organisme connaît de plus en plus de divergences parmi ses membres. Selon Swanström (2006), la période marque le début d une scission à l intérieur de l ASEAN. Les condamnations d Anwar Ibrahim en Malaisie pour abus de pouvoir et homosexualité ont suscité des réactions mixtes parmi les pays de la région 17. La Thaïlande et les Philippines, par exemple, ont désaprouvé les manœuvres politiques derrière ces inculpations, ce qui est à l encontre de l approche discrétionnaire et non-interventionniste prônée par la charte ASEAN. L Association est en effet basée sur la reconnaissance d intérêts économiques communs et ne voit pas d un bon œil l intrusion d un Etat membre dans les «affaires intérieures» d un autre. C est d ailleurs cette formule qui a permis au Myanmar de rejoindre l organisation en 1997 sans que le régime en place ne soit inquiété par la façon dont il gouverne. Mais ce mode de fonctionnement constitue de plus en plus l une des grandes faiblesses de l institution ; en préférant le règlement de conflits par la voie informelle et bilatérale, certains s interrogent sur l utilité réelle de l institution. Le manque d engagement et de direction en/ a-fad8-11dd-b531-99d31a1e99e4/asa en. pdf. 13

14 d ASEAN mène donc certains dirigeants (Thaïlande, Philippines) à souhaiter une ouverture progressive vers le traitement formalisé des conflits et des différends, voire de certaines affaires intérieures ; d autres membres, Singapour, Malaisie, ou Indonésie, voient de tels changements comme une menace à l existence même de l Association. Dans ce contexte de méfiance et d opinions divergeantes, comment s attendre à ce que l ASEAN puisse servir de médiateur ou d interlocuteur? La Chine, quant à elle, refuse de céder sur sa stratégie du «triple non»: Non à l internationalisation du conflit, non aux négociations multilatérales, et non à la division de ses revendications territoriales. Cette stratégie donne à la Chine un avantage dans les négociations, car il est très difficile de contourner ses exigences. En avril 1997 l ASEAN et la Chine se sont pourtant rencontrés à Anhui (Chine) pour discuter de la dispute, mais tout ce qui en est ressorti est que la Chine a refusé un quelconque ordre du jour officiel à part les discussions portant sur «la paix et la stabilité régionale». Le choix de la Chine de mener toute discussion de façon informelle lui permet ainsi de ne pas s exposer à perdre la main dans un dossier sensible dont l issue pourrait lui coûter en termes d influence régionale. C est cette intransigeance qui a mené certains membres de l ASEAN, notamment les Philippines, à activement essayer d engager les Etats-Unis et le Japon comme médiateurs. Mais la Chine a toujours refusé cette possibilité, et même les pays membres de l ASEAN sont divisés sur la nécessité d internationaliser la question. De même, le recours aux Nations Unies ou à l Asia- Pacific Economic Cooperation (APEC) a été discrètement envisagé, mais plusieurs facteurs en font une option peu envisageable. Le droit de veto de la Chine au Conseil de Sécurité de l ONU l empêche de s immiscer dans le conflit, et l APEC n a aucun pouvoir de sanction. Même si la question des îles Spratley et Paracel semble sans issue, une confrontation militaire régionale reste peu probable. Bien entendu, la possibilité du recours à la force existe, mais cela ne serait envisageable que si une importante découverte de pétrole venait à être faite dans la zone, ou si une pénurie extrême de ressources énergétiques affectait l un des pays concernés. Depuis 2008 très peu de sessions de négociation ont eu lieu sur le sujet entre les Etats concernés, mais chacun a procédé à formaliser ses revendications de façon plus ou moins unilatérale ; en 2008 le Président de Taïwan a été le premier chef d Etat d un des pays concernés a se rendre sur les îles Spratley, en 2009 les Philippines ont instauré la Philippine Baselines Law qui inclue les îles Kalayaan et Scarborough Shoal dans le redécoupage de son territoire, et la même année la Malaisie et le Viet Nâm ont déposé des recours auprès de l Assemblée Générale de la Division for Ocean Affairs and the Law of the Sea des Nations Unies. Le potentiel pétrolier dans cette zone, et son exploitation, pose également des problèmes entre la Chine et les Etats- Unis. La récente découverte, dans les eaux cambodgiennes du golfe de Thaïlande, de champs pétrolifères dont les réserves sont estimées à 500 millions de barils de brut et de gisements de gaz naturel qui pourraient se monter à cent milliards de mètres cubes, pourrait générer un profit annuel de deux milliards de dollars à partir de Une chance pour le Cambodge? La course à l énergie dans laquelle sont engagés les États-Unis et la Chine pourrait trouver là un nouveau terrain de rivalité. Selon Françoise Mengin, la présence et la convoitise de la Chine dans cette zone délicate ne fait que compliquer les choses 18. Selon elle, la fin de la guerre froide n a pas fondamentalement modifié l intérêt que le Cambodge représente pour la Chine, même si aujourd hui l enjeu est différent. Au-delà des contentieux frontaliers historiques, il s agit bien entendu d intérêts économiques à défendre, mais