La charia dans le Nord-Nigeria 1. La violente polémique qui secoue actuellement MAGAZINE 141. Débat Terrain Documents. Murray Last

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1 141 Débat Terrain Documents Murray Last La charia dans le Nord-Nigeria 1 Cet article analyse brièvement l application récente de la charia au Nord-Nigeria. Il met en évidence les facteurs qui ont conduit à l instauration de cours islamiques, les réactions populaires à celles-ci et les possibles compromis politiques avec les États majoritairement chrétiens. Plutôt qu un système de droit unique le Nigeria sera sans doute contraint de mettre en place des dispositifs juridiques différents d un État à un autre. Les effets politiques et économiques de cette application différentielle sont encore incertains. La violente polémique qui secoue actuellement le Nigeria au sujet de l application de la charia ne représente que le nouvel épisode d une controverse qui se poursuit depuis plus de cinquante ans, depuis l époque où les hommes politiques ont commencé à dresser les plans du Nigeria indépendant. L enjeu était alors l étendue d une décolonisation réclamée par tous. Aux yeux des musulmans, leurs terres avaient été colonisées par une culture chrétienne qui avait pénétré au plus profond de leur vie de tous les jours: si le christianisme ne leur était pas imposé, les valeurs et les façons chrétiennes (ou du moins «occidentales») d organiser le gouvernement sous-tendaient toutes les structures de l État touchant à leur vie quotidienne. L aspect le plus visible de cette influence était le calendrier et le rythme des semaines et des jours fériés, mais son aspect le plus important était l introduction de procédures juridiques et de lois britanniques à côté d une loi islamique dont le domaine de compétence, par édit colonial, était strictement limité aux questions civiles. Vivre dans la plus stricte observance de la charia constitue l un des idéaux caractérisant une communauté musulmane: la charia est perçue comme étant le modèle fourni par Allah pour assurer l ordre et la justice. Son rétablissement n est donc pas désirable uniquement en termes de religion, mais également en termes politiques: on prétend que ce n est qu à travers la charia que la société musulmane nigériane a des chances d échapper au bourbier de la corruption et du mauvais gouvernement, à l effondrement de la justice, à l immoralité de la richesse ostentatoire, à l alcool et à la prostitution, aux épidémies de cambriolages et de vols à main armée, au chômage désespérant de la jeunesse citadine. Les structures qui permettent, et engendrent même tous ces maux, sont associées à l Occident chrétien et aux années de gouvernement colonial et d acquiescement postcolonial. Toutes les autres solutions qui ont été tentées depuis l indépendance, qu elles aient été militaires ou démocratiques, ont visiblement échoué: la seule solution qui reste, aux

2 142 Débat Terrain Documents yeux de beaucoup, est donc le rétablissement de la communauté musulmane à travers un retour complet à la charia. L instauration de la charia C est dans ce contexte de désillusion, voire de désespoir, que les gouverneurs de toute une série d États du nord du Nigeria ont été obligés, malgré leurs réticences, d annoncer l application de la charia. Lorsque le premier gouverneur à procéder de la sorte (et le seul à avoir fait campagne sur cette question) a fait l annonce officielle de son planning pour l application de la charia, lors d un «lancement» spécial en novembre dernier, elle fut accueillie par le silence ou par l amusement de l élite politique et administrative; le Sarkin Musulmi de Sokoto n a même pas assisté à la cérémonie. Une telle décision fut interprétée comme le résultat de manœuvres politiciennes internes au Zamfara, de la part d un gouverneur à la recherche d un soutien renforcé auprès d autres notables de l État: diplômé de l université Ahmadu-Bello, Ahmad Sani Yeriman Bakura n était connu, jusque-là, ni pour sa piété ni pour son intérêt particulier pour les études islamiques. Au grand étonnement de l élite, la réponse populaire, au sein de larges sections de la communauté musulmane, a été extrêmement enthousiaste: le gouverneur a été salué comme le «mujaddidi» (le rénovateur), terme réservé exclusivement, auparavant, au fondateur du califat de Sokoto, le cheik Ousmane dan Fodio ( ); même les taxis et les bus ont fait le geste de réduire leurs tarifs pour les trajets vers Zamfara. Du jour au lendemain, un État qui s était distingué dans fort peu de domaines (en dehors de son agriculture) est devenu «saint». Et il est même devenu «héroïque» lorsque les hommes politiques chrétiens du sud du Nigeria ont dénoncé une telle décision comme barbare et anticonstitutionnelle, et qu ils ont proféré des menaces de représailles et des vitupérations acerbes dans les médias sous le contrôle du Sud campagne qui se poursuit toujours aujourd hui. Les États du Sud sont même allés jusqu à demander que leurs ressortissants membres du «Youth Corps» soient retirés des «États charia», pour leur propre sécurité. (Les neuf États charia, à ce jour, sont le Zamfara, le Sokoto, le Kebbi, le Niger, le