également de limiter l influence américaine dans la région en s appuyant sur des accords privilégiés avec l ASEAN. Pour tenter de déplacer le centre de gravité de la région ASEAN vers ses propres frontières méridionales, la Chine privilégie le programme de développement de la sous-région du Grand Mékong (GMS) dont sa province du Yunnan est partie prenante 19. Au-delà des considérations d ordre stratégique, c est le territoire cambodgien lui-même qui intéresse Pékin. Le Cambodge offre à la Chine un débouché sur le golfe de Siam, ce qui facilite son accès aux ressources pétrolières du Moyen-Orient et celles à venir du Cambodge. Le Cambodge est également synonyme de forêts pour une Chine devenue le deuxième importateur mondial de bois derrière les Etats-Unis et qui a interdit toute exploitation sylvicole sur son propre territoire en Les différends frontaliers entre le Cambodge et le Viet Nâm et la Thaïlande sont d autant plus compliqués et que les gisements de pétrole et de gaz se trouvent dans ces zones historiquement disputées. Avec la Thaïlande, l origine du conflit se situe dans le traité passé entre la France et le Royaume de Siam (actuelle Thaïlande) en Située dans le prolongement du bassin de Pattani en Thailande (très productif), cette zone pourrait contenir d importantes réserves (11 Trillion Cubic Feet prouvés à ce jour). Le 18 juin 2001, un protocole d accord est signé entre le Cambodge et la Thaïlande sur la résolution du conflit et les modalités d exploitation d une Zone de Développement Commun. Depuis 2009 il semblait qu un compromis ait été plus ou moins trouvé, mais récemment les hostilités ont repris. En juillet 2009 le Bangkok Post se faisait l écho des nouvelles dispositions de la marine thaïlandaise dans le secteur disputé, signalant notamment l ouverture d une nouvelle base d information navale à Koh Kut. Deux annonces du Cambodge sont venues envenimer la situation : en avril 2010, le Cambodge renforçait son armée grâce à des fonds privés (firmes de télécommunications, fabricants de produits pétrochimiques, des banques et même une chaîne de télévision) 21 et en mai 2010 des accords Lancé en 1992 par la Banque Asiatique de Développement, ce projet vise à accroître les échanges et les investissements dans les secteurs des transports et de l énergie entre les riverains du fleuve (Myanmar, Thaïlande, Laos, Cambodge, VietNâm et la province chinoise du Yunnan). 20 Entre 1893 et 1941 plusieurs incidents opposent le Royaume de Siam et la France : une série de conflits, de défaites militaires et de traités avec la France ont fixé la frontière actuelle de l Est de la Thaïlande avec le Laos et le Cambodge, alors que le Siam déclarait contrôler ces deux territoires. Pendant la Seconde Guerre Mondiale la France règne encore sur un vaste empire colonial, qui jouxte la Thailande le long de sa frontière, puisque l Indochine française comprend le Laos, le Cambodge et le VietNâm. En 1940 la Thaïlande, soutenue par le Japon, considère que le déclenchement de la guerre en Europe crée des conditions favorables pour récupérer certaines provinces du Cambodge qu elle avait perdue entre 1900 et 1907 au profit de la France

15 d exploration/exploitation pétrolières auraient été signés entre le Cambodge et des firmes vietnâmiennes, japonaise et françaises (PetroVietNâm, JOGMEC et Total) 22, signifiant ainsi que le Cambodge est souverain sur ces territoires et qu il dispose des moyens pour le défendre Coopération énergétique régionale : projets, attentes, et déceptions Créée pour «accélérer la croissance économique et promouvoir la paix et la stabilité», l ASEAN est devenue une composante indispensable dans la régulation des relations entre les pays d Asie du Sud-est. Malgré les difficultés institutionnelles dans le domaine de la promotion de la paix (voir ci-dessus), l ASEAN joue son rôle d espace privilégié de dialogue entre partenaires économiques et commerciaux. La zone constitue aujourd hui un vaste marché de plus de 560 millions de personnes possédant un produit intérieur brut (PIB) cumulé d environ 610 milliards de dollars, et un total d échanges commerciaux s élèvant à plus de 700 milliards de dollars. Cette réussite au niveau économique est en partie due aux actions collectives fondées sur le principe de consensus, principe essentiel à la mise en œuvre des programmes de coopération régionale. L énergie joue depuis le début un rôle primordial dans l intégration économique des pays membres. Concernant le secteur énergétique, c est la Senior Officials on Energy Meeting (SOME) qui est responsable de la supervision, de la coordination, et de la mise en œuvre des programmes de coopération d ASEAN, tandis que la ASEAN Ministers on Energy Meeting (AMEM) fournit le cadre propice à l expression de questions et de préoccupations d intérêt commun en matière de coopération énergétique. La coopération pour la pleine utilisation du potentiel énergétique de la région est illustrée par l adoption, en 1997, du programme Vision Le programme préconise, entre autres mesures macro-économiques, d établir et de développer l interconnectibilité énergétique dans les domaines de l électricité, du gaz naturel, et de l eau à travers un ASEAN Power Grid, une Trans-ASEAN Gas Pipeline, et une Trans-ASEAN Water Pipeline. Le Hanoi Plan of Action 24 ( ) et le Vientianne Action Programme 25 ( ) définissent les étapes à franchir afin que le cadre politique et les modalités techniques de mise en œuvre des infrastructures régionales soient complétés. Trans-ASEAN Pipeline Project et autres projets régionaux Entre 1999 et 2004 de nombreux avancements concrets ont été faits dans les projets régionaux stipulés dans la Vision 2020 : achèvement du masterplan sur la Trans- ASEAN Gas Pipeline lors du ASEAN Council on Petroleum pdf. (ASCOPE 26 ) d octobre Le masterplan indiquait que les réserves en gaz naturel des sept pays de l ASCOPE étaient de 175 trillion standard cubic feet (tscf) pour les sources prouvées et de 94 tscf pour les réserves probables. A elle seule, l Indonésie comptait des réserves de 90 tscf (prouvées) et de 42 tscf (probables) ; création du Comité de Coordination pour la Trans-Borneo Power Grid Interconnection afin d étudier la faisabilité d un tel projet 27 ; adoption en juillet 2002 (20 ème AMEM à Bali) du cadre politique global pour la mise en œuvre du réseau électrique ASEAN et du gazéoduc Trans-ASEAN ; mise en place du cadre administratif nécessaire au développement des ASCOPE Model Gas Sales and Purchase (GSPA) et Gas Transportation Agreement (GTA) ; élaboration de propositions sur l utilisation et le transfert des technologies du charbon propre (Clean Coal Technologies) pour que celui-ci soit utilisé à l électrification de zones rurales et à l écologisation des centrales électriques au charbon ; promotion des énergies renouvelables à travers plusieurs projets transversaux (Joint ASEAN Minihydro Program (JAMP), COGEN 3, Information Networking for Promotion of Renewable Energy Sources in Southeast Asia (PRESSEA), ASEM Green Independent Power Producers Network (GR-IPP-Net), et ASEAN Small-Scale Renewable Energy Program (ASREP)) ; création de partenariats de coopération énergétique avec les principaux interlocuteurs de l ASEAN, à savoir l Australie, l Union Européenne, et le Japon. En 2001, la mise à jour du masterplan ASCOPE-TAGP prévoyait la construction de kilomètres de pipelines principalement sous-marins, d une valeur de 7 milliards de dollars. Le plan comprenait sept projets d interconnexion de gaz: 1) Malaisie péninsulaire - Singapour, achevé en 1991, 2) Yadana et Yetagun (Myanmar) - Ratchaburi (Thaïlande), achevés en 1998 et 2000, 3) Camago- Malampaya (offshore au Nord-Est de Palawan) - Batangas (Philippines), achevé en octobre 2001, 4) Natuna Ouest (Indonésie) - Singapour, achevé en janvier 2001, 5) Natuna Ouest (Indonésie) - Dugong (péninsule de Malaisie, achevé en octobre 2002, 6) Sud de Sumatra - Singapour, achevé en 2003, et 7) Malaisie-Thaïlande (Malaysia-Thailand Joint Development Area), achevé en 2005 (ASEAN Centre for Energy, 2003). Plus concrètement, le plan d action prévoit que la réalisation du TAGP se fasse selon les étapes définies par le protocole d entente (Memorandum Of Understanding, MoU) signé par les Ministres de l Énergie des pays membres d ASEAN au cours de la 20 ème AMEM (Bali) en juillet Le MoU sur le TAGP soulève notamment la question des partenariats public-privé (PPP), considérés comme essentiels au bon déroulement du projet. Le MoU stipule également que les pays membres peuvent lancer des études (individuelles et / ou communes) afin de soutenir et d encourager la production, l utilisation, la distribution, et les ventes de gaz naturel entre les pays d ASEAN. Sont également traitées les questions relatives aux frontières et aux cadres juridiques nationaux permettant d optimiser la construction et la maintenance des infrastructures nécessaires au projet (ASEAN, June 2004)

16 Le MoU précise en outre la marche à suivre pour réaliser le pipeline régional: Examen des modes de financement disponibles ou des arrangements relatifs au financement de la construction, de l exploitation, et de l entretien des pipelines, ainsi que la fourniture, le transport et la distribution de gaz naturel aux pays membres. Cela tient compte du rôle important du secteur privé, notamment dans la fourniture de capitaux d investissements nécessaires. Détermination des spécifications techniques appropriées telles que les normes de conception, de construction, et d exploitation, les consignes d entretien et de sécurité, et les normes répondant aux exigences internationales de protection de l environnement. Définition des arrangements contractuels pour le transport et la distribution de gaz naturel, y compris l adhésion au principe de libre accès et l acceptation des conduites en conformité avec les normes internationalement adoptées par l industrie pétrolière et gazière. Sélection des mesures appropriées pour assurer la sécurité des pipelines afin que le flux de gaz naturel soit ininterrompu. Prévision également de cadres de coopération en cas de graves perturbations de l offre, sous réserve de consultations mutuelles. Mise en place d un cadre de coopération pour atténuer les risques et les impacts environnementaux que la construction, l exploitation, et l entretien des pipelines pourraient engendrer