Katsina, le Kano, le Jigawa, le Yobe et le Borno.) Une voix apaisante s est fait entendre à Abuja: pour le président Obasanjo, il s agissait d une crise qui devait être réglée par des mesures politiques et non constitutionnelles; sa résolution ne résidait pas dans une conférence constitutionnelle nationale ni dans un renvoi devant la Cour suprême. Le gouvernement fédéral a exercé une pression politique (et peut-être financière) sur les gouverneurs des États. Cependant, pour la première fois, les chefs politiques du Nigeria se sont retrouvés dans une situation où ils devaient suivre l opinion publique plutôt que de la mener. Un gouverneur (tel celui de Kano), considéré comme hésitant sur la question de la charia, a fait l objet d injures et de malédictions à chacune de ses sorties publiques, et a même été lapidé; il ne lui était plus possible d assister à des rassemblements publics, ni surtout de se rendre à la mosquée le vendredi quand les foules se réunissaient pour acclamer le gouverneur du Zamfara aux cris de «Allah akhbar». Aujourd hui, quelque neuf États en sont à des étapes différentes de l application de la charia: promulgation de la législation nécessaire, formation des juges pour ses cours de justice et discussions sur

3 Politique africaine n 79 - octobre ses différents modes d application. Le climat actuel est celui d une forte attente sociale : parmi certains (des chauffeurs de taxis-motos aux enseignants des universités et aux agriculteurs), il existe une croyance millénariste selon laquelle ils sont à l aube d une nouvelle ère, que des changements de grande ampleur vont se produire très prochainement et que les hommes politiques vont trembler devant les juges de la charia lorsqu ils devront jurer sur le Coran de leur honnêteté. D autres se montrent plus cyniques et attentistes, persuadés que des compromis émergeront rapidement et imperceptiblement. Quelques voix isolées, émanant parfois des groupes musulmans les plus exigeants (tel celui d Ibrahim Zakzaky), prétendent que cette forme d application de la charia n est qu une imposture, qu un État islamique ne peut pas être créé du jour au lendemain par simple annonce, qu une reconstruction sociopolitique totale est nécessaire. Pourtant, même ces voix ne s opposent plus à ce qui se passe. Parmi tous les musulmans, un consensus se fait autour de l idée que la charia est juste. La saison sèche 1420 (ou ) aura été une période remarquable dans la politique nigériane un siècle exactement après la conquête, par des forces conduites par les Britanniques, de Kano, Zamfara et Sokoto lors de la saison sèche de l an 1320 du calendrier musulman (soit 1903). Quelle sera l évolution de cette situation dans les années à venir, au fur et à mesure que la charia deviendra une pratique de routine et qu un modus vivendi sera trouvé entre les différentes parties de la communauté chrétiens, hommes d affaires et banquiers, vendeurs de boissons alcoolisées, avocats, médecins et policiers? Pour l instant, la tenue d une cour islamique dans un village constitue une nouveauté qui rassemble une petite foule venue là pour écouter, ou du moins voir, ce qui se passe. On a vu la première amputation d une main l homme, voleur de bétail de son propre aveu, a par la suite accordé un entretien dans lequel il approuvait la justesse de sa punition. On a fondé les premières forces de «police» musulmanes (et un criminel prétend déjà avoir réussi à les soudoyer). On a fermé les bordels, et les prostituées sont parties vers des États non-charia ou vers les villes situées à la frontière de la République du Niger, à la recherche d un travail ou de lieux pour exercer leur métier (il semblerait que les clients aient tendance à les suivre, et des groupes de vigiles ont commencé à «surveiller» les voitures de ces derniers). Les petits métiers auxiliaires qui offraient des services de luxe à ces femmes relativement aisées ont également dû fermer, et les services de fast food qu elles proposaient aux voyageurs ont souvent été repris par des hommes, musulmans ou chrétiens. Si les bars possédant une licence pour vendre de la bière ont demandé (et obtenu) le droit de poursuivre leurs activités, ils réaménagent leurs locaux pour pouvoir offrir des divertissements à leurs clients (en se dotant de téléviseurs, vidéos ou tables de billard). Certains buveurs invétérés parmi les musulmans auraient été jusqu à se faire établir une deuxième carte d identité avec un nom chrétien, pour éviter d être fouettés au cas où ils se feraient prendre. À ce niveau de la société, on a déjà vu de telles choses. Il y a eu des tentatives par le passé d appliquer les lois sur les boissons alcoolisées et la prostitution notamment en , mais également par la suite. Ici, comme aux États-Unis, la prohibition a tendance non seulement à faire monter les prix (première