sur les communautés concernées, tout en reconnaissant les droits de chaque pays membre à traiter la question conformément à ses propres lois nationales (mesures d indémnisation des populations ou processus de nomination d inspecteurs, par exemple) Adoption d un cadre administratif commun permettant d aboutir à des mesures facilitant la délivrance de permis, licences, consentements, et autres autorisations pour optimiser le transport de gaz entre les pays. Mise en œuvre d accords sur la fiscalité et les tarifs douaniers à appliquer lors de l importation et l exportation du gaz (droits de transit, taxes, ou autres redevances imposées sur la construction, l entretien, et le fonctionnement des pipelines). Étant donné l ampleur du projet, certains acteurs se disent prêts à poursuivre d éventuels prolongements au-delà de la zone ASEAN. Un pipeline reliant le Myanmar, le Laos, ou le Viet Nâm aux provinces chinoises du Sud (Yunnan ou Guangxi) fait par exemple déjà partie du plan d aide au développement du Grand Mékong (Greater Mekong Sub Region Program 28 ). La Thaïlande, quant à elle, a déjà signé un accord préliminaire pour importer de l électricité du Yunnan, et cette coopération sous-régionale pourrait s étendre au gaz si le marché approprié peut être crée. Sont également possibles des connexions avec l Asie centrale ou encore entre la Russie (Sibérie de l Est et Sakhalin) 28 et la Chine, la Corée du Sud, et le Japon. L Asie du Sud constitue également un marché particulièrement attirant, et la possibilité d y étendre le TAGP a déjà été soulevée au cours du India-ASEAN Business Summit d octobre Or, à ce jour, de nombreux délais techniques et diplomatiques ont empêché le projet de réellement dépasser le stade de la planification et des accords. En 2003, les principales réalisations du programme Trans- ASEAN Gas Pipeline étaient : l achèvement de l oléoduc de 470 km de gaz reliant Grissik (Sud de Sumatra) à Singapour ; la création du ASEAN Gas Consultative Council, la signature des accords entre les membres du ASCOPE pour que PETRONAS finance et gère les ASCOPE Gas Centers ; et la préparation d études préliminaires visant à déterminer la viabilité financière et énergétique d une joint venture créée expressément pour gérer le projet et répartir la production régionale de gaz (vente et transport). De nouvelles connexions régionales ont également été ajoutées au masterplan : d Indonésie (Arun, Natuna Est et Ouest) à la Malaisie (Kerteh) et à Singapour en 2010, d Indonésie (Natuna Est) à la Thaïlande (JDA-Erawan) pour 2012 et à la Malaisie (Sabah) et aux Philippines (Palawan- Luzon) pour 2015, et de Malaisie-Thaïlande (JDA) au VietNâm (Block B) pour Le Joint ASEAN Mini-Hydro Programme (JAMP) devrait, quant à lui, passer d un projet bilatéral entre l Allemagne et l Indonésie à un programme multilatéral qui incluerait l ASEAN Center for Energy (ACE) ainsi que le reste des pays membres de l ASEAN 29. La nouvelle stratégie permettra aux Etats participants de mettre en place le cadre de commercialisation des technologies «mini hydropower», très efficaces en matière d électrification de zones rurales difficiles d accès. Le gouvernement allemand s était engagé en 2003 à financer une partie des technologies nécessaires et à mettre en place un cahier des charges avant Dès décembre 2003 a été inaugurée une petite centrale d énergie renouvelable à Seloliman (Est de Java), suivie d une deuxième mini-installation à Trenggalek. Lancé en janvier 2002, l ASEM Green Independent Power Producers Network 30 (ASEM Gr-IPP Net) a crée sur Internet un site Web pour les producteurs indépendants d électricité produite principalement à partir d énergies renouvelables (IPP). Il établit un lien entre les principaux acteurs du secteur (chercheurs, industriels, décideurs, ONG) de l Union Européenne et d Asie du Sud-est afin qu ils puissent échanger connaissances, technologies, découvertes, et personnel qualifié. Financé par le programme INCO- DEV 31 de la Commission Européenne, le programme était initialement exécuté par six partenaires: L Université de Karlsruhe (Allemagne), la Foundation for International Human Resources Development (Thaïlande), la Energy Research Foundation (Pays-Bas), le ASEAN Centre for Energy, le Risoe National Laboratory (Danemark), et le Laboratoire d énergie solaire de l Université des Philippines. En 2003 l initiative a organisé la 3 ème Workshop ASEAN- UE des IPP (Danemark), ce qui a permis à la seconde phase du projet de se mettre en place en Grâce aux nouveaux fonds de la EC-ASEAN Energy Facility (EAEF), le réseau d experts s étend et le développement d énergies durables dans la région est de plus en plus concret

17 Autre projet régional, l Energy Supply Security Planning in ASEAN 32 (ESSPA) réunit le International Energy Economics of Japan (IEEJ) et l ASEAN Centre for Energy (ACE) afin de renforcer la capacité des pays membres d ASEAN à sécuriser leur approvisionnement énergétique. En 2003, le Groupe de travail ESSPA s est réuni à Manille pour discuter des quantités de pétrole dans la région et pour dessiner un programme détaillé pour Le programme couvre : l actualisation et la maintenance d une base de données énergétique de l ASEAN, la publication de ces données à intervalles réguliers, l évaluation des chiffres déclarés par les pays membres en termes de réserves énergétiques (ainsi que normalisation des méthodes d évaluation), et la finalisation du Energy Database System Enhancement qui permet aux spécialistes du domaine d accéder aux statistiques sur le secteur de l énergie. Des améliorations du système ont régulièrement lieu grâce aux multiples workshops organisés par ACE (Cambodge, Laos, Myanmar, et Viet Nâm en 2003). Toutes ces initiatives régionales montrent comment les Etats membres de l ASEAN entendent répondre aux défis énergétiques plus pressants. Renforcer les modes de coopération inter- et extra-régionale, développer des cadres institutionnels / juridiques / scientifiques spécifiquement dédiés au secteur des énergies renouvelables, assurer un approvisionnement sûr et fiable d énergie à travers des partenariats ciblés, et planifier l avenir énergétique de la région sur un pied d égalité font partie des méthodes visant à garantir l avenir énergétique de la région afin que celui-ci soit en mesure de soutenir sa croissance économique. Mais des projets d une telle ambition et d une telle ampleur semblent bien souvent en rester au stade de projet, ralentis par d interminables sessions de négociation et par la création de multiples comissions, comités, organismes, sous-secrétariats, bref, bien des instances représentatives et diplomatiques qui drainent du temps, des fonds, et des ressources humaines. Et si le processus de sécurisation des ressources énergétiques est si complexe parmi un groupement d Etats aux intérêts et aux méthodes a priori convergentes, que peut-il en être lorsque ce même groupement tente d intégrer la participation d interlocuteurs régionaux aussi importants qu incontournables (Chine, Inde, Japon)? La nécessaire cooptation / coopération des poids lourds (Chine et Inde) L interdépendance énergétique entre la Chine et l Asie du Sud-est représente un enjeu plus large qu une simple relation commerciale. L aspect énergétique est, selon Zhang (Spring 2007), fondamental pour la structure sécuritaire de la région sur le long-terme. L évolution de la Chine comme un acteur de plus en plus incontournable face à l ASEAN et l importance économique croissante d ASEAN pour la Chine mènent les deux parties à maintenir des relations suffisamment cordiales pour assurer leur prospérité économique, tout en restant fermes lorsque l équilibre menace de se rompre. Intervient à ce moment-là le jeu de la balance des pouvoirs, où l Inde, le Japon, et les Etats-Unis font savoir à la Chine qu elle n est pas la seule super-puissance dans la région et que les enjeux énergétiques ne doivent pas remettre en cause l équilibre stratégique qui régit les rapports économiques de la région Nous l avons vu plus haut, l Asie du Sud-est comprend toutes les routes maritimes par lesquelles transitent forcément les importations énergétiques de la Chine, du Japon, et de la Corée du Sud, qu elles proviennent du Moyen-Orient, d Afrique, ou d Amérique latine. Au moins une douzaine de passages stratégiques (détroits de Sunda, de Gaspar, de Lombok, de Makassar, et de Maluku) se trouvent dans la région, dont le détroit de Malacca et le South China Sea sont les plus importants. La forte concurrence entre les grandes puissances régionales s exprime par une course à la signature d accords et de traités stratégiques. La Container Security Initiative 33 (CSI) de 2002 et la Proliferation Security Initiative 34 (PSI) de 2003 ont, par exemple, lancé un processus de sécurisation du détroit de Malacca en matière de transport d armes de destruction massive et en termes de fixation de régles pour des eaux considérées comme internationales. En 2004, les Etats-Unis ont poursuivi le mouvement en proposant la Regional Maritime Security Initiative 35 (RMSI), destinée à ce que Singapour, la Malaisie et l Indonésie accordent aux Marines américains le droit de patrouiller les zones susceptibles d être affectées par la piraterie et le terrorisme. Fait éloquent en soi, la RMSI n a jamais vraiment été présentée comme un mécanisme ouvert à la Chine ou au Japon, aggravant les tensions relatives aux intentions américaines dans la zone. Le Japon et l Inde ont pris des mesures similaires afin d accroître leur contrôle sur le détroit de Malacca. En 2004, le Japon a présenté un mécanisme de sécurité pour lutter contre le piratage maritime, le Regional Cooperation Agreement on Combating Piracy and Armed Robbery against Ships in Asia (ReCAAP 36 ), proposition initialement refusée par les pays d Asie du Sud-est à cause du manque de clareté sur les implications concrètes de l accord sur la présence navale japonaise dans la région. Ce n est qu en 2006, lorsque l initiative fut revue sous forme de centre de recherche et d analyses sur les modes de sécurisation de la région, que 15 Etats ont accepté d y participer. La marine indienne, quant à elle, a mis en place des bases militaires sur les archipels d Andaman et de Nicobar dès le début des années 1990 et ne cesse de les renforcer 37. La Chine possède elle aussi sa stratégie de rapprochement avec