4 144 Débat Terrain Documents cible, et la plus visible, de la nouvelle austérité, les prostituées feraient déjà payer davantage tout en offrant moins), mais aussi à ressusciter de vieilles histoires qui racontent les escapades du passé et les ruses du présent. Cependant, il existe également des dilemmes de portée plus étendue qui seront potentiellement plus coûteux à résoudre. Prenons, par exemple, la séparation des hommes et des femmes dans les transports en commun : l idéal serait qu ils voyagent dans des véhicules séparés, ou du moins que les femmes s installent à l arrière. Si de telles pratiques sont possibles dans les minibus, elles ne le sont pas dans les taxis. Et encore moins sur les taxismotos, omniprésents et très pratiques, qui ont quasiment remplacé les voitures dans le parc de taxis de nombreuses villes. Dans la ville de Gusau, le gouverneur du Zamfara mène un combat féroce contre l utilisation de ces motos par les femmes : une femme ne doit pas monter dessus à moins d être l épouse du chauffeur (les femmes amènent souvent deux ou trois enfants avec elles sur la moto, comme si elles voulaient attester de leur situation conjugale). Tant que l on n aura pas trouvé de compromis (ou tant que l État n aura pas créé son propre système de transports), les femmes musulmanes qui voyagent seules vers les universités ou les lieux de travail à la périphérie de la ville (et leurs maris) vont trouver que la vie est vraiment très compliquée et, en fin de compte, plus chère. Le coût des déplacements constitue un intense sujet d inquiétude publique; une grève générale provoquée par la hausse abrupte des prix de l essence a paralysé le pays tout entier, obligeant le gouvernement à faire marche arrière et à présenter ses excuses. Si les prix augmentent «pour cause de charia», le gouverneur se retrouvera confronté à une forte pression populaire en faveur d une modification de sa position. Car la charia est perçue comme un moyen de réduire le coût de la vie, non de l augmenter. On croit que la justice sera moins chère, comme le gouvernement, une fois que le coût de la corruption sera éliminé des dépenses de l État. On a parlé de fonds qui devaient arriver du Moyen-Orient mais, récemment, le gouverneur affirmait toujours ne pas avoir reçu un seul naira d aide. On a parlé également de la construction d une université islamique avec un financement de la région du Golfe. Toutefois, en raison du prix élevé du pétrole en ce moment, le gouvernement fédéral a pu augmenter les sommes allouées aux États ainsi que les salaires versés aux employés fédéraux (de sorte qu un professeur d université, par exemple, gagne aujourd hui quelque huit fois plus qu il y a deux ans). L introduction de la charia crée de nouveaux espoirs que l argent de l État sera effectivement bien utilisé, et le gouverneur du Zamfara tient à montrer la voie. Son administration étant heureusement relativement réduite, il verse à ses employés un salaire minimum au-dessus de la moyenne (6 500 nairas par mois), les salaires de base pour les jeunes diplômés étant également au-dessus de la moyenne (on parle de nairas par mois). Il a promu les détenteurs d offices locaux, augmentant considérablement le nombre de conseils d émirat de l État. Il a montré de l intérêt pour les plus pauvres en rachetant assez de céréales pour contenir les hausses de prix lors de la «saison de la faim», au moins pour les aliments de base (à savoir le blé de Guinée ou le maïs, très bon marché avec un prix se situant aux alentours de nairas le sac, ou 25 nairas par tiya ce qui, selon certains, est un prix trop bas

5 Politique africaine 145 La charia dans le Nord-Nigeria pour permettre aux fermiers de faire des bénéfices). Il a tenté d organiser des hommes d affaires pour qu ils contribuent à la zakat dans l intérêt de la communauté, par exemple en fournissant du capital pour que des pauvres puissent créer des commerces, mais ils préfèrent le distribuer eux-mêmes car personne, pour l instant, ne fait tout à fait confiance au gouvernement. Les mendiants viennent de très loin pour voir le gouverneur en personne et lui demander l aumône, et, lorsqu il s y refuse, l événement fait la une des journaux. On ne manque pourtant pas de marteler l idée de base selon laquelle les valeurs islamiques sont les valeurs du gouvernement. Ainsi, le gouverneur a interdit le travail dans les administrations le vendredi (où l on ne travaillait déjà qu une demi-journée en raison de la prière de midi), pour que les fonctionnaires puissent assister aux prêches et aux séances d enseignement qui se déroulent sur la place publique principale de Gusau. Bref, sa politique n est pas seulement «islamiste», elle se réclame aussi de l État-providence. Et les travailleurs les plus pauvres sont en mesure de bénéficier de ses réformes, ce qui n est pas toujours le cas dans d autres États. Comment les gouverneurs des autres États vont-ils pouvoir rivaliser avec tous ces avantages? Évidemment, l application de la charia est une stratégie qui n apporte la gloire qu à celui qui en a l initiative, tous les autres gouverneurs qui y procèdent par la suite étant perçus comme de simples «imitateurs». Mais, en dehors de cette question de «scoop politique», d autres États pourraient connaître de réelles difficultés s ils suivaient le modèle du Zamfara, car le Zamfara n est pas un État comme les autres. Sa ville principale, Gusau, a toujours eu peu d industries une usine de coton et une autre d huile d arachide, et son âge d or en tant que nœud ferroviaire pour l