ASEAN: en 2003 le Peace, Wealth and Stability Pact a été signé avec les Etats membres d ASEAN pour réitérer le fait que le développement économique de la Chine ne constitue pas une menace pour l Asie du Sud-est, mais bien une opportunité. La rhétorique du «peaceful rise» est renforcée de plusieurs initiatives économiques telles que le China-ASEAN Free Trade Agreement 38 (FTA), qui a crée la troisième plus grande zone de libre échange dans le monde (après NAFTA en Amérique du Nord et l Union Européenne). Du côté de l énergie, la Chine investit activement dans de nombreux projets dans les zones les plus rurales et pauvres d Asie du Sud-est, surtout au Nord de la Birmanie, du Laos, et du Viet Nâm (à la frontière de la province chinoise du Yunnan, très riche en zinc, plomb, étain, cadmium, indium, thallium, crocidolite, fer, charbon, cuivre, or, mercure, argent, et soufre)

18 Inversement, les pays d ASEAN reconnaissent l importance des grandes puissances dans le processus de croissance économique et de sécurité énergétique. Le cadre de travail du ASEAN+3, par exemple, a permis d élargir les négociations énergétiques à la Chine, au Japon, et à la Corée du Sud. Lors du 20 ème ASEAN Ministers on Energy Meeting (AMEM) de 2002, le premier SOME+3 (Senior Officials on Energy Meeting) a eu lieu, permettant ainsi des déclarations conjointes sur la façon de gérer les ressources énergétiques de la région (modes de stockage, facilitations commerciales, réseaux de transport de gaz et de pétrole, développement des énergies renouvelables, et politiques d utilisation efficace des énergies) 39. Plus particulièrement avec le Japon, déjà très présent dans la région à travers la Japan International Cooperation Agency (JICA), les sessions de consultation SOME- METI 40 (Ministry of Economy, Trade and Industry) ont été formalisées afin de renforcer la coopération entre ASEAN et Japon dans les domaines de l énergie, de la sécurité, de l infrastructure de réseaux électriques, du gaz naturel, de la conservation de ressources énergétiques, et des énergies renouvelables. Les deux interlocuteurs ont également développé les programmes Energy Supply Security Planning in the ASEAN (ESSPA) et Promotion of Energy Efficiency and Conservation 41 (PROMEEC) pour les industries. En 2002 ont eu lieu à Tokyo le Seminar on Energy Security in Asia et le ASEAN+3 / International Energy Agency (IEA) Joint Workshop, deux initiatives du Ministry of Foreign Affairs du Japon. Toutes ces preuves de rapprochement économique et énergétique furent confirmées en décembre 2003 lorsque les chefs d Etat d Asie du Sud-est et du Japon ont signé la Tokyo Declaration for the DyNâmic and Enduring ASEAN-Japan Partnership for the New Millennium 42 qui réitérait les engagements respectifs en matière de développement d infrastructures énergétiques, de centrales électriques, de réseaux de pipelines de gaz et de pétrole, et d investissements/ financements croisés. L Australie manifeste elle aussi son intérêt dans la sécurité énergétique de la région. De fait, l ASEAN Australia Economic Cooperation Programme (AAECP) existe depuis 1974 et lie les deux interlocuteurs en matière d assistance technique dans le domaine énergétique. L un des projets financés par AAECP, le Energy Policy and System Analysis Project (EPSAP), permet aux décideurs d acquérir les connaissances techniques des diverses énergies alternatives et l impact de leurs politiques énergétiques. Au niveau institutionnel, l Australie participe à une série de réunions consultatives : l ASEAN Regional Forum (ARF), l ASEAN-Australia Forum, les Post Ministerial Conferences (PMC) 9+1 et 9+10, la Joint Planning Committee (JPC) Meeting, et l ASEAN-Australia Business Council (AABC). L Union Européenne (UE) est une autre source importante de financements en matière de projets énergétiques en Asie du Sud-est 43. Dès les années 1980, des programmes tels que le ASEAN-EU Energy Management Training and Research Center (AEEMTRC), le EC-ASEAN Energy Facility (EAEF), le ASEAN Customs Institute For Training and Research (ACITAR), le ASEAN Timber Industry Research http:// meti_0409e.html and Development Centre, le ASEAN-EC Management Centre, le European Community Investment Partner Scheme (ECIP), et le EC-ASEAN COGEN Programme Phase 3 (COGEN 3). Il apparaît donc que la présence de grandes puissances est loin d être nouvelle dans la région. Ce qui change, c est l urgence avec laquelle les Etats cherchent à sécuriser leur approvisionnement énergétique afin de pouvoir répondre à la demande, et ce dans un contexte d épuisement des ressources énergétiques «traditionnelles». L accès non-restreint aux ressources naturelles (et donc aux ressources énergétiques) constitue un enjeu beaucoup trop important pour que la méfiance et les divergences d intérêts n entrent pas en jeu dans les rapports qu entretiennent les principaux acteurs économiques de la région. Bien entendu, tous les pays de la région sont, d une façon ou d une autre, liés par la culture, l économie, ou la sécurité, et sont donc obligés de passer par des compromis qui permettent de trouver des solutions à la fois pratiques et mutuellement favorables. Ainsi, le risque d un conflit explicite (armé) est écarté, mais rien n empêche les Etats de signer des accords bilatéraux et de former des alliances stratégiques afin d améliorer leurs chances d appropriation d emplacements riches en gaz ou en pétrole. Or, ce qu une partie obtient, une autre le perd, situation qui à terme aggravera les tensions et montrera les limites du soft power, du consensus, ou des déclarations. 18