exportation massive de cultures de rapport (dont le tabac) appartient au passé. Gusau n est pas une métropole comme Kano ni une ville fortifiée comme Zaria, deux villes possédant un patrimoine ancien d offices traditionnels et de familles riches depuis des générations. Gusau est connue pour ses marchands, dont la plupart sont originaires de Kano, traditionnellement opposés à l «establishment»; connue également pour son commerce transfrontalier rentable qui, du point de vue technique, s apparente souvent à de la contrebande (si l on effectue des paiements, ils ne sont pas forcément officiels). Ses marchands et savants ont toujours eu des tendances radicales, apportant leur soutien à la confrérie tidjanniya réformée (ce qui a provoqué les émeutes antitabac des années 50). Plus récemment, on a pu constater que les réformateurs Izala de feu Abubakar Gumi, lui-même homme de Zamfara, avaient de nombreux partisans, dont le gouverneur. Mais l État est réputé surtout pour son agriculture (dont il est très fier), qui fournit du travail à tous ceux qui en veulent. L État n est pas totalement musulman: il existe des communautés maguzawa et zamfarawa traditionnelles, mais la plupart de ces communautés se sont converties soit au christianisme, soit à l islam, et les chrétiens indigènes résidant dans l État sont peu nombreux (il est généralement plus convivial de vivre entre chrétiens dans les villes plus importantes). Les chrétiens venus de l extérieur pour s installer à Gusau sont plus nombreux, mais la charia ne devrait pas les concerner. Certains chrétiens ayant des emplois qualifiés sont toutefois déjà partis, au cas où la situation deviendrait difficile et que les prix

6 146 Débat Terrain Documents de l immobilier s effondreraient, mais leur nombre n est pas connu les banques de Kano ont annoncé d importantes sorties de fonds. La plupart des commerçants du Kano avec lesquels j ai parlé, et surtout ceux du Sud-Est, ont déclaré qu ils attendaient de voir comment la situation allait évoluer. Alors pourquoi le Zamfara? Ce qui est intéressant, c est que cet État a une longue histoire d islamisme radical. C est ici, à la fin du XVIII e siècle, que le cheik Ousmane dan Folio a commencé à prêcher les réformes, dans le contexte des structures brisées d un ancien royaume de Zamfara récemment conquis par l État montant de Gobir. Les jeunes se sont tournés vers l islam en grand nombre, adoptant le port du turban et se joignant, comme étudiants, à la «caste» des spécialistes musulmans, se soustrayant ainsi à la guerre, à l esclavage (ainsi qu à l imposition) et au travail sur les fermes de leurs pères. Le royaume s était rendu célèbre pour ses tisserands qui s exportaient même vers le sud pour travailler au Dahomey. Il avait hébergé les colonies d étudiants de Fulbe modibbe à Birnin Gada et des marchands-étudiants de Wangara dans la ville de Yandoto, située sur la route de l or et de la cola qui allait d Ashanti à Kano et à Katsina. C est à Birnin Gada, il y a deux siècles exactement (en 1220 selon le calendrier musulman, soit en 1805), que le fils du cheik, Muhammad Bello, a distribué des drapeaux de guerre aux lieutenants convoqués pour mener le djihad à travers toute cette région, qui devait prendre le nom du califat de Sokoto ; il leur a annoncé la nouvelle selon laquelle son père était sûr que la fin du monde approchait, et expliqué que leur tâche était de préparer l umma musulmane à la venue du Mahdi. C est également parmi les Zamfarawa que les forces du djihad, meurtries par leurs défaites à Gobir, se sont réfugiées pour fuir la famine et la maladie; et c est de là qu elles ont surgi à nouveau pour conquérir Kebbi, puis Gobir. Après le djihad, cependant, le centre du nouveau califat n a pas été établi à Zamfara, mais à deux cents kilomètres plus à l est, à Sokoto et à Gwandu. La région de Zamfara est devenue un lieu de transit dangereux entre les deux capitales et leurs territoires à l est et au sud. En tant qu espace marginal, il a pu continuer à héberger de petites communautés dissidentes ultra-orthodoxes (comme les Samodawa ou les Salihawa) ou «païennes» (haoussa ou fulbe, comme les Rahazawa) ; et la région s est ouverte aux fermiers et commerçants itinérants après que le pouvoir colonial eut pacifié des campagnes jusque-là exposées aux razzias et aux voleurs une zone frontalière dans laquelle ceux qui avaient été libérés de l esclavage ou de la servitude pouvaient aller en quête d un nouveau départ. Bref, le Zamfara n était pas une région soumise à un establishment tout-puissant. Pendant près de cinquante ans, elle a été un bastion du Nepu, le parti d opposition d origine dans la région, puis de ses successeurs ; elle apporte aujourd hui son soutien à l APP plutôt qu au PDP au pouvoir. Traditionnellement, dans le nord du Nigeria, l opposition ne cherche pas le renversement, par la révolution, du gouvernement au pouvoir, mais plutôt la restauration de pratiques et de valeurs islamiques de base, pour le bien de la communauté dans son ensemble. Elle a tendance à toujours être contre la hiérarchie, populiste et islamiste en même temps. La politique poursuivie actuellement au Zamfara n est donc pas étonnante.