19 Conclusion générale : La délicate question du nucléaire en Asie du Sud-est Dès sa fondation, les pays membres de l ASEAN se méfient de la double nature de la technologie nucléaire. Ong Keng Yong, Secrétaire général de l ASEAN entre 2003 et 2007, déclarait à ce titre: «It would be good for ASEAN members to discuss the moves towards nuclear energy collectively as there is a lot of uneasiness concerning its use». Ces inquiétudes collectives sur la prolifération militaire, sur les mesures de sûreté des centrales, et sur le traitement des déchets radioactifs ont été rassemblées en 1997 sous le Traité de Bangkok déclarant l Asie du Sud-est comme une Nuclear Weapons-Free Zone (NWFZ). Ainsi ce n est pas tant la nature sensible des technologies nucléaires qui préoccupe les Etats d Asie du Sud-est, mais les dérives que celle-ci peut engendrer dans une zone aux équilibres géopolitiques fragiles. Plusieurs projets et discours récents laissent présager du rôle central que l énergie nucléaire sera amenée à jouer en Asie dans les années à venir 44, alors que la tendance mondiale est de diminuer le recours à ce type d énergie. Les grands pays de la région comme la Chine 45 et l Inde 46 sont déjà en phase avancée du développement de l énergie nucléaire, particulièrement adaptée à la production massive d électricité, tandis que la Thaïlande, l Indonésie, la Malaisie, Singapour, et le Viet Nâm cherchent activement à se doter d experts et de techniciens pour évaluer la faisabilité de centrales nucléaires sur leur territoire. Le contexte actuel fait que certains pays sont plus agressifs que d autres dans la façon de se lancer sur cette voie, une variation directement liée à la capacité (réelle ou perçue) de ces pays à faire face à une éventuelle pénurie énergétique. En effet, à une époque où le marché du pétrole est hautement instable, où la sécurisation de l approvisionnement énergétique devient central à la croissance économique, et où l accent est mis sur la réduction des gaz à effet de serre, la voie du nucléaire est de plus en plus répandue, même parmi les pays qui autrefois balayaient d emblée cette option (ADB, June 2009). Selon un rapport de mars 2009 de l APEC et de l Asia Pacific Energy Research Centre, l Indonésie prépare la mise en place de sa première centrale nucléaire de mw, la première de quatre centrales qui devront être prêtes d ici La péninsule de Muria sur la côte Nord de Java- Centre représente pour l instant le site le plus à même de recevoir un tel projet (à ce jour reporté par le Parlement indonésien). Les études de site ont été réalisées depuis le début des années 1980 et en 2007 le gouvernement a créé le Nuclear Power Development Preparatory Team, chargé de mettre en œuvre les mesures préparatoires nécessaires. L Indonésie a mis au point sa propre chaîne de combustible nucléaire (indigenous nuclear fuel cycle), même si certaines étapes en sont encore à leur phase expérimentale en laboratoire. 44http:// php?page=article&id_article= html L agence nucléaire nationale, la Badan Tenaga Atom Nasional (BATAN 47 ) exploite actuellement quatre réacteurs nucléaires de recherche sur quatre sites servant de nuclear complex : Serpong, Bandung, Yogyakarta, et Pasar Jum at. Le pays compte en outre deux mines d uranium à l Ouest du Kalimantan, le Edo-Remaja (contienant entre et tonnes d uranium de à teneur ), et la Riang Tanah Merah (moins de tonnes d uranium à teneur ). Selon des estimations de l Agence Internationale de l Energie Atomique (AEIA), l Indonésie pourrait produire environ 770 tonnes d uranium par an. Aux Philippines, la centrale nucléaire de Bataan fut construite en 1976 sur une faille géologique qui l a empêchée de servir à la production d électricité. La construction, parmi l un des projets les moins réfléchis de Ferdinand Marcos, a généré une dette colossale puisque le coût de construction est estimé entre 1,9 et 2,3 milliards de dollars. En janvier 2008, une équipe d experts de l AEIA a été dépechée à Bataan afin d évaluer les perspectives de réhabilitation de la centrale. Deux recommandations principales ressortent du rapport : premièrement, avant toute prospection économique, l état de la centrale doit être soigneusement évalué par des inspections techniques plus poussées et menées par un groupe expérimenté d experts nucléaires. Deuxièmement, le pays devra se doter d infrastructures adéquates, de normes de sécurités appropriées, et de main d œuvre extrêmement qualifiée avant d envisager une reprise de son programme nucléaire. Le rapport de l AEIA ne précise pas si la centrale est utilisable ou pas, ni combien coûterait sa réhabilitation totale. Mais le fait que les Philippines importe toutes ses ressources énergétiques suffit pour qu un programme de recherche conjoint entre le Department of Science and Technology (DOST) et le Department of Energy (DOE) relance le projet nucléaire du pays en mettant l accent sur les initiatives de capacity-building et de développement d une expertise nucléaire locale. La formation de jeunes scientifiques et d experts techniques requiert des programmes d échanges et de bourses avec les pays déjà expérimentés dans ce domaine, ce qui induit pour les années à venir de lourds investissements dans l enseignement supérieur et les cadres institutionnels 48. La Thaïlande, quant à elle, prépare le développement de centrales nucléaires de mw (2 000 mw en 2020 et mw de plus en 2021) afin de réduire sa dépendance énergétique ; environ 70% de l électricité thaïlandaise provient du gaz naturel, principalement importé de Birmanie. Le plan d action est divisé en deux phases distinctes: la première phase, de 2007 à 2014, est une étape préparatoire consistant à mener des études de faisabilité, à investir dans une main d oeuvre qualifiée, à sélectionner les sites potentiellement appropriés, à acquérir les technologies nécessaires, à mettre en place le cadre juridique et normatif, et à informer le public. La seconde phase, de 2015 à 2020, serait dédiée à construire les centrales. A partir de 2021, les réseaux électriques du pays pourraient commencer à être alimentés par l énergie nucléaire et permettraient, selon une déclaration récente de Piyasvasti Amaranand (Ministre de l Energie), de répondre à une hausse des besoins en électricité de 1,14% par an tout en préservant le climat d une aggravation du réchauffement. Une étude de

20 faisabilité de l Electricity Generating Authority of Thailand (EGAT) a retenu cinq sites susceptibles d accueillir le projet de centrale : deux dans la province de Surat Thani et les autres à Nakhon Si Thammarat, Trat, et Nakhon Sawan. Au Viet Nâm, le Premier Ministre a signé en janvier 2006 la décision N 01/2006/QD-TTg 49 relative au développement et à l utilisation pacifique de l énergie nucléaire d ici Le plan vise l approbation en 2010 d un plan de financement pour la construction d une première centrale, plan qui devra également tenir compte de l impact socioéconomique et des investissements en infrastructures fonctionnelles. Le Ministry of Industry and Trade (MOIT) a d ores et déjà soumis une étude de pré-faisabilité d une centrale de mw à Ninh Phuoc ou à Ninh Hai (deux districts de la province de Ninh Thuan, au centre du pays), opérationnelle courant La Malaisie, qui dépend du gaz naturel pour générer 60% de son électricité, se lance elle aussi dans la course à la diversification de ses ressources énergétiques et prépare son propre programme nucléaire civil. Selon le dirigeant de Tenaga Nasional Bhd (TNB), le nucléaire permettra de stabiliser le prix de l électricité dans un contexte de raréfaction des ressources en gaz et d instabilité du prix du charbon. Le gouvernement et la société nationale d électricité TNB visent 2025 pour la mise en service de la première centrale nucléaire malaisienne, qui bénéficiera du savoir-faire technique de la France et de la Corée du Sud. Bien que plus de deux fois plus chère qu une centrale électrique au charbon (entre 1 et 3 milliards de dollars, une centrale nucléaire de mw permettrait au pays de sécuriser ses besoins en électricité et deviendrait rentable sur le long-terme. Quelques éléments viennent néanmoins troubler ces perspectives prometteuses: la méfiance du public face à la sécurité de l énergie nucléaire, le manque de spécialistes abilités à utiliser les technologies de pointes spécifiques au secteur, et le fait que, selon certains économistes, les finances du pays ne sont pas capables de faire face aux coûts de maintenance des centrales à court- ou à longterme. La Malaisie va prochainement prendre contact avec l ONU et l AIEA pour établir un calendrier précis. Pour des Etats ayant peu ou pas d expérience dans le domaine, comme c est le cas de la plupart des pays d Asie du Sud-est, les nombreuses avancées en terme de technologies de fission nucléaire et de cadre juridique international rendent l énergie nucléaire viable: la réduction des coûts, l amélioration des dispositifs de sécurité, de meilleurs moyens de traiter les déchets toxiques, et les engagements de non-prolifération. Mais ces arguments ne suffisent pas à rassurer le public, et sont même réutilisés pour protester contre l adoption de tels modèles énergétiques; la prolifération nucléaire peut être restreinte mais pas complètement empêchée, la gestion des déchets est souvent opaque et polluante, les normes de sécurité sont contournables et ne garantissent pas le «risque zéro», et les investissements initiaux restent élevés pour des pays où une grande partie de la population ne possède même pas de quoi se loger décemment. Ces contre-arguments, pas complètement faux, compliquent et ralentissent le processus de nucléarisation des pays d Asie, sans parler du fragile équilibre diplomatique qui doit être maintenu entre des pays inégalement dotés en ressources naturelles, en superficie, en autonomie énergétique, en capacités économiques et/ou industrielles, et en force militaire

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