7 Politique africaine 147 La charia dans le Nord-Nigeria Une démocratie islamique? Mais pourquoi maintenant? Avec la fin des quelque treize années de pouvoir militaire ( ) et le retour à la démocratie, les attentes sont très fortes trop fortes, si l on tient compte des difficultés du gouvernement. En tant que premier Yoruba à détenir une telle position (certes sans avoir fait campagne en tant que Yoruba), le président Obasanjo est aujourd hui perçu comme favorisant systématiquement les intérêts et les populations yoruba. En témoigne l émeute survenue à Kano au mois de juillet 1999 et qui, pour la première fois, a pris pour cible les résidents yoruba, en laissant intacts les commerces appartenant à des Igbo. Les conditions de vie à Kano se sont probablement dégradées depuis, étant donné que la fourniture de services tels que l eau, l électricité et (généralement) l essence est extrêmement inégale d un mois à l autre, que l on ne dépense quasiment rien sur les marchés et que les commerces ferment (la production d électricité avec du diesel, cher et difficile à trouver, n étant plus rentable), créant de plus en plus de chômeurs qui se retrouvent confrontés à la faim. (On souligne parfois le fait que, selon la charia, voler de la nourriture lorsque l on meurt de faim ne constitue pas un crime.) Peut-être plus important est la longue tradition qui veut que le seul chemin possible vers la réforme politique passe par un vrai retour à une bonne pratique de l islam. L argument est simple: en fin de compte, c est Allah qui décide, et pour influencer Sa décision il faut donc Lui plaire. C est Son déplaisir face à notre comportement qui a provoqué nos malheurs et, pour regagner Ses grâces, nous devons nous comporter mieux. Avec le temps, Allah récompensera la communauté (et nous) en lui accordant la prospérité. Ce raisonnement explique la réponse du peuple à la mauvaise gestion du gouvernement Abacha; plutôt que de se mettre en colère contre lui, on s est mis à jeûner deux fois par semaine, à lire le Coran tous les mois, à prier régulièrement et à assister aux cours d instruction islamique. La même chose s est déjà produite dans les années 20 en réponse au pouvoir colonial britannique/chrétien: on s est tourné vers la confrérie tidjanniya réformée comme moyen d expression d une spiritualité personnelle retrouvée, on a institué le purdah pour les femmes à des niveaux de la société qui ne l avaient jamais connu, et des familles jusque-là incultes se sont mises à encourager les jeunes à apprendre le Coran par cœur. De même, les conditions très dures de la vie quotidienne actuelle appellent à un retour à une vie qui plaise à Allah, car on est sûr qu Il répondra. Il ne s agit donc pas d une forme radicale d «intégrisme» ceux qui soutiennent l application de la charia ne sont pas des radicaux, mais plutôt des musulmans modérés. La «démocratie» a constitué un nouveau départ, et le choix démocratique du peuple veut que ce nouveau départ soit fondé sur la charia. Lors d une visite récente à Kano, Madeleine Albright a été surprise d être remerciée (certes avec ironie) pour l introduction de la charia: «mais c est grâce à la démocratie», lui a-t-on expliqué. Ceux qui font campagne pour cette nouvelle «démocratie» de la façon la plus vigoureuse sont évidemment les jeunes activistes. Ce rôle primordial des jeunes n est pas nouveau dans les mouvements de réforme islamique (et autres) : dans la société haoussa, ce sont les jeunes qui se battent et qui donnent des ordres, les aînés se tenant à l écart de la lutte et des manœuvres politiciennes. Il n en reste pas

8 148 Débat Terrain Documents moins que ce sont les jeunes qui se montrent le plus ouvertement enthousiastes vis-à-vis de l application de la charia, et il n est pas sûr que la situation serait la même sans cet enthousiasme. Il semblerait que les femmes soient, dans l ensemble, plutôt enthousiastes et que les plus jeunes ne rechignent pas à se recouvrir de leurs nouveaux habits: on voit même dans les campagnes profondes les filles de fermiers les porter. L éducation islamique des femmes a connu une forte augmentation, et les familles font souvent des sacrifices financiers pour payer des cours particuliers à leurs jeunes; il n y a jamais eu autant de travail pour les étudiants islamiques, mais leurs revenus sont faibles et incertains. À l intérieur des foyers, d anciens rites et habitudes sont en train de disparaître: ainsi, le bori privé semble moins courant, le tabagisme est rare et certaines traditions entourant les accouchements ne sont plus pratiquées. La culture domestique «traditionnelle» que j ai connue il y a trente ans n existe plus. Une justice divine? À quel point la charia représente-t-elle une nouveauté dans le Nord-Nigeria? L innovation clé est son application dans le domaine criminel. La solution précédente (généralement toujours en vigueur) au dilemme de la charia était le Code pénal de 1959 institué par le gouvernement régional du Nord sous le Sardauna de Sokoto, sir Ahmadu Bello. Le Code avait pris pour modèle des codes semblables appliqués au Soudan et au Pakistan (deux pays également sous pouvoir britannique) ; il avait établi la charia, sous une forme codifiée, comme base de la loi civile, mais modifié certaines de ses procédures dans le domaine criminel, notamment en excluant l amputation en cas de vol, la lapidation en cas d adultère et la décapitation en cas de meurtre, la flagellation (haddi ) pour certains actes tels que la consommation d alcool étant en revanche retenue; des barèmes avaient été fixés pour les peines d emprisonnement et les amendes. Les affaires impliquant des musulmans étaient généralement jugées dans des cours alkali, alors que les autres passaient devant les tribunaux de première instance ou les tribunaux mixtes (avec un alkali comme membre ou comme assesseur). Alors que, avant 1958, la charia était rangée dans la catégorie du droit «coutumier» ou indigène, le Code pénal avait supprimé cette infériorité par rapport à la loi nigériane (inspirée par le système britannique), pour l établir dans le cadre d un code unique appliqué à tous les résidents du nord du Nigeria. Selon ce système, la loi était appliquée par la Native Authority (le gouvernement local de chacun des principaux émirats), qui gérait ses propres systèmes de police locale et pénitentiaire séparés de ceux du gouvernement fédéral, tout en restant secondaires par rapport à cet échelon national. Les premières tentatives d application à la lettre du Code pénal ont provoqué quelques controverses (notamment dans des cas impliquant des chrétiens) et des anomalies, par exemple en ce qui concerne la punition de musulmans ayant consommé de l alcool. Mais le problème le plus grave a été le détournement des cours alkali à des fins politiques et partisanes : le parti au pouvoir, le NPC, s est servi de ces cours afin d arrêter ses opposants lorsqu il le souhaitait, malgré l opposition de certains juges, tandis que la police de la Native Authority et les employés des prisons tabassaient les détenus. Dès 1965, la situation devenait intolérable.

9 Politique africaine 149 La charia dans le Nord-Nigeria En réponse aux crises qui ont suivi le coup d État de 1966 et ont abouti à la guerre civile, les réformes de 1968 ont aboli les gouvernements régionaux ainsi que les Native Authorities, et les ont remplacés par douze États. Ces États ont repris les systèmes juridiques des régions, en donnant aux cours alkali le nom de «cours locales» (area courts) et en plaçant la police et les prisons sous autorité fédérale. Alors que les cours de première instance étaient soumises à des règles formelles concernant les preuves en matière de crime, les cours locales devaient seulement être «guidées» par ces mêmes règles. L objectif du gouvernement militaire était de restaurer l image d une justice sérieusement ternie par la politique partisane afin de gagner un soutien populaire plus large dans la guerre pour préserver l unité du Nigeria. Mais, même sans être politisées, les cours alkali sont devenues synonymes de pratiques corrompues, notamment dans les cas de divorces et de litiges impliquant la terre. Il n est pas rare que les greffiers placent deux corans, dont un seul complet, à disposition pour prêter serment contre paiement, on peut prêter serment sur l exemplaire incomplet et éviter ainsi les conséquences d un mensonge sous serment. Certains juges n ont pas hésité à avoir recours à des définitions assez larges de la notion de «preuve» permettant par exemple aux esprits de témoigner à travers des personnes possédées, ou convoquant parfois des sorciers à la barre. Si ces pratiques sont contestées à l intérieur de la profession, la confiance de la population en ces cours reste également très faible. Les avocats ont le droit de défendre un client devant n importe quelle cour, surtout en faisant en sorte que le procès traîne en longueur: pour faire avancer la date du jugement, il faut de l argent. Dans un tel système, le particulier ne se rend pas devant la cour pour obtenir justice, mais plutôt pour faire en sorte que cela coûte plus cher à son adversaire qu à lui-même; il s agit là d un système de punition plutôt coûteux. On dit même que la police, dans des cas de vols à main armée ou de saisies de drogues dures, préfère abattre ceux qui sont arrêtés plutôt que de les déférer devant la cour. Comme les juges des cours de rang inférieur ont des salaires très bas (insuffisants, par exemple, pour s acheter une voiture; aujourd hui, certains États donnent des voitures à leurs juges), les procédures sont tout naturellement devenues une source de revenus complémentaires, comme c est le cas ailleurs dans le monde. Il en va de même de la police du Nigeria dont les salaires, surtout les plus bas, ne sont parfois pas versés pendant des mois. Dans de telles circonstances, il est difficile de maintenir la discipline. Du fait de ces problèmes dans l administration de la justice, il n est guère étonnant que les gens placent dans la charia tous leurs espoirs d une nouvelle ère de justice. Les gouvernements qui l appliquent (tel celui du Zamfara) cherchent visiblement à réformer leur système judiciaire afin de regagner le respect du peuple et confondre ceux qui les critiquent. Ainsi, les nouveaux juges sont bien rémunérés (on parle de nairas par mois) et ils ont des voitures ; on les recrute parmi ceux qui détiennent des diplômes et des qualifications juridiques, et on leur donne une formation complémentaire. Il existe donc une forte pression morale pour qu ils fassent la preuve de leur incorruptibilité et une presse peu complaisante pour les surveiller de près. Constitutionnellement, les avocats doivent avoir le droit d exercer dans ces cours mais

10 150 Débat Terrain Documents on ignore, pour l instant, si tel sera le cas ; de même, on ne sait pas si les personnes morales par opposition aux personnes physiques seront soumises à la juridiction des cours de la charia. Certains commerçants chrétiens m ont raconté que, actuellement, ils préfèrent présenter les litiges concernant des affaires de dettes devant les cours de la charia: leur plainte y est traitée plus vite et le remboursement des dettes s avère plus rapide (et moins cher). Si le nouveau système réussit à éviter la corruption, une demande populaire en faveur de l extension de ses compétences est à envisager. Une opération «mains propres» partie de la base pourrait très bien avoir une influence sur la moralité à des niveaux sociaux plus élevés, de même que c est la pression populaire qui a forcé les gouverneurs à écouter la colère du peuple et à lancer le processus d application de la charia. Vers un éclatement de la fédération? Évidemment, des problèmes subsistent encore. Il semblerait que la question constitutionnelle ne soit pas sérieusement remise en cause. Les États ont le droit d établir le système de lois de leur choix, à condition de faire adopter la législation correspondante. Au Zamfara, cela a été fait avec tout le soin nécessaire, d après ce que m ont dit des avocats (hostiles à ce processus). Mais d autres aspects des relations entre les États et le niveau fédéral restent problématiques, telle la façon d appliquer la loi. Le gouvernement fédéral dispose actuellement d un monopole sur les agences d application de la loi; c est un inspecteur général qui dirige la police nigériane, non les gouverneurs des États. Pourtant, le gouverneur reste l officier en chef de la sécurité pour son État et, en tant que tel, il dispose du droit de donner des instructions à la police, sauf dans certaines circonstances bien précises. Le gouverneur du Zamfara a donné à la police l ordre d assurer le respect de la charia, mais la police hésite à s impliquer. Il semblerait que cette réticence s explique en grande partie par le fait qu il existe des opinions divergentes au niveau du gouvernement fédéral. Les bandes de vigiles à Lagos (l Oodua People s Congress, par exemple) mènent depuis des mois une guerre continuelle contre la police, et bénéficient d un soutien politique; tel est le cas également à Onitsha, où les Bakassi Boys ont remplacé la police en tant que principale force de dissuasion contre les voleurs, encore une fois avec le soutien du gouverneur de l État. Alors, lorsque le gouverneur du Zamfara crée le yan sandar musulunci (comme on appelle les officiers spécialisés dans l application de la charia, référence au nom de l ancienne police de la Native Authority) et leur distribue des uniformes, des casquettes et des bâtons, il remet en question le monopole du gouvernement fédéral sur les forces d application de la loi mais seulement lorsque ces forces ne se sont pas mises au service de sa loi. Un autre problème est celui des conditions de détention de ceux qui sont condamnés à des peines de prison par les cours de la charia ; on peut supposer que ces peines seront purgées dans une prison fédérale, mais que se passerat-il si le système pénitentiaire du gouvernement fédéral s y refuse? Les États pourront-ils construire de nouvelles prisons, éventuellement avec un nom différent qui soit approprié? Et les amputations? Elles sont généralement exécutées sous anesthésie dans des hôpitaux, mais le Conseil médical du Nigeria (en grande

11 Politique africaine 151 La charia dans le Nord-Nigeria partie sous contrôle chrétien) vient d annoncer qu il radierait de l ordre des médecins tous ceux qui pratiqueraient une amputation judiciaire. On peut certes former des chirurgiens et des anesthésistes spécialisés dans l amputation judiciaire, mais cela remettrait en cause la juridiction formelle du Conseil médical du Nigeria sur la régulation de la pratique de la médecine dans le pays, juridiction établie dans la loi. Ainsi, l enjeu essentiel est la définition des domaines de compétence du gouvernement fédéral et des États. Comme le gouvernement fédéral contrôle tous les revenus pétroliers et leur attribution (et que le pétrole représente de loin la plus grande partie des revenus de la nation), son effet de levier sur chacun des États fédérés pour les pousser à se conformer à son opinion peut paraître important d où les déclarations des États producteurs de pétrole du sud du pays selon lesquelles une «pression populaire» de la base exigeait que les revenus pétroliers soient conservés par les États producteurs. Tout le monde sait quelles seraient les conséquences de tels arguments l éclatement de la fédération, et personne ne souhaite une telle chose. Comme l a dit le Président, le problème est de nature politique et non constitutionnelle; mais la solution à ce problème politique reste à trouver. Si la charia réussit à offrir une vraie justice à la communauté musulmane (et, ce faisant, ne désavantage pas les chrétiens dans son application pratique comme le voudrait la théorie), le débat politique devrait, avec le temps, devenir moins brûlant. L alternative est effrayante: à Kaduna, par exemple, le débat a dégénéré, provoquant des jours entiers d émeutes et faisant des centaines de morts, sans compter les habitations, mosquées, églises, commerces pillés et brûlés; des contre-émeutes à Aba ont ensuite fait trois cents morts de plus. La raison pour laquelle les agences de sécurité n ont pas su anticiper la violence n est pas claire ; les gens s étant rendus ouvertement à Kaduna par bus pour ces manifestations initialement pacifiques, la préparation de l émeute ne pouvait pas rester longtemps cachée. En conclusion, le premier point important est que les gouverneurs et les Assemblées des États ont constitutionnellement le droit d introduire une législation qui applique formellement la charia ou tout autre système judiciaire à l intérieur de leur État. La Constitution de 1979 est assez explicite, et aucune révision de la Constitution n a été promulguée depuis cette date, malgré différentes tentatives. La question, ouverte à des compromis politiques, concerne les points suivants: l étendue de la juridiction des cours de la charia: s applique-t-elle aussi aux personnes morales et pas seulement aux personnes physiques?; les autres systèmes (s il y en a) qui seront établis à l intérieur des États (ainsi, il y a actuellement des tribunaux de première instance, mais leur existence n est pas «automatique»); vraisemblablement, des détails pratiques tels que les règles de procédure et les preuves, les procédures d appel et les peines, pourront être modifiés par les législations des différents États. Par exemple, je me demande comment, dans les faits, les confessions qui constituent souvent la principale preuve à conviction dans les cours de la charia sont obtenues de la part des accusés, et quel est le degré d intimidation policière toléré par certains États. Il est probable que le Nigeria va se trouver doté de plusieurs systèmes juridiques variant

12 152 Débat Terrain Documents d un État à l autre. On ne connaît pas, pour l instant, les effets de ces différences sur les flux commerciaux, sur les investissements extérieurs dans les différents États et sur leurs disponibilités en main-d œuvre qualifiée. Certains chrétiens sont inquiets, et les États dont la prospérité dépend fortement de leur dimension cosmopolite et de leur tolérance vis-à-vis des étrangers devront apaiser ces craintes, plus que d autres États moins ouverts sur l extérieur. Les conséquences économiques de la charia, qui varient selon le caractère plus ou moins strict de son application, pourront avec le temps avoir des effets sur la façon dont les États la pratiquent. La charia peut incontestablement avoir des répercussions bénéfiques sur le commerce: le fait d escroquer Allah pèse beaucoup plus lourd sur la conscience que le fait d escroquer l État postcolonial ou d enfreindre ses lois. Enfin, les Nigérians jouissent actuellement d une liberté étonnante, en comparaison du contrôle et des restrictions d il y a quarante ans, à l époque où j ai commencé à vivre dans ce pays. Pour certains, ces libertés sont allées les ont disparu, en même temps que celles imposées par le gouvernement. Ainsi la charia constitue-t-elle aussi une réponse à la liberté sans entrave des autres, liberté ayant tendance à profiter aux plus aisés et aux plus violents plutôt qu aux plus pauvres. Et ce sont ces pauvres qui souhaitent aujourd hui se servir de la charia pour limiter la liberté excessive des puissants et des riches effectivement, il s agit peut-être de la seule façon pour eux de le faire. Même si cette tentative devait échouer, ils sauront que ce qu ils ont fait était juste. Murray Last University College, Londres 1. Cet article a été rédigé à partir de notes prises au cours d une visite purement personnelle que j ai effectuée dans le Nord-Nigeria en juillet Personne n a donné d entretien; les idées et les opinions ont été exprimées lors de conversations informelles. J exprime ici mes remerciements à tous, et j espère qu ils trouveront dans ces lignes une interprétation juste de leurs propos. Si tel n est pas le cas, je leur adresse mes sincères excuses. Quoi qu il en soit, toutes les erreurs sont de ma responsabilité et non de la leur.

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